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| Justin Torres | |
| | Auteur | Message |
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topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Justin Torres Jeu 10 Mai 2012 - 12:46 | |
| Justin TORRESIl est né en 1981 dans l'Etat de New York. . Diplômé de l'atelier des écrivains Iowa, il a cumulé plusieurs boulots, d'employé de librairie à promeneur de chiens, avant de rédiger des nouvelles parues dans diverses publications. (Granta , le New Yorker). Il publie son premier roman, Vie animale, en 2012. (Babelio) | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Justin Torres Jeu 10 Mai 2012 - 12:49 | |
| Vie animale Il était une fois trois petits garçons, trois frères. Sans plus de règles que de petits animaux. Toujours prêts à faire des bêtises et à jouer les durs. Parfois prêts aussi pour un moment de tendresse comme un éclat de rire. Allant toujours par trois, ne se lâchant pas. Et leurs parents, presque aussi jeune qu’eux du fait des hasards de la vie, aussi violents, inconséquents, et par moments porteurs d'une fulgurance radieuse. Parfois cependant il semble (en fait, c’est moins net que ce que je raconte, plutôt des indices cachés derrière les mots auxquels on repense rétrospectivement) que le cadet, celui qui écrit, celui dont on ne connaît pas le nom, est un peu mis à l'écart. Est-ce parce qu'il travaille bien à l'école, parce qu’il aime les livres, parce que le jour de ses 7 ans il a accepté de continuer à faire des câlins à sa pauvre maman toute fragile ???… Toujours est-il que l'on sent que cette mise à l'écart est la racine d'une grande fracture car, en racontant leur histoire, l'auteur nous dit, comme une litanie : « quand nous étions des frères… » Les derniers chapitres révèle abruptement la réponse, nous hurlent la souffrance qui y est liée. Voilà roman très singulier, où l'auteur se refuse à toute psychologie, tout enchaînement ou progression des situations, tout discours explicatif. Il nous livre des faits bruts, des flashs, en courts chapitres dont certains sont magnifiques, d'une structure extrêmement dense. Il y a ni pourquoi ni comment, simplement des faits qui claquent. Ce choix d'écriture donne un roman bref, une gifle vivifiante qui ne cherche en aucun cas à ménager ou apprivoiser son lecteur, un roman qui crie la douleur de l'enfance perdue, même si cette enfance n'avait rien de naïf ni d’innocent. C'est cette écriture qui a motivé un accueil enthousiaste de ce premier roman innovant, très personnel, qui m'a charmée un temps, mais dont j’ai décroché par la suite. Quoi qu’il en soit le premier chapitre mérite à lui seul qu’on y jette un oeil. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Justin Torres Sam 12 Mai 2012 - 16:45 | |
| Vie animale - Citation :
- On en voulait encore. On frappait sur la table avec le manche de nos fourchettes, on cognait nos cuillères vides contre nos bols vides ; on avait faim. On voulait plus de bruit, plus de révoltes. On montait le son de la télé jusqu'à avoir mal aux oreilles à cause du cri des hommes en colère. On voulait plus de musique à la radio, on voulait du rythme, on voulait du rock. On voulait des muscles sur nos bras maigres. On avait des os d'oiseaux creux et légers, on voulait plus épaisseur, plus de poids. On était six mains qui happaient et six pieds qui trépignaient ; on était des frères, des garçons, trois petits rois unis dans un complot pour en avoir encore.
(…) Toujours plus, on cherchait toujours plus avec avidité. Mais à certains moments, des moments tranquilles, quand notre mère dormait, quand elle n'avait pas dormi depuis 2 jours et que tout bruit, tout craquement dans l'escalier, toute porte qui claque, tout rire étouffé, toute voix, risquait de la réveiller, ces matins d'un calme cristallin, quand on voulait la protéger, cette oie égarée qui trébuchait, qui s'épanchait sans cesse, avec ses maux de dos, ses maux de tête et son allure fatiguée, tellement fatiguée, cette créature déracinée de Brooklyn, cette grande gueule qui larmoyait dès qu'elle nous disait qu'elle nous aimait, avec son amour compliqué, exigeant, sa chaleur, ces matins où le soleil se frayait un chemin à travers les stores et s'étalait en rayons réguliers sur la moquette, ces matins tranquilles où on préparait nous-mêmes notre porridge et où on se couchait sur le ventre avec du papier et des crayons ou des billes qu’on prenait soin de ne surtout pas cogner pendant le sommeil de notre mère, quand l'air ne sentait ni la sueur ni la mauvaise haleine ni le moisi, qu'il était calme et léger, ces matins où notre silence était notre jeu secret, notre cadeau et notre œuvre unique - on en voulait moins : moins de poids, moins de travail, moins de bruit, moins de père, moins de muscles, moins de peau et de cheveux. On ne voulait rien, juste ça, que ça.
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| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Justin Torres Dim 13 Mai 2012 - 9:50 | |
| Merci pour cet extrait : ça donne bien envie du coup ! Je note. | |
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| Sujet: Re: Justin Torres | |
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| | | | Justin Torres | |
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