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| Jacques Chessex [Suisse] | |
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Auteur | Message |
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kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Mar 10 Mar 2009 - 0:05 | |
| Un Juif pour l'exemple - Citation :
- Présentation de l'éditeur
Nous sommes en 1942: l'Europe est à feu et à sang, la Suisse est travaillée de sombres influences. A Payerne, rurale, cossue, ville de charcutiers "confite dans la vanité et le saindoux", le chômage aiguise les rancœurs et la haine ancestrale du Juif. Autour d'un "gauleiter" local, le garagiste Fernand Ischi, sorti d'une opérette rhénane, et d'un pasteur sans paroisse, proche de la légation nazie à Berne, le pasteur Lugrin, s'organise un complot de revanchards au front bas, d'oisifs que fascine la virilité germanique. Ils veulent du sang. Une victime expiatoire. Ce sera Arthur Bloch, marchand de bestiaux Quand mon libraire me recommande après 8 ans pour la première fois un livre - je lui dois de le prendre (en fait, il y a deux libraires, l'autre me comble de livres à lire, l'autre jamais)Je sais, il y a meilleures raisons de lire un livre - mais il est littéralement courru derrière sa caisse pour me demander si j'avais lu CE livre - et je me retrouvais avec Un Juif pour l'exemple en mains.. extra, vraiment extra.. faut le lire... Parfois il faut être cliente docile.. et parfois il faut être lectrice gentille je sors de cette lecture avec à peu près le ressenti de Rivela: - rivela a écrit:
- Un peu court, 100 pages. J'aurai aimé 100 pages de plus, vu la faciliter qu'il a pour écrire.
Bien sans plus Samedi je vais lui demander ce qu'il y avait de si extra dans ce livre.. mais n'importe le cours de notre discussion - au moins après 8 ans j'en aurais une concernant livres avec lui | |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Mar 10 Mar 2009 - 11:52 | |
| peut-être ce qui lui a plu à ton libraire c'est justement de pas trop faire de blabla, aller droit au but dans la dégeulasserie humaine la pourriture qu'il peut y avoir dans un esprit et le mal que ça engendre. Maintenant ça fait plus d'un mois que je l'ai lu, et j'ai toujours en mémoire la scène du crime, le monsieur qui entre dans l'écurie et au lieu que les autres le tue ils se mettent à marchander une bête. L'homme part, reviens, remarchandage, il repart , il revient, repart et revient et là se fait tuer c'est un instant surréaliste décrit avec brio, le meilleur moment du livre. Mais 40 minutes pour lire un livre c'est trop court. Maintenant je lis un livre historique de 700 pages j'en ai pour 2 semaines et je préfère ça | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Mar 10 Mar 2009 - 12:02 | |
| J'ai écouté Jacques Chessex parler de son livre, Un juif pour l'exemple, deux fois...J'ai aimé l'écouter raconter... Et puis je me suis dit que ce que j'avais entendu devait me suffire...Je ne le lirai pas... J'ai cru comprendre quec'était pour lui une nécessité de raconter, de se libérer peut-être, de cette tragédie vécue à l'âge de l'enfance. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Mar 10 Mar 2009 - 12:07 | |
| - rivela a écrit:
- peut-être ce qui lui a plu à ton libraire c'est justement de pas trop faire de blabla, aller droit au but dans la dégeulasserie humaine la pourriture qu'il peut y avoir dans un esprit et le mal que ça engendre.
oui.. tu as probablement raison.. c'est aussi une qualité de ce livre - rivela a écrit:
- c'est un instant surréaliste décrit avec brio, le meilleur moment du livre.
en effet, un moment fort.. et qui va aussi me hanter pour un moment.. surtout qu'il a mit - à deux reprises qu'il ne se doutait de rien.. ne sentait pas ce qui allait se passer.. - rivela a écrit:
- Mais 40 minutes pour lire un livre c'est trop court. Maintenant je lis un livre historique de 700 pages j'en ai pour 2 semaines et je préfère ça
disons - j'apprécie les deux.. il y en a des livres courts qui ne se mesurent pas au temps qu'on met à les lire | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Ven 20 Mar 2009 - 19:54 | |
| - Arabella a écrit:
- Le vampire de Ropraz
J'ai énormement aimé l'écriture de Jacques Chessex, précise, comme au scalpel, mais en même temps mystérieuse et pleine de clairs-obscurs. .
Mais j'ai en même temps éprouvé une frustration, j'ai trouvé le livre trop court, il m'a semblé que tous les thèmes abordés ne l'ont pas été suffisament en profondeur, suffisament developpés, j'ai eu la sensation que cela aurait pu être plus fort encore. Mais c'est peut être juste que je n'aime pas les textes si courts, qui me laissent toujours sur ma faim, surtout lorsqu'ils sont beaux. J'aurais pu écrire exactement la même chose qu'Arabella, c'est tellement bien écrit que l'on regrette que ce soit si court! Jusqu'à la dernière page... surprenante et qui m'a fait sourire! Quelle ironie! | |
| | | Eve Lyne Sage de la littérature
Messages : 1936 Inscription le : 08/08/2008
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Dim 10 Mai 2009 - 12:01 | |
| UN JUIF POUR L'EXEMPLE.Un Juif pour l'exemple, comme l'a recommandé le pasteur Lugrin, adoubant le groupe d'hommes décidés à se charger de cette basse besogne. La narration du fait divers est factuelle et clinique. Il n''y a aucune émotion, à part dans les deux derniers chapitres. C'est ce qui m'a le plus dérangée car n'importe qui aurait pu narrer ainsi l'événement. Mais peut-être l'auteur ne pouvait-il pas procéder autrement, encore sous le choc de cet horrible massacre. La mort en soi est choquante car elle est due à l'endoctrinement d'un groupe d'hommes faibles, sans conscience de l'humanité, facilement influençables. Le plus cruel est ce qui a suivi la mort, la découpe du corps, la jetée des morceaux dans la Chevroux. Par comparaison, la description chez Perez-Reverte de cette femme violée puis torturée en Tchétchénie m'a davantage perturbée car elle a souffert : seins découpés avant meurtre. Là, le Juif est tué brutalement. Le calvaire est de courte durée. Par contre, ce qui suit cette mort est terrible, inhumain, incompréhensible. L'être humain est traité comme un porc qu'on dépèce. L'auteur a pris position contre le pardon puisqu'il cite vers la fin de son écrit Jankélévitch et son témoignage L'Imprescriptible. J'ai lu récemment Sam Braun – Personne ne m'aurait cru, alors je me suis tu-, qui a vécu le camp de concentration, et qui est en désaccord avec Jankélévitch. - Citation :
- Qu'est-ce que l'horreur ? Quand Jankélévitch déclare indescriptible tout le crime de la Shoah, il m'interdit d'en parler ors de cet arrêt. L'imprescriptible. Ce qui ne se pardonne pas. Ce qui ne sera jamais payé. Ni oublié. Ni prescrit. Aucun rachat d'aucune espèce. Le mal absolu, à jamais sans transaction.
Je raconte une histoire immonde et j'ai honte d'en écrire le moindre mot. J'ai honte de rapporter un discours, des mots, un ton, des actes qui ne sont pas les miens mais qui le deviennent sans que je le veuille par l'écriture. Car Vladirmir Jankélévitch dit aussi que la complicité est rusée, et que rapporter le moindre propos d'antisémitisme, ou d'en tirer le rire, la caricature ou quelque exploitation esthétique est déjà, en soi, une entreprise intolérable. Il a raison. Mais je n'ai pas trot, né à Payerne, où j'ai vécu mon enfance, de sonder des circonstances qui n'ont pas cessé d'empoisonner ma mémoire et de m'entretenir, depuis tout ce temps, dans un déraisonnable sentiment de faute. J'avais huit ans quand ces choses ont eu lieu. En résumé : un roman trop court (attendez la version de poche car les 12 euros ne sont pas justifiés), qui manque cruellement d'émotion et focalise presque exclusivement sur l'exposé des faits. Les deux derniers chapitres auraient mérité un développement aussi important que ce qui a précédé. Il manque une centaine de pages. Dommage ! | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Lun 24 Aoû 2009 - 19:38 | |
| Un juif pour l'exemple
(première lecture de cet auteur).
c'est vite lu les cents pages, d'autant plus que les phrases sont courtes et évitent résolument de trop lourds développements ou détours... par contre l'atmosphère du lieu et de la saison est omniprésente. D'abord l'impression de quelque chose de très (voir trop ?) accusateur puis l'évidence se fait que c'est juste abominable, simplement abominable et sans explication. Importante absence d'explication soulignée sur la fin par l'auteur.
Je serai de tenté de dire qu'il aurait effectivement pu faire plus long mais sans en être sûr. C'est bref et violent et laisse chacun rapprocher ses explications et ses repères à lui d'un douloureux problème de fond...
En fait si il n'était pas aussi habile et précis, j'aurai presque trouvé l'après trop long. Il est loin de se prendre les pieds dans le tapis de pensées trop évidentes sur ce sujet.
Un petit livre qui laisse une impression profonde de doute et de malaise, de peur aussi, au moins d'une mauvaise inquiétude pénétrante.
(je crois que j'y reviendrai à Jacques Chessex) | |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Sam 10 Oct 2009 - 9:13 | |
| Jacques Chessex a été victime d’un malaise cardiaque, hier à 19 h, alors qu’il participait à une conférence qui avait pour thème l’adaptation théâtrale de son roman La confession du pasteur Burg. «La conférence avait lieu à la Bibliothèque municipale en fin d’après-midi. Au moment des questions, un spectateur a interpellé Jacques Chessex sur sa position face à l’affaire Polanski. Soudain, l’écrivain s’est effondré alors qu’il précisait sa position sur le sujet. Les secouristes sont arrivés rapidement et ont essayé de le réanimer avec des massages cardiaques», raconte un témoin. Malgré les soins prodigués, Jacques Chessex est décédé sur place. | |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Sam 10 Oct 2009 - 9:20 | |
| Résumé de sa vie d'écrivain. - Citation :
L’œuvre de Jacques Chessex (né en 1934) tire l’essentiel de sa dramaturgie et de sa thématique d’un scénario existentiel marqué par le suicide du père, évoqué et réinterprété à d’innombrables reprises. Cette œuvre procède à la fois d’un noyau poétique et d’un travail sans relâche. Dès la parution du premier de ses recueils, l’année de ses 20 ans, le jeune poète se montre à la fois personnel, déterminé et bien conseillé, visant aussitôt la double reconnaissance romande et parisienne. Après quatre premiers recueils de poèmes qui s’inscrivent sans heurts sur la Toile de fond de la poésie romande, l’écrivain va s’affirmer plus nettement dans les récits de La tête ouverte, publié chez Gallimard en 1962, et surtout avec La confession du pasteur Burg, chez Bourgois, qui amorce la série des variations romanesques sur quelques thèmes obsessionnels, à commencer par celui de l’opposition de l’homme de désir et des lois morales ou sociales. De facture plutôt classique, La confession du pasteur Burg représente le premier avatar d’un ensemble romanesque qui «tourne» essentiellement autour d’un protagoniste masculin constituant la projection de l’auteur. La cristallisation sera la plus dense dans Jonas, grand livre de l’expérience alcoolique, mais le romancier saura rebondir parfois à l’écart de l’autofiction, comme Le rêve de Voltaire l’illustre de la manière la plus heureuse. Ce qui nous paraît en revanche limité, chez le Chessex romancier, tient au développement des personnages et surtout des figures féminines, qui relèvent plus du type que de la personne intéressante en tant que telle. L’ogre, consacré par le Prix Goncourt en 1973, ne fait pas exception.
A l’évidence, et de son propre aveu d’ailleurs, Jacques Chessex a conçu son œuvre comme une suite de batailles, et le lui reprocher serait vain. A cet égard, ses «romans Grasset» ont sans doute compté pour l’essentiel dans la reconnaissance de Jacques Chessex par la France.
L’auteur n’a cessé, pourtant, de creuser plusieurs sillons, en alternance ou simultanément: la poésie, rassemblée chez Bernard Campiche en 1999; le roman ou les nouvelles, dont certains recueils (Où vont mourir les oiseaux ou La saison des morts ) comptent parmi les plus belles pages de l’auteur; les proses, autobiographiques le plus souvent, mais tissées de digressions, et les portraits constituant un autre aspect du grand art de Chessex, du fameux Portrait des Vaudois à L’imparfait si délié dans sa libre inspiration et respiration, ou de Carabas à l’admirable Désir de Dieu ; enfin, de nombreux essais, dont un Charles-Albert Cingria qui a fait date et un très remarquable Flaubert, Les saintes écritures consacrées aux auteurs romands et nettement plus datées, entre autres écrits sur des peintres et autres lieux. Plus récemment, les ouvrages plébiscités par le grand public, du Vampire de Ropraz à Un Juif pour l’exemple, en passant par le remarquable Pardon mère .
JEAN-LOUIS KUFFER | |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Sam 10 Oct 2009 - 9:48 | |
| Dernière émission de télé septembre 09 ou Chessex s'exprime sur sa vie alors si le lien fonctionne, ça commence avec Chessex à 1 minute 50 Dernière télé pour Jacques | |
| | | Maline Zen littéraire
Messages : 5239 Inscription le : 01/10/2009 Localisation : Entre la Spree et la Romandie
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Sam 10 Oct 2009 - 14:20 | |
| - rivela a écrit:
- Dernière émission de télé septembre 09 ou Chessex s'exprime sur sa vie
alors si le lien fonctionne, ça commence avec Chessex à 1 minute 50 Dernière télé pour Jacques Merci, rivela, pour ce lien vers la dernière émission télé de Jacques Chessex. On n’y parle pas du dernier livre de Chessex « Un Juif pour l'exemple ». Dois-je craindre que certaines personnes à Payerne espèrent maintenant de s’en sortir à bon compte | |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Sam 10 Oct 2009 - 16:23 | |
| Bien, comme il a écrit beaucoup de poésies je mets des extraits de Chessex, j'ai pas de livres de poésie de lui alors j'ai recopié sur le net. - Citation :
- J'aime le brouillard, tu le sais
Ses épaisseurs lumineuses Ses taches de mort calme dans l'antre du jour
Et tu sais aussi que j'aime le brouillard parce qu'il ressemble A ce regret qui est en moi Entre l'heure et la mémoire Quand j'ai la vertu de regarder ma mort Les claires ruines et tout l'après Où je n'aurai plus de structure Où il n'y aura plus de langage, plus de formes même ombreuses Plus d'arête aucune catégorie dans le vide Aucun vide du vide J'aime le brouillard de m'y faire réfléchir S'il ressemble tant soi peu à ce destin défaisant mon heure Dans le vœu de l'instant et du rien
ou encore - Citation :
- La poésie est l’air de l’être
Mortel qui se sait mortel Je me couche sous un feu d’herbes sèches Je souffle dans ma flûte d’os Je m’enterre sans terre La main posée sur mon propre crâne Comme le bonnet du simple qui bave Au soleil devant l’asile | |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Sam 10 Oct 2009 - 16:31 | |
| Hommage de son ami Jérôme Garcin
On devait se voir bientôt. Il était heureux. Il venait de remettre son nouveau livre aux Editions Grasset, sur le crâne du marquis de Sade. Un texte bref, comme ceux, noirs et saillants, avec lesquels, depuis quelques années, il avait enfin recouvré le succès : « Le Vampire de Ropraz » et « Un Juif pour l'exemple ». C'était justice.
Car Jacques Chessex était un grand écrivain, un étonnant styliste, qui avait été longtemps négligé et, selon moi, mal lu. On réduisait son œuvre immense au prix Goncourt, qu'il avait reçu pour « L'Ogre », en 1973, et l'homme, à ses colères éthyliques de cette époque là. C'étaient deux malentendus.
Il était poète, nouvelliste, essayiste, portraitiste, paysagiste, théologien, et peintre. Sa palette était incroyablement variée : ses premiers récits, d'inspiration paulhanienne, comme « La Tête ouverte » ou « La Confession du Pasteur Burg », étaient économes, calvinistes. Il y eut ensuite sa grande période naturaliste, sur laquelle planaient les ombres de Maupassant et Flaubert, avec « Carabas », « L'Ardent royaume » et « Le Séjour des morts », des livres à la prose charnue, joufflue, puissante. Et puis Chessex se métamorphosa à nouveau. Il avait cessé de boire, il écrivait maigre, il voulait des romans à l'os, des textes d'ermite aspiré par le ciel.
Mais quelle que soit la manière, et depuis ses premiers poèmes du « Jour proche », en 1954, jusqu'à son dernier récit, « Un Juif pour l'exemple », cet écrivain enraciné dans le pays de Vaud n'avait qu'une obsession, dont chaque livre était une nouvelle variation : la mort. Il n'en finissait pas de la chercher, de l'interroger, de la malmener, de la narguer, de l'aimer. Il n'avait pas fait construire par hasard sa maison de Ropraz tout contre un petit cimetière. La compagnie des absents était sa présence quotidienne. Jacques était un mystique terrien, que le suicide de son père avait marqué pour toujours. Il n'a vécu, il n'a écrit que pour racheter cette faute originelle. Tantôt, il injuriait Dieu, tantôt il le priait. Jamais, il ne l'a ignoré. Dans son œuvre coulent les larmes, le sang et le lait.
J'ai connu Jacques Chessex au milieu des années soixante-dix, quand il habitait encore Lausanne et enseignait au Gymnase de la Cité. Je n'avais pas 20 ans, il en avait plus du double. Depuis, notre amitié n'a jamais failli. C'était comme une conversation ininterrompue. On se voyait parfois, en Suisse ou à Paris, on s'écrivait sans cesse. C'est si rare, une amitié littéraire que le temps renforce et embellit. Quand j'aurai le cœur à ça, j'ouvrirai toutes les boîtes en carton où, depuis 35 ans, je gardais ses lettres, des centaines de lettres qui commençaient toujours par un éloge des saisons dans son pays de Vaud, une chronique des renards et des aigles de Ropraz, un relevé des parfums et des couleurs, un portrait des champs d'été ou des collines enneigées. Car Jacques, comme tous les écrivains universels, était l'homme d'un tertre, d'un village, d'un cimetière. Il ne les a jamais quittés. Il y dort aujourd'hui, et c'est très triste, et c'est très bien.
J.G. | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Sam 10 Oct 2009 - 18:18 | |
| Je viens d'apprendre la nouvelle. un seul mot me vient : m...e ! | |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Jacques Chessex [Suisse] Mar 13 Oct 2009 - 11:56 | |
| Dernier acte Scène finale.Sur la scène. Premier rôle : L’écrivain Deuxième rôle : Le médecin Acteur secondaire : la compagne de l’écrivain, des amis, le public, les secouristes. Décor : une bibliothèque. L’histoire. Un écrivain s’adresse à un auditoire attentif au sujet de son livre la Confession du pasteur Burg qui est adapté au théâtre. Description de la scène. L'écrivain parle de sa joie de voir sa pièce adaptée sur scène, félicitant particulièrement l'unique acteur de celle-ci, dont le monologue ravi l'auteur de l'ouvrage, publié en 1967. Après avoir rappelé que ce livre, comme l'intégralité de ses autres écrits, n'était pas un roman lisse, mais qu'il lui avait valu, à l'époque, une intervention au Grand Conseil, destinée à lui interdire d'exercer son métier d'enseignant, l’écrivain ensuite se plaint, toujours avec humour et recul, du traitement que la presse lui a administré ces derniers jours, dans le cadre de L'affaire Polanski. L'écrivain - Citation :
- - J'ai l'habitude d'être jugé et n'en fais pas une maladie, mais je suis le seul juge en ce qui me concerne, personne d'autre ne peut décider à ma place.
Après son monologue le public pose des questions. Intervention du deuxième rôle. un homme se lève, s'empare du micro et déclare, particulièrement virulent Le médecin - Citation :
- -Je suis médecin généraliste et père de famille. Je vous ai écrit, à Ropraz, vous ne m'avez jamais répondu! Maintenant, je vous ai sous les yeux, vous ne pourrez pas vous défiler!
L’écrivain sourit de l'intervention , il s'y attendait peut-être, en fin connaisseur de la psychologie humaine. L'homme exaspère visiblement l'assemblée, des voix se font entendre pour le faire taire. L'homme continue sa diatribe, de manière fort agressive. L’écrivain s'avance vers lui, calmement. L'homme déclare, à moins de deux mètres de l'écrivain - Citation :
- -Ce que vous avez déclaré fait de vous un complice de crimes! Je ne veux même pas entendre votre réponse!
L'homme s'en va et ne sera jamais rattrapé. L'écrivain - Citation :
- -Attendez, monsieur le généraliste, ne partez pas!
L’écrivain s’adresse à l’auditoir. - Citation :
- -Ce généraliste... généralise! Je condamne fermement la pédophilie, une abjection, mais je distingue l'affaire du fait.
A la fin de la phrase, l’écrivain s'effondre. Les acteurs secondaires. Appelez un médecin, vite! Il y avait bien un médecin à la Bibliothèque publique mais celui-ci venait de sortir du vénérable bâtiment. Il était exactement 18h51, lorsque les secours ont été demandés, et ceux-ci sont arrivés peu après 19h, afin de tenter de réanimer l’écrivain. Panique à bord de la bibliothèque, les gens entrent, sortent, et ne restent finalement au chevet de l'écrivain que ses proches, assistant avec émotion à ses derniers instants. Les secours ont bien évidemment tout tenté, mais l'heure de l’écrivain était venue, au côté de sa compagne et au milieu de ses amis les livres, auxquels il avait consacré une immense partie de sa vie. Son cœur s'est arrêté de battre dans une bibliothèque. Quel plus bel endroit pour entrer dans l'éternité. | |
| | | | Jacques Chessex [Suisse] | |
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