Alain Tanner

Alain Tanner est né le 6 décembre 1929 à Genève.

Citation :

Il a étudié les sciences économiques. Avec Claude Goretta il fonde en 1951 le ciné-club universitaire de Genève. À 23 ans, il s'engage pour un stage de deux ans dans la marine marchande.

De 1955 à 1958, il séjourne à Londres où il se passionne pour le cinéma et trouve un emploi au British Film Institute de Londres. En 1957, il réalise son premier film, avec Claude Goretta Nice Time (Picadilly la nuit). Le film obtient le Prix du film expérimental au Festival de Nice 1957.

De retour d'Angleterre, il entre comme réalisateur à la Télévision suisse romande où il signe plusieurs courts métrages et des documentaires (comme celui sur les inondations de Florence du 01/12/1966). En 1962, il fonde l'Association suisse des réalisateurs.

En 1968, il fonde le Groupe 5 avec Michel Soutter, Claude Goretta, Jean-Louis Roy et Jean-Jacques Lagrange, instrument de concertation destiné à promouvoir le jeune Cinéma Suisse.

Il se fait connaître dès la fin des années 60 avec des films comme Charles mort ou vif (1969), La Salamandre (avec Bulle Ogier) (1971), Jonas qui aura 25 ans en l'an 2000 (1976), Les Années lumière (1981), Grand prix au Festival de cannes, ou Dans la ville blanche (1983), César du meilleur film francophone.

Le 29 mai 2008, Alain Tanner reçoit le titre de docteur honoris causa de l'Université de Lausanne1. Il est l'invité d'honneur des Rencontres Cinéma de Gindou2 du 23 au 30 août 2008.

Source : wikipédia

Filmographie :

1957 : Picadilly la nuit (Nice Time)
1961 : Ramuz, passage d'un poète
1962 : L'école
1964 : Les Apprentis
1966 : Une ville à Chandigarth
1968 : Docteur B, médecin de campagne
1969 : Charles mort ou vif, Léopard d'or au Festival de Locarno
1971 : La Salamandre
1973 : Le Retour d'Afrique
1974 : Le Milieu du monde
1976 : Jonas qui aura 25 ans en l'an 2000
1978 : Messidor
1981 : Les Années lumière, Grand prix au Festival de cannes 1981
1983 : Dans la ville blanche, César du meilleur film francophone
1985 : No Man's Land
1987 : Une flamme dans mon cœur
1987 : La vallée fantôme
1989 : La femme de Rose Hill
1991 : L'Homme qui a perdu son ombre
1992 : Le Journal de Lady M.
1995 : Fourbi
1998 : Requiem
1999 : Jonas et Lila, à demain
2002 : Fleur de sang
2004 : Paul s'en va

Citation :

"Nul ne choisit sa date de naissance. En ce qui me concerne, j'ai eu de la chance. En cinquante années, en fait la deuxième moitié du siècle dernier, j'ai traversé ce qui fut probablement la période la plus passionnante du cinéma, avec la remise en question des formes anciennes, la rupture des vieilles structures et l'arrivée de la modernité. Dans plusieurs de mes films, j'ai mis en scène le rapport des anciens et des nouveaux. La lutte des générations, cela n'existe pas. Ce que j'ai voulu exprimer, c'était au contraire une vraie relation au travers du passage témoin, de la transmission d'un certain savoir. Et de la mémoire."

Un site qui lui est consacré ICI

Charles mort ou vif (Alain Tanner, 1969)
A la tête d'une petite entreprise d'horlogerie génevoise, fondée par son grand-père cent ans plus tôt, Charles végète. Il coupe les ponts et s'installe à la campagne chez un couple qui mène une vie bohème ... Ce premier long-métrage de fiction de Tanner pose les bases de son cinéma : personnages inadaptés à la société, critique du libéralisme capitaliste, photo épuré et musique dissonante. Tourné à la manière des oeuvres de la nouvelle vague, ce manifeste anarchisant, mais avec une certaine douceur et une suave ironie, est la première réussite d'un cinéma suisse que Tanner et ses compères Goretta et Soutter vont réveiller et faire connaître dans le monde entier. C'est vraiment très bien.


La salamandre (Alain Tanner, 1971).
Ah, la liberté du cinéma suisse des années 70 ! Comme une version décontractée, et drôle, de la nouvelle vague française. Une histoire qui tient lieu de fil de rouge mais qui sert surtout de prétexte à défendre l'individu contre l'absolu conformisme de la société. Un film en avance sur son temps qui parle du capitalisme avec une belle férocité. Dialogues savoureux mis dans la bouche de l'adorable Bulle Ogier et de l'indispensable Jean-Luc Bideau.

Ceux que je recommande chaudement, en particulier à ceux qui aiment le cinéma de Wenders :

Charles mort ou vif

On assiste à la non métamorphose d'un petit patron et honnête homme, à l'occasion d'une interview un peu raté où il aurait du parler de l'entreprise familiale et du travail il décide, homme accompli, de parler. Et vient la deuxième interview qui est diffusée elle. Il y a des films ou le film dans le film est un discours sur le factice et l'artifice, ici le tournage de cet entretien où l'on voit micro et caméra, mise en scène, ne peut rien contre la liberté de cet homme qui explique sa position dans la famille, sa place par défaut de patron, ses regrets... puis il s'écarte. Son fils homme d'affaire qui ressemble à un politique avide bave devant la place du père et l'envie de faire de l'argent et sa fille étudiante en lettre est dans les mouvements contestataires. Il croise un couple assez sympathique qui l'héberge modestement... discussions sur la société, critiques enjouées, excursions dogmatiques fulgurantes ou amusées, il flotte dans ce film un incroyable parfum de folie contestataire.

Un enjeu majeur en est la liberté et c'est bien la liberté de ton, les sourires, les moments de complicité qui marquent, qui hantent avec le texte parfois daté (mais ce n'est pas grave), très politique, souvent poétique. Et à l'histoire de l'entreprise de ce bonhomme se mêle les aspirations simples du peintre d'enseignes, au succès et à la Suisse moderne se superpose l'ombre rustique de sa chambre chez ce couple au murs nus et au mobilier épais. Des choix précis de lieux et d'observation plus ce texte et l'humour un peu frapadingue (et des ambulanciers exécrables !). C'est bigrement beau et vivifiant.

extrait (et comme ça vient tout seul, l'air de rien...)

très grande et très belle découverte.

La salamandre

Je crevais d'envie de voir autre chose d'Alain Tanner, j'ai pu voir La salamandre, et sur grand écran. Deux types fauchés et bougons travaillent sur le scénario d'une fiction tv, ce n'est pas que ça les inspire mais ça rémunère. Leur objet est un fait divers : un bonhomme blessé par balle... accidentellement en nettoyant son fusil ou par sa jeune nièce ? L'un écrit et l'autre enquête... avant qu'ils ne se retrouvent avec la jeune femme.

Contenu engagé et contestataire servi par un bel humour : on sait ce que pensent les personnages mais ça n'empêche pas l'amour du mot ni la dérision. Servi par une image simple et par la drôle de qualité de la bougonnerie, d'une certaine science de l'ennui, ce qui se révèle vite beaucoup plus réjouissant qu'une histoire qui se serait emballée et se serait disons "déterminée". Ensembles et chacun chez soi, ennuyés mais content, revanchards mais désintéressés. Un pays de l'entre deux s'ouvre, une belle science heureuse et mouvante de l'entre deux. Un lieu fragile qui ne pense pas à la propriété, surtout pas à s'approprier autrui. Rien n'est lisse mais rien n'est moche dans les relations loin des absolus.

Superbe trio d'acteurs, superbe films, textes merveilleux, les qualités de toute la distance nécessaire à l'amour des personnages. J'adore ce qui se passe dans ce film, ce qui ne s'y fait pas et ce qui s'y voit. Le rapport de force implicite et explicite vis à vis de cette jeune femme (qui a encore moins de sous) est dissous dans un contraire plus grand qui ne donne pas l'impression de réécrire l'humanité. Les charmes agissent. ça fait tellement de bien, c'est du cinéma d'utilité publique !

extrait

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Tanner à cet époque, que du bonheur !

Requiem (1998)

Il me manque forcément des clés pour mieux comprendre car je ne connais ni Antonio Tabucchi ni Fernando Pessoa. C'est adapté d'un roman de Tabucchi et Paul, le personnage principal, a rendez-vous avec le fantôme du second ?

Oui, c'est étrange. Et les acteurs sont excellents et le texte a l'air irréel. Notre bonhomme à Lisbonne de midi à minuit. En sueur. Dans cette attente/déambulation c'est un retour par les chemins incontournables du hasard vers les fantômes de son passé. Distance mais personnage se laissant guider, extrême douceur des pas de la caméra qui suivent l'épaule de l'homme qui marche. Rencontres entre portugais et français, très belle musique... au moins je n'aurais pas échappé à une certaine mélancolie, ni à la pointe d'intranquillité , et à des couleurs, une chaleur. Une légèreté à rappeler aussi, comme si tout était joué d'avance, qu'on le sache ou pas, ça apporterait une pointe de réconfort et un sens de l'humour tranquille. 

Somme toute assez surprenant, mais la douceur, et le rythme, et le cheminement qui n'a rien de linéaire.

J'y repenserai forcément. Et ce sera peut-être pour moi une fenêtre ou une porte d'entrée vers des mondes que je fréquente peu...

Charles mort ou vif

animal a écrit:

avec le texte parfois daté (mais ce n'est pas grave),

Ca, c'est sûr mais on s'en fout complètement, ça rajoute du charme, même (si ce n'est qu'on se dit que , mince, plus de quarante ans après on a plutôt reculé qu'avancé).

Et qu'on se dit aussi que, mince, à force de lire des Lola lafon, de regarder des Bird Poeple, d'invoquer des Bartleby et compagnie via un certain David Lebreton, cette exigence dont  Charles parle on est bien sûre de ne pas s'y tenir.

Et malgré un film sous l'emprise de la joyeuseté, c'est aussi déprimant que la fin, qui parle de quoi? de normalisation? de libération impossible? (Dans le pressentiment de Bove, Charles (oui, lui aussi s'appelle Charles, tiens, tiens!) meurt et si  son image est récupérée, lui vit sa vie jusqu'à la fin.

C'était donc quelque chose de

animal a écrit:

très politique, souvent poétique.

, quelque chose qui entre en résonance avec plein d'autres, de charmant et plein de sens à la fois, drôle et désespérant, un peu comme Paul.

C'était une bien bonne idée, en tout cas !

content le panda.

(il faudrait bien que je me réchauffe les souvenirs).

Messidor

Un film important dans l'oeuvre de Tanner, à redécouvrir. Deux jeunes filles, Jeanne et Marie, de milieux sociaux très différents, décident assez spontanément de faire un bout de chemin ensemble dans la campagne suisse. Elles partagent une volonté de recherche personnelle, de rupture face à un quotidien en refusant de planifier un projet et un avenir.

La trame peut rappeler Thelma et Louise (filmé dix ans plus tard), puisque leur voyage va peu à peu glisser dans la violence et vers une fuite en avant, jusqu'à l'impasse. A partir d'un évènement traumatisant subi (une tentative de viol), elles vont se retrouver en marge d'une société qu'elles ne veulent plus reconnaitre.

Tanner exprime ici une mélancolie sourde et intense en saisissant l'échec d'un chemin vers une forme de liberté. La colère dévoilée n'est pas théorique mais se nourrit de chaque instant : Jeanne et Marie assument alors s'épanouir dans la souffrance et le rejet, se dirigeant vers un vide qu'elles ne peuvent éviter. La confrontation entre ce parcours émotionnel et la rationalisation d'une poursuite (les débuts d'une médiatisation au journal télévisé, le ballet des patrouilles de police) révèle une tristesse cruelle dans l'exploration d'un décalage. Il reste la force de moments vécus comme suspendus, entre une nuit à la belle étoile et l'ivresse solitaire d'une balade alpine.

Dans la ville blanche est très très recommandable.

je n'en doute pas. tu l'as vu ou revu il y a peu ?

Je viens de le voir en DVD ce soir.

huhu. alors on va avoir droit à quelques mots en plus qui vont nous donner encore plus envie.