Benjamin Naishtat - Citation :
- Il étudie à l’Université de cinéma de Buenos Aires et termine ses études en France au Fresnoy - Studio National des Arts Contemporains. Il réalise des fictions - comme son court métrage El Juego(2010), sélectionné à la Cinefondation à Cannes - ainsi que des travaux plus expérimentaux, tels que la vidéo Historia del Mal (2011), diffusés à Rotterdam et dans de nombreuses expositions internationales. Historia del Miedo (2014) est son premier long métrage.
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- Dans la chaleur de l’été, entre quartiers pavillonnaires sécurisés et terrains vagues recouverts d’immondices, les aboiements des chiens errants, les coupures de courants à répétition et les nuages de fumées incontrôlables, poussent les habitants à se confronter à leurs instincts et leurs craintes.
Benjamin Naishtat fait partie de ces réalisateurs qui abolissent les frontières entre le cinéma et l'art contemporain. Historia del Miedo apparaissant comme l'aboutissement d'une recherche plastique antérieure qui interrogeait déjà la construction fantasmatique du mal dans l'imaginaire collectif contemporain. On y découvre de manière fragmentaire des personnages qui apparaîtront tous liés au fur et à mesure et qui sont confrontés, chacun à sa façon, à différentes formes de peurs dans un environnement urbain anxiogène. Pourtant rien n'adviendra jamais et le malaise ressenti naît de cette attente et de la déréalisation que provoque ce regard singulier sur la société argentine où le contraste entre les classes aisées et les plus défavorisées se révèle particulièrement marqué jusque dans la matérialisation de frontières plus ou moins poreuses entre grandes maisons bourgeoises et bidonvilles. Sujet déjà abordé dans
La Zona ou plus récemment dans l'excellent
Les bruits de Recife comme dans les films de Lucrecia Martel.
C'est un film très énigmatique qui invite à beaucoup de questionnements et qui trouve un langage plastique très troublant. A l'image de cette scène étonnante où, dans une queue de fast food, un jeune homme se met à entamer une sorte de chorégraphie étrange qui inquiète puis panique les gens autour. Est-ce un drogué, un psychotique en pleine crise, un délinquant ou simplement un adolescent qui crée une danse improvisée à la manière d'un chaman? Intrusion d'une bizarrerie qui est renforcée par une bande son très mystérieuse. On verra surgir plus tard à un péage un homme nu venant à la rencontre d'une femme dans sa voiture sans qu'elle puisse comprendre son intention. L'hyperréalisme des scènes s'opposant à une inquiétante étrangeté quasi onirique.
La construction d'abord morcelée et presque chaotique semble peu à peu s'organiser pour aboutir à une longue séquence de repas familial en temps réel où les dialogues semblent ne rien dire d'important même si on s'y interroge sur les aspirations et l'identité de chacun. La peur surgira à nouveau au moment le plus inattendu.
En contre point, des séquences montrent des images documentaires ou des extraits de films entrevus par certains personnages à la télévision. Il y est question de catastrophes naturelles ou de violences militaires comme les médias nous en abreuvent quotidiennement en renforçant un sentiment de menace et de paranoïa. L'un des personnages interroge également les autres comme si le réalisateur du film venait à la rencontre de ses propres comédiens. Il demandera d'ailleurs à un jeune homme de mimer des émotions sur son visage en concluant par un ressenti de peur.
Cela pourrait être très théorique mais la mise en scène et le travail sonore créent une atmosphère intrigante et troublante. On en ressort avec une perception fantomatique et inquiétante de la nature humaine. Encore un jeune réalisateur à suivre.