Donn Pearce (Luke la Main froide)

Citation :

Donn Pearce naît en 1928 dans un quartier pauvre de Philadelphie. Il quitte sa famille à l’âge de quinze ans pour rejoindre l’United States Merchant Marine, alors corps auxiliaire de l’US Navy durant la Seconde guerre mondiale. « Trop jeune ! », lui rétorque-t-on. Qu’à cela ne tienne, Donald Mills Pearce (de son vrai nom) se présente au bureau de recrutement de l’US Army en déclarant qu’il a 16 ans. Il est enrôlé mais ne se fait guère à la discipline militaire. Et les autorités apprennent rapidement son âge véritable. La sentence tombe : trente jours de trou. Sa peine effectuée, Donn est viré de l’armée. « Tant mieux ! ». Les mois ont passé, il a maintenant seize ans révolus et s’engage dans la marine marchande. Le jeune officier marinier Pearce part pour Venise, Bombay, l’Espagne, le Danemark et la France. L’Europe d’après-guerre est le paradis du marché noir. Donn devient faux-monnayeur de devises américaines jusqu’au jour où, à Marseille, il tente de corrompre un policier. Il est démasqué, arrêté, jugé et jeté en prison. Affecté au nettoyage des extérieurs des Baumettes, il se fait la belle et rejoint la frontière italienne. Les autorités françaises ayant conservé ses papiers professionnels et d’identité, il s’en fabrique de nouveaux et signe pour un embarquement à bord d’un navire en partance pour le Canada. De là, il retourne en Amérique et entame une nouvelle carrière : le cambriolage. En 1949, Donn Pearce est arrêté. Il a alors 21 ans. Il est condamné à deux ans de travaux forcés au Florida Department of Corrections. En 1951, après avoir purgé sa peine, il vit de petits boulots, honnêtes ceux-là, et écrit comme un forcené. Et c’est en 1965 que le mythique éditeur new-yorkais Scribners repère son premier roman, Cool Hand Luke, largement inspiré de son expérience de tôlard. Le livre est un succès immédiat en ces années où le combat pour les droits civiques prend de plus en plus d’importance. Cool Hand Luke est adapté en 1967 par Stuart Rosenberg à partir d’un scénario de Pearce lui-même. Cette reconnaissance littéraire lui vaut alors d’être embauché comme journaliste chez Playboy et Esquire. Donn a aujourd’hui 82 ans et vit à Fort Lauderdale, en Floride.

bio reprise sur lekti-ecriture.com


Luke la Main froide
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Bernard Hœpffner

Citation :

« Rapidement, Luke Jackson était devenu une icône de la contestation, la référence dramatique de la cool attitude. En 1967, nous vivions de luttes pour les libertés et de LSD – deux ans plus tard, je tournerai Easy Rider. Ce jeune mec, condamné au bagne pour avoir décapité des parcmètres, symbolisait parfaitement l’esprit de désobéissance qui nous animait. Qu’il soit sorti de l’imagination d’un ex-taulard, passé par la marine, la fausse monnaie et le cambriolage, rajoutait à l’anticonformisme d’un personnage élevé depuis au rang de mythe cinématographique. Le charisme de Luke, sa résistance à la brutalité, ses interrogations sur l’existence d’un Créateur concourent à faire de cette histoire un manifeste humaniste et politique. […] J’étais au Festival de Cannes quand Rosenberg m’a appelé sur le tournage de Cool Hand Luke. On me proposait de tenir le rôle d’un maton et de me couper les cheveux. Hors de question ! J’ai donc incarné Babalugats, l’un des détenus, la coupe fut moins sévère et Newman devint le type le plus cool d’Hollywood. »

Dennis Hopper

"Trouvé" sur une table du libraire, feuilleté par curiosité, s'est fait apprécié par la belle présentation (avec repro couleur de l'affiche au début et photo n&b de Newman par Hopper à la fin) et le traducteur rencontré pour un autre livre (Moo Pak) à cette même librairie et qui donne envie de lire.... que des bonnes raisons, en plus du film.

Une histoire de forçats qui "sent le vécu" avec un argot mesuré mais des manières au naturel... typiquement pas la lecture avec laquelle on se ravit des merveilles du langage mais quelque chose d'efficace, sans chichis mais pas bradée. Si bien comprendre toutes les tâches et l'outillage des forçats n'est pas toujours simple la traduction est alerte et bien rythmée, sans fausses notes, et ça compte pour ces histoires là.

Il se passe quelques pages avant l'arrivée de Luke, c'est d'abord une présentation du camp de Raiford, la découverte de l'Equipe Taureau utilisée pour l'entretien des routes de la région par tous les temps. Le récit de Luke n'est qu'indirect, par le narrateur et par les histoires racontées a posteriori par son pote Dragline (grande gueule édentée). L'atmosphère du temps, du travail, de la répétition... Luke la Main froide est d'abord une histoire il devient le mythe, le modèle, un espoir. C'est important pour le sens de ce livre qui n'est pas que Luke, qui est aussi ce qu'il signifie pour chacun, par sa force, sa liberté, son endurance... voire son indifférence qui peut être se tapis derrière son cool.

C'est aussi une génération qui s'est battue pendant la seconde guerre mondiale et qui par cette expérience "en plus" ne peut pas accepter tout état des choses.

On se prend au livre petit à petit, du lien fort qui se tisse que les protagonistes soient proches ou non les uns des autres, une espèce d'intimité dans l'adversité des règles dures et de la violence imposée. C'est plus qu'une image de liberté immuable et trop schématique, c'est plus détaché, un peu plus triste aussi.

A défaut d'être le livre du siècle c'est une lecture pas mauvaise du tout assez humble et plutôt bien menée (ça passe tout seul, pas si évident que ça).

Jamais lu ce livre, mais bien aimé le film..
D'après ta description de lecture, tu devrais trouver aussi un certain plaisir avec le film.. en tout les cas la performance de Paul Newman vaut le détour

Je serais étonnée qu'Animal n'a pas vu le film ! Mais c'est clair que si c'est le cas, faut absolument y remédier.

oui moi aussi je pense qu'Animal a vu le film.

serait donc intéressant de lire ce livre, lecture peut-être sous influence de Newman (?)

vu le film, il y a un certain temps certes avec quelques scènes qui restent comme le manger d'œufs, un creusage de trou, ... je crois cependant qu'il y a de vraies différences avec le livre qui est plus en extérieur et moins resserré sur le personnage de Luke, le regard plus montré à travers le livre se trouvant induit chez le spectateur par le film. Newman assure mais la fine équipe du livre est probablement plus rustique (Dragline édenté), plus sale (par la force des choses), plus abimée. La posture un peu plus glamour rend quand même bien le truc de Luke, la manière de rester cool.

le reverrai tout volontiers le film. huhu.

ah oui, je te crois volontiers que le livre 'passe mieux' pour certains personnages / certaines scènes, je l'ai en tout cas noté

Luke la Main froide

Petit coup de pouce d'Animal pour découvrir ce livre, et je l'en remercie.

C'est un livre qui nous plonge dans l'univers carcéral des Etats-Unis d'avant, où les bagnards cognaient dur sur les cailloux, nettoyaient les voies de circulation avec des chaînes aux pieds, dans la poussière, sous le soleil, et dans une solidarité virile et brut comme un roc.

Un livre qui dit ce qu'il a à dire, pas de prétention, de leçon de morale ou de vision objective du monde. C'est un regard partial, tendre, affectueux et mélancolique (désabusé) sur la vie de ses hommes. Avec la guerre pas loin, qui marque, qui perturbe, et qui rend difficile le retour au "vrai" monde.

Pearce prend le temps de nous poser le cadre de ce pénitencier, de son règlement stricte, des Boss, de l'organisation. On comprend rapidement qui sont les prisonniers, la monotonie abrutissante de leurs journées, le silence permanent auquel ils sont forcés, les tâches dures et lourdes qui matent le corps. On discerne l'image de ceux entre deux, les prisonniers qui ont des tâches faisant lien entre les Boss et les autres. Et les Boss. Leurs flingues toujours à porter de main, leurs lunettes aux vitres miroir, leurs bottes, leurs regards.

Et là, Luke débarque. Et tout de suite, il ne se fond pas tout à fait dans la masse. C'est quelque chose qui se pressent. Petit à petit, par son impertinente nonchalance, par son flegme rugueux, il va forcer l'admiration des bagnards et la crainte des matons.

Petit à petit, je n'ai pu m'empêcher de lire et lire et lire. Je suis rentrée dans cette histoire tranquillement, et puis j'étais dedans, avec eux, juste un tout petit peu tenue à l'écart, en observatrice partiale.

Je ne me souviens pas très bien du film (sauf de la scène des œufs, qui est terrible), je vais le revoir, mais en tout cas, si vous avez l'occasion, lisez ce livre, il est bon, sans chichiterie, sans en faire trop, il raconte une vraie histoire, quelque part la naissance d'une légende, d'un symbole, dans un univers clos et sans espoir.