Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Samuel Beckett

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lekhan
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MessageSujet: Re: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyMer 7 Nov 2007 - 12:45

Compagnie et Mal vu mal dit, sont à mon sens deux définition de l'écriture de Beckett. L’un raconte ce flux, l'autre cette exploration incessante de l'espace.

Je crois que ces deux livres caractérisent à eux deux l'écriture de Beckett.
Espace- flux, image-mouvement, exploration, épuisement, combinatoire, en fait l'analyse Deleuzienne y transparait clairement, d'ailleurs dans l'épuisé, Deleuze cite extrêmement souvent ces deux livres.
A mon avis le seul reproche c'est ce concept d'épuisement, je préfère exploration, car j'ai comme l'impression que ça pourrait continuer. On n’arrive pas à un bout, à une fin.

L'être est là, la fin arrive, mais derrière ça peut continuer, je veux dire Malone peut continuer à écrire, ou n'importe, il a un deuxième crayon dans son lit. Alors parler d'épuisement m'embête, on en comprend le sens, épuisé, exploré complètement le possible, et exploré également ce qui devient possible grâce à l'exploration.
Mais épuisement suppose fin, or je ne crois pas qu'il y en est clairement. On ne sait jamais, c'est indéfini.
Par exemple Vladimir et Estragon vont assurément continuer à discuter, ils n'ont pas épuisé le champ du possible. Bon dans Fin de Partie là évidement c'est plus difficile, mais si le personnage revient, ça peut continuer.

Bref, le rien à mon avis continu, en cela le concept d'épuisement m'apparait trop fini.
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MessageSujet: Re: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptySam 10 Nov 2007 - 18:46

Mal vu mal dit, j’ai lu cette œuvre minimaliste et dense il y a très longtemps, mais je me souviens d’une expérience singulière. Je l’ai abslt pas lu sous un angle analytique (ou philosophique comme toi) faut dire. Je me souviens d’un ton insistant qui s’incrustait dans mon imaginaire. Me souviens de la répétition de scènes obsessive, ou plutôt de tableaux ("exploration incessante de l'espace", comme tu l'as dit) peint et repeint de mille façons… Par son langage innovateur, j’ai l’impression qu’il me faisait entrer dans la chair de sa pensée. Et c’était poignant.


Début de l'oeuvre en question:
De sa couche elle voit se lever Vénus. Encore. De sa couche par temps clair elle voit se lever Vénus suivie du soleil. Elle en veut alors au principe de toute vie. Encore. Le soir par temps clair elle jouit de sa revanche. A Vénus. Devant l'autre fenêtre.
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MessageSujet: Re: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyJeu 3 Jan 2008 - 14:04

Pour ma part, je suis une inconditionnelle de Beckett. En plus ce physique Lynchien... Wink

En attendant Godot et surtout Fin de Partie m'ont beaucoup touchée et interpelée.

Je me souviens d'un spécialiste de Beckett, prof à l'agrégation, qui disait que le lecteur qui ne trouve pas Beckett drôle n'a rien compris à Beckett. Pourtant, ce n'est pas le rire qui domine pour moi et je continue d'éprouver quelque chose de dérangeant, de tragique et d'inéluctable qui se dégage de certaines de ses oeuvres.

Sans doute faisait-il allusion au comique qui tira à Musset ces mots "Quelle mâle gaieté, si triste et si profonde que, lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer" (à propos du Misanthrope de Molière) ? A chacun son ressenti...
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MessageSujet: Samuel beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyJeu 3 Jan 2008 - 14:18

On ne sait rien des autres... Quasiment rien. C'est aussi pour cela qu'on ne
comprend pas forcement Beckett quand il fait de l'humour.
Et en plus il est irlandais. Lisez Le troisième policier de Flann O'Brien, vous verrez de quoi les irlandais sont capables !
En tout cas, il y a du comique dans Molloy...
Il parait meme que Kafka trouvait drole Le procès quand il le lisait à des amis...Surprised
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MessageSujet: Re: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyVen 4 Jan 2008 - 21:07

Il y a du comique chez Beckett, c'est une évidence. Il y en a même beaucoup, trés noir il faut l'avouer, mais Beckett est trés drôle.
Les personnages sont tellement pathétiques, déchéants qu'ils en deviennent drôles. Je ne sais pas, un peu comme certains personnages d’Ungar.
Quand on lit La fin , on n’arrête pas de rire, ce pauvre type qui va jusqu'à se gratter les morpions "à l'intérieur du cul", et si il a envie de "chier" après," ça brûle, ça gratte, ça fait mal", mais qu'est-ce que ça lui fait du bien de se gratter les morpions.

Dans Fin de Partie puisqu'il est cité, je ne sais pas, mais ces pauvres parents contenus dans des poubelles, cet handicapé dans son pot de fleurs...

Il faut se représenter les choses décrites pour rire, c'est irrésistible. Comme chez Kafka, comme chez Ungar, comme chez Tournier à la limite (mais ne rit on pas de l'écriture facilement provocatrice plutôt que de l'ouvrage?).

Le mot est un paysage mental, c'est la clef de la lecture. Le mot est un au-delà du visible, un au-delà appartenant à chacun.
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MessageSujet: Samuel beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyVen 4 Jan 2008 - 22:20

Je serai personnellement plus restrictif quant à l'humour et au comique. A la façon dont ils sont ressentis et perçus.

Qui ne s'est senti en décalage par rapport à une situation. Avec l'envie de sourire ou de rire alors que la situation ne s'y pretait nullement...
L'humour peut etre tellement personnel, intime, particulier qu'il peut devenir totalement secret en tout cas incommunicable aux autres. En tout cas avec les mots... Rien ou peu de choses essentielles peuvent s'exprimer par les mots. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Thomas Bernhard. Et on peut l'ajouter à Ungar, Kafka ou Beckett, en ce sens qu'ils ont en commun d'etre réservés, secrets, introvertis.
Quand on connait un peu leur vie, on s'apperçoit qu'à part Beckett, elle n'a pas été franchement réjouissante et que ça s'est répercuté dans leur univers mental. Et donc dans leur oeuvre.
Qu'ils aient fait preuve d'humour, ce n'est pas contestable. Qu'on y soit sensible c'est tout autre chose.
Je sais bien qu'il y a d'autres écrivains pour nous expliquer l'humour de ces écrivains-là. A mon avis, ils n'en savent pas plus que nous. Autrement dit, rien.
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MessageSujet: Re: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyVen 4 Jan 2008 - 22:34

L'univers de Bernhard n'est pas tant comparable. On sent chez Bernhard la pesanteur de sa maladie, notamment un travail sur le souffle, sur l'enfermement.
Toujours des univers fermés, des observations cyniques, une sorte non pas de méta-écriture, mais de méta-observation méticuleusement retranscrit et jugé.
Néanmoins des recueils comme l'imitateur, on un humour très particulier et très prononcé.

Le fait est que comme l'écrit Blanchot dans l'histoire littéraire, ce qui fait les grands écrivains est bien souvent une grande solitude, voulue ou non. D'ou une incontestable part de voile, ce ne sont pas des écritures phares.
Mais c'est aussi la force de ce type d'écriture là. Il y a des scènes à mourir de rire chez ces écrivains. Ce qui n'empêche pas l'intensité. Comme chez Ionesco.
Ce qui est plus problématique peut être que ce débat autour de l'humour de Beckett ou non, c'est sa classification dans le théâtre de l'absurde.

Je crois que Beckett s'en éloigne assez clairement tant il donne sens à ses personnages, il le dit lui même il n'y a pas autre chose que ce qui est écrit. En quelque sorte j'ai donné tout ce que je voulais donner à mes personnages. Le sens qui transparait est l'ultime, l'unique, il n'y a pas à gratter, ou plutôt à inventer une symbolique, un au-delà.
Pareil chez Kafka, il écrit " les métaphores me font détesté la littérature". Etc.

Ces classifications me paraissent plus problématique encore que ces tranches d'humour, qui son aussi du sens, et de l'observation. Une volonté de la part de l'écrivain, une volonté signifiante.
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MessageSujet: Re: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyMar 4 Mar 2008 - 11:46

http://www.ubu.com/sound/beckett_france-culture.html

Quelques textes en intégralité, des extraits, des lectures de didascalies et une pièce, sur l'excellent site ubuweb.

Une note et un précis sur Digression sont également disponible. Si quelqu'un à le courage de les lire qu'il me dise si je dois les poster ici :)

http://digression.forum-actif.net/beckett-f9/
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MessageSujet: Re: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyMer 5 Mar 2008 - 18:49

Peut-on clore ce fil? Je crois que Beckett sera à la mode pour le centenaire de sa naissance ou quelque chose de ce goût...

On pourra le ressortir alors et l'arborer fièrement :)
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MessageSujet: Re: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyVen 29 Aoû 2008 - 17:54

CAP AU PIRE

fut écrit en anglais en 1982 et publié pour la première fois en 1983 à Londres, Worstward Ho.

Je ne saurai pas vous inciter à le lire, même et surtout pas à grand renfort de smilies. Mais moi je pleure à le lire ce cri de détresse et suis bouleversée de ressentir combien s’accrochant aux mots « qui empirent », Beckett exprime le vide, juste avant le silence…Et il m’apparaît indispensable de donner sur un forum littéraire sa place à un texte comme celui-là.
Je choisis donc l’option « larges extraits ».

La langue utilisée à ce moment-là par Beckett est étrange. Une sorte de torture du langage jusqu’au dépouillement pour mettre en mots l’exténuation, la souffrance, le désespoir.

«Encore. Dire encore. Soit dit encore. Tant mal que pis encore. Jusqu'à plus mèche encore. Soit dit plus mèche encore.
Dire pour soit dit. Mal dit. Dire désormais pour soit mal dit. »


" Encore ” est le: premier mot du livre.
Il en est aussi le dernier.

Il reste un corps, un sol…Et des mots…
Alors les mots s’acharnent à dire encore ce sol, ce corps :

« Il est debout. Quoi ? Le dire debout. Forcé à la fin à se mettre et se tenir debout. Dire des os. Nul os mais dire des os. Dire un sol. Nul sol mais dire un sol. Pour pouvoir dire douleur. Nul esprit et douleur ? Dire oui pour que les os puissent tant lui douloir que plus qu'à se mettre debout. Tant mal que pis se mettre et tenir debout. »

« D'abord le corps. Non. D'abord le lieu. Non. D'abord les deux. Tantôt l'un ou l'autre. Tantôt l'autre ou l'un. Dégoûté de l'un essayer l'autre. Dégoûter de l'autre retour au dégoût de l'un. Encore et encore. Tant mal que pis encore. Jusqu'au dégoût des deux. Vomir et partir. Là où ni l'un ni l'autre. Jusqu'au dégoût de là. Vomir et revenir. Le corps encore. Où nul. Le lieu encore. Où nul. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux encore. Ou mieux plus mal. Rater plus mal encore. Encore plus mal encore. Jusqu'à être dégoûté pour de bon. Vomir pour de bon. Partir pour de bon. Là où ni l'un ni l'autre pour de bon. Une bonne fois pour toutes pour de bon ».

Les mots sont pauvres, ils ruminent, se cherchent, balbutient…tout près de déserter… mais “ néant jamais ne se peut être ”.
Alors « encore »…

« Dire encore... non... les mots empirent... dans une étroite vastitude... dire... tout au plus le minime minimum, l’iminimisable minime minimum ... ».

C’est un des derniers textes de Beckett, écrit en Anglais…Qu’il n’a pas lui-même traduit en français. Il traversait une phase dépressive et ce texte est un chant bouleversant. Le monologue d’un homme épuisé qui ne renonce pas, « dans le crâne tout disparu »,à chercher le « dire tout disparu »

"Hiatus pour lorsque les mots disparus".

"Tout avant. Plus jamais rien. Jamais tenté. Jamais raté. Peu importe. Essaie encore. Rate encore. Rate mieux".


Patrick Kéchichian (Le Monde, 22 novembre 1991):
« La littérature en son état d"épuisement est encore littérature. Poussons la proposition un peu plus loin : une littérature exprimant ou mimant l’état d’épuisement, donnant avec art le sentiment de la fatigue extrême, ne trace pas aussitôt sa propre limite. Elle ne pousse pas fatalement l’auteur au mutisme et le lecteur au désespoir, et ne rejette pas les deux dans une région muette sans mot ni forme : une région où la littérature, n’ayant plus cours, proclame sa propre mort. »
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MessageSujet: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyVen 29 Aoû 2008 - 18:24

A tous ceux qui connaissent Beckett et peut etre plus encore à ceux qui ne le connaissent pas, je conseille le livre d'Anne Atik, qui retrace 3O ans
d'amitié et de conversations. Je crois que c'est réédité par Points / Seuil.

Et qui montre combien Beckett était seul, original et grand.
Mais aussi à quel point l'amité était importante pour lui et comment il faisait preuve d'attention, d'écoute et de tendresse envers ses amis.
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MessageSujet: Re: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyVen 29 Aoû 2008 - 18:33

Ou encore: Charles Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett.

CHARLES JULIET : […] Beckett n'a pas pu, n'a pas voulu sortir de sa souffrance. Bien que je ne le lise plus depuis longtemps, bien que je ne me réfère plus à ce qu'il a écrit, il me reste proche. Il est de la famille des Hölderlin, des Van Gogh, des Artaud, et quand je pense à eux, à lui, à ce qu'ils nous ont donné, c'est chaque fois avec une profonde compassion, une infinie gratitude.
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MessageSujet: Re: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyMer 18 Fév 2009 - 23:35

Pour moi Beckett c'est avant tout la " trilogie " Malone meurt - Molloy - L'innommable qui illustre de romans en romans son gout pour le dépouillement et la simplicité : plus l'on avance dans cette " saga " plus la narration se fait limpide et préfigure - ou accompagne - sa seconde période stylistique. Je crois que de toute son œuvre c'est celle qui exprime le mieux son ressenti face à l'absurdité du langage et cela se comprend même au travers des titres : d'abord le nom du héros puis son nom déformé et enfin l'indicible. Je conseillerais donc ceux-ci pour commencer. De ce que j'ai lu de Beckett c'est l'ensemble le plus représentatif de toute sa logique et de son message.



Dernière édition par Charles le Jeu 19 Fév 2009 - 0:52, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyMer 18 Fév 2009 - 23:43

Amateursde Beckett, allez jusqu'à Cap au pire...
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MessageSujet: Re: Samuel Beckett   beckett - Samuel Beckett - Page 3 EmptyJeu 19 Fév 2009 - 0:37

coline a écrit:
Amateursde Beckett, allez jusqu'à Cap au pire...

Si c'est bien celui qui succède à " Mal vu mal dit " je ne l'ai pas encore lu. Tu le conseille ?
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