| Parfum de livres… parfum d’ailleurs Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts… |
|
| Jean-Paul Sartre | |
|
+32topocl MezzaVoce Onuphrius Ginchiyo moinonplus Roderick Usher Queenie Antisthene_Ocyrhoe la-lune-et-le-miroir Eve Lyne Arabella Scarabée jack-hubert bukowski Sieglinde Mordicus Aeriale coline Anne Miss Tics LaChose lekhan Babelle Senhal animal JLN mimi Marie swallow Pénélope sousmarin Isidore Ducasse Fantaisie héroïque 36 participants | |
Auteur | Message |
---|
Invité Invité
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Sam 18 Avr 2009 - 20:57 | |
| Ah j'ai raté un grand débat sur Sartre. Quoique vu la tolérance de certains, vis à vis des opinions d'autrui, ai-je beaucoup raté... Tout cela me laisse perplexe... Sartre, cet auteur est un personnage complexe qui a cru en certains idéaux (particulièrement communiste) et qui a mis un certains temps avant de s'apercevoir de la réalité ( temps considérable avant l'acceptation des goulags et des livres de soljenitsin). Personnage qui porte naturellement à la caricature, la couverture folio des mots en est le parfait exemple. Se moquer de Sartre, pourquoi pas! Boris Vian un de ses amis la déjà fait, qui ne connais pas le Jean-sol Patre avec son célèbre vomi (l'écume des jours) qui fait se pâmer nombres de demoiselles. Mais il y a une chose qui ne se néglige pas, pourvu d'un physique assez disgracieux, son intellect lui transcendance sa personne. Sartre est un philosophe, qui a été l'idole d'une génération, sa relation avec Beauvoir, véritable philosophie de vie (les amours nécessaires et les amours contingents) m'ont tjrs fasciné. Bizarrement je connais Sartre grâce à Beauvoir et s'est surtout pr elle que j'ai de l'intérêt. Mais Sartre et son existentialisme m'ont aussi marqué. "L'existence c'est la contingence." "L'existence précède l'essence." J'ai lu la Nausée j'ai sûrement raté des choses, mais je relirai. Je me souviens d'un passage: Il lit: Personne ne croit plus ce que le XVIIIe siècle tenait pour vrai. Pourquoi voudrait-on que nous prissions encore plaisir aux œuvres qu'il tenait pour belles? Il me regarde d'un air suppliant. - Que faut-il en penser, monsieur? C'est peut-être un peu paradoxal? C'est que j'ai cru pouvoir donner à mon idée la forme d'une boutade. - Eh bien, je... je trouve cela très intéressant. - Est-ce que vous l'avez déjà lu quelque part? - Mais non, certainement. - Vraiment, jamais nulle part? Alors monsieur, dit-il rembruni, c'est que cela n'est pas vrai. Si c'était vrai, quelqu'un l'aurait déjà pensé.
N'est ce pas géniale? D'ailleurs j'ai été sidéré qd j'ai vu que le seul humaniste de l'histoire, l'autodidacte était en réalité un pédophile quel paradoxe!!! Quant aux mots c'est une autobiographie qui n'est pas extra mais qui permet de mieux cerner le personnage, enfant roi dans une famille dépourvue de présence masculine forte, certains traits de son caractère s'explique. Huis-clos est le livre le plus génial de lui me semble-t-il. "L'enfer c'est les autres" Tout se résume à ça. Voilà un merveilleux passage: Inès: - Je vois. (Un temps.) Pour qui jouez-vous la comédie? Nous sommes entre nous. Estelle, avec insolence - Entre nous? Inès: - Entre assassins. Nous sommes en enfer, ma petite, il n'y a jamais d'erreur et on ne damne jamais les gens pour rien. Estelle: - Taisez-vous. Inès: - En enfer! Damnés! Damnés! Estelle: - Taisez-vous. Voulez-vous vous taire? Je vous défends d'employer des mots grossiers. Inès: - Damnée, la petite sainte. Damné, le héros sans reproche. Nous avons eu notre heure de plaisir; n'est-ce pas? Il y a des gens qui ont souffert pour nous jusqu'à la mort et cela nous amusait beaucoup. À présent, il faut payer. Garcin, la main levée - Est-ce que vous vous tairez? Inès, le regard sans peur, mais avec une immense surprise - Ha! (Un temps.) Attendez! J'ai compris, je sais pourquoi ils nous ont mis ensemble. Garcin: - Prenez garde à ce que vous allez dire. Inès: - Vous allez voir comme c'est bête. Bête comme chou! Il n'y a pas de torture physique n'est-ce pas? Et cependant, nous sommes en enfer. Et personne ne doit venir. Personne. Nous resterons jusqu'au bout seuls ensemble. C'est bien ça ? En somme, il y'a quelqu'un qui manque ici: c'est le bourreau. Garcin, à mi-voix: - Je le sais bien. Inès: - Eh bien, ils ont réalisé une économie de personnel. Voilà tout. Ce sont les clients qui font le service eux-mêmes, comme dans les restaurants coopératifs. Estelle: - Qu'est-ce que vous voulez dire? Inès: - Le bourreau, c'est chacun de nous pour les deux autres.
J'aime.... Les nouvelles du mur sont troublantes aussi... Il y a une profonde réflexion sur l'homme dans tous ces écrits. J'aime sa vision de la liberté, dans les mouches et de l'amour égoïste qui est amour de sois. Je n'ai pas beaucoup lu de sa philosophie j'attends d'être en term pour avoir plus de matière. J'ai lu des articles qui remettent en question son action de résistant (et même l'impact de sa revue "les temps modernes") étant donné ces certificats médicaux l'empêchant de combattre au front, son séjour dans une station de météorologie... D'un autre côté son fort engagement contre la guerre en Algérie et son obstination avec le Castor à dire "Tout sauf la guerre!" Pas de comparaison possible avec MALRAUX ! Bref c'est quelqu'un que j'aurai aimé connaître même si je plains Beauvoir qui peu-être a regretté un jour de s'être donnée à un homme pareil, un homme quel admirait... mais réellement jusqu'au bout, n'a-t-elle pas regretté cette vie? |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Sam 18 Avr 2009 - 23:11 | |
| - Citation :
- Pas de comparaison possible avec MALRAUX
il n'a pas le droit d'être un personnage complexe avec des idéaux lui ? (en plus d'écrire pas trop mal)faudrait peut être que je me décide à réessayer, qui correspondrait plus à "essayer" vu l'ampleur du souvenir (lointaine lecture des Mots)... la préface d' Aden arabie ne m'aide pas beaucoup comme souvenir plus frais | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Dim 19 Avr 2009 - 19:55 | |
| Je disais pas de comparaison avec Malraux, pcq Malraux est un homme de terrain dont la résistance active ne peut être mise en doute. et doté d'un sens de l'aventure que Sartre lui ne possède pas! (Je pense en particulier à ses aventures au Cambodge.) C'est un personnage complexe, impliqué dans son siècle avec de forts idéaux, La condition humaine est un livre qui en témoigne (contexte historique très present) . |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| | | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Lun 20 Avr 2009 - 9:47 | |
| - Lara a écrit:
- Ah j'ai raté un grand débat sur Sartre. Quoique vu la tolérance de certains, vis à vis des opinions d'autrui, ai-je beaucoup raté... Tout cela me laisse perplexe...
J'ai relu tout le fil du coup. C'était virulent, mais pas dénué d'intérêt que de relire une nouvelle fois tout ça. Et c'est bien Lara, de mettre enfin quelques extraits de cet auteur... sur 4 pages ça commençait à manquer ses mots à lui. Je crois que c'est Les Mouches qui m'a vraiment le plus marqué. Huis Clos aussi, mais trop décortiqué tout le temps et sans arrêt pour pouvoir me l'approprier peut-être. Les mots étaient une belle approche de son univers... Mais il ne m'en reste pas grand chose de toutes ces lectures... peut-être pourrais-je retenter un bout d'expérience | |
| | | Roderick Usher Posteur en quête
Messages : 75 Inscription le : 23/10/2009 Age : 32
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Mer 28 Oct 2009 - 17:16 | |
| Sartre est l'un des plus grands écrivains du XX eme siècle, l'un des plus grands philosophe aussi, quoique l'on puisse dire il a été, reste et resteras une référence! Son théâtre est absolument magnifique, Les mouches, les mains sales, les séquestrés d'Altona et bien sur le chef d'oeuvre absolu Huis clos, ma plus grande claque littéraire avec 1984. Après bien sur la nausée, absolument magnifique, et Les mots est une des meilleurs autobiographies existantes, qui ne contredit en aucun cas les propos de Sartre sur l'inconscient (ce qui ne veut pas dire que je pense comme lui). | |
| | | mimi Sage de la littérature
Messages : 2032 Inscription le : 19/07/2007 Localisation : Auvergne
| Sujet: Jean-Paul Sartre Sam 6 Mar 2010 - 0:39 | |
| Un autre fil sur Sartre ? Il est question dans cette vidéo de "l'Etre et le Néant" et en plus il y a un dessin (une image assez belle, pas une métaphore, une image physique) assez facile à reproduire pour se souvenir et puis il y a aussi un hamster. Bref. Donc, une petite vidéo dans le cadre d'une Table Ronde dont le thème est l'évolution des Mentalités sur la Prévention du Suicide. Alain GUYARD nous parle de son approche existentialiste et de la place de nos politiciens dans la non prévention du Suicide.
http://ma-tvideo.france3.fr/video/iLyROoafvZnF.html (fermer la fenêtre de pub intempestive) | |
| | | moinonplus Envolée postale
Messages : 225 Inscription le : 15/09/2009 Age : 33
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Sam 1 Mai 2010 - 10:17 | |
| Espace exclusivement réservé au domaine sacré (mythologies/religions), l’au-delà a peu à peu investi la littérature. Avec le temps les conceptions d’univers post-mortem ont énormément évolué et ce notamment, grâce à l’avènement de la littérature moderne. Nombreux sont les auteurs qui sont inspirés de voyages allégoriques, d’emprunts mythiques, de représentations eschatologiques pour proposer l’une des plus vives représentation sur l’au-delà. Et je pense que les enfers « absurdes » imaginés par Jean-Paul Sartre dans Huis clos sont un exemple parfait, qui montre d’une manière sublime une des plus marquante élaboration d’un univers post-mortem. Là, ce n’est pas la conception de l’auteur qui me tente, mais le décor impressionnant, l’intrigue et tout l’espace métaphysique dans lequel elle s’inscrit. | |
| | | Roderick Usher Posteur en quête
Messages : 75 Inscription le : 23/10/2009 Age : 32
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Dim 3 Oct 2010 - 22:24 | |
| Je suis en train de lire l'existentialisme est un humanisme, sa fameuse conférence dans laquelle ils répondait au critique adressé a l'existentialisme, les origine orale du texte et le fait qu'il s'agisse d'une entreprise de vulgarisation explique la simplicité de l'écriture (qui n'en est pas moins d'une grande élégance classique) et permet a Sartre de faire montre de ses qualités de pédagogue s'attachant a toujours rechercher des exemple concret pour rendre accessible une pensée qui est loin de l'être. Alors certes ce livre n'est probablement pas suffisant pour comprendre l'ensemble de l'existentialisme sartrien (en tout cas les spécialiste de Sartre s'accorde a dire que c'est quand même très simplifier), mais il constitue certainement une bonne introduction a l'œuvre strictement philosophique de Sartre, en tout cas c'est très intéressant. Une fois l'avoir finis je pense sérieusement m'attaquer au Situation philosophique | |
| | | Ginchiyo Posteur en quête
Messages : 98 Inscription le : 15/10/2011 Localisation : anywhere but here
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Mar 8 Nov 2011 - 19:53 | |
| Dans "l'existentialisme est un humanisme" jean sol partre dit que l'existence precede l'essence c ad qu'on existe d'abord et puis par nos choix on decouvre notre piste. avant de decouvrir l'existentialisme il avait ce que l'on peut appele "l'angoisse" l'homme est inquiest d'une existence dont il n'est pas l'auteur.il decouvre le caractere de la contingence. c ce que j'ai compris jusqu'a mainant c tres complique | |
| | | Onuphrius Main aguerrie
Messages : 551 Inscription le : 29/10/2010 Age : 35 Localisation : Seine-Maritime
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Mer 9 Nov 2011 - 17:01 | |
| Voilà ce que j'ai écrit ailleurs sur L'Âge de raison :
L'Âge de raison, 1945
Mathieu est professeur de philosophie. Son amie, Marcelle, est enceinte : un accident. Chacun s’active à trouver des solutions pour un avortement à un prix raisonnable et dans de relatives bonnes conditions. Sarah, qui a de l’expérience, se propose comme intermédiaire. En fait, en plus des raisons théoriques qui portent Mathieu à refuser l’engagement du mariage, il y a qu’il est lassé de Marcelle ; en outre, il est attiré par Ivich, la sœur de l’un de ses anciens élèves, Boris. Après maintes tergiversations, Mathieu finit par voler de l’argent à Lola, la maîtresse de Boris. Daniel, un ami homosexuel de Marcelle comprenant qu’elle a envie de garder l’enfant, se propose de l’épouser. Mathieu se prend à les envier. Eux, au moins, se sont engagés, ont décidé d’un acte devant lequel ils ne peuvent reculer. Lui, « il n’avait jamais pu se prendre complètement à un amour, à un plaisir, il n’avait jamais été vraiment malheureux : il lui semblait toujours qu’il était ailleurs, qu’il n’était pas encore né tout à fait. » Il a « l’âge de raison », et, pourtant, il se sent incapable de « commettre » un acte : « Moi, tout ce que je fais, je le fais pour rien ; on dirait qu’on me vole les suites de mes actes ; tout se passe comme si je pouvais toujours reprendre mes coups. Je ne sais pas ce que je donnerais pour faire un acte irrémédiable. »
Très sartrien, ce roman. Au début, le style m'a un peu gêné, mais j'ai été happé progressivement, jusqu'à ne plus le lâcher. On sent parfaitement le travail de déconstruction qui anime le roman du XXe, et notamment l'interrogation sur l'existence et la liberté. Il y a dans le roman de Sartre quelque chose de théâtral, dans le sens où chaque chapitre est une situation : des êtres, des milieux, et des interrogations ontologiques. Mathieu, professeur de philosophie, fascine tout comme il fait pitié : Ivich voit qu'il est "foutu".
Au-delà de la trame qui s'organise autour de la grossesse de Marcelle, qui ouvre le roman, le plus intéressant est le rapport entre les personnages. Tous sont des individus qui s'observent, réfléchissent à l'image que les autres ont d'eux. Sartre aborde là encore les thèmes de la responsabilité, de la liberté, du regard... Au fond, la liberté est-elle vraiment l'absence d'attache ? Peut-on être libre sans agir, sans responsabilité ? Le roman sartrien est un roman de l'engagement, comme toutes ses pièces de théâtre. Je me rappelle d'une phrase de Roederer dans Les Mains sales, qui m'a toujours marqué : "Moi, j'ai les mains sales, je les ai plongées dans la merde et dans le sang." Chez Sartre, l'homme libre a les mains sales, car il a eu le courage d'agir.
| |
| | | MezzaVoce Envolée postale
Messages : 290 Inscription le : 13/07/2012 Age : 59 Localisation : Lyon
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Ven 28 Sep 2012 - 11:24 | |
| - Fantaisie héroïque a écrit:
Déjà, j'ai aimé le mode narratif utilisé, sous la forme du journal intime. On se retrouve plongé dans l'esprit de Roquentin, et cette forme est vraiment la meilleure pour explorer l'esprit d'un homme dégoûté de l'existence, qui considère que celle-ci est absurde et qui éprouve une nausée constance à l'égard de tout ce qui existe. Je n'avais jamais lu La Nausée. D'abord, j'avoue que l'existentialisme m'a toujours semblé réducteur. Ensuite, j'ai du mal avec la philosophie désincarnée. Alors je me tenais loin de Sartre. C'était une erreur : La Nausée, justement, est un roman incarné (c'est rare, chez Sartre, non ?). Principalement grâce à ce que tu notes, Fantaisie. J'ai lu que Sartre avait mis huit ans à l'écrire, ce qui ne m'étonne pas : on y trouve tous les thèmes que l'auteur creusera par la suite : la vie et l'existence, la conscience, la contingence et l'absurde, la liberté, etc. mais sous la forme d'un journal. Nous ne saurons rien d'autre de Roquentin que ce qu'il vit au jour le jour. - Fantaisie héroïque a écrit:
- Plus d'une fois, la nausée m'a fait penser à l'étranger, notamment grâce au thème de l'absurdité de l'existence, ça monotonie et la difficulté de s'assumer.
Est-ce qu'il y en a parmi vous qui n'ont pu lire ce livre en entier car une nausée égale à celle que ressent Roquentin s'est emparée de vous lors de la lecture ? Beaucoup de mes amis et amies m'ont dit ça, alors je voulais savoir car cela m'intrigue J'ai eu des moments de découragement, moins à cause d'une contagion nauséeuse que de l'impression de m'entendre penser. La nausée, ça m'arrive parfois... J'ai cependant continué ma lecture et j'en suis ravie. Pourtant, je trouve que Sartre ne va pas assez loin - contrairement à Camus. Il butte sur les choses et s'y arrête net : « Maintenant, je savais : les choses sont tout entières ce qu'elles paraissent – et derrière elles... il n'y a rien. » Je serais tentée de penser que sa nausée lui vient simplement du fait qu'il ne peut admettre que le Réel lui échappe, que sa perception lui donne simplement accès à l'apparence des choses, mais que derrière cette apparence, tout un monde lui échappe parce qu'il le rejette : la brèche, le néant, le lieu où l'homme doit construire lui-même, créer, rêver, imaginer, symboliser. Je veux dire que pour Sartre, le néant est définitivement néant ; pour Lacan et bien d'autres, le néant est le seul lieu de création qui nous soit offert. Pourtant, il pose lui-même la question : « Tout de même... est-il absolument nécessaire de se mentir ? » Je crois qu'il a tellement peur de se mentir qu'il finit par se mentir plus encore. Et donc, forcément, le réel déborde sa pensée. - Citation :
- Louches : voilà ce qu'ils étaient, les sons, les parfums, les goûts. Quand ils vous filent rapidement sous le nez, comme des lièvres débusqués, et qu'on n'y faisait pas trop attention, on pouvait les croire tout simples et rassurants, on pouvait croire qu'il y avait un monde du vrai bleu, du vrai rouge, une vraie odeur d'amande ou de violette. Mais dès qu'on les retenait un instant, ce sentiment de confort et de sécurité cédait la place à un profond malaise : les couleurs, les saveurs, les odeurs, n'étaient jamais vraies, jamais tout bonnement elles-mêmes et rien qu'elles-mêmes. (…) Je ne le voyais pas simplement, ce noir : la vue, c'est une invention abstraite, une idée nettoyée, simplifiée, une idée d'homme. Ce noir-là, présence amorphe et veule, débordait, de loin, la vue, l'odorat et le goût. Mais cette richesse tournait en confusion et finalement ça n'était plus rien parce que c'était trop.
J'ai soudain pensé que, finalement, son existentialisme était l'expression de sa peur. Peur de vivre, peur de reconnaître que le réel lui échappait (du coup il le restreint à la perception humaine). Là où Meursault pose un formidable acte de vie, incompréhensible (pour les autres somme pour lui), et sort ainsi complètement de toute notion de morale, affrontant la contingence comme il peut, Roquentin s'y englue. Même son soutien à l'Autodidacte reste une pensée qu'il ne met pas en acte. J'ai quand même particulièrement apprécié certains points de réflexion. Sur le temps par exemple : - Citation :
- Le temps est trop large, il ne se laisse pas remplir. Tout ce qu'on y plonge s'amollit et s'étire.
Brusquement on sent que le temps s'écoule, que chaque instant conduit à un autre instant, celui-ci à un autre et ainsi de siute ; que chaque instant s'anéantit, que ce n'est pas la peine d'essayer de le retenir, etc. Et alors on attribue cette propriété aux événements qui vous apparaissent dans les instants ; ce qui appartient à la forme, on le reporte sur le contenu. En somme, ce fameux écoulement du temps, on en parle beaucoup, mais on ne le voit guère. Ou sur l'art (et la sublimation, finalement) : - Citation :
- M. de Rolleton était mon associé : il avait besoin de moi pour être et j'avais besoin de lui pour ne pas sentir mon être. Moi, je fournissais la matière brute, cette matière dont j'avais à revendre, dont je ne savais que faire : l'existence, mon existence.. Lui, sa partie, c'était de représenter. Il se tenait en face de moi, et s'était emparé de ma vie pour me représenter la sienne. Je ne m'apercevais plus que j'existais, je n'existais plus en moi, mais en lui ; c'est pour lui que je mangeais, pour lui que je respirais, chacun de mes mouvements avait son sens au-dehors, là, juste en face de moi, en lui ; je ne voyais plus ma main qui traçait les lettres sur le papier, ni même la phrase que j'avais écrite – mais, derrière, au-delà du papier, je voyais le marquis, qui avait réclamé ce geste, dont ce geste prolongeait, consolidait l'existence. Je n'étais qu'un moyen de le faire vivre, il était ma raison d'être, il m'avait délivré de moi. Qu'est-ce que je vais faire à présent ?
La vérité, c'est que je ne peux pas lâcher ma plume : je crois que je vais avoir la Nausée et j'ai l'impression de la retarder en écrivant. Alors j'écris ce qui me passe par la tête. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Ven 28 Sep 2012 - 12:46 | |
| J'ai comme toi toujours eu un préjugé négatif par rapport à l'existentialisme, et je trouve par ailleurs que les pièces de théâtre de Sartre ont très mal vieillies. Mais en revanche, La nausée et Les mots sont de très grands moments de lecture. Il faudrait que je tente Les chemins de la liberté. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Ven 28 Sep 2012 - 13:03 | |
| - Arabella a écrit:
- J'ai comme toi toujours eu un préjugé négatif par rapport à l'existentialisme, et je trouve par ailleurs que les pièces de théâtre de Sartre ont très mal vieillies. Mais en revanche, La nausée et Les mots sont de très grands moments de lecture. Il faudrait que je tente Les chemins de la liberté.
excellent souvenir. Les romans de Beauvoir ont un coté féminin qui est dans la même veine en plus touchant. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre Ven 28 Sep 2012 - 13:05 | |
| J'ai été moins sensible à Beauvoir, mais cela date beaucoup. C'est peut être le moment de réessayer. | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Jean-Paul Sartre | |
| |
| | | | Jean-Paul Sartre | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|