Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Emile Zola

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colimasson
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyLun 10 Nov 2014 - 15:03

Pas le meilleur, je dirais même l'un des pires. Emile Zola est généralement remarquable comme psychologue et décortiqueur sentimental mais dans ce roman, il est loin de ses analyses habituelles. Bon, la Terre constitue peut-être quand même un document intéressant pour comprendre les mythes et légendes urbaines qui régnaient en ville autour du monde rural profond ?
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyLun 24 Nov 2014 - 18:21

Le Rêve (1888)


zola - Emile Zola - Page 21 Dcfeee10

Emile Zola pensait avoir rempli « la case réservée pour l’étude de l’au-delà » avec son Rêve mais à l’au-delà religieux et inaccessible auquel on pense spontanément, l’écrivain nous propose un imaginaire sacré et merveilleux qui relève plutôt de l’ici-maintenant du fantasme.


Tout commence avec la lecture de la Légende dorée de Jacques de Voragine. Ce livre, consacré aux saints de la tradition chrétienne, est la source de l’émerveillement enfantin d’Angélique, recueillie par des parents adoptifs après une nuit de souffrances glaciales. Les motifs traditionnels des descriptions zoliennes s’égrainent cette fois sur le mode de la découverte intérieure. Les saints, les diables et les miracles deviennent les déclinaisons de modes d’émerveillement ; les symboles sacrés se drapent de tissus et de couleurs sans cesse redécouverts dans la répétition du travail quotidien de la broderie. Dans son univers clos, Angélique confond le rêve et la réalité. Pour quelle raison les miracles de la Légende dorée ne se produiraient-ils plus ? Innocente dans sa conception de l’amour, elle ne rêve plus que de rencontrer l’image pure et idéale, presque christique, de celui qui l’aimera et qui se dévoilera à elle sans se présenter, au-delà de la superfluité des mots et des usages.


Le Rêve ne se brise pas à cause de la naïveté d’une enfant insouciante. Emile Zola s’attaque presque à la volonté toujours trop pragmatique d’adultes qui se vouent à la réalité comme à un refuge contre leurs fantasmes. Le rêve échoue à cause de la réalité, sa faillite tient tout entière dans le manque de foi.


Après la magie d’un premier temps d’innocence édénique, le Rêve se transforme en cri de révolte outré contre le péché de tristesse et de désespoir des parents. Angélique refuse le modèle qu’on lui propose en héritage. On entend la voix de Henry David Thoreau qui écrivait :


«  Nulle façon de penser ou d’agir, si ancienne soit-elle, ne saurait être acceptée sans preuve. Ce que chacun répète en écho ou passe sous silence comme vrai aujourd’hui, peut demain se révéler mensonge, simple fumée de l’opinion, que d’aucuns avaient prise pour le nuage appelé à répandre sur les champs une pluie fertilisante. Ce que les vieilles gens disent que vous ne pouvez faire, vous vous apercevez, en l’essayant, que vous le pouvez fort bien. »


Car après tout, puisque les parents sont malheureux, à quoi bon écouter leurs conseils et suivre leur exemple ? La mort plutôt qu’une vie indigne. Mais Emile Zola n’est pas un chantre de la dissidence et ses considérations plus nuancées nous conduisent bientôt à l’étape supérieure de la réflexion. Parcours existentiel et cheminement initiatique vers une spiritualité moins parjure s’alignent pour conduire la bouillante petite fille à la sage jeune femme.


Le Rêve, récit d’une passion en trois étapes, ne mérite absolument pas sa réputation de parenthèse innocente et inconsistante. On oserait presque croire que l’âme d’Emile Zola y palpite dans toute la faiblesse de son cœur d’homme…


zola - Emile Zola - Page 21 Noli_m10

Quelques exemples de la magie onirique contenue par les récits de la Légende dorée :

Citation :
«  Et la souffrance ne compte pas, les saints restent pleins de mépris, ont une hâte, une allégresse à souffrir davantage. Un continuel miracle d’ailleurs les protège, ils fatiguent les bourreaux. Jean boit du poison et n’en est pas incommodé. Sébastien sourit, hérissé de flèches. D’autres fois, les flèches restent suspendues en l’air, à droite et à gauche du martyr ; ou, lancées par l’archer, elles reviennent sur elles mêmes et lui crèvent les yeux. Ils boivent le plomb fondu comme de l’eau glacée. Des lions se prosternent et lèchent leurs mains, ainsi que des agneaux. Le gril de saint Laurent lui est d’une fraîcheur agréable. Il crie : « Malheur, tu as pris une partie, retourne l’autre et puis mange, car elle est assez Rôtie. » Cécile, mise en un bain tout bouillant, « est toute ainsi comme en un froid lieu et ne sentit qu’un peu de sueur ». »


Citation :
« Plus rien n’est impossible, l’invisible règne, l’unique loi est le caprice du surnaturel.
Dans les temples, les enchanteurs s’en mêlent, on voit des faucilles faucher toutes seules et des serpents d’airain se mouvoir, on entend des statues de bronze rire et des loups chanter.
Aussitôt, les saints répondent, les accablent : des hosties sont changées en chair vivante, des images du Christ laissent échapper du sang, des bâtons plantés en terre fleurissent, des sources jaillissent, des pains chauds se multiplient aux pieds des indigents, un arbre s’incline et adore Jésus ; et encore les têtes coupées parlent, les calices brisés se réparent d’eux-mêmes, la pluie s’écarte d’une église pour noyer les palais voisins, la robe des solitaires ne s’use point, se refait à chaque saison, comme une peau de bête. En Arménie, les persécuteurs jettent à la mer les cercueils de plomb de cinq martyrs, et celui qui contient la dépouille de l’apôtre Barthélemy prend la tête, et les quatre autres l’accompagnent, pour lui faire honneur, et tous, dans le bel ordre d’une escadre, ils flottent lentement sous la brise, par de longues étendues de mer, jusqu’aux rives de Sicile.»


Les parents, et surtout la mère, ne tardent pas à ramener Angélique sur Terre. Si ses rêves sont encore innocents, ils ne tarderont pas à être souillés -pas encore par le mal, mais par l'idée du mal :

Citation :
— Ah ! vaniteuse, ah ! gourmande, tu es donc incorrigible ? Te voilà partie avec ton besoin d’être reine. Ce rêve-là, c’est moins vilain que de voler le sucre et de répondre des insolences. Mais, au fond, va ! le diable est dessous, c’est la passion, c’est l’orgueil qui parlent.


Et ainsi...

Citation :
— Il est déjà trop tard… Vous voyez bien que je ne peux pas vous suivre. Il y avait en moi, jadis, une passionnée et une orgueilleuse qui aurait jeté ses deux bras à votre cou, pour que vous l’emportiez. Mais on m’a changée, je ne me retrouve plus… Vous n’entendez donc pas que tout, dans cette chambre, me crie de rester ? Et ma joie est devenue d’obéir.


Le besoin de grâce semble avoir été bafoué...

Citation :
Sans la grâce, la créature était débile, incapable de victoire.
Son besoin de la grâce la rendait à l’humilité, à la seule espérance du secours de l’invisible, n’agissant plus, laissant agir les forces mystérieuses, épandues à son entour.


*peinture de Le Sueur : Noli me tangere
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyLun 24 Nov 2014 - 18:32

me faudra y revenir c'est trop loin mes lectures ( jeunesse sourire
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colimasson
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyJeu 27 Nov 2014 - 20:46

Oui, pourquoi pas y revenir... ce Rêve n'est pas si niais qu'on le dit souvent content
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyLun 15 Déc 2014 - 10:29

La Faute de l’Abbé Mouret



Serge Mouret a été ordonné prêtre, lui que l’Abbé Faujas avait poussé vers Dieu dans l’opus précédent (La Conquête de Plassans). L’enfant devenu homme (Serge est âgé de 26 ans) est gardien de l’âme dans le hameau des Artaud, tout près de Plassans. Le village n’est pas très fervent. On y est paysan ou artisan de père en fils, on se lève avant le chant du coq et on se couche fort tard. Alors le Bon Dieu… L’Abbé Mouret prononce ainsi souvent la messe dans une église vide.

Alors qu’il était parti pour raisonner un père afin qu’il consente au mariage de sa fille – enceinte –, l’homme de Dieu croise la route de son oncle, le docteur Pascal. Celui-ci se rend au chevet d’un octogénaire qu’on dit mourant. Il est le seul gardien d’une immense propriété : Le Paradou, sur les hauteurs, au-dessus des Artaud. Le vieux est athée et hostile à la religion. Pourtant, l’Abbé Mouret lui est sympathique. C’est dans cette maison, sise au milieu d’un parc arboré et isolée du monde extérieur, que Serge rencontre Albine, une jeune fille de 16 ans, vierge et innocente, habillée de blanc et encore enfant.

Malgré lui, Serge est vivement impressionné. A tel point qu’il tombe gravement malade le soir même alors qu’il tentait – en vain – de résister à la tentation. Le croyant perdu, le docteur Pascal accouru aussitôt soigner son neveu décida de l’isoler loin de son église afin qu’il puisse se reposer. Et pour cela, il ne trouva rien de mieux que de l’emporter au Paradou et de le confier aux bons soins d’Albine.
Albine et Serge eurent ainsi le temps de faire connaissance et d’apprendre ensemble ce que les enfants d’aujourd’hui apprennent dès leur plus jeune âge : aller vers l’autre, tendre la main, se promener, jouer, découvrir le monde. Découvrir l’autre, flirter. Tomber en amour sans s’en apercevoir. Le jeune couple, insouciant, bat la campagne, se balade dans l’immense parc du Paradou qui ne semble pas avoir de limite. C’est Adam et Eve qui découvrent le jardin d’Eden. Ils ne sont pas nus avec une feuille de vigne devant le sexe, mais c’est l’idée développée par Zola.

Et comme le couple biblique, ils croquent la pomme : Serge se retrouve allongé sur Albine, le pantalon sur les chevilles. C’est la faute. Impardonnable pour un prêtre. Dès lors, le parc devient plus sombre. Et comme la maison de Colin et de Chloé qui rétrécit au fur et à mesure que l’état de santé de Chloé décline, le parc ne semble plus illimité : où qu’Albine et Serge dirigent leurs pas, ils tombent immanquablement sur le haut mur d’enceinte. Et par une brèche, Serge aperçoit son église en contre-bas. C’est pour lui un choc. Le retour à la conscience de son ministère. Qu’a-t-il fait ? Il est perdu. Il s’échappe par la trouée et rejoint son presbytère afin d’y implorer son maître, laissant sa semence faire son œuvre dans le ventre d’Albine. Le Diable n’a pas dit son dernier mot…

Une jolie partie de campagne que cet épisode provençal. Zola y multiplie les descriptions de la nature épanouie et rappelle évidemment la longue tirade sur les Aubépines du côté de chez Swan. Comme Albertine, Albine est une jeune fille en fleur au printemps de sa vie. Elle est jeune, belle et ne demande qu’à s’ouvrir à la vie. Pour son malheur, le premier jeune homme dont elle croise la route est un homme qui a voué sa vie à la religion et à l’ascétisme.

La Faute de l’Abbé Mouret est un conte cruel dans lequel Serge ne pourra que se perdre. Car il est rapidement évident qu’il devra choisir entre son amour de Dieu et son amour pour Albine. Le Ciel ou la Terre. L’Eternité ou le Présent. Sa décision prise, il vivra jusqu’à la fin de ses jours dans le regret de son amour perdu – et non dans la plénitude de son amour choisi. Tel Icare, le jeune homme a brûlé ses ailes mais contrairement au Phénix, ne renaîtra pas de ses cendres.

Un beau texte dans lequel la pierre froide et nue de l’église tranche violemment avec la luxuriance de la végétation du Paradou. Deux mondes opposés et inconciliables que Zola, dans son infinie sagesse a juxtaposé pour critiquer une religion toute puissante et injuste et se moquer des bigotes et des dévots adeptes inconditionnels de la génuflexion.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyMer 17 Déc 2014 - 20:49

Merci pour ce commentaire inspiré qui me rend aux sensations ambivalentes de La faute de l'abbé Mouret. J'en garde encore le souvenir d'une histoire racontée de façon passionnante.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyMer 17 Déc 2014 - 22:58

Superbe commentaire, merci Harelde. C'est mon prochain Zola en vue, en plus ! Very Happy
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyLun 26 Jan 2015 - 21:19

La Débâcle (1892)


zola - Emile Zola - Page 21 De10

C’est un livre étonnant… Après le Rêve, roman intimiste, subtile petite épopée personnelle remplie de détails et de songes, Emile Zola fait sauter le toit de la chaumière et se rue sur la scène de l’Histoire en choisissant d’évoquer la bataille de Sedan et le siège de Paris qui précède l’établissement de la Commune en 1871.


L’individu a encore son rôle à jouer mais il est ici subordonné à la marche esclavagiste de la nation. On retrouve et découvre bien quelques personnages aux caractères nettement définis mais leurs actes et leurs pensées sont subordonnés à l’évolution nécessaire d’un régime. Ici, Emile Zola semble moins se passionner pour l’étude des caractères humains que pour l’étude d’une nation. Il procède en journaliste moderne : c’est en ne participant pas aux batailles qu’il décrit dans son livre qu’il essaie d’en restituer la vérité, nuancée par l’imagination de son esprit littéraire. Richement documenté en amont, notamment par l’intermédiaire de Duquet, il repart également sur la route parcourue par l’armée de Mac-Mahon de Reims à Sedan afin de procéder à l’autopsie d’un champ de bataille sur lequel il passa 14 jours. Ses pages denses témoignent de cette volonté de représenter crûment la vérité et de briser l’héroïque légende de la lutte militaire. La réalité se saisit également dans le langage, qu’Emile Zola n’a jamais négligé dans ses romans, et la plupart de ses dialogues saisissent à vif l’effroi suscité par les scènes de carnage et l’incompréhension d’hommes dépassés par l’histoire qui se joue au-dessus et au détriment de leurs carcasses. Le rythme, l’oralité et l’argot font déjà penser au style célinien…


« On se bat dans un enclos, on défend la gare, au milieu d’un tel train, qu’il y avait de quoi rester sourd… et puis, je ne sais plus, la ville devait être prise, nous nous sommes trouvés sur une montagne, le Geissberg, comme ils disent, je crois ; et alors, là, retranchés dans une espèce de château, ce que nous en avons tué, de ces cochons ! Ils sautaient en l’air, ça faisait plaisir de les voir retomber sur le nez… Et puis, que voulez-vous ? Il en arrivait, il en arrivait toujours, dix hommes contre un, et du canon tant qu’on en demandait. Le courage, dans ces histoires-là, ça ne sert qu’à rester sur le carreau. Enfin, une telle marmelade, que nous avons dû foutre le camp… N’empêche que, pour des serins, nos officiers se sont montrés de fameux serins, n’est-ce pas, Picot ? »


La Débâcle recèle des passages fameux qui ne flattent pas l’esprit militaire. Et cependant, le doute s’insinue à la fin du livre concernant la démarche adoptée par Emile Zola pour son écriture. Il faut lire l’introduction de Henri Guillemin pour comprendre l’inconfort de la position zolienne lorsqu’il publie son livre, trente ans seulement après l’avènement de la Commune. L’épisode est encore frais dans la mémoire nationale et s’il ne veut pas se départir de son ambition naturaliste et rester fidèle à lui-même, Emile Zola sait aussi qu’il doit plaire à l’élite intellectuelle qui l’attend au tournant de l’Académie. Il faut donc éviter de raconter la lâcheté des décisions militaires prises par Bazaine, par Thiers ou par Fabre, ne pas parler des guerres en province, omettre d’évoquer l’acharnement des bureaux militaires à ruiner l’action de Gambetta, voire inventer des scènes de bataille pour la défense de Paris qui n’ont jamais eu lieu car, en quatre mois et demi de siège, les autorités civiles et militaires avaient seulement hâte de se rendre pour le salut des structures sociales. Il ne faut pas révéler les actes antisociaux commis par le pouvoir lors de cette période critique mais Emile Zola ne se contente pas de détourner le regard, il exalte également la répression de la Commune, « saignée nécessaire pour se laver du socialisme ». La victoire de Jean Macquart apparaît finalement comme la victoire de la « vraie France qui se redresse ».


On imagine quelle lutte a dû mener Emile Zola pour mener à bien ce témoignage militaire si impitoyablement attendu par les autorités en place. La Débâcle constitue un compromis entre réalisme et roman de commande –un acte de prostitution qui témoigne de la violence des tensions encore présentes en France trente ans après la Commune. Malgré ses compromis mondains et politiques, il reste un roman sous-tendu par une volonté d’authenticité et un dégoût profond pour la guerre. Emile Zola réaffirma ses positions quelques années plus tard lors de l’affaire Dreyfus. Celle-ci sera considérée comme une trahison immonde par rapport à la Débâcle par les membres de l’Académie.


zola - Emile Zola - Page 21 Une_ru10

Citation :
« La petite ville est riche, avec ses nombreuses fabriques, sa grande rue bien bâtie aux deux bords de la route, son église et sa mairie coquettes. Seulement, la nuit qu’y avaient passée l’empereur et le maréchal De Mac-Mahon, dans l’encombrement de l’état-major et de la maison impériale, et le passage ensuite du 1er corps entier, qui, toute la matinée, avait coulé par la route comme un fleuve, venaient d’y épuiser les ressources, vidant les boulangeries et les épiceries, balayant jusqu’aux miettes des maisons bourgeoises. On ne trouvait plus de pain, plus de vin, plus de sucre, plus rien de ce qui se boit et de ce qui se mange. On avait vu des dames, devant leurs portes, distribuant des verres de vin et des tasses de bouillon, jusqu’à la dernière goutte des tonneaux et des marmites. Et c’était fini, et, lorsque les premiers régiments du 7e corps, vers trois heures, se mirent à défiler, ce fut un désespoir. »


Citation :
« Combien de braves gens pour un gredin, parmi les douze mille malheureux à qui la commune avait coûté la vie ! L’ordre de cesser les exécutions était, disait-on, venu de Versailles. Mais l’on tuait quand même, Thiers devait rester le légendaire assassin de Paris, dans sa gloire pure de libérateur du territoire ; tandis que le maréchal De Mac-Mahon, le vaincu de Frœschwiller, dont une proclamation couvrait les murs, annonçant la victoire, n’était plus que le vainqueur du père-Lachaise. Et Paris ensoleillé, endimanché, paraissait en fête, une foule énorme encombrait les rues reconquises, des promeneurs allaient d’un air de flânerie heureuse voir les décombres fumants des incendies, des mères tenant à la main des enfants rieurs, s’arrêtaient, écoutaient un instant avec intérêt les fusillades assourdies de la caserne Lobau. »


« Un gravier dans la chair d’un homme, et les empires s’écroulent. »


Une rue à Paris en Mai 1871 ou La Commune, Maximilien Luce
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyMar 27 Jan 2015 - 8:36

"Emile Zola sait aussi qu’il doit plaire à l’élite intellectuelle qui l’attend au tournant de l’Académie."

regrettable, mais ton commentaire et l'extrait m'invitent à y penser.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyDim 1 Fév 2015 - 19:12

Regrettable qu'une structure oblige un écrivain à devoir faire de tels compromis, oui, mais le comportement d'Emile Zola reste cependant tout à fait compréhensible.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyLun 9 Mar 2015 - 23:47

Je viens de terminer La débâcle.

C'est vraiment un sommet des Rougon-Macquart, à mon avis. Quelle claque.

Evidemment, le fait que la guerre de 1870 soit complètement oubliée aujourd'hui, au profit des conflits suivants plus proches de nous et plus meurtriers, auxquels nous restons logiquement plus "attachés", nuit grandement à la renommée du roman. C'est bien dommage, car non seulement il compte parmi les grandes réussites des R-M, mais en plus c'est tout simplement un des meilleurs romans sur la guerre que j'aie pu lire. Sérieux. Je sais pas s'il y en a beaucoup qui le valent (parmi ceux que j'ai lus, s'entend, c'est-à-dire assez peu... hum). Même si rien n'égalera, à mes yeux, pour l'instant, les montées au front délirées dans Barbusse.

Pourtant, le début a été dur. J'ai vraiment peiné. Toujours la même écriture, les mêmes procédés, les mêmes enfilades lyriques qui me sortent par les yeux... Sur le coup, je me suis dit : vivement que je le torche ! j'en peux plus bordel de ce type !...
Sans compter, encore et toujours, les mêmes caricatures stupides et grossières de Napoléon III et du Second Empire. C'est presque ridicule... On sent le moteur "bon ton" républicain qui pousse à fond derrière... dénigrer et maudire à tout prix le régime précédent, cracher sur les morts, pour asseoir le nouveau et réécrire l'histoire. Un grand classique. C'est banal que de le dire. Mais le procédé est lassant à force et même, je trouve, assez puéril, s'il n'était chargé d'une telle haine. Bref, Zola est pas mal raseur à ce niveau... Et il faut vraiment être très mal renseigné pour gober tout ce qu'il écrit...

Ce qui m'a fait tousser aussi, je l'ai découvert dans les notes, c'est que Zola a fui Paris en 71 à l'aide d'un passeport prussien. Intéressant. Et après, ça joue les chroniqueurs impeccables...
Ah ! oui, foutre ! il l'avait belle, à donner des leçons de morale à coup de 500 pages !
Je blague.

...

Je m'emporte un peu mais toujours est-il qu'au final, avec La débâcle, on ne peut, une nouvelle fois, que s'incliner devant son génie romanesque. C'est un fait. Quel talent... De ces "morceaux"... Et puis le boulot de reconstitution des batailles est monstrueux. On se rend compte assez rapidement qu'on tient là un des sommets de la saga. C'est dès le 3e ou 4e chapitre que je n'ai plus lâché le livre... En plus, je trouve ce roman particulièrement bien ficelé, peut-être même plus que les précédents, avec tous ces "mini récits" qui s'entrecroisent. Il y a un élan constant. Ca donne comme un côté très aéré finalement, alors que pourtant ça grouille...
Petite réserve toutefois à ce niveau : les va-et-vient constants entre Silvine et Henriette empêchent un développement suffisant de ces deux personnages. On aimerait s'attacher à elles pleinement, mais il y a quelque chose qui "coince". Je ne sais pas quoi au juste. J'ai trouvé également le personnage de Maurice parfois un peu lisse... mais là je chipote.

Impossible de citer tous les passages marquants. M'ont quand même particulièrement marqué la lutte dans Bazeilles, la charge de Prosper, les descriptions dans Sedan sens dessus dessous, le major Bouroche et les scènes d'amputations, tous les passages dans Remilly avec l'oncle Fouchard...
Mais j'ai trouvé la fin bâclée, la Commune torchée deux-deux. Dommage. Mais à la réflexion, c'est peut-être très bien comme ça, en sorte d'épilogue.

Ah au fait, il est recommandé de s'aider d'une carte (j'imagine intégrée dans les notes de chaque édition) pour situer à peu près correctement les alentours de Sedan (villages, bois...), afin de bien suivre les batailles et les mouvements de troupes. Je ne l'ai pas fait pendant la première moitié du livre, et je m'en suis beaucoup voulu par la suite. C'est seulement au bout de 300 pages que j'ai compris, par exemple, où étaient situés exactement Bazeilles et Balan par rapport à Sedan. Après la bataille quoi... Laughing  Le boulet  zola - Emile Zola - Page 21 476572

...

Bref. J'ai critiqué pas mal, mais au final j'ai beaucoup aimé.
Je pense donc ne pas trop tarder et lire très prochainement Le docteur Pascal. Qu'on en finisse nanana
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyMar 10 Mar 2015 - 0:18

Voilà de quoi faire de cette Débâcle mon prochain Zola! Il me manquait un peu.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyJeu 12 Mar 2015 - 21:29

Je te conseille de lire la préface d'Henri Guillemin pour une vision plus critique (sur le point de vue de la pertinence historique des propos avancés par Zola) de cette lecture.

Comme toi, j'ai été agacée au début par les procédés rhétoriques de Zola (qui commencent à être trop bien rodés à la fin de la série).

Et tu pourras aborder le dernier épisode en toute décontraction... bien plus reposant que cette Débâcle
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyJeu 12 Mar 2015 - 22:37

D'accord. Merci pour le conseil pour Guillemin. A voir...
Tu sais je l'aimais beaucoup avant, Guillemin. J'ai passé des heures et des heures à visionner ses émissions. Admiration sans borne à une époque. Tout je vénérais : ses exposés (très bûchés, mais qui semblaient "à l'antenne" improvisés), son art de conter, de lire des citations, son érudition, son ton, sa diction, ses mimiques, ses coups de gueule, ses farces... Tout.
Mais je suis un peu fâché avec lui depuis que j'ai écouté ses "théories" sur certains personnages historiques. Il aborde ces personnages ou sujets avec un but bien précis, et n'en sort jamais. Il ne tient compte que des actes ou des citations qui accréditent sa démonstration. Classique... Il frôle même la falsification dans certaines vidéos... Bref, il porte aux nues ou accable, sans nuance parfois (pas toujours hein). C'est dommage. Car c'est un passionné très respectable au demeurant. Son travail est de qualité, et il serait un révisionniste émérite (au sens premier du mot, genre Furet, Amouroux, etc.) si ses procédés n'étaient pas, hélas, parfois douteux. Je le vois plutôt comme un honnête homme qui croit tellement à ses raisonnements que sa méthodologie en devient malhonnête.
Bref, il m'a déçu. Je le boude. Et je retiens de lui surtout l'exceptionnel "conteur". Bon mais je revisionnerai avec plaisir, un jour, certaines de ses vidéos, quand même !!!

Mais je ne l'ai jamais lu par contre.
Au cas où tu aurais déjà vu des vidéos de lui, il est aussi intéressant à lire qu'à écouter ?

...

Pour les procédés usuels de Zola, ça a fini par m'agacer vers les 2/3 de la série. Quelque part entre Au bonheur des dames et La terre. Par là. Et toi ?
Mais ça m'agace qu'au début des lectures, en fait. Après je m'habitue à ses "trucs" et finis par y prendre du plaisir bien sûr.

D'accord pour Le docteur Pascal. C'est un des seuls de la série que je n'arrive pas du tout à "situer" avant lecture. Tu le rapprocherais plutôt de quel autre tome ? (sans rien même dévoiler stp).
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MessageSujet: Re: Emile Zola   zola - Emile Zola - Page 21 EmptyDim 15 Mar 2015 - 21:15

Je ne doute pas que Henri Guillemin a certainement fini par se laisser prendre au piège de sa propre personnalité et de sa méthode. C'est inévitable. Quelles sont les falsifications qu'il a failli commettre ? A propos de quels personnages ? Comme je n'ai pas regardé beaucoup de ses vidéos, j'aimerais bien le savoir avant d'approfondir.

Il est en tout cas aussi passionnant à lire qu'à écouter, je te le recommande aussi en version écrite.

Je crois que j'ai commencé à être lasse des procédés de Zola après L'assommoir, peut-être aussi parce qu'avec le recul, j'ai l'impression que ce volume livre sa quintessence verbale. Après ce sommet, il pouvait difficilement faire mieux, voire il a choisi de faire pire.

Effectivement, les premières pages de ses volumes sont toujours laborieuses. Je me souviens les ouvrir en me disant "ah oui, c'est vrai, ça ressemble à ça un bouquin de Zola..." mais ensuite on s'habitue au rythme, aux procédés... ça devient presque transparent.

Le docteur Pascal est l'OVNI de la série. S'il fallait toutefois le rapprocher d'un autre roman... je penserais à La faute de l'abbé Mouret, en moins manichéen, ou à la Curée, en moins mondain. C'est le roman le plus spirituel et le plus alchimique de la série.
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