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| Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) | |
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Auteur | Message |
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MezzaVoce Envolée postale
Messages : 290 Inscription le : 13/07/2012 Age : 59 Localisation : Lyon
| Sujet: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Ven 27 Juil 2012 - 20:33 | |
| J'ouvre ce fil car je viens de recevoir d'une amie, fabuleuse poétesse, son dernier recueil de poèmes, comme toujours un plaisir de lecture mais imprimé par un éditeur peu compétent en terme de mise en page et de typographie (et ils sont, hélas, de plus en plus nombreux). Trois typographes en avaient marre, Guy Lévis Mano, 1934. Pour voir l'intégralité de ce bien joli cri du coeur, c'est par ici. Qui peut affirmer n'être jamais tombé sur un livre à la mise en page catastrophique : typographie difficilement lisible, « gris de page » déséquilibré (le gris de page est l'équilibre entre les « blancs » et les « noirs », c'est-à-dire entre les parties encrées et les marges, interlignes et inter-paragraphes), longueur des lignes peu confortable (trop courtes ou trop longues), etc ? « Comme l'auteur a raison d'ouvrir certains chapitres en nous donnant à voir des reproductions de manuscrits ou de livres de la Renaissance : à la mise en page complexe, au service du lecteur. Mais cet âge d'or de la typographie ne durera pas : sous la pression de contraintes économiques, des tourments de la censure, les imprimeurs humanistes des débuts : les Alde Manuce, les Estienne, les Plantin... céderont la place à des artisans-commerçants, soucieux de reproduire des textes au moindre coût et le plus rapidement. Et les merveilleuses pages aux architectures foisonnantes, adaptées à des lectures "sur mesure " deviendront généralement ces monotones empilages de libres toutes semblables, et au lecture, face à cette grisaille, de trouver son plaisir. » (François Richaudeau, préface à Mise en page et impression, d'Yves Perrousseaux) Le jugement peut paraître sévère lorsqu'on pense à la démocratisation du livre : la mise en page du livre de poche est austère mais la lisibilité en est généralement parfaite ; c'est un peu plus problématique pour les certaines collections (Librio, par exemple). En revanche, la question est plus cruciale lorsqu'on lit de la poésie. Un recueil de poème imprimé avec une moche typographie, sur papier glacé, avec une couverture et une quatrième clinquantes, couleurs à la va-comme-je-te-pousse et illustrations « cliparts », ça gâche nettement le plaisir avant même d'en commencer la lecture. Certains éditeurs, amoureux de l'écrit et des livres, résistent en tout simplicité : papier mat d'un doux blanc cassé, typographies sobres et élégantes, compositions belles et aérées. Et puis, à côté de cette sobriété du livre déroulant un tapis moelleux aux mots, il y a... la poésie graphique, née avec la « révolution typographique » de Mallarmé et son poème intitulé Un coup de dés jamais n'abolira le hasard. À suivre... | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Sam 28 Juil 2012 - 11:34 | |
| merci pour ce sujet il y a bien des années que j'ai découvert et aimé la poésie graphique.. mais à ce moment seulement en langue allemande et anglaise je ne demande donc que de faire connaissance de ce monde en français bien qu'on ne peut naturellement pas échapper à celui-ci (n'importe la langue dans laquelle on fait connaissance de cet art): Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou, 1914en ce qui concerne le plus connu en langue allemande, c'est celui-ci: Reinhard Döhl, Apfel/Pomme, 1956l'un des plus fameux représentant de cette forme poétique (en langue allemande) est Christian Morgenstern (Allemand, 1871-1914) qui n'est autre qu'une parodie du poème de Gothe: Über allen Gipfeln ist Ruh, in allen Wipfeln spürest du kaum einen Hauch; die Vögelein schweigen im Walde, warte nur, balde ruhest du auch!
Au sommet de tous les pics est le calme, au sommet de tous les arbres tu sens à peine un souffle ; les petits oiseaux sont silencieux dans la forêt, attends seulement, bientôt tu trouveras le repos aussi !L'entonnoiret puis il y a Ernst Jandl (Autrichien, 1925 - 2000) Marque d'une tournure
Krieg=guerre | |
| | | MezzaVoce Envolée postale
Messages : 290 Inscription le : 13/07/2012 Age : 59 Localisation : Lyon
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Sam 28 Juil 2012 - 12:31 | |
| Merci Kenavo ! J'ai lu, en effet, qu'il y avait eu un très fort engouement allemand pour le calligramme à une époque où l'accueil français était plus réservé, jusqu'à sa consécration sous la plume d’Apollinaire. En ouvrant ce fil, je ne pensais pas qu'il m'entraînerait dans une véritable « épopée » historique. On ignore parfois de ces choses essentielles ! J'ai notamment suivi les indices laissés par l'intéressant article de Marthe Gonneville, trouvé tout bêtement grâce à Wikipédia : Poésie et typographie(s). Mallarmé est donc le père officiel de la poésie graphique (imprimée, car la poésie graphique « manuelle » n'a pas vraiment d'âge). Un coup de dés est publié en 1897 dans la revue Cosmopolis puis en 1914 dans La Nouvelle Revue française. Gonneville cite quand même des auteurs lui ayant ouvert la route : en particulier, un étrange personnage. Nicolas Cirier (1792-1869). Typographe et pamphlétaire, il est l'auteur, en 1939 et 1940, de L'Œil typographique, offert aux hommes de lettres de l'un et de l'autre sexe, notamment à MM. les correcteurs, protes, sous-protes, etc. (voir sur Gallica) et de L'Apprentif Administrateur, pamphlet pittoresque (!), littérario-typographico-bureaucratique, pouvant intéresser toute personne employée, employable, ex-employée, par quelqu'un de cette dernière catégorie (1840). Ce dernier comprend « pas moins de trente-deux papillons, dépliants ou feuillets intercalaires de différentes couleur » (Raymond Queneau, Bâtons, chiffres et lettres). Cirier sera surnommé « le typographe fou ». Dans L'Horthographe rhendhue phacilhe (1850), il propose la multiplication du nombre de lettres dans les mots afin d'en accroître l'expressivité. Par exemple, « pour bien faire sonner les r et les l dans horrible allusion, on écrira horrrrible allllusion ». À suivre... | |
| | | MezzaVoce Envolée postale
Messages : 290 Inscription le : 13/07/2012 Age : 59 Localisation : Lyon
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Dim 29 Juil 2012 - 20:53 | |
| Lewis Carroll (1832-1898) Dès 1850, il crée ses premières poésies et dessins dans de petites revues satiriques destinées à amuser sa famille. Rapidement, il s'intéresse particulièrement au lien entre l'image et le texte et à l'art de les imbriquer. Carroll est d'ailleurs le premier illustrateur de son Alice au pays des merveilles, dont le manuscrit témoigne du rapport étroit qui existait entre le récit et ses illustrations dès sa rédaction. Lors de l'édition de l'ouvrage, l'illustration d' Alice est confiée à John Tenniel, peintre et dessinateur satiriste choisi par Carroll, qui supervise alors minutieusement le travail de Tenniel sans en être jamais réellement satisfait. Le livre comprend un des premiers calligrammes imprimés : A long tale, en forme de queue de souris. Il faut penser qu'à l'époque, ce genre de composition était bien plus complexe que de nos jours. Carroll avait aussi l'habitude de mêler texte et graphisme dans ces correspondances privées. Ci-dessous une lettre-rébus, une lettre-spirale ou une lettre-miroir : À suivre... | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Dim 29 Juil 2012 - 21:30 | |
| Merci pour ce fil Mezza !
Je suppose que la Prose du Transsibérien pourrait figurer parmi ces créations de poésie graphique ?
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| | | MezzaVoce Envolée postale
Messages : 290 Inscription le : 13/07/2012 Age : 59 Localisation : Lyon
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Dim 29 Juil 2012 - 22:03 | |
| - colimasson a écrit:
- Merci pour ce fil Mezza !
Je suppose que la Prose du Transsibérien pourrait figurer parmi ces créations de poésie graphique ?
Bien sûr, et tout le monde peut amener sa note parfumée sur ce fil. J'indique juste "à suivre" pour dire que... j'en ai pour un moment avant d'atteindre les années 2010. | |
| | | MezzaVoce Envolée postale
Messages : 290 Inscription le : 13/07/2012 Age : 59 Localisation : Lyon
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Ven 3 Aoû 2012 - 19:18 | |
| Marthe Gonneville cite aussi Boismade (1806), les associations alphabétiques de Gottfried Keller (1867) et Rodenbach (« la mise en page du livre comme l'orchestration d'une affiche », 1887), mais je n'ai rien trouvé d'intéressant sur eux. (si y en des qui connaissent)
On arrive donc à Mallarmé et son Coup de dés paru en 1897, sur lequel il écrira dans la préface :
« Les "blancs", en effet, assument l’importance, frappent d’abord ; la versification en exigea, comme silence alentour, ordinairement, au point qu’un morceau, lyrique ou de peu de pieds, occupe, au milieu, le tiers environ du feuillet : je ne transgresse cette mesure, seulement la disperse. Le papier intervient chaque fois qu’une image, d’elle-même, cesse ou rentre, acceptant la succession d’autres et, comme il ne s’agit pas, ainsi que toujours, de traits sonores réguliers ou vers – plutôt de subdivisions prismatiques de l’Idée, l’instant de paraître et que dure leur concours, dans quelque mise en scène spirituelle exacte, c’est à des places variables, près ou loin du fil conducteur latent, en raison de la vraisemblance, que s’impose le texte. L’avantage, si j’ai droit à le dire, littéraire, de cette distance copiée qui mentalement sépare des groupes de mots ou les mots entre eux, semble d’accélérer tantôt et de ralentir le mouvement, le scandant, l’intimant même selon une vision simultanée de la Page : celle-ci prise pour unité comme l’est autre part le Vers ou ligne parfaite. »
Voilà ce qu'en dit Marthe Gonneville (c'est long, mais je trouve ça beau) :
« Il devait être assez déroutant en effet, pour un lecteur du temps, ce texte de dix pages où les mots plutôt que d'être gentiment disposés sur la page, l'un à côté de l'autre, sans autres espaces que ceux convenus, étaient distribués apparemment de façon arbitraire sur les deux pages considérées comme une seule, c'est-à-dire sans recto verso (ce qui va à l'encontre de la typographie orthodoxe), avec certains vocables trônant tout seuls au beau milieu d'une page plus blanche que noire, imprimés en dix caractères différents, mêlant la grande capitale à toutes sortes de variétés de bas de casse, autant romains qu'italiques. De plus, ce texte n'était pas ponctué et coulait (presque au pied de la lettre : voyez le naufrage, en certaine page), très fluide, en une seule longue phrase, comme s'il se fût agi d'un seul long vers. (...) D'abord, il prend la page — et souvent même deux pages — comme Unité et répartit les éléments de façon architecturée, rythmée (comme une partition). Les vides et les pleins, les blancs et les caractères, il les imagine en vue d'un endroit spécial (cela se passe dans la conception même du poème : il n'a pas d'abord écrit le poème de façon normale puis l'a distribué sur la feuille — mais trouvé les mots et leur place en même temps); quelques années avant de l'écrire, il avait rêvé ce poème (voir le Livre, instrument spirituel). Les blancs, ici, ont plein pouvoir, remplissent la fonction de signes de ponctuation, opèrent les transitions d'une image à une autre, entraînent une immense interrogation dans l'esprit du lecteur (en fait, ni les vides ni les pleins ne sont significatifs : ce sont leurs rapports qui le sont); les grosseurs de caractères soulignent la plus ou moins grande importance des groupes de mots (la phrase principale, c'est-à-dire le titre du poème, est en grosses capitales éparses). UN COUP DE DÉS JAMAIS N'ABOLIRA LE HASARD — comme la main droite joue le thème d'unepièce musicale; puis, en petites capitales, on a l'explication — et les dérivés sont en bas de casse — le premier tiers : tout en romains; le deuxième : en italiques (comme une incluse, une digression, un discours au deuxième degré, comme un emprunt secret) et la dernière partie : en romains. Cette graduation des pages, cette proportion recherchée, cette disposition de « buissons typographiques » (j'emprunte le mot à Ponge), d'agglutinés et de trous, offre l'avantage de porter son propre rythme, l'imposant au lecteur qui s'arrête plus longtemps aux mots importants ou court sur les phrases fuyantes, traversant la page de biais, empruntant un chemin de traverse qui lui fait voir un nouveau paysage. Cette animation de la page, cette « constellation » comme il disait lui-même, cette illumination de la page (« élever enfin une page à la puissance du ciel étoile », disait Valéry en parlant de ce texte), cette vie que Mallarmé insuffle à la page, anime le lecteur aussi; le poème ne lui est pas donné tout fait : il se construit dans son esprit. C'est lui qui établit des rapports entre ces mots en plan, en blanc... et qui peut voir une deuxième dimension dans ce texte. Cette lecture superficielle permet de voir dans ce dispositif « la trace visible de l'idée », « comme une chorégraphie », « la figure d'une pensée, pour la première fois placée dans notre espace », comme a dit Valéry (« l'attente, le doute, la concentration étaient choses visibles » — « événement de l'ordre universel, spectacle idéal de la Création du Langage ») ou, comme l'a vu Claudel, « une explication du monde » ou enfin, comme a dit Meschonnic, « le rythme de la page lié à un ensemble métaphysique, cosmique ». Mais surtout, retenons ce que Mallarmé lui-même dit à Valéry : « la disposition typographique formait l'essentiel de ma tentative ».
Bon... On peut admirer ou regretter la « domination » que l'auteur tente de prendre sur le lecteur, moins libre qu'à l'accoutumée de son interprétation. Cependant, ce texte a le mérite d'ouvrir la voie à une pensée plus globale de la création poétique.
À suivre... (1897... on se rapproche)
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| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Ven 3 Aoû 2012 - 20:40 | |
| - MezzaVoce a écrit:
- Marthe Gonneville cite aussi Boismade (1806), les associations alphabétiques de Gottfried Keller (1867) et Rodenbach (« la mise en page du livre comme l'orchestration d'une affiche », 1887), mais je n'ai rien trouvé d'intéressant sur eux. (si y en des qui connaissent)
je connais les deux comme auteur.. mais pour ce domaine? vérifié pour Gottfried Keller sur quelques sites allemands, mais rien trouvé.. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Sam 25 Aoû 2012 - 17:22 | |
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| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Sam 29 Juin 2013 - 7:17 | |
| - Esperluette a écrit:
- Un coup de cœur pour Apollinaire aujourd'hui :
Et pour plus de lisibilité voici les vers transposés :
Il pleut des voix de femmes comme si elles étaient mortes même dans le souvenir c'est vous aussi qu'il pleut merveilleuses rencontres de ma vie ô gouttelettes et ces nuages cabrés se prennent à hennir tout un univers de villes auriculaires écoute s'il pleut tandis que le regret et le dédain pleurent une ancienne musique écoute tomber les liens qui te retiennent en haut et en bas «Ondes, in Calligrammes», NRF Poésie/Gallimard, Paris 1966, page 64. Dans l'édition originale, le texte est présenté en lignes tombant de haut en bas, comme la pluie.
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| | | Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Sam 29 Juin 2013 - 9:50 | |
| Très beau fil, à MezzaVocce. Tu as eu raison Kenavo. A nous de l'alimenter au fil de nos découvertes. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Lun 5 Aoû 2013 - 15:10 | |
| Trouvé quelques poèmes graphiques d' Anatol Knotek, en anglais Tandis que sur son site il y en a aussi en allemand | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Mer 7 Aoû 2013 - 12:45 | |
| Peut-on encore appeler ceci des "poèmes" ? | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| | | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) Ven 9 Aoû 2013 - 15:06 | |
| Même... de l'invention graphique, d'accord... mais au niveau littéraire, c'est pauvre, non ? | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Poésie, typographie et graphisme (poésie graphique) | |
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