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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts…
Le point de vue des éditeurs Pour son quatorzième anniversaire Wahab reçoit en cadeau la clef de l’appartement de sa famille. Le soir, au retour de l’école, sa surprise est grande quand il entre et ne reconnaît plus le visage de sa mère. Le jour où il devient un homme est aussi celui où le réel se disloque sous ses yeux. Alors que commence pour Wahab une terrible initiation aux mensonges du monde, il s’enfuit de la maison et fait une fugue qui le transporte au-delà de lui-même, là où l’onirisme est roi. En quelques jours, il aura fait l’expérience de la peur et de la beauté, sur un fond de colère irrépressible, seul sur les chemins de l’aube, au bord de la folie.
jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Jeu 8 Avr 2010 - 10:29
J'avais vu le film Littoral. Il m'avait plutôt laissé sur ma faim, si ce n'est de ces déplacements perpétuels et la brusquerie de la quête du fils. En relisant Littoral, car nous ne faisons pas tout simplement lire un classique, il faut dire que Wajdi Mouawad en impose. Il m'est laissé cette impression d'une fin violentée et d'une guerre permanente qui coule dans nos veines. Dans mon cours des Écritures migrantes, nous parlons de trauma comme élément fondateur de la quête de Mouawad. Il est possible d'y croire, et de croire à une branche de la littérature québécoise.
La littérature québécoise est distincte de la littérature canadienne. Nous ne pouvons nous concevoir comme Canadiens, si ce n'est qu'aux fins d'un certain passé historique. Notre passé collectif a été oblitéré et jusqu'au nom : des Canadiens fondateurs de la Nouvelle-France, nous sommes peu à peu devenus Québécois. Pour revenir sur le fil de Wajdi Mouawad, comme il écrit en français et qu'il a élu domicile ici-même au Québec un jour même s'il passa par une certaine capitale bilingue fédérale, nous pouvons le citer comme prenant part à cette branche des écritures migrantes. Écrivant en français, Wajdi se sert de certains éléments de son histoire personnelle et collective pour enrichir le patrimoine québécois d'une littérature qui bouge.
J'ai hâte de lire d'autres oeuvres de Wajdi. Pour ce qui est d'une éventuelle pièce de théâtre, il faudrait que j'approche certaines personnes pour consacrer un projet d'envergure. Signer est déjà accomplir un destin en ce monde. Encore si on réussit à approcher Wajdi à hauteur d'homme et qu'il nous permette d'accéder à son monde intérieur par le biais de la langue des signes.
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Jeu 8 Avr 2010 - 13:47
jack-hubert bukowski a écrit:
J'avais vu le film Littoral. Il m'avait plutôt laissé sur ma faim, si ce n'est de ces déplacements perpétuels et la brusquerie de la quête du fils. En relisant Littoral, car nous ne faisons pas tout simplement lire un classique, il faut dire que Wajdi Mouawaden impose. Il m'est laissé cette impression d'une fin violentée et d'une guerre permanente qui coule dans nos veines.
J'aime beaucoup le texte de Littoral mais il est tellement foisonnant qu'il y a à prendre et à laisser...Beaucoup de mouvement...Beaucoup de personnages...Un mort qui chemine avec les vivants... Et parfois des fulgurances d'une grande beauté:
- SIMONE : « Il n’y a pas si longtemps vous m’assuriez que la guerre était une chose mauvaise qui devait disparaître, se terminer justement pour que naisse la liberté. Aujourd’hui la guerre est terminée et je suis encore en prison. Vous me dites encore ne joue pas, ne parle pas, ne rêve pas. Vous me dites tais-toi, Simone, tais-toi ! Vous êtes des menteurs ! »
« Les choses sont plus grandes que nous. Il y a un courant, une vague immense qui s’est levée il y a longtemps et qui nous entraîne dans un raz-de-marée de minutes, de jours, de mois, d’années, de siècles, et nous, nous sommes dedans. Au même titre que nos ancêtres il y a dix mille ans. Eux aussi entraînés par cette vague immense. Alors nous devons être plus forts que nous-mêmes, nous combattre nous-mêmes, pour laisser au monde notre pauvre témoignage, pour que le monde sache ce qui s’est passé ! »
- JOSEPHINE Elle parcourt les villages pour collecter les noms…Ceux des vivants, ceux des disparus, ceux dont on se souvient encore…Tous les habitants de son pays. Elle porte avec elle de grands et lourds sacs de noms, elle les récite.
« Je t’avoue que je ne sais plus ce que c’est qu’un joli nom. Mais je sais que le malheur est grand pour celui qui avance dans la vie sans personne pour l’appeler par son nom. Simone. Simone. Tu entends comme ça résonne ? Longtemps j’ai marché en répétant mon prénom parce qu’il n’y avait plus personne pour le dire. J’avais tellement peur de l’oublier Joséphine, Joséphine, Joséphine, Joséphine… J’ai l’impression parfois d’être un bateau qui navigue en une mer inconnue, par temps sombre, sans port, sans étoiles. Ces noms, tous ces noms, Simone, sont mon étoile. »
« Je vais vous dire mon rêve. Mon grand rêve. Je voudrais que dans dix mille ans, des archéologues retrouvent ces bottins et qu’ainsi, en les retrouvant, ils retrouvent aussi nos noms, ils retrouvent les noms de ceux qui, dix mille ans plus tôt, ont été vaincus. »
Arwen Espoir postal
Messages : 19 Inscription le : 01/07/2009 Age : 35 Localisation : Montréal
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Mar 26 Oct 2010 - 4:26
Il y a un film québécois sur Incendies. Il est pressenti pour la nomination de l'oscar du film étranger.
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Mar 26 Oct 2010 - 8:10
Arwen a écrit:
Il y a un film québécois sur Incendies. Il est pressenti pour la nomination de l'oscar du film étranger.
Oui :
Arwen Espoir postal
Messages : 19 Inscription le : 01/07/2009 Age : 35 Localisation : Montréal
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Mar 26 Oct 2010 - 19:06
C'est un superbe film. Pour l'avoir vu, c'est la première fois de ma vie, qu'un film vient me toucher comme cela.
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Mar 26 Oct 2010 - 19:33
eXPie a écrit:
Arwen a écrit:
Il y a un film québécois sur Incendies. Il est pressenti pour la nomination de l'oscar du film étranger.
Oui :
Bonne nouvelle! (et en plus j'aime beaucoup la comédienne Lubna Azabal)
tina Sage de la littérature
Messages : 2058 Inscription le : 12/11/2011 Localisation : Au milieu du volcan
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Ven 13 Jan 2012 - 14:03
Au club très enthousiaste des amateurs de cet auteur, vous allez me retrouver ! Je lis Visage retrouvé et d'emblée, sa poèsie me subjugue. Egalement, le traitement du passage où l'enfant assiste à l'incendie meurtrier du bus. J'ai trouvé que la soudaineté de l'évènement était magistralement rendue, comme dans la vie, quand l'innommable vous tombe dessus. La très grande sensibilité de cet écrivain me parle. Je repasserai dès que j'aurai fini.
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Lun 9 Avr 2012 - 15:33
J'espère, tina, que tu n'auras pas été déçue par Visage retrouvé, son roman...Dans son oeuvre, c'est ce que j'ai le moins aimé... Je voudrais vous signaler que les textes des pièces de Wajdi Mouawad sont très accessibles en simple lecture, contrairement à beaucoup de pièces de théâtre qu'il n'est pas facile de lire.
mimi54 Zen littéraire
Messages : 6043 Inscription le : 02/05/2010
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Lun 9 Avr 2012 - 15:37
coline a écrit:
J'espère, tina, que tu n'auras pas été déçue par Visage retrouvé, son roman...Dans son oeuvre, c'est ce que j'ai le moins aimé... Je voudrais vous signaler que les textes des pièces de Wajdi Mouawad sont très accessibles en simple lecture, contrairement à beaucoup de pièces de théâtre qu'il n'est pas facile de lire.
Je confirme: j'ai commencé "temps", et je suis vraiment larguée...le texte n'est pourtant pas bien long...... C'est simple, je en comprends pas ce que je lis; ajoutons à cela la langue des signes québécois.....et c'est la panique !!!
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Lun 9 Avr 2012 - 15:46
mimi54 a écrit:
coline a écrit:
J'espère, tina, que tu n'auras pas été déçue par Visage retrouvé, son roman...Dans son oeuvre, c'est ce que j'ai le moins aimé... Je voudrais vous signaler que les textes des pièces de Wajdi Mouawad sont très accessibles en simple lecture, contrairement à beaucoup de pièces de théâtre qu'il n'est pas facile de lire.
Je confirme: j'ai commencé "temps", et je suis vraiment larguée...le texte n'est pourtant pas bien long...... C'est simple, je en comprends pas ce que je lis; ajoutons à cela la langue des signes québécois.....et c'est la panique !!!
Je disais le contraire mimi, que ses textes étaient accessibles en lecture, ce qui est vrai pour la tétralogie, Le sang des promesses.... Mais je n'ai pas lu Temps avant d'aller voir la pièce...Et je comprends que tu puisses être larguée avec ce texte-là justement...
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Lun 9 Avr 2012 - 15:46
TEMPS
On aura beau vouloir me mettre en évidence les imperfections des textes et des mises en scènes de Wajdi Mouawad, il en restera toujours qu’il y a peu de théâtre en ce moment qui m’atteigne autant que celui-là. Je vois moi aussi bien sûr!…Il est si prolifique (certains diront « trop ») !… Alors forcément il y a parfois l’imperfection tout à côté de la fulgurance magnifique …Et c’est elle que je retiens.
Lorsqu’un spectacle attrape d’emblée le spectateur et le balade jusqu’à la fin à travers une multitude d’émotions, lui faisant presque oublier que ce sont des comédiens, des personnages qu’il a devant lui, pour le lâcher, bouleversé pendant de longues minutes, et le marquer à jamais d’images et de ressentis qui ne se gomment pas au fil du temps, je me dis que le but est atteint…et que c’est là le sens du théâtre !…Dire!…Dire! C’est une nécessité…les mots qui parlent de l’essentiel !… Les adresser clairement, au cœur directement du spectateur, comme des flèches, ou poétiquement, dans des tirades lyriques et évocatrices sublimes… Quitte à faire mal…On ne sort jamais indemne d’un spectacle de Wajdi Mouawad, on n’en sort pas « diverti », c’est certain…Ses inconditionnels le savent, et sont de plus en plus nombreux.
« Un artiste est un scarabée qui trouve, dans les excréments mêmes de la société, les aliments nécessaires pour produire les œuvres qui fascinent et bouleversent ses semblables. L’artiste, tel un scarabée, se nourrit de la merde du monde pour lequel il œuvre, et de cette nourriture abjecte il parvient, parfois, à faire jaillir la beauté. » Wajdi Mouawad
Wajdi Mouawad, auteur sensible, humain et profond, dramaturge- poète, écrit sur les souffrances inhérentes à la condition humaine (la guerre, la filiation, la mémoire et loubli, l'inceste, la prise de la parole… Nos larmes coulent devant tant de cruauté, et devant tant de beauté et d’amour…
« Toujours l’amour longe l’abîme. Tu ne le sais pas. Je ne veux pas que tu tombes ». Wajdi Mouawad ( Temps)
mimi54 Zen littéraire
Messages : 6043 Inscription le : 02/05/2010
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Sam 21 Avr 2012 - 19:00
Il m'a fallu le lire 2 fois pour cerner à peu près qui était qui........mais pas pour comprendre le texte.
Je ne sais donc pas de quoi il est question, tout est bizarre dans cette pièce là!!!! Voilà, qui ne me donne pas envie de la voir jouée.
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Lun 23 Avr 2012 - 15:07
mimi54 a écrit:
Il m'a fallu le lire 2 fois pour cerner à peu près qui était qui........mais pas pour comprendre le texte.
Je ne sais donc pas de quoi il est question, tout est bizarre dans cette pièce là!!!! Voilà, qui ne me donne pas envie de la voir jouée.
Aïe la rencontre avec Mouawad est loupée pour toi!
Il ne faut surtout pas que je lise le texte...car la pièce était assez limpide! (à part au début lorsqu'il faut repérer qui est qui, comme souvent...)
coline a écrit:
Temps
Fermont, ville minière du Labrador. Des hordes de rats hantent les rues. Un vent violent souffle à rendre fou et la température est en-dessous de 60°. Un mur-écran protège la population de toute cette rigueur. Atmosphère comme annonciatrice d’apocalypse.
Un vieil homme, perdu, s’avance sur le plateau, erre, peu vêtu, jette des feuilles manuscrites au vent et disparaît. C’est de la Forge, poète, atteint de la maladie d’Alzheimer.
Peu après, s’avancent des jeunes femmes : Blanche, sa jeune épouse qui hurle son nom, et Noella, sa fille, dont on verra très vite qu’elle est muette.
Le père est retrouvé, ramené à la maison. Il va bientôt mourir.
Noella, sa fille aînée, a convoqué ses frères jumeaux, après de longues années de séparation, pour « liquider », en plus de l’héritage littéraire, ce qui s’avère être un autre héritage, effroyable, qu’elle seule connaît. Les frères eux, Edward et Arkady, ont connu l’exil depuis l’enfance et n’en savent pas la raison. C’est à la révélation du drame à l’origine de cet exil qu’ils vont être confrontés : la relation incestueuse du père avec leur grande sœur, Noella, dès qu’elle eut cinq ans…et la mort de leur mère qui s’est immolée dans la forêt en apprenant l’horreur… Noella en a alors perdu sa voix.
En langage des signes, elle explique : « Mon père a fait entrer un scorpion dans mon ventre et je l’ai vu y prendre un très grand plaisir. Plus que son viol c’est de le voir complice de l’infect insecte qui m’a anéantie ».
La mère avait confié les deux petits garçons à leur sœur, encore très jeune, qui les abandonna à des familles mais ne perdit jamais leur trace… L’un a grandi en Russie ; l’autre, militaire, revient de la guerre d’Afghanistan.
Les échanges qui ont lieu entre les protagonistes se font en Québécois, en langue russe, en langue des sourds et muets …avec traducteurs ! C’est étrange… et ça marche ! Sans égarer le spectateur !…
On sait depuis le début comment tout cela va finir, pourtant on est tenu en haleine, vibrant de toutes les émotions successives des personnages. Oublier ou affronter ? « S’il est vrai que le fil du désastre ne peut plus se casser, il peut encore nous conduire vers le monstre qui le détient. Les labyrinthes, il ne suffit plus de rentrer dedans. Il faut les dynamiter ».
La paix pourra-t-elle revenir dans cette famille ? Comment chacun va-t-il continuer à vivre ? Ensemble ou seuls ?
La violence est inouïe, parfois insoutenable, et pourtant elle prend place dans le calme…Un calme rompu parfois par l’arrivée de la tante, la sœur de la mère, avec son arc qu’elle bande, et l’impact des flèches, amplifié par le son, lourd de menace. Un calme rompu par l’horreur de ce qui se dit, s’apprend…Et par le comportement obscène du vieillard.
La création de Temps a eu lieu en Allemagne, à l'occasion de la Schaubühne de Berlin. (Maline, nous en as-tu parlé? Je n'ai pas retrouvé...) La version que j’ai vu vendredi a été raccourcie de 45 minutes, et s’avère très efficace, enlevée.Il en sera ainsi pour la suite de la tournée. Les acteurs sont époustouflants. Wajdi Mouawad était présent.
Après sa tétralogie, Le sang des promesses (« Littoral », « Incendies », « Forêts » et « Ciels ») Wajdi Mouawadprend un virage dans on oeuvre . Il l’explique dans cette interview passionnante (il est si agréable à écouter !) : clic!
Plus court: [url=https://www.dailymotion.com/video/xirpzl_temps-par-wajdi-mouawad_creation]clic!
La suite de la tournée, pour ceux que cela intéresserait: • Scène nationale - Evreux Louviers 10 avril 2012 • Scène nationale Pt Quevilly Mt St-Aignan> 12 au 13 avril 2012 • Théâtres en Dracénie - Draguignan 10 mai 2012 • Théâtre national de Chaillot - Paris > 15 au 25 mai 2012 • Théâtre de Grasse> 29 au 30 mai 2012
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Wajdi Mouawad Dim 13 Mai 2012 - 19:13
LE POISSON SOI
« Écrire est une noyade. Une asphyxie dans une mer située en nous. Appelée l’innommable, c’est une mer au fond de laquelle se cachent des poissons étranges et tordus,laids et dérangeants. Écrire est une noyade pour tenter de saisir, sans les laisser glisser ces poissons horriblement magnifiques. » Wajdi Mouawad.
C’est un recueil de textes très intimes qui vient de sortir aux Editions Boréal (collection « Liberté grande » en hommage à Julien Gracq). Composé de textes plus ou moins longs, pas très longs de toutes façons, cet ouvrage évoque « le poisson soi » que l’auteur voudrait atteindre à l’intérieur de lui, ce « poisson soi » qui s’est nourri de son histoire aux épisodes tragiques (guerre, bombes, mutisme dans l’enfance, exil, mort de sa mère…) et qui nourrit en retour son écriture…
« Qu’est-ce qui écrit en moi et pourquoi ce qui écrit en moi m’a-t-il choisi pour écrire ? »
Me nourrissant moi-même des écrits de Wajdi Mouawad, à leur lumière, et à la lumière de sa biographie, j’ai trouvé ce livre admirable, bouleversant de sincérité et de poésie. Cette métaphore de la quête de l’identité (omniprésente dans ses pièces), cette en-quête de soi-même étant superbement évocatrice.
« Il cherchait la noyade en une mer intérieure pour saisir le poisson soi, fossile vivant, horriblement magnifique, tant il était le miroir dans lequel il pouvait se regarder tel qu’il était. »
Ce texte est très proche de sa pièce « Rêves » que "j'explore" depuis plusieurs mois.
Quelques extraits :
« Le poisson soi resta rivé aux eaux de l’enfance alors que lui-même avait quitté le pays natal entre tous. »
« Le poisson soi est un scarabée bousier.[…]Le scarabée bousier digère et métabolise les excréments. Les excréments. Base des carapaces colorées des scarabées bousiers. […]Le poisson soi est un bousier. Le poisson soi est un mangeur de merde. […]Métabolisant Eclats de chagrins Fragments de beauté Opérant la métamorphose Colore ses écailles De mille émaux Créant le miroir. »
« Je suis né pendant la guerre du Viet-Nam quelques semaines après les événements de Mai 68 et me suis éveillé quittant la prime enfance avec la guerre du Liban puis celle de l’Iran contre l’Irak ma pensée a été dépassée par la guerre des Malouineset j’ai senti la nécessité de prendre la parole avec la guerre d’ex-Yougoslavie et les charniers du Rwanda ont été le relais de la guerre du Golfe et ont précédé les hécatombes du Kosovo je n’ai rien compris aux massacres en Algérie et personne ne m’a encore parlé du Tibet et très peu de la Somalie je suis devenu adulte avec la seconde Intifada de septembre 2000 et mon innocence a éclaté contre le récif du 11 septembre 2001. »
« Aimer c’est aimer plus. »
« Nous ne sommes rien. C’est ce qui nous bouleverse qui est tout. »
« Il parlait tout seul. Il se parlait en français. Il parlait pour celui qui ne savait plus parler sa langue. Il rêvait en français car il était celui qui rêvait pour celui qui ne pouvait plus rêver dans sa langue. »