Kent Meyers

Vais être obligée de prolonger l'emprunt...pas le temps dans l'immédiat de m'y mettre sérieusement..... mais promis je m'y mettrai

Twisted Tree

A mon tour de livrer un avis enthousiaste. J'ai mis du temps à me plonger dans l'univers de Kent Meyers (environ une centaine de pages) avant de pouvoir accompagner le mouvement de l'écriture : un style rude, d'une grande rigueur émotionnelle, rempli à la fois de violence et de tendresse. Les non-dits expriment une vague de tristesse que la promesse d'un lien tente de repousser.
Le drame initial est un miroir de chaque existence et fait ressortir l'horreur puis l'image fugitive d'un idéal, d'un apaisement après la plaie béante du vide.
Le projet m'a rappelé, par sa structure en chapitres, Winesburg, Ohio de Sherwood Anderson même si le lieu et l'époque ne sont pas comparables.

La perte est le fil rouge de l’œuvre Kent Meyers , dit-il.

Et je note Winesburg, Ohio de Sherwood Anderson .

Twisted tree
traduit de l'américain par Laura Derajinski
Gallmeister

Igor a écrit:

Kent Meyers, à la manière d'un tisserand, crée des motifs qui semblent éparses mais qui constituent le même carré de toile. Une toile rêche au toucher, pleine de trous

Oui, un patchwork semblant fait de  de morceaux de vie, mais en fait d'existences toutes entières dans chaque chapitre . Avec , et ils sont souvent discrets , des indices qui permettent de relier tous les personnages.Une bille, un ruban, une boucle de ceinture, un bébé rouge de sang, le clacson d'un semi-remorque , etc.
Dans l'excellent chapitre intitulé La valeur de l'argent , le personnage qui ne veut pas vendre de symboles mais qui va le faire quand même, dit:

Citation :

La fortuité ...J'ai lu quelque chose à ce sujet. Les choses sont toutes liées et elles...elles se connectent.

Tout est connecté dès le départ, tout se répond .
Pour mieux pouvoir apprécier la finesse de cette construction, je l'ai relu aussi. Car la première lecture a été rapide, on ne peut qu'être emporté par cette histoire. Ces histoires. Et c'est difficile, dans ce roman touffu, de retrouver ce qui relie .

Tout est déjà dit par ceux qui l'ont lu, que pourrais-je rajouter?? 
L'image d'une jeune  femelle faucon , perchée sur le balcon d'une chambre d'hôtel pendant une tempête de neige et un père en deuil de sa fille qui ferme les rideaux pour ne pas déranger l'oiseau ?Ca n'a l'air de rien, comme cela , mais dit tellement de choses sur cet homme...

topocl a écrit:

A ceux qui aiment les romans chorals qui se donnent de airs de nouvelles avec des personnages complexes, fragiles et douloureux, découverts à travers leurs actes et leurs failles intimes, sans un mot de psychologie

Pour la psychologie, je ne sais pas, là encore ( décidément!) on pourrait en parler des heures, il me semble que la psychologie de chaque personnage est bien là, mais bien sûr pas expliquée. Juste une phrase ou deux, ça suffit, un exemple, l'histoire de Sophie. Trois personnages majeurs, Sophie, la mère, le beau-père, trois extraits du texte:

J'avais passé des années à étudier la littérature et la psychologie, dans l'espoir de trouver une explication à ce que j'étais, puis j'avais dissimulé mes diplômes pour obtenir un boulot prouvant que je ne valais pas grand chose. ( Sophie)

Même avant son attaque, il ne parlait jamais, sauf avec des mots empruntés. C'est comme si il avait dépéri en prenant conscience de ce qu'il avait toujours été. le beau-père

Les martyrs sont des artistes du contrôle et ma mère était une sorte de Léonard de Vinci. Mais en grandissant , j'avais appris à voir les coups de pinceau. Ce n'était pas son martyre qui m'avait poussée à l'accepter de l'aider, mais son agonie à lui. la mère

Efficace et suffisant, non?

Il y a de nombreux passages que j'aimerais recopier, mais, finalement, j'ai choisi de compléter quelque chose que tu as déjà cité, topocl. C'est un choix qui n'a rien d'anodin dans le...contexte de cette lecture.

Richard resta suspendu dans cette immensité. Quand il revint au monde, il était terriblement désolé. De voir le visage décomposé de Clay. De savoir que Clay n'était pas un fauteur de troubles, qu'il serait l'inverse toute sa vie, qu'il essaierait d'épargner les autres, que ce fardeau serait difficile à porter. Il vit défiler l'existence de son fils toute entière, il vit Clay en vieil homme, elle lui sembla- cette existence qu'il voyait- une tentative noble et triste et digne, une tentative avortée. En regardant derrière lui , au terme de la vie de son fils, Richard vit les gens que Clay avait essayé de protéger des problèmes, comme des oiseaux pépiant et soufflés par des vents irrésistibles contre les vitres invisibles et rigides de leurs vies, et, stupéfaits, toujours stupéfaits, et qui criaient, sur des pelouses vertes ensanglantées, sur des trottoirs poussiéreux et ensanglantés. Il vit le vieux Clay lever la main en une bénédiction finale et inutile, et, autour de lui, une immense tristesse devant tant de bonté disparue. Richard fut submergé par une myriade de déceptions face à cette vie qui s'annonçait- et il sut qu'il était déjà trop tard pour apprendre à son fils à devenir un homme dur, et il fut empli de fierté et de chagrin.

Je pense qu'il est aussi trop tard pour toi, topocl   

En tout cas, mille mercis de m'avoir fait lire et relire   un magnifique roman. Je crois que c'est ce que je demande à ce genre de lieu, moi,les " promotions appuyées" qui me permettent de découvrir des univers. Ceux des auteurs et aussi ceux qui en parlent.

Excellent choix de citations (Sophie/le beau père/la mère).

Oui, Marie, les grands livres (nos grands livres) sont ceux qui parlent à notre intime.

Quand je disais "pas un mot de psychologie", je voulais dire que la psychologie n'était pas décortiquée par les mots, bien sûr.

Ah! Vous croyiez que c'était fini, que j'avais épuisé toutes mes munitions; Eh bien non je suis encore pire que ça.
Voilà un petit film sur Kent Meyers, avec sa chemise à carreaux, où il parle (sous-titré en français) de choses bien intéressantes autour de son livre. On peut  sauter les 2 premières minutes qui sont un peu du bla-bla-bla

c'est ici

topocl a écrit:

Ah! Vous croyiez que c'était fini, que j'avais épuisé toutes mes munitions; Eh bien non je suis encore pire que ça.
Voilà un petit film sur Kent Meyers, avec sa chemise à carreaux, où il parle (sous-titré en français) de choses bien intéressantes autour de son livre. On peut  sauter les 2 premières minutes qui sont un peu du bla-bla-bla

c'est ici

Tu es diabolique! 

c'est pas mal. surtout les morceaux avec les scolaires (qui ont du bol et si on se fie au générique c'est varié !), et c'est une belle présentation de son bouquin avec une ambiance adéquate.  

Scolaires collégiens ou lycéens! Comme quoi même dans les nuages ou par terre, ils savent trouver les bons livres et leurs auteurs...

Ils ont fait des photos de la campagne auvergnate, des troupeaux de vaches, de la vraie campagne sauvage, ils ont écrit des poèmes à partir de chacun des chapitres et ils en ont fait un petit bouquin. Il y a donc des profs et des élèves tout à fait sauvables.

Citation :

Il y a donc des profs et des élèves tout à fait sauvables.

 
Merci topocl, il est très sympathique, cet écrivain!

topocl a écrit:

Ah! Vous croyiez que c'était fini, que j'avais épuisé toutes mes munitions; Eh bien non je suis encore pire que ça.
Voilà un petit film sur Kent Meyers, avec sa chemise à carreaux, où il parle (sous-titré en français) de choses bien intéressantes autour de son livre. On peut  sauter les 2 premières minutes qui sont un peu du bla-bla-bla

c'est ici

J'aime la simplicité et la sincérité avec laquelle il parle de ses livres et de la façon dont il écrit.

Ah Topocl. Imbattable Topocl.
(je regarde cette vidéo plus tard !)

Merci topocl pour cette video. Cela me donne encore plus envie de lire Twisted tree que j'ai maintenant en ma possession.