Patrice Pluyette

Les béquilles

Patrice Pluyette a renoncé à la carrière d’enseignant à laquelle il s’était préparé pour se dédier exclusivement à l’écriture.
J'ai découvert , le lisant d’une traite, ce curieux petit livre de 107 pages dont le sujet pourrait paraître bien insignifiant.

Un cascadeur, spécialiste des chutes, se casse le petit orteil…en le heurtant contre un mur, chez lui, dans sa précipitation pour aller répondre au téléphone !...Le voilà donc condamné pour un mois à renoncer à ses activités professionnelles et surtout à porter des béquilles.
Ce qui aurait pu le rendre grincheux et mélancolique va soulever chez lui des élans d’enthousiasme, une vraie passion.

Très vite il mesure les avantages que présente le fait de porter des béquilles : c’est une porte qu’on vous tient, une place assise qui se libère pour vous dans le bus, c’est le regard et l’attention des autres qui se portent sur vous…Et pour le cascadeur ce sera même l’installation de sa charmante voisine à son domicile . Becky, une artiste-peintre, viendra en effet installer pinceaux, peintures et chevalet dans sa cuisine pour mieux pouvoir l’aider au quotidien…

[« Béquilles » ?... « Becky » ?...Patrice Pluyette jure dans un sourire qu’il n’avait même pas remarqué la ressemblance de ces deux mots…Non, non, …lui il a choisi le nom de Becky en souvenir de la petite amie de Tom Sawyer !...]

Bref !...Outre les avantages déjà cités, les béquilles donnent au cascadeur l’occasion d’une rêveuse et attentive observation de lui-même tandis qu’il entreprend un voyage intime.
Elles changent son regard sur son environnement.
Elles l’obligent à prêter attention à chaque geste, chaque déplacement…

Et Patrice Pluyette le raconte de façon séduisante, avec une bonne dose d’humour, de malice même, sur un ton un peu décalé.

La critique a salué très favorablement ce premier roman. A son propos, on pouvait lire dans Le Monde que « le lecteur ralentit volontiers sa marche pour goûter l’art et la manière subtile du jeune romancier ».
Patrice Pluyette fut l’invité d’Alain Veinstein dans son émission « Surpris par la Nuit » sur France Culture. Le livre a reçu le label « France Culture ».

Petit extrait : (contre toutes ses habitudes, il prend goût à aller s’entraîner à marcher en forêt)
« Chez certaines personnes, la forêt est le lieu de l’ennui par excellence, de la petite mort. Je le pensais aussi. Le mouvement perpétuel de la ville éclatait sa rumeur au-devant de la mienne, moins puissante, me laissant libre, pour un temps, de ne plus penser, de m’oublier. Du moins le croyais-je. La forêt nous grandit. Elle ne nous impose rien. Son silence s’abat et se mesure au nôtre, exhibant sous nos yeux la plaie qui en s’ouvrant nous effraie : le vide. On en sort chaque fois plus puissant. J’ai éprouvé tout cela. »
_

Un vigile.

Un récit de Patrice Pluyette sélectionné par Télérama et France Culture. Elu roman français préféré de la rentrée sur le forum de Télérama.fr , Un vigile a recueilli 27 % des voix à l'issue du vote départageant les dix romans français sélectionnés par les rédactions de Télérama et France Culture.

(2) Extrait :

"En somme, je dois garder une concentration à toute épreuve. Cela dit, en posant le fait que certains moments d'attente sont longs et que, avant qu'ils soient longs, je ne peux savoir qu'ils seront longs, je me suis permis de me donner ce droit de relâcher ma concentration. J'ai donc mis au point une conduite dite de somnolence dynamique où tout est présentable, irréprochable, néanmoins réduit de moitié, de sorte que l'autre moitié permet de récupérer en même temps que l'effort se produit : une concentration moyenne laisse sous un même crâne deux fois plus de place à la rêverie qu'une concentration totale."

Vigile, le narrateur travaille dans une tour abritant une salle de sports où il passe sa journée debout près d'une porte à contrôler des badges... Travail ennuyeux ? Pas pour le vigile silencieux de ce court roman dont l'univers est très riche.
« Je ne parle pas (on ne parle pas aux portes). Je ne bouge pas. Ma vie est ainsi faite : droite, plate. Je suis en quelque sorte une porte mais une porte qui pense. »
Il a acquis une maîtrise assez poussée de sa pensée et a fini par trouver une réelle excitation à s'ennuyer. Le temps passe et il apprend a transformer les petits riens en sujet de rêverie : un clou sur le mur, le couinement d'une paire de baskets, la trotteuse de sa montre... tout est bon pour que le temps paraisse moins long.

Sa vie aurait pu continuer ainsi des années durant, mais un jour la porte qu'il est censé garder se ferme pour une période indéterminée. Des travaux commencent et la tour se vide ...
Voici le vigile livré à lui-même, sans plus de nécessité d'être là …
Que devient un vigile chargé de surveiller une porte que plus personne n'emprunte?

Critiques :
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"On peut être surpris et dérouté par la banalité de l'histoire, mais il ne faut pas s'y tromper : le style de l'auteur se cache derrière ces apparences. Patrice Pluyette signe un deuxième roman pur et rigoureux." (FNAC)

« Un vigile est une formidable réussite, un objet inclassable, cocasse, aussi drôle qu'inquiétant par son flirt avec l'absurde, porté par une plume caméléon, d'une plasticité virtuose. Après Les Béquilles, l'histoire d'un cascadeur victime d'un banal accident, qui trouvait grâce à une paire de béquilles une nouvelle façon d'exister, Patrice Pluyette, né en 1977, spécialiste du théâtre de Ionesco, impose un talent décidément très personnel. » (Télérama)

Hé Hé...Il continue sa route le petit PLuyette!

Son dernier roman: Blanche
Blanche est un roman plein de charme. L'auteur a un univers bien singulier qui me ravit à chaque fois.

Présentation de l'Editeur:
Patrice Pluyette a de la chance : repéré par le perspicace Maurice Nadeau, chez qui il a déjà publié deux romans (Les Béquilles, en 2004 ; Un vigile, en 2005), ce jeune romancier né en 1977 aligne texte réussi sur texte réussi.
Avec Blanche, fable poétique qui prend pour horizon le ciel et le bonheur, le lecteur entrera dans un univers singulier, très pur, sans coups tordus, très tendre aussi.

Le narrateur de ce bref roman d’une centaine de pages – la brièveté romanesque a ici pour corollaire le travail poétique sur la phrase, franche et généreuse, gorgée de tendresse et de pudeur, simple et épurée, jusqu’à l’évidence – a rencontré une certaine Blanche sur son lieu de travail, le bar d’un aérodrome. Blanche ? Une femme qui « a parfois l’impression de courir après quelque chose de trop grand pour elle, d’inaccessible »… Effectivement, ce que désire Blanche n’est rien de moins que ce qui se refuse au plus grand nombre : le bonheur, la joie d’être au monde, au milieu des choses, au carrefour des êtres, entre le ciel et la terre. La passion de Blanche ? Faire des films, capturer des morceaux de réalité soustraits à l’ordre de la perception commune (par exemple, filmer, après avoir sauté d’un avion, ses camarades de saut…), s’inscrire à sa manière dans la beauté des choses, dans ce qui mérite d’être vu et vécu. La terre qu’habite Blanche ? Une sorte d’utopie au présent, ici-bas, où le ventre des femmes pourrait mystérieusement devenir gros du désir des œuvres à venir…

Un très joli texte, un très beau portrait de femme.

Engouement partagé de mon côté pour le si délicat roman de ce jeune auteur qui m'avait charmée à sa lecture :

J'avais aimé le portrait de ces deux êtres si différents ,lui plein de doutes ,un peu fragile et amoureux fou de cette Blanche si lumineuse et si douée pour l'existence .
J'avais aussi trouvé particulièrement fort cette image de puissance qu'elle parvenait à lui transmettre à la fin du récit avec l' "envol" final ,belle métaphore pour une renaissance , une entrée dans cette nouvelle vie de père , une fin emplie d'espoir et d'un bonheur de vivre qui m'avait laissée en apesanteur !

D'ailleurs elle est si belle que je ne peux m'empêcher de la copier, mais vous n'êtes pas obligés de la lire ... Je l'adore !


"Tu me dis que tu as essayé de te souvenir de ta propre naissance. Qu'en faisant des efforts on peut y arriver. On s'en souvient tous.
Elle nous accompagne d'une manière ou d'une autre. Suivant la façon dont nous l'avons perçue, vécue, elle infléchit nos choix, nos goûts, nos peurs. La naissance est notre première prise de risque à tous. Une prise de risque que l'on n'a pas choisie.
Tu tires les conclusions de tes séances de discussions. Certains de ceux qui se sont confiés à la caméra ont évoqué à propos de la sortie d'avion en vol une sensation connue, un flottement de quelques secondes après avoir passé la porte, un flottement qu'ils auraient déjà vécu ailleurs, à un autre moment de leur vie, un flottement accompagné d'une perte brutale des repères dans la lumière et le bruit intenses, et ce flottement, ils ne savent pas mieux le nommer, certains disent qu'ils l'ont rêvé, qu'il n'a pas existé, qu'ils sautent sans cesse pour tenter de le fixer.
Tu me dis que si je ne t'ai pas suivie à l'extérieur de l'avion, c'est par peur de reproduire ma naissance et de causer la mort de quelqu'un, toi, notre amour.
Je suis vivante. Tu peux m'aimer sans crainte. Je serai vivante toute notre vie. Tu me dis que le vide est la première chose qui nous accueille après notre existence aquatique. En celà, nous portons tous le sceau de notre naissance, dans la manière que nous avons de vivre avec le vide, le vide qui nous entoure, le vide sous toutes ses formes. Il faut le considérer comme faisant partie de soi. Quand on a compris celà, on a déjà tout compris . "

J'ai lu aujourd'hui, presque d'une traite ce roman; non pas aprce qu'il m'apassionnée mais parce qu'il n'est pas bien épais.

Contrairement à vous, Coline et Aériale, je n'ai pas été sous le charme, ni de la plume de Pluyette, ni de Blanche, ni du narrateur.

Par moments, je n'ai aps tout saisi: de qui, de quoi parlait Pluyette, ou plutôt le narrateur? Pourquoi n'a-t-il pas étoffé certains thèmes/passages? C'était quoi cette histoire d'homme au téléphone? d'île? (là, j'avoue j'ai été complètement larguée).

Et Blanche, pour moi, même si elle m'a paru sympathique, m'a aussi agacée par ses côtés "petite fille gâtée pas contente"; quant au narrateur qui veut laisser seule sa femme qui porte leur enfant, je dirais simplement: Grrr ou

Finalement, j'ai trouvé certaines qualités à ce petit roman mais n'ai pas été conquise. D'autant plus qu'on sombre quand même, encore une fois, dans le triste à pleurer même si on peut imaginer du miux à la fin du roman.
(j'ai l'impression de lire plein de romans dans cette veine triste et glauque, mais je ne l fais pas exprès)

Sophie a écrit:

.Contrairement à vous, Coline et Aériale, je n'ai pas été sous le charme, ni de la plume de Pluyette, ni de Blanche, ni du narrateur.

Par moments, je n'ai aps tout saisi: de qui, de quoi parlait Pluyette, ou plutôt le narrateur? Pourquoi n'a-t-il pas étoffé certains thèmes/passages? C'était quoi cette histoire d'homme au téléphone? d'île?

Je ne me rappelle plus du passage avec l'homme au téléphone et l'île...? Je l'ai lu très vite et il y a un moment déjà.
Mais ce dont je me souviens par contre c'est d'une histoire un peu floue qui tenait plus du rêve, et d'avoir été emportée par le charme de l'écriture, très légère et passionnée, de Pluyette. J'ai moins cherché la logique il faut dire.
Je comprends qu'on ne puisse ne pas y être sensible. Mais je saisis moins Sophie lorsque tu dis trouver le roman triste et glauque? Je ne me souviens pas y avoir perçue de la tristesse ...
A quel moment ?

Effectivement, l'histoire est floue et ça m'a dérangée.

J'ai trouvé certains passages particulièrement tristes: la naissance du narrateur et la mort de sa mère, le fait qu'il veuille partir, qu'il ne sait pas si Blanche l'aime, la mort de son ami, le décès du frère de Blanche quand elle était enfant, c'est beaucoup quand même en 100 pages non?

J'ai préféré de loin Les béquilles , puis ensuite Un vigile...Blanche m'avait peu touchée...

Parce que son dernier livre me tente beaucoup et que cet auteur très sympathique est passé à La grande librairie sur TV5 pour en parler hier soir, voici un lien où on peut l'écouter:

ICI

Et un extrait de l'article dans Télérama

Citation :

La Traversée du Mozambique par temps calme n'est pas un roman d'aventures ordinaire. Son action ne se situe d'ailleurs à aucun moment au Mozambique. Et le périple qu'il retrace est tout sauf tranquille. Le titre, d'une belle puissance évocatrice, est juste un point de départ. Une invitation au voyage qu'il ne faut surtout pas manquer : ce livre est sans doute le plus divertissant de cette rentrée littéraire. L'auteur, Patrice Pluyette, d'abord publié par Maurice Nadeau, s'était d'emblée fait remarquer avec deux romans d'une singulière originalité, Les Béquilles et Un vigile, qui approchaient au plus intime deux personnages à l'étrangeté inentamable. Le lecteur le suit, cette fois-ci, sur des chemins très différents et apparemment plus balisés.
....
C'est peu dire que le lecteur est à la fête, les péripéties sont savoureuses, l'humour ravageur, l'invention constante et la fantaisie de plus en plus débridée. Avec La Traversée du Mozambique par temps calme, c'est la lecture elle-même qui devient une aventure.

Michel Abescat

Les Béquilles-
Edition Maurice Nadeau-106p-



« Tout a commencé grâce à des béquilles. Sur le moment je n’imaginais pas que des béquilles pussent révéler le sens d’une vie. »

Un jeune cascadeur, suite à un accident aussi stupide qu'incongru en décrochant son téléphone, va devoir suspendre ses chutes et se voir affublé de béquilles.

A partir de cette anecdote Patrice Pluyette s'amuse à nous raconter le quotidien de son personnage avec un regard décalé et une bonne dose d'humour, tout cela dans un style enlevé et très subtile!
On rit souvent face aux petites aventures de ce doux rêveur qui joue de son état pour amadouer les filles et qui finit par se prendre d'amour pour ses béquilles.

J'ai passé un petit moment très agréable à le lire, c'est drôle, tendre et léger et ça se boit sans soif...alors jetez vous dessus!
(Mais ne vous loupez pas! )

coline a écrit:

les béquilles donnent au cascadeur l’occasion d’une rêveuse et attentive observation de lui-même tandis qu’il entreprend un voyage intime.
Elles changent son regard sur son environnement.
Elles l’obligent à prêter attention à chaque geste, chaque déplacement…

Et Patrice Pluyette le raconte de façon séduisante, avec une bonne dose d’humour, de malice même, sur un ton un peu décalé.

La critique a salué très favorablement ce premier roman. A son propos, on pouvait lire dans Le Monde que « le lecteur ralentit volontiers sa marche pour goûter l’art et la manière subtile du jeune romancier ».

Petit extrait : (contre toutes ses habitudes, il prend goût à aller s’entraîner à marcher en forêt)
« Chez certaines personnes, la forêt est le lieu de l’ennui par excellence, de la petite mort. Je le pensais aussi. Le mouvement perpétuel de la ville éclatait sa rumeur au-devant de la mienne, moins puissante, me laissant libre, pour un temps, de ne plus penser, de m’oublier. Du moins le croyais-je. La forêt nous grandit. Elle ne nous impose rien. Son silence s’abat et se mesure au nôtre, exhibant sous nos yeux la plaie qui en s’ouvrant nous effraie : le vide. On en sort chaque fois plus puissant. J’ai éprouvé tout cela. »
_

C'est plus profond que ça n'en a l'air cette histoire...
Patrice PLuyette a un univers bien à lui (voir sur ce fil) et une belle écriture...

coline a écrit:

C'est plus profond que ça n'en a l'air cette histoire...
Patrice PLuyette a un univers bien à lui (voir sur ce fil) et une belle écriture...

Oui Coline.
J'ai résumé en vitesse et omis de parler de cette prolongation de lui-même représentée par ces fameuses béquilles, qui lui donnent une vision et une appréhension différentes du monde- ce qui existe réellement lorsque ce genre d'expérience survient -

J'en avais fait un commentaire plus étoffé mais il s'est perdu dans les méandres du net

Tu en as eu une approche particulière vu que ce livre t'était commenté par l'auteur lui-même, ce qui change forcément les données!
Mais ce n'est pas pour moi un livre "profond"...
Disons qu'il a voulu se faire plaisir et qu'il est il parvenu à nous communiquer son envie et sa folie.

Ce que j'avais ressenti d'ailleurs en lisant Blanche, mon préféré

aériale a écrit:

'en avais fait un commentaire plus étoffé mais il s'est perdu dans les méandres du net

Il n' y a a rien de plus enrageant!

Aériale a écrit:

Tu en as eu une approche particulière vu que ce livre t'était commenté par l'auteur lui-même, ce qui change forcément les données!
Mais ce n'est pas pour moi un livre "profond"...
Disons qu'il a voulu se faire plaisir et qu'il est il parvenu à nous communiquer son envie et sa folie.

Ce que j'y vois de "plus profond" c'est, pour son personnage, une quête de lui-même...Il ne joue pas seulement à nous amuser avec ces béquilles...

Aériale a écrit:

Ce que j'avais ressenti d'ailleurs en lisant Blanche, mon préféré

Pour moi, celui que j'ai le moins aimé ...
Après Les béquilles , je m'étais régalée avec Un vigile...

A nous deux Aériale, tu crois que nous allons convaincre les Parfumés de lire Patrice Pluyette?...

coline a écrit:

Ce que j'y vois de "plus profond" c'est une quête de lui-même...Il ne joue pas seulement à nous amuser avec ces béquilles...

Oui bien sûr, et le passage que tu as relevé (dans la forêt ) est très joli d'ailleurs.
Je ne voulais pas dire qu'il n'était que léger, mais il l'est plus que réllement introspectif tout de même

coline a écrit:

A nous deux Aériale, tu crois que nous allons convaincre les Parfumés de lire Patrice Pluyette?...

Je l'espère et c'est pour cela que j'hésite à poster sur le dernier