| Parfum de livres… parfum d’ailleurs Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts… |
|
| Patrice Desbiens | |
| | |
Auteur | Message |
---|
jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Mar 1 Mar 2016 - 10:10 | |
| Les abats du jour (2013) : Patrice Desbiens a trouvé son audience au Québec. Il a fait publier plusieurs recueils de poésie depuis quelques années à la maison d'édition L'Oie de Cravan établie à Montréal. Je vous parlais l'autre jour de Sarah Marylou Brideau qui faisait publier quelques extraits de poème et même des poèmes complets en anglais du fait de son appartenance à la communauté franco-canadienne. Dans le cas de Patrice Desbiens, il profite d'un statut qui lui permet quelques libertés en matière de publication de textes et poèmes en anglais. À mon sens, il est parti d'une maison d'édition surréaliste à Montréal pour tenter quelques incursions bilingues. Il formule à l'intérieur de ses recueils quelques versions anglaises qui datent des années 1970 pour compléter avec des versions françaises écrites plus près de nos jours. Il y a quelques temps, j'ai eu l'opportunité de me pencher sur la question dans une démarche d'atelier. Une personne avait écrit quelques passages poétiques qui versaient carrément vers l'anglais. Sur le coup, mon intuition me tendait à noter que malgré que le texte soit écrit en anglais et qu'il y trouvait une force d'évocation difficilement comparable en français, il y avait eu une transgression des codes littéraires en vigueur au Québec. Les commentaires échangés au cours de l'atelier m'ont conforté dans l'intuition qui me guidait. Néanmoins, le cas des poètes franco-canadiens m'apparaît quelque peu problématique dans l'écosystème en cours. Si Sarah Marylou Brideau a publié hors-Québec, le cas Patrice Desbiens doit être vu comme une exception au coeur du paysage québécois, d'autant plus que son texte est parfois engagé politiquement. Dans Les abats du jour, Patrice Desbiens ne craint pas la polémique d'écrire des poèmes sur Stephen Harper. Il faut lui donner le mérite d'avoir été particulièrement habile dans sa critique sur un ton gentil. L'ex-premier ministre du Canada était encore en exercice et il avait fait passer une loi qui encadrait l'utilisation de la caricature et des diverses forme de critique du pouvoir en place, qu'il ne fallait pas que la critique soit haineuse. Desbiens a décidé de se commettre sur la question et il s'est volontiers moqué, même gentiment, de la personnalité du premier ministre. Dans son ensemble, le recueil est particulièrement fin. Plus je lis des recueils, plus j'apprécie son évolution en tant que poète. Plus ça va, plus il excelle dans les formules lapidaires et concises, qui demeurent terriblement poétiques et vraies. Avec des détails impressionnistes, je vais vous laisser ce que m'a révélé le recueil : - Patrice Desbiens, Les abats du jour, 2013, Montréal : L'Oie de Cravan, p. 21. a écrit:
- «Noël sans elle»
Noël sans elle Noël sans bébelles La nuit s'allume et s'éteint Il neige à siaux Respirer l'air dur de l'hiver nucléaire
Noël sans elle Noël sans ciel Noël sans toit Noël dans ruelle Noël nu Même pas un petit feu pour se chauffer les ailes Noël sans elle Dans l'impressionniste, il est difficile de faire mieux... - Ibid., p. 28. a écrit:
- «23 décembre»
Une petite neige tranquille tombe du ciel et
je pense à toi mon cadeau tombé du ciel pas
un flocon pareil Très emblématique de sa démarche, voici ce poème : - Ibid., p. 56-57. a écrit:
«Every little breeze»
Chaque petite brise semble me faire la bise et faire danser les rideaux et sous mes couvertes je rêve je rêve je rêve je glisse vers la potence sexuelle en criant Non Non Non il faut que j'écrive il faut que je décrive et dérive et de mon lit je me vois assis à ma table de travail en train d'écrire ceci et il y a une troisième version de moi qui se promène dans la maison avec un crayon sur l'oreille et je me demande des fois comment on fait pour vivre ensemble et si le téléphone sonne nous allons tous sauter au plafond comme Claudie the Cat quand le petit chien le jappe par en arrière. Mais le téléphone ne sonne pas et je suis encore au lit j'entends les petits oiseaux qui chantent comme les Persuasions-Street Corner Symphony et je suis au coin d'amour et détour je fredonne mon blues de blanc et je sais que je serai toujours qu'un touriste dans ce pays comme je ne suis encore qu'un touriste dans ce corps | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Mer 16 Mar 2016 - 8:20 | |
| En temps et lieux 1 (2007) : Patrice Desbiens se révèle de plus en plus dans l'art de la brièveté à partir du moment qu'il publie à la maison d'édition montréalaise L'Oie de Cravan. Comme je l'ai écrit hier, j'ai relu le cycle des trois ouvrages poétiques d' En temps et lieux. Je vous ai montré l'extrait sur Audrey Hepburn qu'on peut retrouver sur le fil du réalisateur de Diamants sur canapé. Dans le premier recueil, la plume tâtonne un peu mais se révèle page après page... - Patrice Desbiens, En temps et lieux 1, 2007, Montréal : L'Oie de Cravan, p. 13. a écrit:
- «Un jour au bs»
Le pauvre à l'agent du bs : j'ai faim... j'ai soif... j'ai froid...
L'agent du bs au pauvre : hein?... t'es pas en Afrique ici t'es pas en Bosnie c'est pas le tiers-monde ici t'es en pleine démocratie - tu as fait ton lit maintenant laisse-moi dormir dedans... Je vous avais montré un extrait concernant les sans-abri dans un autre recueil. Le résultat est émoustillant... Maintenant, reprenons les choses de façon plus terre-à-terre... - Ibid., p. 32. a écrit:
- «Face-off»
Face à face avec elle comme Le Cri de Munch sur la rue Ontario.
J'avale mes mots elle avale sa gomme.
Je fais une pomme de moi.
Elle perce la peau elle mange la chair et laisse le coeur à rouiller sur le trottoir de la rue Ontario. Côté indien : - Ibid., p. 36. a écrit:
- «Un jour au Ministère
des Affaires indiennes»
Ça ne change rien. Signez ici. Saignez là. C'est ça. C'est beau.
Ça ne change absolument rien. Vous allez rester un Indien pour le restant de vos jours. C'est juste que vous ne pouvez pas rester ici. Pour rester dans un registre poétique : - Ibid., p. 40. a écrit:
- «Char»
Ça fait tellement longtemps que je suis en ville que je me prends pour un char.
Je roule sur les fesses.
Entre le feu vert et le feu jaune
je rougis. Juste ça... vous avez une bonne idée de la tenue générale du recueil. C'est des instantanés, je sais, mais ils disent encore une fois une bonne partie de la démarche de Desbiens. Il sera irremplaçable au sein du paysage francophone pour les prochains siècles. | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Jeu 17 Mar 2016 - 4:55 | |
| Deuxième opus de En temps et lieux (2008) : Premier poème, après un exergue de Jacques Prévert... - Patrice Desbiens, En temps et lieux 2, 2008, Montréal : L'Oie de Cravan, p. 9. a écrit:
- «Mon bréviaire me brûle»
Mon bréviaire me brûle dans les mains.
Je me branle avec mon bras canadien en pensant à rien.
À l'hôpital où tout fait mal je glisse dans l'absentéisme.
Devant le Théâtre d'Aujourd'hui c'est déjà demain et on ne distingue plus les fumeurs et non-fumeurs des fumistes. À la page suivante, le fumiste se reprend de plus belle : - Ibid., p. 10. a écrit:
- «Le rêve»
Du monde qui se réveille pour dormir toute la journée
Du monde qui se réveille et prenne un café pour réveiller le rêve
Du monde qui se réveille et laisse le rêve qui se réveille seul et nu au fond du lit et se dit j'ai fait un cauchemar. Nous reconnaissons ici la patte Desbiens. - Ibid., p. 24. a écrit:
- «Un peu de pluie»
Je te parle de l'attente comme un blessé de guerre qui erre de tente à tente en attendant sa mort lente
Je te perds dans l'attente Je me perds dans la tente Je me pends dans la tente la tente me tombe sur la tête
Autour de moi c'est les fusils et la fête
Je me réveille bleu et froid dans mon lit et le coeur me lève comme un choeur de saules pleureurs n'attendant qu'une envolée d'oiseaux pour sécher leurs larmes. Je ne voudrais pas me mesurer à un poète pareil... - Ibid., p. 30. a écrit:
- «Choses à faire»
Si vous êtes chanceux vous allez avoir un accident avec quelqu'un que vous n'aimez pas.
Abattez vos voitures comme des chevaux blessés et brûlez-les.
Faites crier les craies de couleurs sur vos coeurs noircis.
Brûlez les banques.
Gardez votre argent sous vos matelas et faites l'amour dessus. Deux poèmes en terminant ma présentation du recueil... - Ibid., p. 40. a écrit:
- «Piano»
Couché dans mon petit lit à Timmins en Ontario j'écoute du piano classique sur la petite radio transistor AM que moi et Connie on a eue pour Noël.
La petite radio est sur une chaise comme table de chevet et j'écoute le piano un grand piano dans un petit haut-parleur c'est peut-être du Chopin qu'en sais-je mais je sais que c'est ce que je veux faire lorsque je serai grand.
Je suis dans le piano je dors dans le piano et le piano me prend dans ses bras et se multiplie dans tous mes moi. Je sais pas pourquoi, mais je suis sensible tout autant au piano qu'à l'amérindien... - Ibid., p. 41. a écrit:
- «L'Indien sur le coin»
L'Indien sur le coin me dit t'es un poète toi? écoute mon poème :
Hollywood Hollywood remonte tes culottes et sens ta marde parce que
les loups dansent avec personne.
Copyright poste restante mon cul PQ.
Hi hi ha hi hi ha ha hi hu hu. Comme vous pouvez voir, le recueil est assez dynamique. Ça déplace beaucoup d'air. Nous reconnaissons là le style de Desbiens qui se perfectionne recueil après recueil. Je remarque une différence selon qu'il publie à Prise de parole ou encore à L'Oie de Cravan. Il écrit pour deux publics différents, deux sensibilités nationales différentes. Ce serait un crime de ne pas le faire publier en France à mon sens. Voilà, c'est dit... | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Mar 22 Mar 2016 - 6:06 | |
| Patrice Desbiens conclut de belle façon le troisième opus du triptyque En temps et lieux. Il n'aurait pas mieux trouver une manière que de commencer le recueil sur un exergue d' Anne Hébert. La littérature québécoise reste une littérature assez jeune dans ses facteurs d'émergence. Nous sortons à peine de la révolution tranquille. il y a eu plusieurs foyers d'oppositions, des nouvelles voix et des écoles de poésie qui se sont relayées. Patrice Desbiens a collaboré à la revue Steak Haché de Denis Vanier et j'imagine que c'est ce qui a fini par l'inciter à publier en terre de Québec. J'émets ici une hypothèse. Quoi qu'il en soit, les extraits de poésie de Desbiens sont assez caractéristiques d'une démarche qui est en soi beat, appartenant à la condition minoritaire canadienne-française et qui s'inspire des différents mouvements d'inspiration surréaliste et les différentes moutures post-beat. À mon sens, le fait qu'il publie à L'Oie de Cravan est assez révélateur de son degré d'engagement dans le sens de la démarche et la posture éthique qu'il préconise. Je vais débuter avec deux poèmes qui se suivent, pages 16 et 17 : - Patrice Desbiens, En temps et lieux 3, 2009, Montréal : L'Oie de Cravan, p. 16. a écrit:
- «La guitare de Lorca»
La guitare pleure des larmes de tristesse jade sur mon épaule.
Dans le petit cochon de mon coeur j'entends sonner le souvenir d'un sourire.
La guitare pleure sur mon épaule et il n'y a rien pour la soulager. - Ibid., p. 17. a écrit:
- «La lune se promène»
La lune se promène comme une pendule qui compte les heures qui nous restent à vivre.
On a le caca au coeur et le cafard au cul.
Un morceau de lune est resté logé comme un ongle incarné dans les fenêtres brisées de nos yeux.
On rame dans le drame on est tassé et crevé et la terre tousse dans son mouchoir sale. Encore deux autres poèmes qui se suivent, pages 27 et 28 : - Ibid., p. 27. a écrit:
- «Miroir Miroir»
Miroir miroir sur le mur pourquoi est-ce que je fais si dur?
Miroir miroir sur le mur pourquoi la vie est-elle si dure?
Miroir miroir de la pharmacie qu'est-ce que je fais avec ce fusil? - Ibid., p. 28. a écrit:
- «Toute longue»
Toute longue dans sa langueur
sa langue me lèche la dèche.
Elle me scelle dans elle. À la page 30, un ensemble poétique de six poèmes débute de la manière suivante : - Ibid., p. 30. a écrit:
- «L'eau émiettée»
I. Elle est très belle à part du fait qu'on voie à travers son corps.
Elle marche à travers les murs en claquant les portes.
Elle n'est pas morte mais elle hante déjà les lieux. Si on parle de la femme, on n'oublie pas la perspective de l'homme dans «Le drum homme», p. 37 : - Ibid., p. 37. a écrit:
- «Le drum homme»
Le drum homme bat l'air de ses yeux pour ne pas se noyer.
Liberté soudaine qui jaillit par vagues et fait valser les joies et les peines.
Danse du vent dans le désert du coeur.
L'ombre des chairs sur les chaises se joint au tout et
le rythme tout uni unit tout. Le Carré Saint-Louis est souvent associé à Dany Laferrière qui l'a notamment immortalisé dans son premier roman au titre très loquace... Patrice Desbiens offre sa version ici : - Ibid., p. 42. a écrit:
- «Un jour au carré Saint-Louis»
La police a arrêté l'Indien qui faisait l'arbre dans le Carré Saint-Louis.
Mais ils n'ont pas arrêté l'ombre de l'arbre. L'arbre s'ennuie de ses oiseaux de ses écureuils du vent dans ses feuilles et
l'Indien dans sa cellule s'ennuie de ses racines. Ici, je vous montre le troisième poème d'une série de 4 intitulée «En temps et lieux». Nous voyons ici la force de concision de la poésie caractéristique de Desbiens et qui fait encore une partie de sa «valeur marchande» loin d'être marchande, mais quand même... - Ibid., p. 51. a écrit:
- 3.
Un matin plus ou moins broche à foin plus que moins moins que plus on a même plus le coeur de l'orage même pas la force d'être puce ou pucelle
même pas le courage d'être Brel. Après ça, n'essayez pas de me convaincre que Patrice Desbiens ne mérite pas son audition en terre française... | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Mer 13 Avr 2016 - 10:30 | |
| Le quotidien du poète (2016) : Il n'y a pas si longtemps, j'apprenais que Patrice Desbiens a failli y passer. Sorti de la maladie, il s'est déjà remis à la poésie. Après Vallée des cicatrices à l'automne 2015, il publie Le quotidien du poète qui est sorti ce printemps. Comme à l'habitude, Patrice Desbiens sort son florilège de poèmes. Nous reconnaissons le registre de ses poèmes dans sa diversité. De plus en plus, sa publication à Prise de parole n'est pas si différente de ce qu'il publie maintenant en majorité au Québec. Dans ce recueil, Patrice Desbiens est particulièrement bref dans la rédaction de ses poèmes. J'imagine que c'est la pratique et le métier qui entrent en ligne de compte. Nous pouvons notamment le voir ici : - Patrice Desbiens, Le quotidien du poète, 2016, Sudbury : Prise de parole, p. 14. a écrit:
- «Slangue»
C'est slangue là
slangue-là que j'ai dans la bouche dans ta bouche qui
danse toutes les danses toute nue
qui parle toutes les langues de la rue
C'est simple comme
bonjour Nous pourrions nous prendre d'un peu de sentimentalisme, Patrice Desbiens prend son envers : - Ibid., p. 17. a écrit:
- «Fleurs de kleenex»
Comme le vent qui effleure des fleurs de kleenex à une vente de feu elle nous tient à fleur de peau avec ses pleurs
La nuit la dévore pétale par pétale
M'aime m'aime pas m'aime m'aime pas m'aime
même pas Plus court encore, mais loin : - Ibid., p. 30. a écrit:
- «Loin»
Rouyn c'est loin
Timmins c'est proche de Rouyn mais
encore plus loin Narrativement, Patrice Desbiens maîtrise très bien l'un des créneaux de sa poésie typée : - Ibid., p. 37. a écrit:
- «Tornade»
Tu me tournes autour et je te tourne autour et nous devenons tornade l'un dans l'autre (juste hier on était poussière) et nous ramassons tout sur notre chemin : on fait voler voitures et toitures et amis et ennemis et visages de voisins : on les dévêt jusqu'au sang et on tourne et tourne et danse l'un dans l'autre et quand c'est fini c'est le silence nu des rues après la pluie et on est la nuit dans chacun notre lit et il n'y a que les étoiles qui se souviennent de nous. Nous ne pourrons pas dire que Desbiens est insensible : - Ibid., p. 50. a écrit:
- «Beauté»
1. Elle s'enveloppe de sa beauté comme d'un peignoir
Mes mains deviennent des peignes
2. À chaque coup sûr de sa beauté ses cheveux font la vague
Je retiens mon souffle à chaque chandelle intérieure Au niveau de la poésie concise, concentrée et rimée, il est difficile de trouver l'égal de Desbiens : - Ibid., p. 55. a écrit:
- «Cacasse»
On a l'embarras du choix ou le choix de l'embarras
On bardasse on débarrasse
On brasse une tempête dans une tasse tandis que tout casse et que
les carcasses s'entassent et
cacassent. J'ai beau apprécier une telle prouesse poétique comme dans le dernier extrait, je sais que je n'écrirai pas ma poésie de cette manière en tant que poète sourd. J'induirai bien certainement quelques éléments de rime, mais n'en ferai pas le noyau central de ma quête poétique. Quoi qu'il en soit, au niveau formel, Patrice Desbiens écrit ses poèmes depuis plus ou moins une quarantaine d'années. Il y a forcément des choses qui reviennent d'un recueil à l'autre. Il sait cependant renouveler l'élan au prochain poème qu'il écrira. Il y a quelque chose d'assez inusité dans ce qu'il évoque et il sait rester à l'intérieur de son registre pour mieux exceller comme poète. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Lun 16 Mai 2016 - 14:19 | |
| En temps et lieux
Je ne peux pas dire que je regrette ma lecture car il y a des passages qui me plaisent mais c'est le genre d'objet qui me renvoie directement à mes réserves et à mes doutes quant au genre ou à l'icône poésie.
Le recueil m'est apparu inégal. Indépendamment d'une forme contemporaine à l'américaine "beat" ou "post-beat" mais pas trop et nativement en français. Peu de mots, fluidité pour fixer l'instantanéité d'une vision ou du moment d'un souvenir. La femme, la ville, quelques rimes parfois envahissantes ou aux airs superflus, décalées ?
Pas simple de dire pourquoi un poème plutôt qu'un autre va mieux fonctionner dans l'exercice répétitif du recueil. L'exotisme nord américain joue probablement un rôle mais ce n'est pas sûr. En effet qu'y aurait-il d'absolument typique là-dedans ? Rien que quelques régionalismes de vocabulaire ou décor, de noms de lieux.
Ce qui ramène à l'objet. C'est un beau petit livre, de qualité mais qu'y a-t-il dedans ? Rien d'extraordinaire. Les qualités sont celles du commun, les défauts ceux de l'anecdote. Mais l'accumulation. La poésie, le recueil, m’apparaît encore comme l'accumulation de peu, trop peu, dont l'étiquette devrait suffire à placer au-dessus le contenu, le sauver et sauver son lecteur. Et ça je n'y crois pas.
Peut-être l'effet d'une drogue d'une illusion que la brièveté rend accessible ? Il y a des choses qui me plaisent, d'autres qui ne m'intéressent pas et un je ne sais quoi qui me met sur la défensive.
(Dix pages de prose narrative alimentaire correcte valent au moins trois pages de "poésie"). | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Mar 17 Mai 2016 - 8:01 | |
| Merci d'être le disque qui grince dans la place, Animal... Concernant Desbiens, à l'instar de Guillevic, je dirais qu'il y a du méthodique et du boulot bien ficelé, mais pour ce qui est des facilités et des ronronnements poétiques, il faut accuser le procédé. Par contre, il est difficile de faire Guillevic et Desbiens. Je viens de ramasser Somnambule du jour d' Anise Koltz qui me faisait un peu penser à un genre de poésie brève qui approche ces tons-là. Edit : Soit dit en passant, je souffle encore l'autre référence de Desbiens... Un pépin de pomme sur un poêle à bois. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Mar 17 Mai 2016 - 12:38 | |
| - jack-hubert bukowski a écrit:
- Par contre, il est difficile de faire Guillevic et Desbiens.
je ne comprends pas. ? | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Mer 18 Mai 2016 - 6:32 | |
| Animal : Il est difficile de produire ce qu'ils produisent, même s'il est facile de les pasticher par la suite. C'est ça le fond de ma pensée. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Mer 18 Mai 2016 - 7:09 | |
| mais ne reproduisent-ils pas (à défaut de pasticher) les formes d'autres (en plus d'eux-mêmes) ? | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Mer 18 Mai 2016 - 7:50 | |
| Probablement, mais ils créent des choses qui ont tendance à entrer dans ce qui se cède d'immatériel dans l'univers poétique. Il y a un tel basculement de l'être qui se crée par suite de poésies, de vers et de suites poétiques qui s'enchaînent d'un fil à l'autre des images poétiques qu'ils évoquent.
Dans leur cas, Guillevic et Desbiens ont tendance à condenser au maximum ce qu'il trouveront comme dépôt à leurs images poétiques. Dans leurs meilleurs recueils, ils le font avec une telle grâce. Desbiens est un maître de la concision, mais c'est son sens inné de la narration qui le distingue. Dans le cas de Guillevic, je dirais que c'est le grain de ses motifs et savoir les mettre au service immatériel du projet poétique dans son ensemble. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Mer 18 Mai 2016 - 21:58 | |
| un peu comme des écrivains qui ne sont pas classés poésie ? | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Jeu 19 Mai 2016 - 7:26 | |
| Animal, peut-être... il y en a... prenons juste deux cas...
1) Raymond Carver me semble être un nouvelliste avant tout. C'est dans cette optique que je redoute lire sa poésie, même si j'y pense des fois...
2) Richard Brautigan est poète même jusqu'à dans ses romans. C'est avant tout sa façon d'écrire. Il a écrit quelques recueils de poésie, et tout ça me tend à dire qu'il a une aptitude à créer des images poétiques.
Patrice Desbiens est d'abord un poète. S'il raconte, c'est pour décrire la condition même du poète canadien-français. Mais il poétise jusqu'au bout des ongles. La narration a tendance à puncher ce qu'il fait déjà bien. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Jeu 19 Mai 2016 - 12:56 | |
| - jack-hubert bukowski a écrit:
- S'il raconte, c'est pour décrire la condition même du poète canadien-français.
ça par exemple c'est un truc que j'attendais et que je n'ai pas vraiment trouvé. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Patrice Desbiens Jeu 19 Mai 2016 - 15:53 | |
| - jack-hubert bukowski a écrit:
- Animal, peut-être... il y en a... prenons juste deux cas...
1) Raymond Carver me semble être un nouvelliste avant tout. C'est dans cette optique que je redoute lire sa poésie, même si j'y pense des fois...
2) Richard Brautigan est poète même jusqu'à dans ses romans. C'est avant tout sa façon d'écrire. Il a écrit quelques recueils de poésie, et tout ça me tend à dire qu'il a une aptitude à créer des images poétiques.
Patrice Desbiens est d'abord un poète. S'il raconte, c'est pour décrire la condition même du poète canadien-français. Mais il poétise jusqu'au bout des ongles. La narration a tendance à puncher ce qu'il fait déjà bien. Elle est souvent superbe sa poésie ! Lyrique dans sa sobrété elliptique et profondément émouvante sans recherche d' effets. | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Patrice Desbiens | |
| |
| | | | Patrice Desbiens | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|