Göran Tunström [Suède]

Epi a écrit:

Super commentaire Shanidar, je suis plutôt d'accord avec ce que tu dis du roman.
Mon plus grand regret c'est que je l'ai adoré sur le moment mais je ne suis pas certaine qu'il reste longtemps dans ma mémoire. Je ne sais pas trop pourquoi d'ailleurs (me suis pas penchée sur la question non plus )

On se souvient bien d'un livre s'il y a une histoire forte, ou des personnages forts, qui existent, font quelque chose, s'il y a des situations marquantes. Sinon, il reste une impression, et c'est fugace. Les livres destructurés (ou on dira : "à la structure narrative originale") restent d'autant moins en mémoire, il me semble. Ce qui n'empêche pas de beaucoup aimer certains livres de cette catégorie, bien sûr.

eXPie a écrit:

On se souvient bien d'un livre s'il y a une histoire forte, ou des personnages forts, qui existent, font quelque chose, s'il y a des situations marquantes. Sinon, il reste une impression, et c'est fugace. Les livres destructurés (ou on dira : "à la structure narrative originale") restent d'autant moins en mémoire, il me semble. Ce qui n'empêche pas de beaucoup aimer certains livres de cette catégorie, bien sûr.

pas tout à fait d'accord avec toi eXPie, on peut aussi se satisfaire, aimer, se souvenir, être prisonnier d'une ambiance ou d'un style. J'aime Les escaliers de Chambord de Quignard pas tellement pour l'histoire mais plutôt pour les pulls d'Edward et son appétence pour certaines bières, ou sa tante Otilia, ce qui est dit (écrit) alors se conforme si bien avec les impressions que le lecteur éprouve qu'il n'y a rien à ajouter... J'aime Louis-Combet alors que je suis très extérieure à toute réflexion religieuse, mais sa prose poétique est si riche, si intense, si emportée qu'il m'est impossible d'y résister, j'aime Duras pour sa sécheresse pour cette manière si personnelle d'être humble dans la grandiloquence et peu importe au fond ce qui arrive aux personnages... Evidemment il faut une structure pour supporter l'ouvrage, mais le style est parfois (souvent ?) suffisant. Je crois que ce j'ai trouvé en Tunström tient justement dans le cadenassage (?) de ses phrases, dans leurs heurts, leur destructuration. D'ailleurs c'est étrange que toi qui aimes la littérature asiatique tu assumes un discours d'aventurier...

Je suis plutôt d'accord avec ceci...

eXPie a écrit:

On se souvient bien d'un livre s'il y a une histoire forte, ou des personnages forts, qui existent, font quelque chose, s'il y a des situations marquantes. Sinon, il reste une impression, et c'est fugace. Les livres destructurés (ou on dira : "à la structure narrative originale") restent d'autant moins en mémoire, il me semble. Ce qui n'empêche pas de beaucoup aimer certains livres de cette catégorie, bien sûr.

... Et avec cela

shanidar a écrit:

Evidemment il faut une structure pour supporter l'ouvrage, mais le style est parfois (souvent ?) suffisant. Je crois que ce j'ai trouvé en Tunström tient justement dans le cadenassage (?) de ses phrases, dans leurs heurts, leur destructuration.

C'est ce qui me restera de ce livre, une petite musique qui fut souvent très douce et forte à la fois, le bonheur de certaines phrases, mais pas l'histoire en elle-même.

L'ORATORIO DE NOEL
Les commentaires précédents sont si efficaces que j'ose à peine parler. Bon, je vais chuchoter quand même 2 mots sur ce livre.

Moi aussi j’ai été transportée dès le début, j’ai eu la sensation d’une féérie, d’une magie, dans les mots, les situations, dans ce privilège aussi de vivre les sentiments de l’intérieur car l’auteur décrit minutieusement les états d’âme de chacun.

Le grand tour de force est là selon moi : traiter un drame et ses effets dévastateurs (mort entraînant veuvage et folie du père, inhibitions et folie du fils, et héritage douloureux pour le petit-fils) en le transformant en transcendance.

Bien sûr que l’épreuve torture, grandit, élève et finalement transfigure. Encore faut-il trouver le ton et les termes pour suggérer tout cela, dans la durée et la différence des êtres.

Il y a plusieurs styles d’écriture, selon les « actes ». Celui décrivant le drame, la mort de la mère, est particulièrement impressionnant : rythme haletant, souffle coupé et mots inopérants.
Puis, dans d’autres passages, lyrisme, onirisme ou poésie.
GT est un immense écrivain (j'ai même parfois pensé à V. Woolf, c'est dire...).

Seul bémol (et même remarque que shanidar) : il y a quand même trop de longueurs et de passages qui n’apportent rien au thème principal. On sent bien que l’écrivain est emporté lui-même, qu’il surfe sur une vague de bonheur, mais j’avoue avoir peiné les 100 dernières pages.

Elles n'annulent pas la virtuosité, mais elles ont un peu noyé le message du livre (pour moi, en tout cas).



PS : ma lecture a été hachée (sur presque 2 semaines), donc ça a peut-être renforcé cette impression de délayage (?)

tina a écrit:

L'ORATORIO DE NOEL

On sent bien que l’écrivain est emporté lui-même, qu’il surfe sur une vague de bonheur, mais j’avoue avoir peiné les 100 dernières pages.

Elles n'annulent pas la virtuosité, mais elles ont un peu noyé le message du livre (pour moi, en tout cas).

Alors on lui pardonne...

tina a écrit:

Seul bémol (et même remarque que shanidar) : il y a quand même trop de longueurs et de passages qui n’apportent rien au thème principal. On sent bien que l’écrivain est emporté lui-même, qu’il surfe sur une vague de bonheur, mais j’avoue avoir peiné les 100 dernières pages.

Ça oui, c'est carrément trop long... et il ne m'en reste quasiment rien. Il y a des passages remarquablement bien écrits, mais à part ça...
(c'était la critique négative pour contre-balancer )

Partir en hiver - Inde - Népal

Je me suis laissée porter par le récit du voyage en hiver de G. Tunström, un récit à la fois spontané et poétique. J’ai dû, pour apprécier ce livre, oublier qu’il y a des bons auteurs indiens qui, de l'intérieur, savent parler de l’Inde. Ce livre n’a rien à voir.
J’aime me laisser bercer par ce périple que me raconte l’auteur, qui était accompagné de sa femme Lena qui croque les portraits au hasard de leurs rencontres, et de leur fils Linus. C’est comme s’il était là, présent, à côté de moi, qu’il me racontait son voyage.
Je suis charmée par ses descriptions d’oiseaux à hautes pattes ou à grand bec, par ce rhinocéros à l'air féroce qui n'a rien à voir avec lui d'un zoo, ou par son recueillement devant une antilope. Tunström n’hésite pas à faire sans vergogne quelques digressions, et m’emmène tout d’un coup en Egypte, puis plus tard, il se souvient qu’en Grèce… digressions qui apportent une lecture paisible, tranquille, on a tout son temps, et il reprend le fil de la conversation : un peintre qu’il a rencontré, tel ou tel auteur qu’il a lu…, ils lui ont dit que..., ainsi il nous raconte les histoires qu’on lui a raconté…
Au hasard de son parcours, il décrit les visites des uns chez les autres, les rencontres, pendant que sa femme dessine, ici ou là, il parle aussi de politique, rencontre beaucoup de « camarades ».
L’Inde de Tunström c’est le regard porté, de l’extérieur, vers le continent indien.
Un p'tit moment serein.

Flibustière, tu me donnes envie d'ajouter ce roman dans ma LAL...Jusque là, j'ai aimé tout ce que j'ai lu de Tunström.

Si tu as tout lu Tunström, et que tu as apprécié, ce livre ne pourra que te plaire.

Mon avis personnel c'est qu'il vaut mieux avoir lu un ou deux romans de cet auteur avant de lire Partir en hiver.
On apprécie(rait) mieux d'où il parle.

évidemment, je note ce livre. Merci Flibustière, ton commentaire me fait penser à certains livres de Nooteboom (lui aussi auteur voyageur)(son fil : Ici)

Je n'ai pas encore essayé Nooteboom qui est dans ma liste (je ne sais pas encore quel roman je choisirai), j'ai dans ma pile le Thubron, L'ombre de la route de la soie que certains avaient beaucoup apprécié ici, et parmi ceux que j'ai lus j'avais apprécié il y a longtemps les voyages d'Isabelle Eberhard.

Le jour des Morts est le premier livre de Nooteboom que j'ai lu et que je relis toujours avec un immense bonheur, j'ai emprunté Thubron que je compte lire dans le mois et je note I. Eberhard !

De planète en planète

Il est toujours difficile d’évoquer un recueil de nouvelles. La diversité de l’une à l’autre ne facilitant pas la chose.
Or, De planète en planète est un recueil de 6 nouvelles.

Bien ancrée dans l’univers de Goran Tünström, elles m’ont séduite totalement.
Il y est question de souffrance mais aussi de grande douceur, de récits où le réel est bien proche de l’onirique, du merveilleux. On passe de l’un à l’autre avec un grand bonheur sur les mots de l’imaginaire mélancolique et poétique de l’auteur.

- "Merci pour Kowalowski". 34 pages
- "Arielle". 26 pages
- "Stella". 36 pages.
- "Mariage fictif". 14 pages
- "Petite musique de salon". 22 pages
- "La Vraie Vie". 53 pages

Ma préférence va à Arielle, l'histoire d'une petite fille née avec des ailes qui grandit entre sa maman Anna, éprise de poésie et d’imaginaire, et son père Filip, silencieux et apparemment indifférent, mais douloureux.
Pourquoi ces ailes et qu'adviendra-t-il lorsqu'elles vont se déployer?

« Mais quand enfin Anna et Filip mangèrent et que la fillette à l’odeur de lait ne fut que silence, alors le silence émana d’eux aussi. Il y avait tant de choses à dire, et tant de choses à taire. »

« Elle devait le sauver. Elle se jeta à son cou et l’inonda de ses pleurs, peut-être pourrait-elle se vider entièrement et ainsi s’unir à sa solitude. »

« Elle voulait que le monde entier vît ce miracle. Ou personne ! Elle resta indécise et, quand Arielle redescendit et se blottit dans ses bras, quand les ailles se replièrent le long de la colonne vertébrale, elle la serra très fort. Qui peut supporter le Miracle ? Qui peut supporter de voir la liberté des autres ? »

coline a écrit:

De planète en planète

ah ! ton commentaire, coline, éveille ma curiosité, car, puisque j'ai trouvé quelques longueurs dans L'oratorio de Noël mais aussi une très grande force stylistique chez Tunström, je pense que les nouvelles devraient être un grand plaisir de lecture ! je note, donc !

shanidar a écrit:

coline a écrit:

De planète en planète

ah ! ton commentaire, coline, éveille ma curiosité, car, puisque j'ai trouvé quelques longueurs dans L'oratorio de Noël mais aussi une très grande force stylistique chez Tunström, je pense que les nouvelles devraient être un grand plaisir de lecture ! je note, donc !

Tu trouverais aussi ans doute des longueurs dans Le voleur de Bible (je suis en train de lire et je l'adore malgré tous ses défauts de longueur justement!).
Tu fais bien de noter De planète en planète...J'ai vraiment un faible pour cet ouvrage!