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 LC Giono : Le Chant du Monde

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Bédoulène
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églantine
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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptySam 17 Mai 2014 - 16:05

Oui cette apparition de congre dans une eau douce m'a rendue perplexe et doutant un peu de mes connaissances , je suis allée vérifier !
Bah , laissons à Giono ses grands mystères ! en plus il précise bien à un moment "congre d'eau douce" : on dira qu'il aime se jouer du réel et glisser quelques invraisemblances pour créer sa vérité fantasmagorique presque , pour jouir pleinement de sa puissance créatrice ! Et c'est ce qui fait un peu sa griffe !  Very Happy 
Laissons nous emporter par son grand souffle lyrique !
A travers ce roman , on se glisse dans le temps avec le rythme des saisons bien marqué ! et l'homme fusionne complètement avec l'harmonie qui règne autour de lui .... Si c'est une caractéristique de la totalité de son oeuvre , ici on atteint le paroxysme !
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unmotbleu
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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyDim 18 Mai 2014 - 11:41

Poisson de mer, marin d'eau douce...
Après quelques recherches piscicoles, je vous présente l'anguille européenne à ne pas confondre avec le congre mais qui lui ressemble beaucoup. Ce poisson vit aussi bien en eau douce qu'en eau salée.

LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 Anguil10

Personnellement, je n'avais pas remarqué cette in congre uité, emportée par mon enthousiasme de lectrice admirative. Comme quoi, faut se fier à personne.  rire 
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Bédoulène
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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyDim 18 Mai 2014 - 16:04

la lamproie de rivière très particulière (?)

LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 Lampro10

de toute façon Giono me dirait que le ciel est vert, j'aimerais sa description !! sourire 


on repart :

Quelle rencontre que celle de Gina (la femme du besson et fille de Maudru) et de Matelot !

Les mots que Gina jette, à Matelot des mots qui font du besson un jeune homme inconscient, fanfaron, froussard ; mais Matelot lui répond et corrige ses mots à chaque reproche, à chaque attente. C'est un grand moment où on mesure l'amour du Père et celui de la femme ; elle qui de son aveu "a tout donné" et n'a pas reçu son compte de promesses.

Antonio et Toussaint s'apprécient et se comprennent, ils se confient.

Antonio part en montagne creuser la tombe du neveu de Maudru tué par le besson afin de trouver des renseignements. C'est par hasard qu'il a une conversation avec un homme sympathique, il apprend alors qu'il s'agit de Maudru lui-même, mais il garde pour lui cette rencontre car elle ne concerne que lui.

Comme il se l'était promis Matelot et Antonio, vont se saouler à la ville ; ils y parviennent en déjouant les gardes des bouviers de Maudru. Antonio se prend au jeu de la ville, il suit une jeune femme en qui il voit Sarah ! Matelot las de l'attendre repart pour la maison de Toussaint, il n'échappe pas aux bouviers qui le blessent mortellement. De son côté Antonio revient et a la surprise de trouver Sarah qui a décidé de le rejoindre. En apprenant la mort de Matelot Antonio se sent coupable. Lui et le besson que la mort de son père a bouleversé, décident d'exercer leur vengeance. Ils s'introduisent dans la ferme de Maudru, y mettent le feu, tuent les bouviers de garde, mais Antonio empêche le besson de tuer Maudru.

à suivre
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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyDim 18 Mai 2014 - 17:10

Ce roman s'enfonce au fil des pages dans une sorte de grande épopée à l'allure presque mythologique ; à mi chemin entre le rêve et la réalité ..........La nature revêt toutes ses formes , l'imaginaire et le réel s'entrelacent : Giono s'amuse , débride sa plume osant pousser jusqu'à une sorte d'incantation ...Finalement c'est une ode majestueuse à Mère Nature , dans une forme lyrique des plus exacerbées , une sensualité inégalable .......
Tout est corps , sens , chair ........
Il exulte !
Et pourtant ....J'ose difficilement avouer que ce ne fut pas suffisant pour moi bien que j'accepte qu'on puisse parler de "chef d'oeuvre" .
Tout est trop "épais" (pour reprendre un terme de Giono dont il use à outrance !  rire ) , trop dense , trop lourd , trop charnel , trop ancré , trop physique ...........".L'homme" me manque dans sa différence avec le reste du monde .........
Ce n'est pas plaisant à dire mais tel est mon ressenti : ce qui fait le talent de Giono justement , dans son expression la plus exaltée , m'a dérangée .......
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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyDim 18 Mai 2014 - 18:11

à chaque lecture je me dit, ah c'est plus fort encore !

tentes tout de même Batailles en montagne, même si par moment il y a des pages de description, c'est intense, de la tension et les hommes qui se mesurent à la Nature ; et qui se révèlent les uns aux autres.

je suppose que quand tu dis l'"homme" tu veux parler de l'humain ? mais j'avoue ne pas comprendre ce que tu entends par "me manque dans sa différence avec le reste du monde ........." ?

le reste du monde c'est ? la Nature ? la faune, la flore ? ou l'homme par rapport aux autres hommes ?

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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyDim 18 Mai 2014 - 18:38

La grande question de la place de l'homme dans la nature.
Je suppose que selon sa propre philosophie personnelle, selon son ressenti, ses croyances, etc... le point de vue de Giono est reçu de façon bénéfique ou dérangeante.
On ne peut nier la grande sensualité qui se dégage de ces pages mettant sur le même plan l'homme, l'arbre, le fleuve et la bête. C'est la force du texte de Giono; on l'aime ou pas.
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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyDim 18 Mai 2014 - 18:41

Bédoulène a écrit:


tentes tout de même Batailles en montagne, même si par moment il y a des pages de description, c'est intense, de la tension et les hommes qui se mesurent à la Nature ; et qui se révèlent les uns aux autres.

je suppose que quand tu dis l'"homme" tu veux parler de l'humain ? mais j'avoue ne pas comprendre ce que tu entends par "me manque dans sa différence avec le reste du monde ........."  ?

le reste du monde c'est ? la Nature ? la faune, la flore ? ou l'homme par rapport aux autres hommes ?

J'aime ces longues descriptions Gionesques , je m'en délecte aussi Bédou !
Mais dans cet hymne à Mère Nature , où l'homme ( dans le sens général ) se fond , la culture s'évanouit .....Plus d'opposition entre "Nature et culture" .....Il en résulte une absence de psychologie des personnages , là n'est pas la priorité de Giono ....Est-ce plus clair Pour toi Bédou ?


Oh que oui je lirai Batailles en montagne  j'ai décidé de lire tout Giono parce qu'il me séduit par sa façon unique d'aborder le monde , parce que ses descriptions ne peuvent être issues que d'une relation physique intense à la terre nourricière , parce qu'il écrit avec une sensualité enivrante à faire rougir les jeunes filles en fleurs et les vieilles dames compassées ,parce qu'à travers ses écrits on perçoit tellement l'évolution de l'homme , ses désillusions , ses doutes et ses souffrances ....parce que c'est un être de passion et j'aime ça .  Very Happy
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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyDim 18 Mai 2014 - 19:43

L'opposition Nature et Culture est un vrai sujet et un vrai débat philosophique.
Faut il les opposer?
J'ai trouvé un article qui me semble intéressant à ce sujet.
En voici le lien afin que vous puissiez me dire ce que vous en pensez si vous voulez.

nature et culture
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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyLun 19 Mai 2014 - 1:12

Alors ce congre... ma seule hypothèse, bancale et capillotractée je l'admets: il est donc le gardien-passeur des gorges, de la frontière, de l'intermédiaire. Et il laisse passer l'homme du fleuve, "bouche-d'or" Antonio, d'une façon qui semble complice: n'ont-ils pas l'air de danser un ballet sans parole ni musique ? C'est un être démesuré pour ce fleuve: somme toute le Moby Dick local (ne pas oublier que Giono fut traducteur de Moby Dick de Melville).

 Vous avez noté le souffle de Giono, tel qu'il créée de la mythologie, sans qu'on pouffe de rire, et reposant sur un socle de nature-mère, vivante et s'exprimant sans cesse: Et je pense à Whalt Whitman, dont on sait que Giono le lisait et l'appréciait, à Thorau, plus sûrement qu'à J-J Rousseau ou à Virgile; je rajoute M-A Asturias, et Tahca Ushte, voir le premier chapitre de "de mémoire indienne", voilà pour quelques petits exemples, sans doute une multitude d'autres auteurs doit entrer là.

 Pour ce qui est des convictions de Giono en la matière, des textes limpides et démonstratifs (que j'aime beaucoup, mais c'est une autre histoire) comme Regain ou L'homme qui plantait des arbres vous mettront vite sur la piste !

 Mais sinon, par un travail d'exhumation à mener parmi les écrits non romanesques de Giono, dont certains sont passés pour complètement utopiques si ce n'est farfelus au dernier degré du vivant de l'auteur avant qu'on ne commence à voir quelques citations, de ci, de là, circuler, et de plus en plus souvent, on peut dégager une pensée assez visionnaire, qui parle plus aujourd'hui qu'en son temps (farfouillez dans Refus d'obéissance, Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, Les vraies richesses, etc...).

 Mais revenons à notre Chant:
On "monte" en pays rebeillard. On croise un colporteur qui vend du tabac et qui est espéré par tous les hommes en "manque". Cela et les fusils, plus tard les foulons de la tannerie, et une phrase d'Antonio à propos de "lire le journal" sont à peu près les seuls indices de datation de l'action du roman: disons un grand et large XIXème siècle, au grand maximum début XXème, sans plus de précision possible; la temporalité "datable", et c'est important, est gommée dans le roman, manière de signer un rendu renforçant, sinon l'aspect mythologique, du moins le côté hors du temps mesuré.

 A noter l'élément feu avec les brasiers allumés par les bouviers (littéralement: les cow-boys) de Maudru, pour communiquer une nouvelle importante (nous saurons plus tard que c'est le coup de feu du besson sur le neveu de Maudru). Puis, à la fin de la nuit suivante "le soleil s'embrasa". Auparavant, Matelot et Antonio avaient allumé deux feux, ce que le maître du pays (Maudru) prohibe: Antonio et Matelot sont, sinon des voleurs de feu, du moins des voleurs d'emplacement de feu. Le vrai voleur de feu sera, mais nous ne le savons pas encore, est bien sûr l'homme au cheveux rouges (symbole), celui qui n'a pas besoin de protéger ses yeux par temps de soleil sur la neige, etc...  

Après une montée sous la pluie -donc "eau"- (somptueuses descriptions de la pluie "vivante", puis, plus tard, de la neige - description qui inaugure la deuxième partie), le passage au feu du charron, auprès duquel ils ne restent pas en dépit de l'invite du charron, la grange qui "suait du feu par tous ses trous" (chapitre VII) "on ne voyait que de grandes flammes nerveuses, un étincelant feuillage d'or claquait en écrasant un brasier rouge", et des inconnus en train de haleter, de s'étriller, de se sécher en une scène hallucinante, qui aura son rappel bien plus tard, dans la seconde partie, quand Antonio, Matelot et le besson passent ensemble à l'étuve-étrille maison, scène stoppée par l'entrée désapprobatrice de Toussaint.  

 Beaucoup de choses à dire sur la fin de la première partie, et les premiers chapitres de la deuxième - dans un prochain message !
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shanidar
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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyLun 19 Mai 2014 - 10:28

Tout comme vous je suis à nouveau fascinée et happée par la langue de Giono. Par sa manière à lui, brutale, physique, sensible de présenter les hommes, les bêtes et les végétaux avec les mêmes mots. Le fleuve est un corps qui se meut et accueille d'autres êtres, il est aussi celui qui tue et qui nourrit. Chacun semble vivre dans des lieux fortement délimités :Bouche d'or est l'homme du fleuve, une sorte de vouivre, extraordinairement féminin dans sa liquidité ; Matelot est l'homme du bois, le feu qui s'embrase et plein d'orgueil -quand la bataille est presque engagée avec les bergers, Antonio craint vivement que son compagnon ne se jette dans un acte héroïque qui lui couterait la vie... et puis les hommes et les femmes de la montagne : les bergers, la femme de la route, Clara, qui sont comme des rocs posés sur le bord du chemin, durs, inamovibles, sans frayeur et enfin ceux de la ville qui se définissent par leur sédentarité et leur emploi (tanneurs, vendeur d'almanach...).

Pour l'instant, je retiens surtout cette leçon : réapprendre à écouter son corps, l'endroit d'où part la respiration, ce lieu creux entre les côtes qu'Antonio caresse, car il sait que sa force, son cri d'amour, sa vigueur vient de là. Je note l'importance d'être un corps et de faire corps. L'importance de s'étirer dans le soleil, de faire craquer son ossature, de plonger dans le fleuve qui devient tout un monde de sensations fortes, masculines, grisantes et d'être en lui, d'y puiser sa propre renaissance. L'importance de la pluie sur le corps, de l'eau permanente qui dégouline et du feu qui réchauffe les membres engourdis par le givre et la glace. Alors il faut être nu et se frotter d'eau-de-vie (!) pour retrouver la chaleur intérieure. (Cela ne m'étonne pas que vous ayez parlé en début de lecture de méditation...).

Je note également dans cette première partie l'importance de la nuit. De pouvoir se mouvoir dans le noir. Cette connaissance d'Antonio se fond à celle de Clara dont la nuit éternelle semble sans mot, inexplicable, indicible. Comment dire la nuit, les étoiles, la couleur du jour à une aveugle ?? Comment lui faire sentir du bout des doigts la brume, le fleuve, les arbres entiers ?? Je suppose qu'avec sa propre connaissance (intuition) de la nuit, ces deux êtres-là seront capables de partager leurs émotions...

P.S : je ne connaissais pas le nom des modillons dont parle avec justesse Sigismond. Le chant du monde est vraiment à la jonction entre les hommes-animaux-végétaux qui peuplent nos imaginaires fantastiques, nos bestiaires, nos rêveries intimes...
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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyLun 19 Mai 2014 - 12:38

Belle analyse Shanidar . bravo 
Effectivement l'opposition eau/feu que tu mets en évidence est flagrante ! Antonio sort du fleuve.........le fleuve , sorte de liquide amniotique pour aller à la rencontre de la terre ....Il nait à la vie et va incarner son rôle sur terre qu'il associe immédiatement à Clara ...
La part féminine d'Antonio que tu soulignes , on la retrouve tout le long du roman dans son approche plus intérieure du monde ....contrastant avec ses acolytes, par cette volonté aussi de donner à Clara des yeux à travers les siens , par cette douce rêverie qui l'accompagnera tout le long de cette épopée .


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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyLun 19 Mai 2014 - 13:18

quelques remarques en passant (en lisant), qui trouveront peut-être d'autres échos en vous (j'ai l'impression de répéter pas mal d'éléments déjà mis en relief par Sigismond...) :

Le Maudru reste invisible et pourtant partout présent dans cette première partie. Est-ce les réflexions sur le monstre congre qui m'amène à penser au monstre d'Alien, dont la réussite tient essentiellement sur l'idée que la Bête n'est pas montrée ? Mais je ne peux m'empêcher de faire un parallèle entre ces deux entités (alien, Maudru). Ce dernier restant une image effrayante, l'homme de peu de mots (de mots drus), qui est évoqué par sa restistance au vouloir des femmes et à sa main-mise sur le peuple des bouviers. Gros propriétaire il reste l'inconnu, le sans visage et il en parait d'autant plus inquiétant...

Pour répondre à Bédoulène sur sa question à propos des mots très durs de Junie contre Antonio, j'imagine comme unmotbleu que le Matelot coupe le bois de sa forêt et que les bessons ont été envoyé vers le fleuve et donc vers Antonio pour qu'ils conduisent les bois. La 'faute' d'Antonio n'est que d'être l'homme de l'eau, celui par qui le mal (la mort) a été possible. Mais je vois bien que cette explication est bien légère comparée à la violence verbale de Junie.

J'ai beaucoup aimé les mots de Matelot pour exprimer son amour de père, sa peur de perdre le fils, celui qui lui a causé tant de soucis et qu'il aime tant à cause ou en dépit de cela.

Sigismond le souligne : la glaise, la boue a son importance dans le livre et je la vois mise en opposition ou en miroir avec le givre, tout comme la pluie de la première partie s'oppose à la neige, l'automne étant la saison des eaux mouvantes, glissantes, suintantes (comme Bouche d'or et son cri d'animal en rut se coulant dans les oseraies pour attirer les femmes) alors que l'hiver est le temps de la fixation, de la neige étincelante (et aveuglante, tout comme la nuit du début du roman), des corps qui se chauffent devant derrière près de l'âtre et renoncent à se mouvoir...

Enfin je commence à comprendre ce qui échappe dans les dialogues de Giono. Ce qui oblige à les relire. Ce qui leur donne une sonorité si étrange, bourrue, brute : Giono n'utilise pas le 'je' et très peu de pronoms. Le 'on' (qui m'avait déjà frappée au début du Grand troupeau) est ici encore partout présent, remplaçant le 'je' ou le 'nous', engloutissant l'individu dans un magma impersonnel, sans dénomination et c'est le verbe (souvent d'action) qui prend en charge le dialogue, d'où cette impression de force, de mouvement, de phrases qui roulent, bougent, se meuvent dans les discours, qui se heurtent, se bousculent, qui frappent...
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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyLun 19 Mai 2014 - 15:05

shanidar a écrit:

Enfin je commence à comprendre ce qui échappe dans les dialogues de Giono. Ce qui oblige à les relire. Ce qui leur donne une sonorité si étrange, bourrue, brute : Giono n'utilise pas le 'je' et très peu de pronoms. Le 'on' (qui m'avait déjà frappée au début du Grand troupeau) est ici encore partout présent, remplaçant le 'je' ou le 'nous', engloutissant l'individu dans un magma impersonnel, sans dénomination et c'est le verbe (souvent d'action) qui prend en charge le dialogue, d'où cette impression de force, de mouvement, de phrases qui roulent, bougent, se meuvent dans les discours, qui se heurtent, se bousculent, qui frappent...

Oui , Giono parle "d'un  peuple" rattaché à la notion de terroir , de tertre presque avec tout  ce qui caractérise celui-ci, dans toutes les sociétés ancrées fortement dans la relation à la terre : c'est le collectif qui prime , le groupe.....Ce texte est un chant , d'une puissance telle que toutes les formes de vie semblent s'unir pour faire vibrer le monde à l'unisson et l'homme n'est perçu que dans cette grande unité , et à travers son expression physique , charnelle, animale ....
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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyLun 19 Mai 2014 - 15:55

Oui Shanidar j'ai trouvé que les mots de Junie étaient trop forts pour n'être que la raison invoquée "l'homme du fleuve". Cela peut laisser supposer du plus sérieux (mais nous ne le saurons pas)

Eglantine, la notion de culture me semblait introduite par la connaissance  de Toussaint (notamment ce qu'il explique à Antonio par rapport aux insectes) et son "travail" de guérisseur (puisque comme le souligne Sigismond le récit n'est pas volontairement daté, il fait figure de médecin donc le savoir)  non ??

Sigismond merci de tes précisions qui m'aident à mieux comprendre Giono et effectivement il semble que les nuits soient des marqueurs.

Unmotbleu, n'ayant jamais abordé  même la philo, il m'est difficile de répondre à ta demande. Je ne peux que te donner mon sentiment : la  culture peut nuire à la Nature ou la bonifier, mais ce sera une décision de l'homme.


Que l'annonce du Printemps est douce par le dialogue des oiseaux !

Le retour des quatre jeunes gens vers le sud, est confié au fleuve puisqu'ils voyagent sur le radeau du besson : le fleuve prend, le fleuve sauve. La descente se fait initiatique pour Sarah, elle  apprend à "voir" avec le toucher des plantes, de l'ombre, du soleil, pour son bonheur et celui d'Antonio.

Comme le dit Antonio le besson a perdu sa verdure, il a muri !
Antonio lui n'a d'envie que de Sarah, le besson peut bien faire et dire ce qu'il veut, peu lui chaut.

Antonio a vu sur la montagne la silhouette d'un homme à cheval, un gros homme, un soir, puis deux qui avait suivi leur descente malgré la pluie, la nuit.

Quand il en informe le besson celui-ci répond, la bataille est fini !

Mais Gina a averti ;  son père lui a dit : "Sans moi rien" et après son enlèvement, la chasse au besson, le cheveux rouges avait commencé.

Alors, Maudru espère-t-il récupérer encore sa fille ? ou bien veut-il s'assurer de son avenir ?

Qu'en penserai Topocl ?   rire

Maudru a tout perdu, il n'a sauvé que quelques taureaux, il s'était même trouvé une nouvelle femme.  Je peux donc imaginer qu'il veut lui aussi se venger, d'un autre côté le besson a "muri" et il dit la bataille c' est fini et  fait des projets ; Antonio a Sarah et son amour. Le printemps est là avec sa douceur, l'effervescence de l'amour dans le monde, suivra l'été ; qu'apportera l'automne ?

Encore une fois Giono après avoir mis sur table tous les pions laisse le lecteur jouer le coup final !


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MessageSujet: Re: LC Giono : Le Chant du Monde    LC Giono : Le Chant du Monde  - Page 3 EmptyLun 19 Mai 2014 - 15:59

Pour revenir à l'idée de culture et de nature, cette notion semble assez bien présentée par Toussaint quand il parle de l'amour :

1ère étape : quelque chose soulève le vivant et le pousse inexorablement vers le passage à l'acte et la consommation charnelle, c'est la nature d'aimer.
2ème étape : qui se pose pour celui qui a un problème (esthétique ou d'âge ou...), il ne peut séduire simplement en laissant la nature agir et il doit donc user d'autres subterfuges (la parole pour Toussaint). Mais, je pense qu'on peut élargir le cercle et qu'à partir du moment où l'attrait charnel (naturel) s'accompagne de ce que l'on nomme sentiment (attirance amoureuse et plus seulement désir physique), tout être doit s'armer et utiliser d'autres moyens pour charmer (paroles, paroles, paroles)... C'est ici qu'intervient la culture.
3ème étape : le corps et le cœur visés par les deux précédentes étapes succombent aux charmes, émus physiquement et intellectuellement par l'élu, nature et culture se rejoignent pour que l'amour s'épanouisse et vogue la galère.

car...

Toussaint a-t-il consommé son amour où s'est-il rétracté à cause de la forme de son corps ? Marguerite lui a-t-elle laissé effeuiller la fleur de son nom où s'est-elle rétractée malgré les belles paroles, la volonté de l'amoureux ?

Qu'Est-ce qui a tant plu à Gina dans le besson ? Sa force brutale des bras et des reins qui promettait l'assouvissement de la chair ou l'idée d'une liberté offerte loin du cocon familial dans une forêt imaginée ? En tout cas le don de l'une renvoie à l'égoïsme (présumé) de l'autre et tourne à l'invective.

Et Antonio ? Que va-t-il assouvir, trouver ou perdre dans l'attente de Clara ?

Nature et culture ne semblent pas pouvoir se passer l'un de l'autre à partir du moment ou le désir dépasse le corps, prend en charge l'intérieur et l'extérieur de l'autre.

C'est en tout cas ce que je lis dans ce Chant du monde. L'abandon à l'amour, à la passion, à la bagarre ou aux cérémonies (de l'eau, du feu, de 'l'épouillage', dont on sait aujourd'hui combien il est socialisant) passe à la fois par l'instinct et l'intellect, le corps est à la fois le corps physique et le creuset ou la pensée s'invente, la sensation se livre autant que le mot se libère. De l'un à l'autre, les personnages prennent alors une dimension tout autant animale que sociale.

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LC Giono : Le Chant du Monde
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