Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Bela Tarr

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Marko
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Marko
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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptySam 11 Fév 2012 - 22:04

Arabella a écrit:
Merci de ton beau commentaire Marko. Il rend parfaitement compte de la force de ce film d'exception.

animal a écrit:

C'est assez inouï de voir le procédé narratif représenter autant dans un film : on découvre des facette différente d'un même état à des moments différents, c'est donc différent et identique.

Image sublime, musique (extraordinaire) et sonorisation lancinante qui joue sur les bruits du vent, détails. C'est une perfection qui suit la même démarche que László Krasznahorkai (co-scénariste) dans un portrait grave de condition humaine changeante et instantanée ou perpétuelle. Un huis clos extrêmement vaste. Un certain humour aussi.

traversay a écrit:
Exigeant, fascinant, désespéré, Le cheval de Turin n'ennuie pas (question de point de vue, évidemment), de par ses subtiles variations sur la répétition des gestes de chaque jour. Ses images en noir et blanc sont grandioses, surtout celles de l'extérieur, comme échappées d'un film muet soviétique ou nordique (Sjöström, Dreyer). Radical, rude, fruste, le film a des allures de testament. Un adieu au monde. Et au cinéma, puisque Tarr affirme qu'il a réalisé là, son ultime film.

Je crois que cette fois il sera difficile de ne pas faire l'unanimité. C'est à mon avis le plus beau film de Bela Tarr par son épure et le retour à l'essentiel, l'évocation des maîtres du passé (Bergman, Tarkovski, Dreyer) en même temps qu'un univers très personnel avec la collaboration fidèle et fructueuse de Mihaly Vig et de László Krasznahorkai. Je suis encore sous le choc.

La sublime scène d'ouverture:

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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyDim 12 Fév 2012 - 13:14

Je reviens un peu sur Le Cheval de Turin après l'avoir fait décanter cette nuit. La tête immobile de cette jument filmée en gros plan dans l'écurie me revient en mémoire. Le sentiment à travers elle de passer "de l'autre côté".

Ce cheval a la même fonction que la baleine dans "Les harmonies Werckmeister". Une projection superstitieuse, à la fois figure du mal et possible entité divine. En tout cas le cheval a une fonction de "passeur" puisque traditionnellement il est un animal psychopompe qui fait le trait d'union entre le monde terrestre et le monde divin. Il y a manifestement une dimension chamanique dans ce film, renforcée par l'effet hypnotique généré par la répétition des mouvements, de la musique, de la bande son où les bruits du vent créent une transe dont la finalité est de nous faire vivre cette traversée vers le néant.

La première séquence évoque un des cavaliers de l'Apocalypse dont le cheval noir représente d'ailleurs la disette. On le voit dans la gravure de Dürer qui illustre cette scène (vue récemment à Gravelines au musée de l'Estampe).

Bela Tarr - Page 3 Turinh10 Bela Tarr - Page 3 Durer_10

Bela Tarr - Page 3 71904110
Odin et le cheval Sleipnir qui guident les âmes vers le royaume des morts

Puis ce cheval prend une dimension plus métaphysique. Son immobilité soudaine en fait le vecteur de toute cette désespérance ambiante comme s'il l'absorbait et avait l'esprit déjà dans l'autre monde. Il annonce la fin prochaine de toute vie. Il est une forme de renoncement, de refus. La fable qui rapporte l'anecdote de Nietzsche devenant fou après avoir enlacé le cheval suggère peut-être pour Bela Tarr que face au néant existentiel il ne reste que le refus de la vie (le suicide) ou la folie, le cheval ou Nietzsche. Et concernant l'au-delà rien ne dit qu'il existe comme le fait penser la séquence où ils tentent de disparaître au loin puis reviennent. Une chose est sûre c'est qu'à la fin du Cheval de Turin il n'y a plus aucune lumière.



Très belle vidéo qui met en parallèle "Le Cheval de Turin" et "Au hasard Balthazar" de Bresson sur la musique de Schubert:



Bela Tarr - Page 3 Au_has10Bela Tarr - Page 3 Images23
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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyDim 12 Fév 2012 - 13:50

En zappant sur Youtube je trouve ce document qui devrait être un complément passionnant au livre de Jacques Rancière sur Bela Tarr évoqué par Arabella. Je vais le regarder tranquillement pour en reparler plus tard.

Bela Tarr - Page 3 97829110
Citation :

Grand penseur de l'émancipation, le philosophe Jacques Rancière construit une réflexion où s'entremêlent politique et esthétique, que celle-ci soit entendue dans le sens d'une relation sensible au monde en général ou à une œuvre d'art en particulier.

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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyMar 8 Mai 2012 - 13:22

Le Cheval de Turin sort en DVD le 5 juin. Impatient de le revoir
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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyMar 29 Mai 2012 - 22:47

Bela Tarr - Page 3 Damnat10

Damnation (1987)

Pas facile de parler du film. Il pleut, ça observe, ça parle de la pluie, quelques paroles de mauvaise augure ou de condamnation. Une forme très fataliste d'amour (néanmoins...). Autour d'un homme qui boit et est amoureux d'une chanteuse qui chante dans un bar. Qui l'aime peut-être mais reste avec son bonhomme qui a l'air mal barré aussi. Toujours l'attente et la tentation d'autre chose, un départ... un départ possible qui fait qu'on reste dans la boue et les demi-ruines. La femme qui tient le vestiaire du Titanik Bar apporte un peu d'une sérénité bienveillante, une tendresse moins fruste. Image magnétique. Quelque chose de lent (mais il se passe des choses dans le film) et poignant dans cette décadence dont la beauté est autrement, la fin, cette fête humide est assez belle. Entre Tarkovski et Kaurismaki ? En résolument plus terre à terre, lancinant, épuisant, comme pour mieux savoir.

On retrouve la manière de dévoiler les lieux au fur et à mesure, la différence dès le départ entre la vue et celui qui regarde. Apocalyptiquement palpable, concret, pour laisser planer l'incertitude peut-être rassurante, belle dans cet univers sans cesse fermé qui revient sur lui même.

Les caractères se jouent à pas grand chose, en peu de variations, c'est stupéfiant.
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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyDim 17 Juin 2012 - 11:41

Le DVD du cheval de Turin est sorti. Ne le manquez pas!

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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyMer 20 Juin 2012 - 23:10

Rapport préfabriqué (1982)
Bela Tarr - Page 3 Tarr_b10

Il faudrait inventer autre chose. Une autre solution ensemble.

Ce film plutôt court (1h12) est très différent de ceux qu'on a évoqués plus haut. Il s'agit d'une sorte de cinéma vérité à la Cassavetes ou à la Ken Loach filmé dans un noir et blanc à gros grain. Dans un quartier populaire un couple se déchire pendant qu'une fanfare résonne de ses mélodies entraînantes au pied de l'immeuble. Robi fait ses bagages et annonce à sa femme désespérée et hystérique qu'il va partir définitivement. Une ellipse temporelle nous ramène quelques jours en arrière et on tente de saisir ce qui les a conduit à ce degré d'incommunicabilité.

Quelques scènes nous font découvrir l'univers et les préoccupations de chacun, les projets de vie inconciliables, l'incapacité réciproque à entendre l'autre et à trouver un terrain d'entente. Quelques propos suggérant l'absurdité d'une société consumériste. Robi raconte à son fils aîné que la société d'abord communautaire est progressivement devenue féodale puis capitaliste et enfin socialiste. Le communisme étant envisagé comme stade d'évolution ultime. Il est en même temps lui-même obsédé par son désir de reconnaissance sociale et d'ascension professionnelle. Son épouse prône les valeurs familiales et la nécessité de préserver l'intimité au détriment du carriérisme et de la quête du toujours plus. Propos un peu stéréotypé mais pas inintéressant pour autant. Bela Tarr n'excelle pas forcément dans le réalisme social.

Il y a par contre des moments plus en apesanteur qui préparent certaines scènes récurrentes ultérieures de son cinéma. Comme cette soirée dansante où une chanteuse évoque l'amour, la tendresse, le bonheur entre les êtres devant une assemblée d'hommes et de femmes artificiellement volubiles et exaltés mais surtout désenchantés. Toujours ce thème du paradis perdu et de la solitude.

Les séquences d'affrontements verbaux entre mari et femme sont très impressionnantes de réalisme. Et il y a surtout une émouvante confession finale en gros plan où l'épouse exprime des regrets de ses excès et de son incapacité à avoir respecté le besoin de liberté de Robi.

Le dernier plan séquence et les 2 ou 3 ellipses temporelles créent une sorte de confusion. Retour en arrière mélancolique et dérisoire ou possible réconciliation? A chacun d'imaginer la fin qu'il préfère. C'est une image essentiellement métaphorique. Le constat reste douloureux.

Ce n'est pas un chef d'oeuvre mais c'est intéressant de voir cet aspect plus bavard et narratif de son cheminement. Je préfère nettement l'abstraction et la poésie cosmique des films ultérieurs.



Bela Tarr - Page 3 Img32210
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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyMer 4 Juil 2012 - 22:45

Le cheval de Turin

Que dire de plus que ce que vous avez déjà si bien dit?
Comment dire surtout ?...
Mes mots pour l’évoquer resteront bien en deçà de l’expérience vécue en regardant ce film. Ils risquent même de produire le contraire de ce que je voudrais faire, c’est-à-dire son éloge !

Sur une musique lancinante et mélancolique, des images sublimes mais apocalyptiques, en noir et blanc, captées en de longs plans séquences. Et l’on se sent hypnotisé pendant deux heures et demie, hypnotisé mais tendu et livré à nos émotions.

Bela Tarr est parti de Nietzsche qui, en 1889, aurait assisté à une scène violente à Turin. Un fermier rouant de coups son cheval épuisé. Bouleversé, Nietzsche aurait enlacé l’animal puis sombré ensuite dans une forme de folie…
« Quant au cheval, on ne sait pas ce qu'il est devenu » dit la voix off en avant-propos.

Le film de Bela Tarr montre ensuite un vieil homme sur son attelage, le cheval avançant péniblement dans une tourmente, un vent qui soufflera jusqu’à la fin du film.
Ils arrivent au milieu de nulle part. C’est là que l’homme vit avec sa fille, une jeune femme qui les attend.
Une masure, une écurie pour le cheval, un puits, des pommes de terre, le feu de bois et le vent. Seulement quelques mots rares.
Les jours passent, six, et tandis que le vent souffle, les gestes du quotidien se répètent, à l’intérieur de la masure, semblables et pourtant toujours différents sous l’œil de la caméra. Les regards. Les attentes.
Il faut sortir pourtant pour aller chercher l’eau et s’occuper du cheval qui refuse de s’alimenter et de boire…
Quelle sera l’issue ?

Ce film est beau. Presque épuisant par son exigence. Mais fascinant aussi…Et bouleversant ! bravo
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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyJeu 5 Juil 2012 - 0:23

coline a écrit:
Ce film est beau. Presque épuisant par son exigence. Mais fascinant aussi…Et bouleversant ! bravo
cheers
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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyMar 14 Aoû 2012 - 20:31

Une vidéo qui mêle le Salve Regina d'Arvo Pärt et des images du film Satantango:

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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyDim 23 Sep 2012 - 20:51

Les Harmonies Werckmeister

Bela Tarr - Page 3 Harmon11

Citation :
Synopsis

Quelque part en Hongrie... Le pays est en proie au désordre, des gangs errent dans la capitale, une catastrophe effrayante s'annonce. Valushka, postier à ses heures, visionnaire simple, est le défenseur d'une utopie obstinée : il continue à s'extasier sur le miracle de la création pour se battre contre l'obscurantisme....

János Valuska (Lars Rudolph), illuminé un peu poète, est le témoin bien involontaire de la dégénérescence d’une petite ville hongroise. Passeur entre deux mondes, visionnaire ayant foi à la puissance créatrice de Dieu, amateur du cosmos et de l’harmonie, János est celui qui voit, qui entend, qui veille sur les hommes. Ce qui ne l’empêchera nullement d’être à son tour victime de la force destructrice du chaos organisé en ville.

Béla Tarr offre un film tout en contraste : nous passons alternativement de l’ombre à la lumière, de l’harmonie au chaos, de la puissance créatrice aux forces de destruction.

Film sur la solitude, la résistance, l’arbitraire, la perte de l’innocence et la perte d’identité mais aussi sur le pouvoir d’un seul sur la masse (l’influence du fameux prince du cirque itinérant et la brutalité de la foule armée de gourdins dans le saccage d’un hôpital ne sont pas sans rappeler la dictature de l’Europe de l’Est).

Bela Tarr - Page 3 Vlcsna11


Les Harmonies Werckmeister a tout de la fable philosophique à portée universelle même si bien peu accessible et d’une grande lenteur (ah ces fameux plans-séquences). Je retiens surtout de ce film certaines scènes à l’esthétisme splendide dans le clair-obscur témoignant d’une belle maîtrise technique du réalisateur.

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Bela Tarr - Page 3 Les-ha10

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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyDim 23 Sep 2012 - 20:56

ça me rappelle que je l'ai de côté aussi celui là... !

et pour ne pas passer les mains vides, ça pourrait bien te plaire sentinelle, redonnons le chemin du fil László Krasznahorkai
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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyDim 23 Sep 2012 - 21:28

animal a écrit:
ça me rappelle que je l'ai de côté aussi celui là... !

et pour ne pas passer les mains vides, ça pourrait bien te plaire sentinelle, redonnons le chemin du fil László Krasznahorkai
Je note, dont La mélancolie de la résistance, un bon complément au film Les Harmonies Werckmeister, adaptation du roman sourire
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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyDim 23 Sep 2012 - 22:59

Moi aussi je l'ai de côté. miammiam
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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 EmptyMer 26 Sep 2012 - 0:03

sentinelle a écrit:


Les Harmonies Werckmeister a tout de la fable philosophique à portée universelle même si bien peu accessible et d’une grande lenteur (ah ces fameux plans-séquences).
Et d'une beauté hypnotisante! Ce qui ne veut pas forcément dire que ça fait dormir rire
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MessageSujet: Re: Bela Tarr   Bela Tarr - Page 3 Empty

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