Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Parfum de livres… parfum d’ailleurs

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 Sylvie Germain

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Marko
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 10:15

Elle devait entrer à l'Academie Française mais elle a finalement été élue à l'Académie royale de langue et de littérature françaises. J'ai lu que Dominique Fernandez était très déçu qu'il y ait eu un "vote blanc" (je ne sais pas ce que ça signifie) en France. Mais peut être n'est-ce que partie remise?
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coline
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 11:47

Sekotyn a écrit:
Voici mon avis Coline. innocent 

Hier soir j'ai abandonné Les petites scènes capitales.
Ma première impression négative s'est confirmée de page en page.

Ce n'est pas mal écrit bien que souvent tarabiscoté (vous pouvez y aller j'ai mis mon casque).
[...]
Pour le moment je n'ai pas envie d'en attaquer un autre du même auteur (toujours très appréciée dans Le Monde. Cela aurait du me mettre la puce à l'oreille...).
Pourquoi un casque?...
Ton commentaire me fais vraiment penser que tu es passé à côté...Cette histoire est loin d'être aussi simpliste que ce que tu as cru lire...Mais tu as le droit de l'exprimer...

Je crois qu'avec Sylvie Germain il y a quelque chose de tellement intime dans ce qui la relie à son lecteur que ce dernier n'est pas toujours prêt à lui donner autant. Et pas du premier coup... Or je reste persuadée que ce n'est pas en un seul livre que l'on rentre dans son univers et que c'est l'ensemble qui fait oeuvre puissante, magistrale, et qui la rend digne de ce que Marko rappelle:

Marko a écrit:
Elle devait entrer à l'Academie Française mais elle a finalement été élue à l'Académie royale de langue et de littérature françaises. J'ai lu que Dominique Fernandez était très déçu qu'il y ait eu un "vote blanc" (je ne sais pas ce que ça signifie) en France. Mais peut être n'est-ce que partie remise?
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 11:56

Je ne sais pas si on peut dire qu'un lecteur n'est" pas prêt à donner" à un auteur....cela le met en position d'infériorité quelque part......Non je pense qu'il y a des auteurs qui ne savent pas se faire comprendre aux yeux de certains ou certaines, des auteurs trop compliqués pour "toucher'" certains.

Je verrai cela avec elle plus tard....mais....... je sens l'affaire assez mal partie.....
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 12:01

Et je dis cela, car en entendant Sylvie Germain, je n'ai pas réussi à comprendre ce qu'elle disait, et de quoi parlait son livre. Elle m'a semblé évoluer dans des sphères vraiment lointaines, dans un monde bien à elle assez difficile à pénétrer.

En disant cela, bien entendu, je ne juge en rien son écriture, qui à n'en pas douter , est de qualité......peut-être trop belle ,finalement , pour laisser une place à une histoire compréhensible ?
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 12:09

mimi54 a écrit:
Je ne sais pas si on peut dire qu'un lecteur n'est" pas prêt à donner" à un auteur....cela le met en position d'infériorité quelque part........
Je ne le ressens pas comme cela...Position d'inférorité? Non...Proposition d'élévation plutôt...Personnellement,en tous domaines de la vie, j'aime bien qu'on me pousse au-delà de ce que je saisis d'emblée, de ce que je connais déjà...

mimi54 a écrit:
Non je pense qu'il y a des auteurs qui ne savent pas se faire comprendre aux yeux de certains ou certaines, des auteurs trop compliqués pour "toucher'" certains...
En lecture (tu vois que je ne dis pas "littérature") il n'est question que d'affinités...ou pas!


mimi54 a écrit:
Je verrai cela avec elle plus tard....mais....... je sens l'affaire assez mal partie.....
Moi aussi je le sens mal parti entre Sylvie Germain et toi!rire 
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 12:12

mimi54 a écrit:
Et je dis cela, car en entendant Sylvie Germain, je n'ai pas réussi à comprendre ce qu'elle disait, et de quoi parlait son livre. Elle m'a semblé évoluer dans des sphères vraiment lointaines, dans un monde bien à elle assez difficile à pénétrer.

En disant cela, bien entendu, je ne juge en rien son écriture, qui à n'en pas douter , est de qualité......peut-être trop belle  ,finalement , pour laisser une place à une histoire compréhensible ?
En l'occurrence, ces Petites scènes capitales sont tout à fait compréhensibles!...Presque trop banales pour Sekotyn même!
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 12:16

mimi54 a écrit:
Je ne sais pas si on peut dire qu'un lecteur n'est" pas prêt à donner" à un auteur....cela le met en position d'infériorité quelque part......Non je pense qu'il y a des auteurs qui ne savent pas se faire comprendre aux yeux de certains ou certaines, des auteurs trop compliqués pour "toucher'" certains.

Je verrai cela avec elle plus tard....mais....... je sens l'affaire assez mal partie.....
Si un auteur peut être compliqué, je ne crois pas que l'affaire soit aussi simple à expliquer, Mimi54. Parler de position d'infériorité renvoie à quelque chose de plus subtil parfois. Ça vient, j'imagine, avec la présence d'un personnage d'écrivain parfois, n'est ce pas?

Citation :
Et je dis cela, car en entendant Sylvie Germain, je n'ai pas réussi à comprendre ce qu'elle disait, et de quoi parlait son livre. Elle m'a semblé évoluer dans des sphères vraiment lointaines, dans un monde bien à elle assez difficile à pénétrer.
Dans ce cas précis, Mimi54, tu parles de la stratosphère de l'abstraction? Ou ça peut parfois découler de l'attitude, de la posture de l'écrivaine?
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 12:22

Je trouve bien que certains auteurs nous demandent un certain effort pour découvrir leur univers, leurs réflexions. Je pense que tout ne peut pas nous être forcément systématiquement donné d'entrée. On peut apprendre, évoluer à moins de chercher d'abord et surtout à se divertir et à prendre du plaisir (ce qui reste l'essentiel). Ceci-dit Sylvie Germain ne demande pas tant d'effort que ça en première lecture. Elle est même plutôt divertissante. Mais il y a d'autres choses à chercher ensuite derrière la surface compte tenu des thèmes qu'elle aborde et des réflexions philosophiques ou théologiques qui les sous-tendent. Il y a même des travaux universitaires qui s'y intéressent et qu'on peut lire pour aller plus loin, ou pas Very Happy  Je la lis en surface pour l'instant mais j'irai peut-être la regarder de plus près un de ces jours.

Tu parles de mettre le lecteur en position d'infériorité, Mimi, mais j'y vois plutôt au contraire l'envie de prendre l'autre en considération en étant exigeant avec ce qu'on essaie de lui donner à partager. Le cinéaste Reygadas, à qui certains en veulent d'être a priori hermétique et le traitent de prétentieux et de poseur, répond qu'il a le sentiment au contraire de ne pas donner en pâture au spectateur un produit de consommation médiocre mais une oeuvre issue d'un travail et d'une réflexion personnels qu'il nous propose pour provoquer un débat, une rencontre, une ouverture vers un univers plus riche. C'est ce qui différencie probablement une oeuvre d'art d'un produit de consommation. Pareil en musique ou en peinture. Il ne nous viendrait pas à l'idée de trouver la musique de Debussy ou la peinture de Picasso prétentieuses ou condescendantes.
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 12:26

A ceux qui ne connaissent pas encore Sylvie Germain...à ceux qui la rejettent...à ceux qui ont envie de relire un passage...je vous propose, si vous en avez envie, une petite lecture (faites-la de préférence à voix haute, tranquillement, et jusqu'au bout...content ):

Extrait de LA PLEURANTE DES RUES DE PRAGUE de Sylvie Germain

" Nous sommes faits de la chair des autres. Il y a ces deux corps qui nous précédèrent comme de toute éternité, qui nous ont engendré, - ceux des parents. Il y a ceux qui grandirent à nos côtés, nés des mêmes parents, porteurs d'une même mémoire enfouie, obscure, dans la chair et le sang,
- ceux de la fratrie. Il y a ceux qui s'engendrent à leur tour de notre propre chair, ces corps enfants qu'il faut longtemps veiller, nourrir et protéger pour les laisser mûrir et croître jusqu'à ce qu'ils se détachent de nous et s'en aillent d'une démarche ferme au-delà des frontières que nous avions tracées. Tous nous demeurent consubstantiels.

Et il y a cet être qui surgit soudain, venu d'ailleurs, qui se détache un jour de la foule et vient à notre rencontre, s'approche tout près de nous. Qui s'approche si près que son souffle se mêle au nôtre, que son visage se glisse en nous. C'est l'amant, c'est l'amante, qui se fait notre corps compagnon. Notre corps second. Et qui, bien qu'étranger, parce qu'étranger, nous devient aussi consubstantiel, par les voies du désir qui coupent à l'oblique celles de la filiation.

Pour l'avoir contemplé, enlacé, caressé, pour avoir dormi tout contre lui, dans sa chaleur et son odeur, pour l'avoir désiré d'un désir encore accru au comble même de son assouvissement, on le connaît, cet autre, comme nul ne le connaît, - comme nul autre ne peut ni ne doit le connaître.

Il est sacré, le corps de l'amant, de l'amante, il est pur, jusque dans les fougues et les râles du désir s'accomplissant. Il est notre secret, notre orgueil et notre bonheur. Bonheur fertile qui féconde tous nos autres instants de bonheur, tous nos autres élans vers le monde, vers les choses et les êtres. Il est la stèle dressée tout le long du chemin, à chaque carrefour ; la stèle dont le texte se renouvelle sans cesse et dont on ne se lasse pas de recommencer la lecture, avec les doigts, avec les lèvres, autant qu'avec les yeux.

On le croyait nôtre, inséparable, d'une indéfectible complicité, ce corps second. On se leurrait. Le voilà qui s'en va, nous renie, nous oublie. Et la douleur pénètre dans chaque pore de la peau, elle s'insinue partout, et la raison, que l'on tâche pourtant d'endurcir, éclate, s'effrite. La raison ne veut plus rien entendre, c'est l'épouvante. On se heurte à l'absence de l'autre, on ne sait plus où aller, où se cacher, où fuir. On s'humilie, on se surprend à épier, éperdument, sa silhouette dans la rue, dans la foule, à sursauter au moindre bruit, comme s'il s'en revenait ; tous les pas sont ses pas. Mais lui, elle, marche ailleurs, si loin de nous, indifférent. On l'accuse, le maudit, l'injurie, mais le pardon déjà se trame au fond de nous. On voudrait mourir, mais on perdure, tendu dans le désir fou de le revoir. Encore une fois, juste une fois, rien qu'une fois. On le hait, mais on l'appelle avec l'immense patience, et douleur et amour des prophètes rappelant leur peuple frivole à la fidélité. On se moque, on médit de l'infidèle, - on blasphème, mais un mendiant recroquevillé au fond de nous lui tend la main, l'implore.

Et l'on s'envole, à cheval sur son nom ; on dérive vers les cimes glacées du silence où se gèlent nos larmes, nos appels. On tremble, on est si nu, on a si froid. On supplie l'autre de venir vêtir notre nudité de son corps. On est si nu, que l'on est écorché, à moitié dépeaussé. On est nu jusqu'au coeur. Et l'on se sent petit, infiniment, laid, tout ratatiné de chagrin et de froid, indésirable à soi-même, à tous, de n'être plus désiré par l'autre.

L'autre qui jamais ne reviendra. "



Ce qui est dit là est terriblement banal...mais la manière de le dire l'est-elle? Et est-ce si incompréhensible?....


Dernière édition par coline le Dim 22 Sep 2013 - 12:33, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 12:30

Marko a écrit:
Je trouve bien que certains auteurs nous demandent un certain effort pour découvrir leur univers, leurs réflexions. Je pense que tout ne peut pas nous être forcément systématiquement donné d'entrée. On peut apprendre, évoluer à moins de chercher d'abord et surtout à se divertir et à prendre du plaisir (ce qui reste l'essentiel). Ceci-dit Sylvie Germain ne demande pas tant d'effort que ça en première lecture. Elle est même plutôt divertissante. Mais il y a d'autres choses à chercher ensuite derrière la surface compte tenu des thèmes qu'elle aborde et des réflexions philosophiques ou théologiques qui les sous-tendent. Il y a même des travaux universitaires qui s'y intéressent et qu'on peut lire pour aller plus loin, ou pas  Very Happy   Je la lis en surface pour l'instant mais j'irai peut-être la regarder de plus près un de ces jours.

Tu parles de mettre le lecteur en position d'infériorité, Mimi, mais j'y vois plutôt au contraire l'envie de prendre l'autre en considération en étant exigeant avec ce qu'on essaie de lui donner à partager. Le cinéaste Reygadas, à qui certains en veulent d'être a priori hermétique et le traitent de prétentieux et de poseur, répond qu'il a le sentiment au contraire de ne pas donner en pâture au spectateur un produit de consommation médiocre mais une oeuvre issue d'un travail et d'une réflexion personnels qu'il nous propose pour provoquer un débat, une rencontre, une ouverture vers un univers plus riche. C'est ce qui différencie probablement une oeuvre d'art d'un produit de consommation. Pareil en musique ou en peinture. Il ne nous viendrait pas à l'idée de trouver la musique de Debussy ou la peinture de Picasso prétentieuses ou condescendantes.
En tous points d'accord avec toi Marko!
Ces mots synthétisent ce qui a été exprimé plus d'une fois sur ce forum, en littérature ou cinéma.
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 12:39

Marko a écrit:

Tu parles de mettre le lecteur en position d'infériorité, Mimi, mais j'y vois plutôt au contraire l'envie de prendre l'autre en considération en étant exigeant avec ce qu'on essaie de lui donner à partager. Le cinéaste Reygadas, à qui certains en veulent d'être a priori hermétique et le traitent de prétentieux et de poseur, répond qu'il a le sentiment au contraire de ne pas donner en pâture au spectateur un produit de consommation médiocre mais une oeuvre issue d'un travail et d'une réflexion personnels qu'il nous propose pour provoquer un débat, une rencontre, une ouverture vers un univers plus riche. C'est ce qui différencie probablement une oeuvre d'art d'un produit de consommation. Pareil en musique ou en peinture. Il ne nous viendrait pas à l'idée de trouver la musique de Debussy ou la peinture de Picasso prétentieuses ou condescendantes.
Pour moi, dire que un lecteur n'est "pas prêt à donner", est déjà une façon de le juger, et de ne pas le valoriser.

Le fait d'ouvrir un livre, de tenter de lire un auteur que l'on ne connait pas, est déjà une bonne preuve "d'être prêt à donner".

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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 13:33

N'ayant lu qu'une trentaine de pages de Sylvie Germain j'ai porté une appréciation sur ces pages là et ni ne polémiquerai ni ne me dédirai.

Je n'ai pas aimé et n'ai guère envie d'en tâter d'autres. Plus tard peut-être.

J'avais failli écrire que ce livre, ce que j'en ai lu, est un livre de fille au sens péjoratif du terme. Heureusement que je m'en suis gardé !
Ces pages m'ont aussi semblé ternes.

Mais heureusement que nous avons des goûts et des amours différents. Je ne dirai pas du mal d'un admirateur de cet écrivain.
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 14:37

Sekotyn a écrit:

Mais heureusement que nous avons des goûts et des amours différents. Je ne dirai pas du mal d'un admirateur de cet écrivain.
Heureusement! ...De même que je ne porte aucun jugement sur un détracteur de cet écrivain.Very Happy 

Bon allez...je vais y aller de mon commentaire de Petites scènes capitales!
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 14:43

Petites scènes capitales

J’ai retrouvé dans ce roman, en raccourci, en épuré, ce qui faisait la caractéristique de certains romans bien antérieurs de Sylvie Germain comme  Nuit d’ambre ou  Le livre des nuits…Des sortes de sagas où arrivaient en condensé sur une famille, sur plusieurs générations, et avec puissance, tout le malheur et le bonheur qui peut fondre sur elle. Les naissances et les morts, tous les sentiments humains exacerbés, l’aspiration à un idéal de pureté (un Dieu ?) toujours  confrontée  au mal que savent faire les hommes, seuls ou ensemble…Et toujours la nature présente, essentielle, comme lieu de ressourcement, d’apaisement, de beauté.

Le personnage principal de cette famille-là est Lili, ainsi l’appelle-t-on chez elle. Mais elle découvrira en entrant à l’école qu’en réalité son prénom est Barbara.
Mystère bien sûr…Mais il n’est  pas le seul qui occupe l’esprit de cette petite-fille douée d’une sensibilité aiguë et à laquelle son père n’explique rien : sa mère enfuie alors qu’elle n’a que onze mois…le décès couvert d’un voile tragique et opaque de cette femme en pleine mer…
Seule sa grand-mère entretient pour elle le souvenir à partir d’une unique photo où sa mère la tient dans les bras, le regard déjà « braqué dans  le vide ».

Depuis toute petite , Lili Barbara ne cessera de se demander pourquoi elle est née.
«Pourquoi suis-je là, pourquoi suis-je moi, en vie, telle que je suis en cet instant? Qu’est-ce que je fais là sur la terre? À quoi bon exister?»

Les chants des oiseaux captifs d’une volière voisine de la maison la réconfortent  mais « Ils ne l’entendent pas. Pas davantage que sa mère. Sa voix ne porte pas bien loin, elle n’atteint ni les oiseaux ni les morts. […]La voix du commencement, d’une attente indéfinie infusée de mélancolie, de patience et d’émois oscillant entre chagrin et ravissement. Voix de sa solitude avec son père. »

« Une attente indéfinie infusée de mélancolie, de patience et d’émois oscillant entre chagrin et ravissement. »
Voilà bien ce qui caractérise le tempérament de cette enfant rêveuse qui va grandir peu à peu, en peinant toujours à trouver sa place, dans une famille recomposée qui lui donne tout à coup un frère et trois sœurs, une belle-mère « d’une beauté grave et somptueuse ».

« Est-elle donc vouée à ne toujours occuper qu'un strapontin au fond du théâtre affectif de la famille ? »

Comme toujours Sylvie Germain ausculte et traduit au plus juste, avec sensibilité, délicatesse et poésie souvent,  la psychologie de ses personnages, leurs facettes, leurs blessures, les relations entre les êtres, ce qui ne se dit pas mais peut se percevoir derrière les apparences.

La vie de cette famille se déroule sous les yeux du lecteur; c'est le regard que pose sur elle Lili Barbara à partir des émotions qui jalonnent son existence…49 moments choisis, 49 « petites scènes capitales » (dont certaines ne sont pas si « petites »).
Car nos vies ainsi sont ponctuées de scènes (heureuses ou malheureuses, petites ou grandes) qui nous construisent, laissent leurs marques…certaines passées inaperçues pour ceux qui les vécurent en même temps que nous…
L’insignifiant, le fragile, le subtil peut prendre parfois une valeur capitale. C’est un mot, c’est un geste, c’est une émotion fugitive, une fulgurance de l’imaginaire…

Et c’est dans l’addition de 49 "petites scènes" vécues par Lili Barbara, en quête d’une place et de marques d’amour, que s’est construit un roman « capital ».

« L’amour, ce mot ne finit pas de bégayer en elle, violent et incertain. Sa profondeur, sa vérité ne cessent de lui échapper, depuis l’enfance, depuis toujours, reculant chaque fois qu’elle croit l’approcher au plus près, au plus brûlant. L’amour, un mot hagard. »
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   Sylvie Germain - Page 28 EmptyDim 22 Sep 2013 - 20:32

coline a écrit:
A ceux qui ne connaissent pas encore Sylvie Germain...à ceux qui la rejettent...à ceux qui ont envie de relire un passage...je vous propose, si vous en avez envie, une petite lecture (faites-la de préférence à voix haute, tranquillement, et jusqu'au bout...content ):

Extrait de LA PLEURANTE DES RUES DE PRAGUE de Sylvie Germain

" Nous sommes faits de la chair des autres. Il y a ces deux corps qui nous précédèrent comme de toute éternité, qui nous ont engendré, - ceux des parents. Il y a ceux qui grandirent à nos côtés, nés des mêmes parents, porteurs d'une même mémoire enfouie, obscure, dans la chair et le sang,
- ceux de la fratrie. Il y a ceux qui s'engendrent à leur tour de notre propre chair, ces corps enfants qu'il faut longtemps veiller, nourrir et protéger pour les laisser mûrir et croître jusqu'à ce qu'ils se détachent de nous et s'en aillent d'une démarche ferme au-delà des frontières que nous avions tracées. Tous nous demeurent consubstantiels.

Et il y a cet être qui surgit soudain, venu d'ailleurs, qui se détache un jour de la foule et vient à notre rencontre, s'approche tout près de nous. Qui s'approche si près que son souffle se mêle au nôtre, que son visage se glisse en nous. C'est l'amant, c'est l'amante, qui se fait notre corps compagnon. Notre corps second. Et qui, bien qu'étranger, parce qu'étranger, nous devient aussi consubstantiel, par les voies du désir qui coupent à l'oblique celles de la filiation.

Pour l'avoir contemplé, enlacé, caressé, pour avoir dormi tout contre lui, dans sa chaleur et son odeur, pour l'avoir désiré d'un désir encore accru au comble même de son assouvissement, on le connaît, cet autre, comme nul ne le connaît, - comme nul autre ne peut ni ne doit le connaître.

Il est sacré, le corps de l'amant, de l'amante, il est pur, jusque dans les fougues et les râles du désir s'accomplissant. Il est notre secret, notre orgueil et notre bonheur. Bonheur fertile qui féconde tous nos autres instants de bonheur, tous nos autres élans vers le monde, vers les choses et les êtres. Il est la stèle dressée tout le long du chemin, à chaque carrefour ; la stèle dont le texte se renouvelle sans cesse et dont on ne se lasse pas de recommencer la lecture, avec les doigts, avec les lèvres, autant qu'avec les yeux.

On le croyait nôtre, inséparable, d'une indéfectible complicité, ce corps second. On se leurrait. Le voilà qui s'en va, nous renie, nous oublie. Et la douleur pénètre dans chaque pore de la peau, elle s'insinue partout, et la raison, que l'on tâche pourtant d'endurcir, éclate, s'effrite. La raison ne veut plus rien entendre, c'est l'épouvante. On se heurte à l'absence de l'autre, on ne sait plus où aller, où se cacher, où fuir. On s'humilie, on se surprend à épier, éperdument, sa silhouette dans la rue, dans la foule, à sursauter au moindre bruit, comme s'il s'en revenait ; tous les pas sont ses pas. Mais lui, elle, marche ailleurs, si loin de nous, indifférent. On l'accuse, le maudit, l'injurie, mais le pardon déjà se trame au fond de nous. On voudrait mourir, mais on perdure, tendu dans le désir fou de le revoir. Encore une fois, juste une fois, rien qu'une fois. On le hait, mais on l'appelle avec l'immense patience, et douleur et amour des prophètes rappelant leur peuple frivole à la fidélité. On se moque, on médit de l'infidèle, - on blasphème, mais un mendiant recroquevillé au fond de nous lui tend la main, l'implore.

Et l'on s'envole, à cheval sur son nom ; on dérive vers les cimes glacées du silence où se gèlent nos larmes, nos appels. On tremble, on est si nu, on a si froid. On supplie l'autre de venir vêtir notre nudité de son corps. On est si nu, que l'on est écorché, à moitié dépeaussé. On est nu jusqu'au coeur. Et l'on se sent petit, infiniment, laid, tout ratatiné de chagrin et de froid, indésirable à soi-même, à tous, de n'être plus désiré par l'autre.

L'autre qui jamais ne reviendra. "



Ce qui est dit là est terriblement banal...mais la manière de le dire l'est-elle? Et est-ce si incompréhensible?....
aime J'ai été quasiment "foudroyée" par cette première rencontre avec SYLVIE GERMAIN à travers ce roman : Une des plus belles découvertes de l'année 2013 en littérature ....Peut-être LA plus belle !!!!
Et je savoure d'avance mes prochaines lectures ............ Sans crainte de la déception : cette ARTISTE a su toucher mon âme .......
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