Expositions vues par les parfumés

Vu l'exposition Gustave Doré à Orsay, jusqu'au 11 mai 2014.

Deux parties : la première au rez-de-chaussée : quelques grandes salles où sont exposées les oeuvres prenant de la place, par exemple "Le Christ quittant le prétoire" (1876-1883).


On peut voir des bronzes, aussi, qui sont globalement pas mal du tout.

Puis la deuxième partie, quelques étages plus haut. Les gravures, aquarelles, tout ça est très bien.
Il y a du très connu :

L'Enfance de Pantagruel. 1873.

Du moins connu mais très bon quand même (le contraste des visages !)

Le Néophyte. 1869

Les oeuvres inspirées de la Commune font parfois penser au dessinateur Yslaire : tonalité générale bleue triste, avec une seule petite touche de couleur rouge.

Globalement, tout ce qui fonctionne bien en gravure, dessin ou aquarelle ne fonctionne plus lorsque Doré fait de l'huile. Ça me semble être pompier, souvent académique, parfois symboliste pataud. Les toiles espagnoles, par exemple, qui donnent dans l'exotisme. C'est très curieux. Parfois, c'est la même oeuvre : la gravure ou le dessin sont excellents, et la toile qui en est tirée est juste bien peinte, on ne ressent plus rien.
Une oeuvre trop léchée perd une partie de sa vérité (ça fait un poil pédant, comme phrase). Elle devient lisse.

Par contre, ses toiles de paysages de montagne sont pas mal ; il rend très bien la lumière du soleil qui filtre des nuages et qui illumine un lac (ses toiles écossaises, par exemple). Evidemment, on parle d'une influence de Caspar David Friedrich.

Une exposition qui aborde les différents thèmes de Doré, c'est vraiment très bien.

Par contre, je ne sais pas si j'étais particulièrement myope quand j'ai vu l'expo, mais faire des économies sur la taille de la police de caractère des explications, c'est dommage. On est obligés de s'agglutiner... déjà qu'il y a quelques livres exposés, donc ça bouchonne... Ah, et la grande explication mise dans la couloir, bonne idée pour empêcher tout le monde de passer, aussi.
Il faut donc éviter les moments surpeuplés...

Musée J. André - Les fêtes galantes


Une soixantaine d'oeuvres.

On commence avec Watteau, l'inventeur du genre, hérité de la pastorale, mais retravaillé avec la maestria d'un dessinateur d'exception, d'un fantastique coloriste (influence vénitienne) et l'inventivité de codes amoureux. Eros règne en maître, dans des paysages somptueux mais qui en forment la quintessence nostalgique, éoquant la fugacité du temps. Regardez bien la juxtaposition des frondaisons vertes et automnales, oui, rien ne dure et Watteau le dit avec un pinceau subtil, une lumière quasi surnaturelle, avec de belles trouées célestes.

Peintre très sous-estimé et réduit au rang de peintre "léger", d'amuseur des sens en quelque sorte. C'est nier toute la portée métaphysique de ce solitaire.

Lancret et Pater sont aussi exceptionnels dans les choix chromatiques et les allusions érotiques plus marquées (notamment baigneuses).

Enfin, Boucher. Plus fantaisiste mais ô combien languide. Les bergères s'abandonnent... dans des paysages luxuriants imaginaires.

Van Loo passe nous présenter ses carnations porcelainées qui m'ont laissée sans voix.

Oudry, Vernet sont présents aussi, et structurent déjà de façon plus classique les fantaisies champêtres et mettent bon ordre dans ces vues d'esprit.

Un feu d'artifice final : Fragonard avec une touche fabuleusement affranchie de tout. Ou l'esquisse comme manifeste de liberté picturale. Ode au paysage. Un moderne égaré au 18è siècle !

Annonce du libertinage à venir.

Un art éphémère, subtil et finalement assez mélancolique, mais qu'est-ce qu'on rêve...

Français, raffiné et galant.


            

Vu hier l'expo Carl Larsson au Petit Palais (l'expo finit le 7 juin).

Arrivé en vue du Petit Palais, une frayeur m'a saisi... Il y avait foule. Du jamais vu (de ma part) pour une expo au Petit Palais :


Au moins une heure de queue (l'entrée se faisant au compte-goutte).

En fait, cette foule n'était pas là pour Carl Larsson, mais pour l'expo médiatisée "Paris 1900" (cf http://www.petitpalais.paris.fr/fr/expositions/paris-1900-la-ville-spectacle-0  ).
Pour Carl Larsson, il y a une entrée réservée quelques mètres plus loin, et quasiment pas de queue. Du coup, certains tentent de resquiller et de se faire délivrer un billet pour Paris 1900 à la caisse Larsson... Les forces d'interventions ont été demandées...

Il y a trois salles. Les huiles ne sont globalement pas extraordinaires, le début est (forcément ?) académique, mais dès qu'il y a des aquarelles, c'est très bien. L'aquarelle lui permet plus de spontanéité, sans doute.
C'est délicat, sans niaiserie. Les mêmes oeuvres en version gravée n'ont pas du tout le même charme.

La plupart des oeuvres proviennent bien sûr du Musée National à Stockholm ; quelques unes d'Orsay ainsi que de collections privées.

Portfolio (qui, comme bien souvent, ne rend pas la délicatesse des oeuvres : les couleurs sont souvent trop affirmées) : http://www.lemonde.fr/culture/portfolio/2014/03/18/le-bonheur-tranquille-de-carl-larsson_4377457_3246_1.html



Fil de Larsson, ici.

Quelle chance pour les Parisiens de voir les tableaux de Carl Larsson. J'ai pu visiter une exposition du peintre " Carl Larsson, ses amis et ses ennemis " au printemps dernier à Stockholm.



Ainsi ce tableau montrant son fils Pontus fut commenté par ce dernier dans un catalogue sur la vie de famille : "Tourmenter une personne la moitié des vacances d'été en lui demandant de poser ... devrait être interdit par la loi. "

Maline a écrit:

Ainsi ce tableau montrant son fils Pontus fut commenté par ce dernier dans un catalogue sur la vie de famille : "Tourmenter une personne la moitié des vacances d'été en lui demandant de poser ... devrait être interdit par la loi. "

  

Gros coup de cœur pour la rétrospective  Lucio Fontana au musée d'art moderne de Paris. On ne connaît en général que quelques toiles avec ces fameuses fentes mais on découvre des salles avec des œuvres de toute beauté.  Moins fan de ses sculptures en céramique un peu kitsch des débuts mais l'évolution est fulgurante. Une très belle expo à ne pas manquer.

Je passe rapidement dire tout le bien que je pense de la magnifique exposition AUGUSTE au Grand Palais. Avec des oeuvres exceptionnelles, monumentales ou de petites tailles. Mention spéciale pour les camées devant lesquels on reste en extase.   

Au-delà des objets, il s'agit d'une réflexion politique sur l'idéologie de l'empereur, sa propagande, ses manoeuvres pour le pouvoir. J'ai trouvé l'ensemble pertinent et bien amené, remarquablement didactique.

A ne pas rater.

Je n'en dirais pas tant de l'ouvrage très décevant que je lis sur le même thème. Pierre Cosme - Auguste.
Il faut dire qu'avec les historiens, c'est quitte ou double.

Celui-ci se cantonne à une succession de faits. C'est barbant, sans intérêt car il n'y a aucune analyse de fond. Heureusement que l'expo a fait ce travail de synthèse, avec le recul, la hauteur et l'intelligence nécessaires.

Joséphine - Palais du Luxembourg

Sur la qualité des oeuvres, rien à dire, c'est du lourd. Joséphine avait un goût exquis, raffiné et sobre et les meubles et objets de la vie quotidienne, tous en or et essences précieuses, sont magnifiques. Cette dame ne respirait bien que dans le luxe esthétique. Je n'ai pas dit "dans le luxe". J'insiste sur l'importance de la beauté autour d'elle. Tandis que son mari n'aimait que les charniers. Curieux contraste.

Sur la quantité des oeuvres et le parcours, cette exposition est trop légère. Notamment, quand on aborde la partie botanique, son autre vraie passion, il y a peu de choses et on finit abruptement sur un cartel annonçant sa mort.

Cela tue la poésie et l'intimité ambiantes. Une atmosphère féminine, sensible à laquelle j'ai été très réceptive.

Joséphine a fait travailler de nombreux artisans, mais peu de grands peintres. Certes, David, Prud'hon ou Gros s'y sont collés, mais sans doute pour faire plaisir au maître.

A noter : la forte influence antique sur le style et c'est bien de voir cette expo après celle d'Auguste pour saisir la filiation. Un même vocabulaire végétal (palmettes, rinceaux), architectural (néo-attique) et idéologique se retrouve sur les oeuvres. Beaucoup de camées figuraient sur sa couronne. Evidemment, ces éléments n'ont rien de décoratif et la moindre oeuvre est prétexte au rappel de la grandeur de Bonaparte, partout portraituré.

Une femme écrasée par son dictateur d'amant, mais avec qui on aurait aimé converser.

Elle atténue beaucoup la virilité d'un règne totalitaire.

Toujours aussi intéressantes tes chroniques, merci.

Plus que quelques jours (fin le 16 juin) pour voir "Le trésor de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune" au Louvre.

Citation :

L’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune dans le Valais suisse fêtera en septembre 2014 ses mille cinq cents ans d’existence. À l’occasion de cet anniversaire exceptionnel, pendant les travaux de rénovation du trésor de l’abbaye, la communauté de chanoines a accepté de présenter au Louvre les pièces majeures d’un trésor qui a miraculeusement traversé les siècles et les épreuves.

L’exposition retrace l’histoire de l’abbaye et la constitution de son trésor, évoquant le passé romain d’Agaune et sa christianisation. L’abbaye bénéficie de la protection de personnages de très haut rang au haut Moyen Âge.

Des chefs-d’oeuvre de l’orfèvrerie mérovingienne et carolingienne tels que le magnifique vase de sardoine dit de saint Martin, le coffret reliquaire du prêtre Teudéric ou l’aiguière « de Charlemagne », sans équivalent en France, célèbrent la mémoire de saint Maurice, martyrisé avec sa légion thébaine à Agaune. Vénérés par la maison de Savoie, comme en témoigne le chef reliquaire de saint Candide, saint Maurice et ses compagnons le seront aussi par saint Louis.
Reliquaires, tissus précieux, manuscrits et archives évoquent les richesses spirituelles d’une communauté qui, avec ses mille cinq cents ans de présence continue sur ce site, est la plus ancienne d’Occident.

(source  http://www.louvre.fr/expositions/le-tresor-de-l-abbaye-de-saint-maurice-d-agaune ).

C'est une petite exposition : trois salles. La première a plus un intérêt historique qu'artistique : on voit par exemple la première représentation du martyr Saint Maurice, originaire de Haute-Égypte en Noir (on sait que c'est dû à un rapprochement entre "Mauritius" et "Maurus" - les Maures étant des Noirs, bien sûr !).
Dans les salles suivantes, c'est magnifique.


Chef-reliquaire de saint Candide, vers 1165.


Coupe au centaure dite « de Charlemagne ». (v. 1210-1220). Argent repoussé, ciselé, gravé et doré.


Châsse de saint Sigismond et de ses enfants. vers 1160 et premier quart du XIIIe siècle


Vase de sardoine dit « de saint Martin », vase de sardoine enserré dans une monture d’or, de pierreries et de cloisonné du VIe siècle.

Il y a d'autres pièces d'orfèvrerie incroyables de minuties, mais dont on ne trouve pas de reproduction sur le net (il était interdit de photographier).

On trouvera un portfolio sur : http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Le-tresor-de-Saint-Maurice-au-Louvre-2014-05-05-1145814

De façon générale, les photos ne rendent pas la très grande beauté des pièces.

Le dossier de presse (format pdf) de l'exposition est disponible sur : http://www.louvre.fr/sites/default/files/dp_saint%20maurice%20d%20Agaune.pdf

eXPie a écrit:

Maline a écrit:

Ainsi ce tableau montrant son fils Pontus fut commenté par ce dernier dans un catalogue sur la vie de famille : "Tourmenter une personne la moitié des vacances d'été en lui demandant de poser ... devrait être interdit par la loi. "

  

  

Lausanne présente en cet été 2014 plusieurs expositions qui valent d’être découvertes, la « magie du paysage russe » et les artistes américains du XIXe siècle m’étaient connus jusqu’à présent que sous la forme de reproductions dans des livres d’art.

Donc vu la semaine dernière « MAGIE DU PAYSAGE RUSSE – Chefs-d’œuvre de la galerie nationale Trétiakov, Moscou »



10 salles, 10 thèmes, c’est très lisible avec la forêt, la mer et la montagne, les chemins, les villes, le ciel, les nocturnes et le passage des saisons. En même temps les peintres rendent compte d’une histoire en mouvement, essaient de forger une nouvelle identité nationale par la peinture de paysages et des hommes qui les habitent.
Ces peintres russes du XIXe siècle appartiennent essentiellement au mouvement des peintres « ambulants » car ils choisissaient des sujets près du peuple et présentaient des expositions itinérantes. Artistes novateurs alors, ils cherchent à illustrer les spécificités de la terre russe, autant dire de l’âme russe. Leurs noms entre autres Ivan Chichkine, Isaac Lévitan ou Vassili Pérov. Leur opposant fut l’Académie de Saint-Pétersbourg qui prônait des sujets mythologiques ou bibliques.

Le dossier de presse (en format pdf) présente à la fin une douzaine de photos parmi les tableaux exposés, juste pour vous donner envie de les découvrir à Lausanne ou plus tard, et avec un peu plus de chance que moi, directement à Moscou.

Certes, quelques tableaux frôlent le kitsch des cerfs bramants mais c’est l’exception. En plus, j’ai beaucoup apprécié que la présentation des peintures évoque des textes littéraires, surtout des grands poètes russes comme Pouchkine, et que l’audio-guide fait entendre une musique qui accompagne à merveille la promenade muséale.

Cela fait vraiment envie Maline, et puis Lausanne n'est pas bien loin.....mais il faut y aller avant octobre.

Puisqu'on parle de Russie, je viens de voir une très belle expo Kasimir Malevich à Londres à la Tate Modern. C'est une rétrospective de l'oeuvre du peintre qui suit l'histoire russe en filigrane  depuis la fin du 19ème siècle jusqu'au milieu du 20ème siècle.

La démarche de Malévich se veut très novatrice avec une volonté affichée de marquer son temps et de créer une peinture russe moderne qui se démarque des autres artistes européens. Les choix des œuvres et la muséographie de la Tate Modern sont excellents et puis bien sûr on ne peut qu'adorer ce musée incroyable et sa balader ensuite dans les collections permanentes.

Lien de l'expo : http://www.tate.org.uk/whats-on/tate-modern/exhibition/malevich



Ne la ratez pas si vous allez faire un petit tour à Londres et surtout ne ratez pas la Tate Modern.

domreader a écrit:

Cela fait vraiment envie Maline, et puis Lausanne n'est pas bien loin.....mais il faut y aller avant octobre.

Oui ça fait très très envie .