Peter Strickland

Quel film étrange! D'abord parce qu'il s'agit d'un récit ayant toutes les apparences du film d'auteur slave mais réalisé par un jeune cinéaste anglais dont c'est le premier film. Sous l' influence évidente de Tarkovski mais avec aussi des accents lynchiens (on pense aussi à Philippe Grandrieux). Le premier pour la photographie magnifique d'une Transylvanie à la nature proliférante et menaçante qui serait filmée en vidéo haute définition, avec ces ciels lourds et brumeux, ces forêts mystérieuses, ces champs à perte de vue, ces habitations archaïques et même la présence d'une église en ruine en pleine nature comme dans Nostalghia. Le second pour l'atmosphère à la frontière du cauchemar, la bande son faite de grondements sourds et de voix réverbérées mélangées à des sonorités électroacoustiques (parfois maladroitement trop mises en avant comme si on était dans un film d'horreur mais en plus expérimental).

Climat évoquant celui des contes fantastiques, donc, pour raconter cette histoire de vengeance d'une jeune femme qui retrouve ses 2 agresseurs après 11 ans. Katalin Varga étant accompagnée par son fils après avoir du quitter son mari incapable d'accepter son passé et la honte qui rejaillit sur lui.

Le cheminement est surprenant et ménage des séquences très fortes dont une sorte de confession sur une barque en plein milieu d'un lac alors que la pluie se met à tomber. Elle raconte son viol devant son agresseur et l'épouse de celui-ci sans jamais le désigner directement.

La fin est brutale et troublante. Le dernier plan bouclant une sorte d'ellipse temporelle pouvant éventuellement faire réenvisager le film sous un autre angle...ou pas. La discussion est ouverte avec ceux qui auront vu le film.

Beau film récompensé par l'Ours d'argent à Berlin qui a quand même quelques défauts comme cette bande son envahissante et une dimension symbolique parfois trop "signifiante" (là où un Zviaguintsev parvient à me convaincre davantage).

On en retire la sensation d'une nature magique, en communion avec le personnage principal, qui après avoir été témoin de la violence subie viendrait réclamer son dû.

Ca donne envie, Marko !

traversay a écrit:

Ca donne envie, Marko !

J'échange copie de "les joies de la famille" contre "Katalin Varga"!

Sinon tu m'as motivé pour voir "Mères et filles" que j'aurais laissé de côté ...

Marko a écrit:

Quel film étrange! D'abord parce qu'il s'agit d'un récit ayant toutes les apparences du film d'auteur slave mais réalisé par un jeune cinéaste anglais dont c'est le premier film. Sous l' influence évidente de Tarkovski mais avec aussi des accents lynchiens (on pense aussi à Philippe Grandrieux). Le premier pour la photographie magnifique d'une Transylvanie à la nature proliférante et menaçante qui serait filmée en vidéo haute définition, avec ces ciels lourds et brumeux, ces forêts mystérieuses, ces champs à perte de vue, ces habitations archaïques et même la présence d'une église en ruine en pleine nature comme dans Nostalghia. Le second pour l'atmosphère à la frontière du cauchemar, la bande son faite de grondements sourds et de voix réverbérées mélangées à des sonorités électroacoustiques (parfois maladroitement trop mises en avant comme si on était dans un film d'horreur mais en plus expérimental).

L'histoire de Katalin Varga est censée se dérouler de nos jours mais son décor, la Roumanie rurale, peut-être la Transylvanie de ce cher Dracula, a quelque chose d'intemporel. Et ce n'est guère le récit, pris au pied de la lettre, une affaire de vengeance assez peu originale, mais bien son traitement, onirique, et la qualité de mise en images qui donnent tout son intérêt au film. La nature, omniprésente, semble obéir à des lois intangibles et conditionner les actes des pauvres créatures humaines qui s'agitent en vain (voir la dernière scène d'une brutale sécheresse). Dans un registre païen et sauvage, le réalisateur, Peter Strickland (qui ça ?) se surpasse, aidé par une interprète d'exception, Hilda Peter, capable de passer de l'état de femme fatale à celui de pantin désarticulé, le temps d'un claquement de doigts. Katalin Varga est vivement recommandé aux amateurs de cinéma atmosphérique, vaguement macabre, joliment poétique.
En transes en Transylvanie !

Berberian Sound Studio de Peter Strickland

Citation :

1976 : Berberian Sound Studio est l'un des studios de postproduction les moins chers et les plus miteux d'Italie. Seuls les films d'horreur les plus sordides y font appel pour le montage et le mixage de leur bande sonore. Gilderoy, un ingénieur du son naïf et introverti tout droit débarqué d'Angleterre, est chargé d'orchestrer le mixage du dernier film de Santini, le maestro de l'horreur.

Le Giallo est une spécialité italienne qui connut son heure de gloire dans les années 70. De l'horreur, des cris d'épouvante et de la sauce tomate. D'une certaine façon, Berberian Sound Studio peut se voir comme un documentaire sur les coulisses de ce cinéma d'exploitation, en particulier dans le domaine des bandes-sons réalisées de façon artisanale. Avec un massacre organisé de légumes tel qu'on en a jamais vu sur les écrans au point qu'il serait peut-être bon d'alerter leur société protectrice. On apprécie au passage la confrontation entre deux cultures oh combien différentes, l'anglaise et l'italienne, source de conflits et de confusion dans le périmètre réduit d'un studio d'enregistrement. C'est malheureusement tout ce qu'on peut retirer d'un scénario sans consistance aucune qui, in extremis, fabrique un retournement lynchien pour le moins déconcertant, pour ne pas dire grotesque. Peter Strickland, le réalisateur du troublant Katalin Varga, aime les sujets originaux et volontiers absurdes. Pour cette fois, dans Berberian Sound Studio, le résultat sur l'écran est moins que convaincant. Il est totalement vain.

traversay a écrit:

Berberian Sound Studio de Peter Strickland

Citation :

1976 : Berberian Sound Studio est l'un des studios de postproduction les moins chers et les plus miteux d'Italie. Seuls les films d'horreur les plus sordides y font appel pour le montage et le mixage de leur bande sonore. Gilderoy, un ingénieur du son naïf et introverti tout droit débarqué d'Angleterre, est chargé d'orchestrer le mixage du dernier film de Santini, le maestro de l'horreur.

Le Giallo est une spécialité italienne qui connut son heure de gloire dans les années 70. De l'horreur, des cris d'épouvante et de la sauce tomate. D'une certaine façon, Berberian Sound Studio peut se voir comme un documentaire sur les coulisses de ce cinéma d'exploitation, en particulier dans le domaine des bandes-sons réalisées de façon artisanale. Avec un massacre organisé de légumes tel qu'on en a jamais vu sur les écrans au point qu'il serait peut-être bon d'alerter leur société protectrice. On apprécie au passage la confrontation entre deux cultures oh combien différentes, l'anglaise et l'italienne, source de conflits et de confusion dans le périmètre réduit d'un studio d'enregistrement. C'est malheureusement tout ce qu'on peut retirer d'un scénario sans consistance aucune qui, in extremis, fabrique un retournement lynchien pour le moins déconcertant, pour ne pas dire grotesque. Peter Strickland, le réalisateur du troublant Katalin Varga, aime les sujets originaux et volontiers absurdes. Pour cette fois, dans Berberian Sound Studio, le résultat sur l'écran est moins que convaincant. Il est totalement vain.

Un film inabouti.

Mais je ne serais pas aussi dure que Traversay.

Il est sincère, ce film. Plein d'envies de travailler sur ses références, d'en faire quelque chose, de montrer l'impact des sons, des images, de la couleur, sur le spectateur. Sur celui qui travaille au film-même.

Du coup, il y a de très belles images, avec des couleurs chaudes (j'ai jamais vu un chou fleur crever aussi bien l'écran !), douces, un éclairage qui donne une ambiance picturale et avec une texture, une vie, une matière. Strickland sait donner envie d'être dans son film, de savourer les plans.


Le film parvient aussi à nous faire ressentir le malaise et la tension rien qu'avec des sons, et le visage du personnage principal qui regarde le film d'horreur. J'aime ce procédé, ce détournement du regard.

Il y a aussi des acteurs avec de vraies gueules dans ce film, en un plan ils transpercent l'écran de leur présence. Malheureusement, leurs rôles ne leur donnent pas assez d'ampleur, même le rôle principal (Toby Jones) ne parvient pas à sortir du cadre flou et anarchique d'un scénario trop brouillon, complexe et incohérent.

Et un spectateur perdu.
Car même si le fond du film c'est cette perte de repère (le vrai du faux, l'humain contaminé par l’œuvre, la fiction se mêlant à la réalité), elle est assez mal traitée, et le tout finit par ressembler à un scénario pas terminé.

A cela s'ajoute un petit ennui à la répétition des scènes et des situations. La tension qui s'installe réellement parfois n'est pas maintenue sur la durée, le rythme se perd en moments redondants et inutiles, alors que la spirale psychotique aurait dû nous tenir de plus en plus en haleine.

Un film qui se découvre tout de même, pour cette image vraiment belle, parce que ça fait toujours plaisir de voir l'envers du décor (ici, les bruiteurs, métiers qui me fascinent complètement), parce qu'il serait bon de revenir à une esthétique vraiment marquée dans les films et que celui-ci s'y essaye (et assez adroitement).
Parce que Vive le Giallo !
Et Vive Jess Franco (on le sent un peu aussi derrière l'histoire des sorcières torturées, des vierges assassinées).
(Personnellement, j'y ai moins vu Lynch, comme certains le citent).

Surprenant et assez beau film d'un Anglais, Peter Strickland, tourné avec l'argent de l'héritage de son oncle en 18 jours, dans les forêts de la Transylvanie. C'est l'histoire d'une vengeance, vengeance très tardive après le viol dont Katalin a été victime et dont est né son fils.
C'est d'ailleurs une réflexion très intéressante sur la complexité de la vengeance, mais pour mieux l'expliquer, il faudrait raconter l'histoire.
Alors que ce n'est pas du tout un film d'époque ( ce que le réalisateur voulait faire, mais pas assez d'argent pour cela) on se retrouve tout de suite plongés presqu'au Moyen Age dans la campagne roumaine. Et quand tous racontent les conditions de tournage, c'était la même chose!
A souligner un travail très fin sur les sons , dont Peter Strickland s'explique dans le bonus, cloches, oiseaux, eau, etc, qui contribue à augmenter la sensation d'angoisse au fur et à mesure que Katalin s'enfonce dans cette forêt.

Un film qui m'a laissé une empreinte assez forte et que j'espère revoir bientôt. On va pouvoir lui faire un fil en retrouvant les bouts de commentaires qu'on avait faits à l'époque de sa sortie. Et je surveillerai la sortie d'autres films de ce réalisateur.

Marko a écrit:

Un film qui m'a laissé une empreinte assez forte et que j'espère revoir bientôt. On va pouvoir lui faire un fil en retrouvant les bouts de commentaires qu'on avait faits à l'époque de sa sortie. Et je surveillerai la sortie d'autres films de ce réalisateur.

 Ben oui, Marko. Tu n'as pas vu Berberian Sound Studio ? Queenie en a parlé.

Marie a écrit:

Surprenant et assez beau film

Marko a écrit:

Un film qui m'a laissé une empreinte assez forte et que j'espère revoir bientôt.

Je fais confiance à vos éloges, film commandé.

traversay a écrit:

Marko a écrit:

Un film qui m'a laissé une empreinte assez forte et que j'espère revoir bientôt. On va pouvoir lui faire un fil en retrouvant les bouts de commentaires qu'on avait faits à l'époque de sa sortie. Et je surveillerai la sortie d'autres films de ce réalisateur.

 Ben oui, Marko. Tu n'as pas vu Berberian Sound Studio ? Queenie en a parlé.

Zut j'ai zappé ça!! Mais je vois que le bluray est disponible (et les sous titres français en novembre...) je vais vite rattraper ça

Marko a écrit:

On va pouvoir lui faire un fil en retrouvant les bouts de commentaires qu'on avait faits à l'époque de sa sortie.

Tada !

Oups, merci, je n'avais pas retrouvé...

traversay a écrit:

une affaire de vengeance assez peu originale,

D'accord avec tout ce que vous en avez dit, sauf peut être cela. Parce que je l'ai trouvé intéressante, cette histoire de vengeance.Et ses conséquences sur tous les protagonistes de cette histoire. Et aussi cette ouverture ( hélas bien vite refermée ) sur une possible rédemption d'un des auteurs du viol .

Surprenant et attachant, ce réalisateur !Un long entretien dans le bonus du DVD et  un questionnaire de Télérama ici

Beaucoup de Herzog aussi et une musique aux accents Popol Vuhesque dans Katalin Varga. Réussi pour un film fait à la marge avec une actrice principale qui tient très bien le film et des choses vraiment réussies (si ce n'est qu'on pense à des grands noms). La toute fin et la surcouche de vengeance est compréhensible dans la volonté du propos (engrenage, points de vue différents pour les proches des différentes victimes). ça casse un peu la fin du film (et il en fait un peu trop dans l'interview).

La présence du film dans son décor en impose.

C'était le film antidote après celui d'hier... mais où sont les impressions d'Heyoka ???

Marko a écrit:

Le cheminement est surprenant et ménage des séquences très fortes dont une sorte de confession sur une barque en plein milieu d'un lac alors que la pluie se met à tomber.

Quelle scène ! Ma respiration s'est bloquée pendant 5 minutes.

Marie a écrit:

traversay a écrit:

une affaire de vengeance assez peu originale,

D'accord avec tout ce que vous en avez dit, sauf peut être cela. Parce que je l'ai trouvé intéressante, cette histoire de vengeance.Et ses conséquences sur tous les protagonistes de cette histoire. Et aussi cette ouverture sur une possible rédemption d'un des auteurs du viol.

D'accord avec Marie, le film aborde intelligemment les notions de vengeance et de rédemption dans un environnement naturel en contraste. Un film surprenant jusqu'à la dernière seconde porté par son interprète féminine, Hilda Peter. Elle est tout simplement bouleversante, je garde en mémoire son regard insondable.

animal a écrit:

C'était le film antidote après celui d'hier... mais où sont les impressions d'Heyoka ???

Faudra se satisfaire de ça. huhu.