Bela Tarr[quote]Béla Tarr (né le 21 juillet 1955 à Pécs en Hongrie) est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma hongrois.
Il s'est intéressé à la réalisation à l'âge de 16 ans en faisant des films amateurs, puis en travaillant à la Maison de la Culture et du Divertissement. Son travail amateur lui a rapidement valu l'attention des studios Béla Balázs, qui ont lui ont permis la réalisation de son premier film Családi tűzfészek (Nid familial) en 1977, un travail sur le réalisme socialiste clairement influencé par le travail de John Cassavetes. Ses deux films suivants Szabadgyalog (L'Outsider) en 1981 et Panelkapcsolat (Prefab People) en 1982 sont dans la même veine.
Mais c'est avec une adaptation de Macbeth pour la télévision en 1982 que sa façon de filmer va vraiment changer : le film ne comportant que 2 plans, le premier (avant le générique) de 5 minutes, le second de 67 minutes.
La sensibilité de Béla Tarr porte aussi bien sur les plans très serrés que sur des compositions abstraites ou de longues prises. Sur le fond aussi, il est passé du réalisme à une métaphysique proche d'Andrei Tarkovsky.
En 1984, il tourne Őszi almanach (Almanach d'automne). En 1987, Damnation (Kárhozat) est sa première collaboration avec un scénariste :
László Krasznahorkai. La collaboration avec Krasznahorkai va se poursuivre : Béla Tarr va mettre 7 ans pour adapter son roman Sátántangó (Le Tango de Satan), et produira un chef d'œuvre de 415 minutes. Le film sortira en 1994 et malgré la grande complexité de sa distribution, le film sera encensé internationalement. Pour son avant dernier film, sorti en 2000, Les Harmonies Werckmeister (également adapté d'un roman de Krasznahorkai Mélancolie de la Résistance), Béla Tarr mit de nombreuses années pour en réunir le financement et parvenir à boucler l'ensemble du tournage. Le film, dernière partie du triptyque commencé par Damnation, fut acclamé par les critiques et connut un brillant parcours dans les festivals. En 2004, Bela Tarr réalise le court-métrage Prologue (Visions of Europe).
Pour la plupart de ses films, Béla Tarr s'entoure de deux fidèles collaborateurs : son épouse pour le travail de script et de montage, et le musicien Mihály Víg (également acteur dans certains de ses films) pour l'ambiance sonore si particulière de ses films.
À partir de 2004, Béla Tarr travaille sur un nouveau projet L'Homme de Londres, adapté d'un roman de Georges Simenon, mais le suicide de son producteur Humbert Balsan en février 2005 retarde considérablement le projet et le tournage démarré à Bastia en Corse. Malgré des difficultés de production, le film reprend et participe même à la compétition officielle au festival de Cannes 2007. En février 2011, Béla Tarr présente Le Cheval de Turin (A Torinói ló) à la Berlinale, il remporte un Ours d'argent. Ce film est, selon ses propres dires, le dernier qu'il réaliserait parce qu'il pense que le public ne veut plus de ce cinéma-là et que le processus de production devient de plus en plus difficile en Hongrie.
- Citation :
- Filmographie/Index (Cliquez sur les chiffres pour accéder directement aux pages
Courts métrages
1978 : Hotel Magnezit
1990 : City Life - segment The Last Boat
1995 : Voyage sur la plaine hongroise (Utazás az Alföldön)
2004 : Visions of Europe - segment Prologue
Longs métrages
1979 : Le Nid familial (Családi tűzfészek)
1981 : L'Outsider (Szabadgyalog)
1982 : Rapports préfabriqués (Panelkapcsolat)
Page 31985 : Almanach d'automne (Őszi almanach)
1988 : Damnation (Kárhozat)
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31994 : Le Tango de Satan (Sátántangó)
2000 : Les Harmonies Werckmeister (Werckmeister Harmóniák)
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42007 : L'Homme de Londres (A Londoni férfi)
Page 22011 : Le Cheval de Turin (A Torinói ló)
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3 - Citation :
- arrêté le 13/04/2013 à la page 4
«Tout est fini, c’en est fini de tout, tout est fini, et il n’y aura rien d’autre. Ce ne sera plus bon, plus jamais, plus jamais peut-être. Tout n’est que cauchemar, qu’énigme : quelle sera la suite ? Qui sait d’où ça viendra, si ça viendra. Ou si ça ne viendra plus jamais peut-être… plus jamais…»Bela Tarr est un cinéaste fascinant. Son univers n'est pas sans évoquer celui de Tarkovski qui est une de ses influences majeures. Mais il a un style très personnel et particulièrement reconnaissable qui embarque immédiatement ou laisse à la porte. Une photographie en noir et blanc somptueuse, de vrais tableaux splendides et cafardeux qui montrent une humanité que n'aurait pas reniée Beckett ou Dostoïevski, une bande son enveloppante à laquelle se mêle souvent quelques mélodies mélancoliques à l'accordéon, des plans séquences et une profondeur de champ incroyables qui permettent de délimiter des espaces théâtraux dont on découvre progressivement l'organisation spatiale élaborée, des bruitages et des voix post-synchronisées qui semblent un peu en décalage en donnant un sentiment d'irréalité, de rêve. C'est à la fois austère et intensément poétique. La collaboration de l'écrivain
László Krasznahorkai depuis
Damnation est essentielle et contribue à la force de ces récits dont l'intrigue minimaliste recèle des dialogues superbement littéraires. Le gens ne parlent évidemment pas comme ça dans la réalité mais cela fonctionne en donnant le sentiment d'entrer profondément à l'intérieur de chaque personnage dont les visages et la présence dans l'espace envoûtent à chaque plan.
Le titre est explicite. Le film nous montre une humanité qui se débat dans des espaces arides et dévorants, une sorte de no man's land vaguement industriel quelque part entre Eraserhead et Stalker. C'est un purgatoire qui ouvre progressivement vers les 9 cercles de l'Enfer.
On accompagne Karrer dans son détachement progressif du monde. Il ne croit plus en la vie, il tente de séduire la chanteuse du Titanik Bar (!) où les clients noient leur ennui et leur désespérance dans la boisson, le jeu, la musique. Les scènes de groupe dans le Titanik Bar sont magnifiques.
Mais elle n'est pas libre, elle le rejette puis se laisse à nouveau approcher. L'amour reste inconstant, changeant, éphémère et ne peut combler cette solitude absolue qui le condamne à l'errance, chien parmi les chiens dans une dernière séquence stupéfiante qui rappelle Stalker.
On croise d'étranges personnages comme cette femme blonde qui vient parler à Karrer à la manière d'une sorte de prophétesse surgie d'un film de David Lynch. Elle récite d'étrange poèmes énigmatiques. Elle est à la fois bienveillante et un peu inquiétante.
L'ensemble dégage une grande force. Beaucoup de choses restent un peu hermétiques mais l'image nous fait ressentir l'essentiel. C'est un des films les plus accessibles de Bela Tarr par sa durée (1h50) et la présence des dialogues de Krasznahorkai dont on aimerait lire le texte indépendamment pour prendre le temps de le savourer.
Bientôt
Le cheval de Turin (Ours d'argent à Berlin) sera en salle. J'essaierai de parler de L'homme de Londres, d'après Simenon, que j'ai vu il y a quelques mois. Et de revoir Satantango et Les harmonies Werckmeister pour développer ce fil. Avis aux amateurs pour m'accompagner... Sur ce coup-ci Animal tu dois pouvoir y trouver ton compte.