Philip Roth

Merci Kenavo, quelque part ce que tu viens d'écrire me rassure; je vais donc commencer par La Tache, et on en reparlera certainement.


(pssst, je ne connais pas Updike, c'est si hillarant que ça? )

Cliniou a écrit:

je vais donc commencer par La Tache, et on en reparlera certainement

je serais curieuse pour ton avis

Cliniou a écrit:

(pssst, je ne connais pas Updike, c'est si hillarant que ça? )

non pas autant que cela - mais c'est simplement que j'ai une préférence énorme pour Updike - et puisque les deux auteurs se retrouvent sur beaucoup de sujets, j'aime mieux guider les lecteurs vers Updike que vers Roth

kenavo a écrit:

je serais curieuse pour ton avis

de même

animal a écrit:

kenavo a écrit:

je serais curieuse pour ton avis

de même

Moi aussi, il n'a pas toujours rencontré le succès qu'il mérite

La bête qui meurt

Quand on lit Philip Roth on peut se retrouver comme cette femme à qui s'adresse le personnage dans ce roman-confession, ce "tu" qui est un peu nous, d'un David Kepesh qui est un peu -beaucoup- lui. Partagé entre le plaisir, voire la fascination, de sonder l'âme de cet homme brillant, conscient de sa valeur, foncièrement égoïste autant qu' honnête, et la gêne qu'il peut en découler. Une confession où les mots ne se cachent pas derrière de faux semblants, et où les choses sont dites sans fard: Les femmes, le sexe, le couple et le désir, la jalousie et les affres qui vont avec.

A l'aube de ses 62 ans David K se sent vieillir et cette idée l'angoisse, le taraude comme une bête coincée dans ses entrailles. Sans doute pour retrouver un peu de cette frivolité passée, il séduit une jeune étudiante cubaine, racée, bien dans son corps et belle à se damner, qu'il va aider à se révéler.

L'auteur nous livre avec complaisance leurs ébats et la force qui le fait succomber à cette passion dévorante. L'éternel Dom Juan se métamorphose en amant rongé par la peur.

Citation :

La jalousie. L'incertitude. La peur de la perdre, même quand j'étais sur elle. Des obsessions qu'au fil de mes expériences variées je n'avais jamais connues. avec Consuela, fait sans précédent, mon assurance s'est trouvée siphonnée d'entrée de jeu

Citation :

Un jeune homme va la trouver, et il va l'emporter. il va me la voler à moi, qui ai mis le feu à ses sens, qui lui ai donné sa stature, moi le catalyseur de son émancipation, moi qui l'ai préparée pour lui

C'est cruel, terriblement lucide et volontairement provocateur

Citation :

Certains hommes, pour baiser, il leur faut une dominatrice qui fasse claquer son fouet au dessus d'eux. Ou il leur faut une fille déguisée en soubrette. Il y en a qui baisent que les naines, d'autres que les délinquantes, d'autres encore que des poulets. Mon fils, lui, il baise la respectabilité morale

Il y a des phrases chocs dont on se régale comme toujours chez cet homme dont la franchise intellectuelle compense largement ce que l'on pourrait lui reprocher de vantardise ou d'exhibitionnisme. Comment croire à cette passion alors que près de 40 ans les séparent?

Mais l'auteur joue franc jeu et se traite volontiers de vieux débris! Il y a bien des transgressions un peu longuettes sur la libératon sexuelle et quelques considérations un brin nombrilistes mais l'ensemble est animé d'une grosse part de ferveur, d'intensité. Lorsqu'il parle de la déchéance des corps et de l'esprit, lorque celui-ci est piégé par le désir, il ne peut que toucher sa cible.

Une façon radicale, quelquefois limite dans certains passages, mais directe, tranchante et très subtile pourtant d'aborder ces sujets cruciaux et d'avouer les faiblesses de l'homme aculé devant son destin.

Citation :

Il faudrait être un abruti pour croire retrouver sa jeunesse. Si on croyait la retrouver, ce serait un jeu d'enfant. Loin de te sentir rajeunir, tu mesures l'écart poignant entres son avenir illimité et les bornes du tien, et tu éprouves encore plus qu'à l'ordinaire l'éphémère poignant de toutes tes grâces perdues.

Et une fin qui claque fort dans la tête avec une belle morale

Citation :

Tout individu calme et raisonnable en cache un autre, que la mort rend fou d'angoisse

Du très bon, mais pas que peut-être?
Moi je dirais, il n'empêche: A lire absolument!

aériale a écrit:

La bête qui meurt
Moi je dirais, il n'empêche: A lire absolument!

Convaincue !

Plus besoin d'être convaincue, je l'ai lu celui-là
mais merci pour ce sublime commentaire qui donne vraiment envie de s'y mettre.. et sinon relire

La bête qui meurt je l'ai commencé mais vite abandonné, pourquoi? trop artificielle comme sentiment, trop guindé sont style, et j'aime pas les écrivains qui partent dans de long monologues.Il va l'avoir sont prix Nobel c'est sur.

rivela a écrit:

Il va l'avoir sont prix Nobel c'est sur.

ben oui.. maintenant qu'il n'y a plus Updike..

Merci Kena, quand j'aime je m'emballe vite

rivela a écrit:

La bête qui meurt je l'ai commencé mais vite abandonné, pourquoi? trop artificielle comme sentiment, trop guindé sont style, et j'aime pas les écrivains qui partent dans de longs monologues.Il va l'avoir sont prix Nobel c'est sûr.

Je sais qu'il ne fait pas l'unanimité et loin de là, il n'y a qu'à lire ce fil à son début. Je comprends qu'il puisse agacer, il n'est pas particulièrement sympathique ni même humain au sens large.
Trop tourné sur lui, un style un peu froid et même clinique. Et c'est vrai qu'il se regarde beaucoup.

Mais il a cette intelligence analytique et cette honnêteté qui sont la marque des grands auteurs, en tout cas pour moi!

Je suis d'accord avec toi aériale. il y a tellement d'années qu'il est pressenti
pour le Nobel ça prouve bien son talent.
Bon, je n'ai lu que celui-ci, peut-être j'aurai eu plus de chance avec un autre.

aériale a écrit:

quand j'aime je m'emballe vite

J'aime bien quand tu t'emballes comme ça!...

rivela a écrit:

La bête qui meurt je l'ai commencé mais vite abandonné, pourquoi? trop artificielle comme sentiment, trop guindé sont style, et j'aime pas les écrivains qui partent dans de long monologues.Il va l'avoir sont prix Nobel c'est sur.

Mais non rivela, le prix Nobel récompense uniquement des écrivains de grande qualité pour l'ensemble de leur oeuvre.

rivela a écrit:

La bête qui meurt je l'ai commencé mais vite abandonné, pourquoi? trop artificielle comme sentiment, trop guindé sont style, et j'aime pas les écrivains qui partent dans de long monologues.Il va l'avoir sont prix Nobel c'est sur.

J'adore les écrivains qui partent dans de long monologues, si c'est bien fait.

Roth est un expert en la matière et je me suis régalée en lisant La Tâche et Portnoy et son complexe.

J´aime chez Roth la défense des idées ( nouvelles si possible, tout au moins, il tente un nouvel éclairage).
Ses romans nous portent bien au-delà de l´histoire, d´un contexte historique, politique. Les personnages sont des porte-parole de ses abstractions qui nous invitent à penser d´une autre manière, dans une autre direction sans pourtant nous obliger à épouser leurs propositions.
Roth essaie de nous faire aller au-delà de ce que l´on dit et pense habituellement par exemple sur la vieillesse, la liberté, l´ indépendance , le sexe aussi. Comme s´il nous faisait avancer encore d´un cran par rapport aux acquis de notre société.

Puisque nous en sommes à « La bête » je voudrais pour synthétiser vous donner quelques unes des idées personnelles de l´écrivain, que j´ai glanées de- ci et de- là, au cours de la lecture.

(1) La vieillesse : Tout combat serait inutile et prétentieux. La vieillesse est un massacre, mieux vaut apprendre à serrer les dents et à regarder courageusement les choses en face. Zéro pour le « think positive » ce n´est pas son rayon.
(2) La liberté : on vit un sacré désenchantement. On s´est cru soudainement libérés, indépendants, après les conquêtes et les acquis des années 60. Pures fictions, car derrière ces illusions de libération familiale, sociale, sexuelle, persiste le risque qu´engendre tout attachement affectif, sexuel inexorablement prêts à ruiner le moi. Aimer c´est risquer, c´est redevenir vulnérable et dépendant devant l`être désiré. C´est abandonner sa liberté.
Ce sera la phrase que Kepesh cite , celle qu´il emprunte à Joseph Conrad dans « Victoire » :
« I only know that he who forms a tie is lost ».

Ceux qui ont le livre en français pourront peut-être nous donner la traduction française de cette phrase fondamentale. ( ?).
Je lisais quelque part que le gros des gens aujourd´hui ne se sent plus redevable d` aucun compromis.Le seul et unique contrat ou lien encore tolérable, ou envisageable comme difficile à annuler en cas de nécessité serait celui qu´ils signent avec leur banquier, assurance, etc. Pour le reste, les contraintes morales ou autres ne font plus partie des mœurs.
Ce serait tout à fait l´idée désabusée de Roth.

(3) Enfin l´idée très chère à Roth que le sexe est une revanche sur la mort.


“No matter how much you know, no matter how much you think, no matter how much you plot and you connive and you plan, you’re not superior to sex. “
«On aura beau tout savoir, tout manigancer, tout organiser, tout manipuler, penser à tout, le sexe nous déborde.»
Là c´est david Kepesh, le héros de « La bête qui meurt » qui parle :
« C'est seulement quand tu baises que tu prends ta revanche, ne serait-ce qu'un instant, sur tout ce que tu détestes et qui te tient en échec dans la vie. C'est là que tu es le plus purement vivant, le plus purement toi-même. Ce n'est pas le sexe qui corrompt l'homme, c'est tout le reste. Le sexe ne se borne pas à une friction, à un plaisir épidermique. C'est aussi une revanche sur la mort. » david Kepesh .
C´est l´idée qu´il y a fort heureusement une force animale en nous, celle de la nature.

C´est vous dire si ce livre a peu à voir avec l´histoire d´un libidineux, ou d´un « sex –addict » comme je l´ai lu quelque part ( pas sur notre Forum, heureusement !).
C´est profond, tout sauf un livre léger.
Mais c´est vrai que Philip Roth a tendance à tout pousser au paroxysme. Disons qu´il aime parler de la condition humaine, lancer des défis, qu´il refuse tout tabou et que sa littérature ne pourra jamais servir de baume à ceux qui y chercheraient quelque consolation.