Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Parfum de livres… parfum d’ailleurs

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 Frédéric Dard ou...San Antonio

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rivela
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptyJeu 26 Fév 2009 - 16:31

Voici une vidéo cachée sur Frederic dard piégé par Patrick Sébastien.



https://www.youtube.com/watch?v=CLvqsqEY6DY
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptyJeu 26 Fév 2009 - 16:41

une autre avec de caune et garcia sur canal plus.

https://www.youtube.com/watch?v=K755NUzkQo8
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Charles
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptyVen 27 Fév 2009 - 4:57

Merci pour ce fil et à Rivela de l'alimenter.

Une interview de presque une heure et très touchante de Frederic Dard tournée chez lui.
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptyVen 27 Fév 2009 - 10:21

C'est un beau témoignage, filmé 18 mois avant sa mort.
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Charles
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptyLun 2 Mar 2009 - 7:38


Histoire de vous en donner le gout, 3 petites citations extraites de " Réflexion de chez nous et d'ailleurs " dans la collection " Morceaux Choisis " du Fleuve Noir.

« Que faisons-nous en France avec nos esprits forts, nos églises vides, nos prières oubliées, nos oraisons taries sinon promener notre scepticisme d’un bistrot à l’autre ? »

« J’aime les faubourgs italiens : ils sont pétants de vie et d’allégresse, l’humanité dégouline sur ses trottoirs, ca sent la friture, la vinasse, le safran et la pauvreté comme signe de joie ! Ils sont pleins de grosses femmes volubiles, de vieillards édentés, de mâles en chaleur ! Y a du beignet partout, du poisson frit, de la tomate et puis des gosses, surtout ! Jaillissants de tous les orifices de la rue, des gosses sales et beaux, barbouillés de rires. »

« Les policiers américains ont des motos monstrueuses, des uniformes de guerriers de fin du monde et des bouilles d’allemands qui feraient fermer sa gueule à l’horloge parlante. »

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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptyLun 2 Mar 2009 - 19:25

Voici l'histoire de France écrit en 1964, C'est un super livre plein de bonne humeur qui décrit l'histoire de France de Vercingétorix jusqu'à De Gaule.
Ce livre possède une particularité : il est l’un des plus gros succès de l’édition française. A sa première publication, il a connu l’incroyable tirage de un million cinq cent mille exemplaires. Depuis qu’il est épuisé, le public n’a jamais cessé de nous le réclamer.
A l’époque de sa sortie, l’Histoire de France se trouvait en disgrâce dans les programmes scolaires, aussi, nombreux sont les étudiants qui l’apprirent à travers cet ouvrage ; beaucoup de professeurs en portèrent témoignage
Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 7f9c8d03d1be46510580fe6682a78eab

Je mets 3 extraits du livres
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptyLun 2 Mar 2009 - 19:33

Jehanne D'Arc

Mme d’Arc referma pensivement la porte de la bergerie et regarda s’éloigner sa fille. Jehanne poussait gentiment le docile troupeau devant elle et marchait d’un pas léger vers les pâtures. Avec sa paire de quenouilles sous le bras, elle avait bien l’air de ce qu’elle était, à savoir d une gente jouvencelle timide et douce.
— Tu sembles tourmentée, femme ? lui déclara M. d’Arc qui survenait en poussant une brouette.
- Cette enfant me donne quelques inquiétudes, révélat-elle.
Les bras de la brouette en tombèrent des mains du père d’Arc.
C’est sa santé qui te tourmente ? En effet, je la trouve bien pâlotte, ces derniers temps.
— Non, dit la brave épouse, ce n’est pas sa santé mais son moral. Vois-tu, mon homme, je crains que notre fille devienne folle de tête.
Un début de pléonasme , sans doute, murmura d’Arc père.
— Elle prétend qu’elle entend des voix tandis qu’elle garde les moutons.
I — Elle se prend pour…, commença d’Arc.
Mais il s’arrêta court, car il manquait de point de comparaison.
— En tout cas, poursuivit-il, elle les garde bien mal, les moutons. Hier encore un agnelet a disparu. Si ça continue. On ne va bientôt plus pouvoir l’envoyer en champ.
Il cracha dans ses mains calleuses et assura en reprenant les manches de sa brouette :
— D’ici que ça soit elle que j’envoie paître, il n’y a pas loin !
Il allait poursuivre sa besogne, mais sa femme le stoppa.
— Sais-tu ce qu’elles lui disent, ses voix ?
- Que veux-tu qu’elles lui disent, puisqu’elles n’existent pas. Ça se passe dans sa pauvre tête. Il va falloir lui donner de la tisane d’ellébore.
- Jehanne prétend qu’il s’agit des voix de saint Michel, de sainte Marguerite et de sainte Catherine.
— Sainte Catherine ! Du carrosse où vont les choses, elle la coiffera sûrement, soupira le père d’Arc en se signant. (Il était analphabète mais il savait se signer !)
Toute à son tourment, sa digne compagne poursuivit :
— Ces bienheureux lui ordonnent, paraît-il, de sauver la doulce France et d’aller faire sacrer Messire le Dauphin Charles à Reims ! Imagines-tu, mon homme, l’énormité de la chose ! Voilà cette pauvre Jehannette qui n’est pas capable de « fumasser » l’étable, prête à partir en guerre contre les vilains Anglois !
Le papa’d’Arc éclata d’un rire franc et loyal à cette plaisante perspective. Mais le visage soucieux de sa dame dissipa vite son hilarité.
— Je vais aller surveiller ça de plus près, décida-t-il. Si des saints parlent à notre fille, je veux entendre ce qu’ils lui racontent. Je suis son père, après tout !
Et, plantant là sa femme et sa brouette, il partit vers les pâtures en rasant les buissons.
Le dénommé Amédée Béruroi était un mauvais plaisant d’une seizaine d’années, au regard sournois, plein de vilaines intentions. Ses parents étaient deux soiffards incorrigibles -et que personne d’ailleurs n’avait jamais tenté de corriger — aussi le jeune Amédée s’était-il élevé tout seul, à force de chapardage et de mendicité. Comme, en ces temps de disette, les aumônes se raréfiaient, le jeune malandrin se trouvait aux abois. On le voyait rôder aux abords des métairies avec des filles mal embouchées, guettant les rares volailles qui fouillaient un fumier pauvre en calories. Béruroi avait déjà essuyé de sérieux coups de triques, voire des coups de fourches. Néanmoins il était parvenu à tordre le cou de plusieurs volailles et plus d’un coq du village était décédé de mort violente avec encore un dérisoire cocorico dans le gosier.
Ce matin-là, tapi derrière une haie d’aubépines en compagnie de deux traîne fesses de la région : Fantine le et Lanlaire, le mauvais sujet guettait l’arrivée de la pieuse Jehanne d’Arc et surtout de son troupeau. La jeune fille ne l’intéressait pas car il détestait les pucelles, mais par contre il a avait une prédilection pour le mouton, surtout accompagné de flageolets.
La v’là ! souffla-t-il.
Les gourgandines qui l’accompagnaient se plaquèrent contre le sol et restèrent immobiles. Mlle d’Arc pénétra dans le champ et, tandis que ses bêtes s’égaillaient dans l'herbe tendre, elle installa son pliant et se mit à filer sa quenouille.
— A nous de jouer ! chuchota Béruroi dans un souffle.
Il fit signe à Lanlaire, qui était une grande bringue aux cheveux emmêlés et aux jupons plus troués qu’un filet de pêcheur.
‘ Elle arrondit ses deux mains en conque devant sa bouche et se mit à psalmodier d’une voix languissante et presque plaintive :
— Jehanne… Jehanne…
La gente bergère tressaillit, pâlit, trembla. Ses narines se pincèrent, son regard devint fixe et elle se laissa tomber à genoux.
— Nous sommes les envoyés de Dieu, trémola Lanlaire. Jehanne se signa.
— Mon nom est sainte Catherine, poursuivit la petite garce. Jehanne, tu dois sauver la France…
Lanlaire se retenait de pouffer. N’en pouvant plus, elle fit signe à sa camarade Fantine, une petite rousse au visage criblé de son, de prendre la relève. Rendant sa voix caverneuse par le même procédé, la deuxième fille poursuivit.
— Va lever le siège d’Orléans, Jehanne ! C’est moi, sainte Marguerite, qui te l’ordonne au nom de Dieu ! Chasse le vilain Anglais pour rendre la France à notre gentil sire le Dauphin Charles…
l-es mâchoires de la future sainte se crispèrent. Elle était devenue comme étrangère au monde.
Béruroi montra aux deux filles un petit agneau qui harcelait le pis de sa mère à quelques mètres de là. Les deux trainées comprirent et s’éloignèrent en rampant tandis que le garçon poursuivait l’opération.
« -- Allô ! Allô ! Ici l’archange saint Michel qui vous parle, claironna le luron, en prenant les voix d’un bateleur d’estrades.
Jehanne d’Arc joignit ses mains, ferma ses yeux, et inclina sa jolie tête blonde.
— Il faut que tu sauves la France, Jehanne. Délivre Orléans et ensuite va faire sacrer le Dauphin à Reims…
Tandis qu’il exhortait ainsi la Pucelle, ses deux compagnes capturaient l’agneau dont les bêlements de détresse ne parvenaient même plus aux oreilles saturées d’extase de la bergère.
C’est alors que le charme fut rompu par le père d’Arc qui se précipitait sus aux voleurs en brandissant un gourdin. Ce fut la débandade, les filles lâchèrent l’agneau pour détaler tandis que de son côté, Béruroi battait en retraite.
Après qu’il eut bien couru, hurlé et gesticulé — en pure perte — le père de Jehanne revint hors d’haleine auprès de sa fille toujours à genoux.
— Espèce de petite idiote ! gronda le fermier, tu vas enfin finir ces simagrées, oui !
La Pucelle eut un tressaillement de médium éveille en sursaut et considéra l’auteur de ses jours avec des yeux béants d’incompréhension.
— Père, murmura-t-elle d’une voix aussi blanche et bleue que son futur étendard, mes saints sont revenus me parler !
— Finis donc de blasphémer, imbécile. Tu es folle dans ta tête, ma pauvre fille ‘.- Tes saints, je leur ferai mes dévotions à coups de fourche, la prochaine fois !
Mais la jeune fille n’avait cure des invectives paternelles.
Une farouche résolution faisait briller son regard d’azur.
— Je dois aller délivrer Orléans, père, décida-t-elle. Messire saint Michel l’a ordonné, de même que mesdames sainte Marguerite et sainte Catherine. Ensuite, je ferai sacrer notre bien-aimé Dauphin Charles à Reims.
— Mais c’est qu’elle le croit, ma parole ! gémit Jacques d’Arc. Voilà t’il pas que ces sacripants lui ont tourneboulé la tête à cette petite folle ! C’était le fils Béruroi qui te parlait depuis ce buisson ma fille. Je l’ai vu de mes yeux et entendu de mes oreilles ! Il te racontait des balivernes tandis que ces gourgandines de Fantine et Lanlaire volaient un de mes moutons à ton nez et à ta barbe !
Les apparences sont trompeuses, père. Il vous a paru que Béruroi disait cela, mais en réalité, même si les mots sortaient par sa bouche, , c’était bien Messire saint Michel qui pariait. Je vais aller à Vaucouleurs trouver le seigneur Baudricourt afin de le mettre au courant !
— Et tu te feras arrêter comme hérétique ! se lamenta d’Arc. Car enfin, ma le, entendre des voix célestes, c’est pas catholique !
Il la ramena en grondant à la maison, la boucla à deux tours de loquet dans sa chambre, puis, s’adossant à la porte, il soupira en s’essuyant le front :
Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour avoir une fille pareille ! A tant faire, j’aurais préféré en avoir une qui ait le feu quelque part !
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptyLun 2 Mar 2009 - 19:38

Louis XVI.

Le feu de la forge embrasait le visage du jeune Béruriez, lui donnant fugacement l’aspect d’un démon jovial. Louis XVI essuya d’un revers de jabot son menton ou dégoulinait une sueur prolétarienne et se mit à contempler son nouvel aide avec sympathie.
Cela faisait deux jours qu’il avait engagé le jeune compagnon serrurier sur la recommandation expresse du maître serrurier du Palais. Depuis quelque temps, le roi œuvrait sur une nouvelle clé délicatement ouvragée qui lui donnait pas mal de fil (de fer) à retordre et la collaboration de Béruriez s’était avérée d’un grand secours.
~ Voilà le travail. Sire ! fit le garçon en retirant de la forge une clé incandescente qu’il plongea bien vite dans un seau d’eau.
Il y eut un bruit de succion. Louis XVI regarda le travail et approuva, ravi.
— Tu es très doué, mon garçon, dit-il.
— Sire, fit le compagnon, encouragé, ça n’est point tant la partie artistique d’un ouvrage qui me passionne que son utilité. En bref, je me sens davantage mécanicien que serrurier.
— C’est-à-dire ? fit le roi.
Béruriez sortit de sa poche un papier plié menu et plus crasseux qu’un trottoir d’émeute.
— Si Sa Majesté veut bien jeter un regard là-dessus, dit-il en rougissant, c’est de moi.
Louis XVI déplia le papier et l’examina, n vit une espèce de rectangle, coupé au bas par un autre rectangle percé d’un rond et pourvu à son sommet d’un troisième rectangle.
— De quoi s’agit-il ? demanda-t-il sans comprendre, car il ne comprenait jamais rien du premier coup.
— D’un appareil à décapiter, fit Béruriez.
Le roi écarquilla grands ses yeux inexpressifs.
— Quelle drôle d’idée l
Béruriez s’expliqua :
— Les exécutions capitales. Sire, m’ont toujours semblé chose ingrate. L’œuvre du bourreau, qu’il manie la corde ou la hache, représente un acte d’autant plus laid qu’il est perpétré délibérément, sans passion. Votre Majesté est bien d’accord ?
— En effet, admit Louis XVI.
--- C’est pourquoi j’ai pensé qu’à l’époque moderne à laquelle nous vivons il serait bon de remplacer ce vilain geste par une machine. Sa Majesté m’objectera sans doute que ladite machine devra être déclenchée, ce qui nécessite tout aussi bien un geste homicide du préposé.
Il^En effet, répéta le roi qui n’aurait rien objecté de semblable car il avait déjà grand mal à suivre la théorie de son assistant.
Je ferai valoir à Sa Majesté que ledit geste ne serait pas tout à fait le même que les précédents car le bourreau n’aurait plus à manier la hache ou à nouer la corde. Il lui suffirait seulement d’actionner une manette. De plus, le supplicié serait assuré de ne pas souffrir, car la décollation s’opérerait rapidement.
— En effet, redit encore Louis XVI qui usait toujours ses expressions jusqu’à la corde !
- Voici comment devrait fonctionner ma découverte,Sire. La lunette que vous voyez au bas de l’échafaud est divisée en deux. On soulève la partie supérieure et l’on engage la tête du condamné dans la partie incurvée ; ensuite de quoi on rabat la lunette supérieure, ce qui fait que le col est bien présenté et qu’il est immobilisé. En haut de ces montants de bois, il y a un couperet lesté d’une charge de fonte et stoppé par un cliquet dans les rainures des montants. Le bourreau n’aurait qu’à dégager le cliquet pour que le couperet tombe.
— Bravo ! s’exclama Louis XVI. Oh bravo, mon ami ! Que voilà donc une judicieuse invention…
Béruriez se rembrunit.
Seulement je me heurte à une grosse difficulté. Sire, avoua-t-il.
— Et quelle est-elle ?
— Elle concerne le couperet lui-même. Cette lourde lame en s’abattant ne fait pas que trancher : elle écrase. Cela risque de rendre l’opération très inesthétique.
Le roi étudia le graphique et se mordit la lèvre.
Il pensait avec lenteur, mais d’une façon obstinée. Au bout d’un moment, le visage poupin de Louis XVI s’éclaira.
-- Je crois avoir trouvé la solution de ton problème, mon garçon !
— Je n’en doute pas. Sire ! s’écria Béruriez en essayant de ne rien laisser paraître de son incrédulité.
_ Donne-moi une plume 1 ordonna le roi.
Le compagnon s’empressa. Louis XVÏ, en souriant, traça une diagonale dans le rectangle où figurait le couperet, le transformant de ce fait en deux triangles rectangles. Il remplit de hachures le rectangle supérieur.
— Il faut que le couperet ait cette forme, affîrma-t-il. .De la sorte, la section se fera en biais ce qui décuplera le pouvoir du tranchant.
C’est l’œuf de Christophe ! exulta Béruriez ; oh ! Sire, vous êtes génial !
— N’exagérons rien, balbutia le roi qui savait parfaitement où il en était.
Il réfléchit et décida :
— Je ne puis prôner moi-même cette invention, mon ami. Je suis déjà si impopulaire que l’on dirait partout que je songe plus à assurer la mort de mes sujets que leur vie…
Mais tu vas aller trouver le bon docteur Guillotin C est un chercheur et un sociologue. Ta découverte l’intéressera et peut-être te l’achètera-t-il un bon prix ?
Béruriez remercia avec effusion et quitta l’atelier royal pour porter au docteur en question le résultat de leurs mutuelles cogitations.
Louis XVI le regarda partir d’un œil bienveillant.
« Il faudra que je fasse adopter ce mode d’exécution. Songea-t-il. Il me paraît moderne et, pour tout dire, très révolutionnaire. »
Et il hocha la tête.
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptyLun 2 Mar 2009 - 19:44

Cambronne

La mitraille faisait rage. Les salves succédaient aux salves. Napoléon venait d’affirmer à Soult que Wellington était un mauvais général et que les Anglais étaient de mauvais soldats. Toujours est-il que ces salauds tenaient bon. Leur général leur avait donné l’ordre de se faire tuer sur place en attendant l’arrivée des Prussiens. Curieuse façon de tromper le temps ! Les généraux ont toujours tendance à conseiller ce genre de distraction, car ordinairement ils sont hors d’atteinte sur un promontoire (il y a toujours des promontoires à chaque extrémité des champs de bataille afin de permettre aux généraux ennemis déjouer leur partie dans de bonnes condifions). C’est à cela que songeait le grognard Bérurier en rechargeant pour la nième fois son fusil. Un solide diable, ce Bérurier, dit Beau-Gosier, dit Joli-Cœur (il avait une moustache rousse), dit Pan-Pan-la-Tunique (car il visait toujours droit au cœur afin d’épargner le visage, selon les principes de son ancien chef le général Ney). Mais il commençait à en avoir sa claque des hécatombes en général et de celle de Waterloo en particulier.
Autour de lui, les copains hachés par les boulets mouraient à qui mieux mieux en criant : « Vive l’Empereur ! ».
En les voyant agoniser, Bérurier se disait qu’ils avaient une certaine santé, les frères, ce qui était vraiment une façon de penser !
Près de lui, le général Cambronne donnait du geste et de la voix pour exalter les survivants de la Vieille Garde !
— Feu ! Chargez !... Joue !... Feu !
« Il se répète », pensa le brave grognard en obtempérant néanmoins.
Son regard croisa celui de Cambronne.
— M’est avis, mon général, murmura-t-il, que pour ce qui est de la victoire on ferait mieux de lui laisser notre adresse et de rentrer chez nous, car ça n’est pas pour aujourd’hui !
— Tire donc, imbécile ! hurla Cambronne, tu ne vois donc pas qu’ils faiblissent !
— Ils faiblissent peut-être, mais c’est nous qui clabotons, riposta Bérurier, dit Beau-Gosier, dit Joli-Cœur, dit Panpan-la-Tunique en épaulant son fusil.
— Il faut tenir ! cria Cambronne. Grouchy est en route, il va arriver. Ordre de l’Empereur : se faire tuer sur place en l’attendant !
------ M’est avis qu’il ramasse des pâquerettes, Grouchy, mon général, ou alors il aura été pris dans un encombrement d’affûts.
— Le voilà ! cria Cambronne en montrant les ondulations d’une monstrueuse chenille bigarrée vers l’horizon.
Cette annonce redonna du cœur aux survivants. Les valides rechargèrent leurs fusils. Tous, à l’exception de Bérurier qui regardait de son œil aigu l’armée fonçant dans leur direction. Au bout d’un moment, il tapota l’épaulette de Cambronne (l’ardeur des combats rend familier).
Mon général, dit-il, je crois que vous n’avez pas le compas dans la jumelle. Ce ne sont pas des soldats français qui rappliquent !
— Que dis-tu, idiot ? tonna Cambronne qui avait son franc-parler.
Et il vissa le petit bout de sa lorgnette dans son orbite.
----- Ces gars-là sont prussiens à vous dégoûter de la choucroute l affirma péremptoirement Bérurier.
Cambronne dut se rendre à l’évidence. Il laissa retomber sa lorgnette avec accablement.
— Exact, soupira-t-il, ce n’est pas Grouchy…
------ Alors ça va être plus cher, se lamenta le grognard .
Il y eut un instant « d’hébétude dans la Vieille Garde. L’accablement, parfois, pétrifie les héros au plus fort de leur héroïsme
- Mais tirez. Nom de Dieu ! vociféra Cambronne.
Lessalves recommencèrent. Les Anglais tiraient, de plus en plus vite et les Prussiens se rapprochaient à toute allure. Alors Wellington prit un porte-voix.
— Messieurs les Français… rendez-vous ! exhorta-t-il.
----- Il se fiche de nous ! gronda Cambronne. Mon porte voix ! Où est passé mon porte-voix que je lui dise ma façon !
C’était le grognard Bérurier qui venait de le lui subtiliser et qui, maladroitement, le cachait derrière son dos.
Ecoutez, mon général, bredouilla-t-il, on pourrait peut-être se rendre en effet.
---- De quoi, misérable !
— Regardez : nous sommes à peine deux cents et nous allons tous y passer !
--- Et le sèment du Champ-de-Mars, alors ! tonna cambronne.
— Je vous dis pas, mais la Vieille Garde est pratiquement anéantie, nous n’avons plus d’espoir ; la mort des derniers survivants que nous sommes ne servirait de rien, soyons justes ! Et il faut bien qu’il y ait des rescapés pour raconter l’événement à ceux de l’arrière !
Cambronne fut frappé par la justesse de l’argument.
--- Soit fit-il, tu as raison, rends-moi mon porte-voix.
Ravi, Bérurier s’empressa. Mais c’était un homme gauche ; dans le mouvement qu’il fit pour tendre au général son instrument de travail, il s’empêtra dans son fusil et sa baïonnette se planta dans les fesses de Cambronne, lequel poussa le « Merde » le plus puisque les Anglais qui l’entendirent le considérèrent comme la réponse à leur question. Leur mitraille se remit a pleuvoir !
Et ainsi mourut Bérurier, dit Beau-Gosier, dit Joli-Cœur, dit Pan-Pan-la-Tunique !
Ainsi fut exterminée la Vieille Garde, socle de l’Empire ! Exterminée ? Non, le terme est impropre, puisque Cambronne mourut vingt-sept ans plus tard, à l’âge de soixante douze ans ; ce qui, après tout, n’est pas tellement vieux pour un général !
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptySam 18 Avr 2009 - 20:21

Portrait de 3 personnages tiré du livre
Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 4d1837dcb15296faabfe66747b53c886

Quatrième de couverture
Je vais te dire une bonne chose : les gens qui ont un don, faut s'en gaffer pire que du fisc. C'est bien joli, un don, mais ça peut avoir des conséquences. Moi, le don de Bruno, merci bien ! J'ai failli y laisser mes os. En tout cas, j'en sais des moins vergeots qui en sont clamsés sans avoir vu Venise. Heureusement que les corbillards ne sont pas en grève, parce que alors, on allait se ruiner en déodorants !

j'ai recopié ces 3 portraits parce que j'aime bien ce genre de descriptions
typique des San-Antonio

Vie d'Eugène Malvut

Un petit charognard vient m’ouvrir.
C’est fou ce qu’on peut toucher comme gonziers impossibles en cours d’existence ! La loi des séries ! Des séries dépareillées. Tronches fumelardes. Z’yeux torves, bouche verticale en fente de tirelire ! Des êtres que tu te demandes ce qu’ils foutent sur cette planète déjà trop exiguë ; à quoi ils peuvent servir en dehors de faire chier le prochain, d’incommoder par des expressions et des malodorances. Au premier regard, tu les situes obscurément dangereux. Prêts à des loucheries sans nom ! Ingentils de naissance et sales cons à l’extrême. Dieu commet des erreurs, et les hasards génétiques perpètrent d’indicibles nuisances.
M. Eugène Malvut, il figure dans les réserves salopardes. On le sait d’emblée qu’on ne peut rien espérer jamais de positif d’un glandu comme lui. Racho sur les bords. Chauve par-derrière, la frite en tête de nœud débandé, avec un regard myope derrière des lunettes batraciennes. II a les dents du bonheur, ce moisi, ce poreux, comme si le bonheur pouvait le concerner un jour, le triste apôtre ! Pantalon sombre, luisant, chemise blanche salie au col. Gilet de laine rapiécé, pantoufles avachies. Mais ce qui impressionne le plus, chez ce loqueteux de l’âme, c’est sa méfiance. Il est aux aguets, pis qu’un garenne dans son terrier. Se sent menacé en perpétuance. Il écoute aux portes, c’est certain. Arrive sur la pointe des pieds pour surprendre des médisances le concernant. Et je te parie la lune contre tes fesses que s’il lui arrive d’assister à une rencontre de rugby, il est convaincu, lorsque les joueurs forment la mêlée, qu’ils parlent de lui au creux de leur viril essaim.
— J’espère que je ne vous importune pas, monsieur Malvut ?
Il ne répond pas, ce qui m’inciterait à conclure que je le fais un tantisoit chier.
— Je souhaiterais vous entretenir de votre petit Bruno, ajouté-je.
— Il a fait une connerie ? grince le bonhomme.
Enfin sa voix ! Sa chère voix à deux francs soixante-quinze en action à la Foire aux pétomanes pendant toute la durée de la promotion cassoulet !
Il parle ! Donc il pense ! Donc il est !
Il est abject, crispant à déféquer toutes affaires cessantes, mais il est !
— Non, au contraire. Devons-nous parler de lui sur ce merveilleux palier où rôdent des oreilles indiscrètes, ou puis-je espérer vous entretenir dans votre appartement, monsieur Malvut ?
Il sort dans le couloir mal éclairé où une théorie de portes closes sur des mystères malodorants rébarbatent. Un vélo noir est l’unique personne à occuper les lieux. Il dodeline du guidon, sa manette de frein gauche appuyée précairement contre le mur. Etrange perspective, sauvagement surréaliste.
Malvut sonde cet infini angoissant. Des odeurs de frites et des bruits guy-luxiens signalent que l’immeuble est habité. Il attend un instant, tel un guetteur, puis me fait signe d’entrer, comme si je devais passer une frontière clandestinement pendant que le douanier a le dos tourné pour pisser.
Je pénètre dans un appartement sombre où i règnent des remugles d’encens.
Lors, le petit bonhomme réintègre sa niche et claque précipitamment l’huis (comme disait ce pauvre Mariano). Il y reste adossé, haletant comme un qui vient de réussir une mission périlleuse sous les feux croisés de douze mitrailleuses ennemies.
— Tout s’est bien passé, lui dis-je. Mais on a eu chaud !
Tu sais quoi ? Il a un acquiescement soulagé. M’est avis qu’il devrait prendre des granulés, ou je ne sais quoi pour redresser son mental en foirade. Céziguemuche, son existence doit pas être climatisée, je crains. Il est sur un constant qui-vive, se débat dans des craintes incessantes.


Vie d'un clochard.

— J’habitais dans un vieil immeuble, à la République, près du théâtre de l’Ambigu qu’on a démoli. J’avais une femme triste, une fille handicapée dans un asile, des bouquins en guise d’amis. Je prenais tous les jours l’autobus en compagnie d’un ramassis de cons pour aller donner des cours à d’autres cons. Parfois, pendant le week-end, nous allions à l’Opéra car mon épouse en raffolait. On mangeait beaucoup de pâtes et beaucoup de riz par souci d’économie.
« Un matin, j’ai senti que j’étais parvenu au bout de moi-même. Je me trouvais dans le bus, à la hauteur du Châtelet où l’on jouait du Lopez. J’ai pensé : « Ça y est, je n’en peux plus, il faut que je me détruise. » Mais je n’avais pas le courage d’arracher ma vie de ma carcasse. J’ai brûlé mon arrêt de bus. Parvenu au terminus de la ligne, je suis descendu du véhicule et j’ai dû rester une bonne heure immobile au bord d’un trottoir, ma serviette râpée à la main. Alors je l’ai vidée dans une boîte à déchets grillagée. Et puis je me suis mis à marcher au hasard, n’importe où. C’était royal comme sensation ! Enfin libre, mon petit gars ! J’étais passé de l’autre côté du miroir. Un mort-vivant, ça c’est le pied superbe ! Je n’étais plus mari, plus père, plus fonctionnaire, plus citoyen. Juste un être en errance qui pouvait penser à sa guise. Je n’avais besoin que d’un peu de nourriture et d’une niche pour passer les nuits. Rien à prévoir, rien à décider. Je marchais, je me reposais, je bouffais n’importe quoi, je mendiais, je me branlais dans des pissotières de solitude. J’apprivoisais le froid, je composais mentalement des textes qui sortaient de mon âme.
J’oubliais le passé : mon enfance, mes études, ma carrière et mes amours ; mes chagrins et ce que j’avais cru être des joies. J’entrais, sans foi, dans des églises pour prier tout de même ou piquer dans les troncs, voire pour dormir un peu dans le noir d’un confessionnal.
« Ainsi fis-je l’apprentissage de la cloche, car cela s’apprend, comme tout ! C’est plus qu’une philosophie. Presque un métier. On part du renoncement intégral et l’on s’enfonce délicieusement dans les abandons. On ne se lave plus, ne se torche plus le cul. Vos fringues pourrissent sur vous et s’en vont comme la peau en desquamation. On les remplace par n’importe quoi. Un hiver, on se fabrique des guêtres de carton et des gilets en papier journal. Au début, j’ai vu ma pauvre gueule de civilisé dans les journaux : « Avis de recherche. Cet homme a disparu » ! J’en ressentais comme de la volupté. Ma femme se rongeant les sangs ! Foutaises ! Et puis il n’a plus été question de moi. J’avais passé la ligne de démarcation. Socialement je ne trouvais radié. Je ne possédais plus la moindre signification collective. Dès lors, je vivais pour mon seul compte. Je mangeais pour moi, pissais pour moi, respirais pour moi. Quelle que soit la direction que j’empruntais en me déplaçant. Cela n’avait plus aucune importance ! Tu entends ça, petit gars ? Aucune importance ! Je régnais enfin sur les quatre points cardinaux !
« Parfois, je m’offre un plaisir : je vais m’installer (si tant est qu’on puisse dans mon cas parler « d’installation »)
devant le domicile de mon ex-femme ou devant celui d’un ancien collègue. Je les regarde mener leur pauvre vie de jean-foutres. Si graves, si compassés, si certains de leur position sociale. Ma vieille mégère se paie une arthrose carabinée et traîne la patte. Un confrère démarre visiblement un chouette cancer du foie ou de l’estomac. Je biche ! En crevaison, tous ! En route, direction néant. Moi, fiston intemporel ! Hors de toutes les atteintes. C’est solide, un clodo ! Ça meurt de froid un jour que l’abbé Pierre est en conférence. On le retrouve sur le pavé, roide dans ses niopes. On l’embarque avec les ordures du matin et peu être le conduit-on au même endroit ? Ne sois pas triste, mon petit flic. T’as l’air chaviré de m’entendre. Avec ce que tu écris, tu ne vas pas m’assurer que tu crois au bonheur, aux vertus de la société ! Ne t’attriste pas sur mon royaume, je l’ai conquis de haute lutte, petit gars.
— Vous voulez de l’argent ? balbutié-je, la gorge en taille de sablier.
— Oui, si tu en as à foutre en l’air.
— Cinq cents pions ! s’exclame-t-il. Fais pas ça, gamin, tu le regretteras quand j’aurai le dos tourné. La charité, c’est un élan, une bandaison de l’âme. Lorsqu’elle est accomplie, on se fait des objections.
— Prenez et ne vous inquiétez pas pour mes états d’âme.
Alors il fait disparaître le talbin. Un silence nous unit plus étroitement. Merde, il me fout le bourdon, ce vieux crabe ! Note que c’est pas le premier libertaire que je rencontre. Déjà, M. Félix était assez chié dans le genre. Ce qui me mine, c’est de les trop comprendre, ces mecs. De piger exactement à quoi correspond leur démarche. De réaliser en plein leur terrifiante solitude. Les hommes, comme les loups, sont faits pour vivre en hordes. Celui qui s’en va seul à travers la forêt paie je ne sais quelle étrange dette.


Vie de Justin Verbois.

Justin Verbois. Un vieux bonhomme, gros et couperosé, avec des crins blancs coupés court, un pull à col roulé et une veste de cuir noir râpée, découpe d’infâmes abats violacés à des chats aux dos arqués qui miaulent d’impatience. Il leur parle d’une voix de mêlécasse pareille au bruit du pinard coulant d’une barrique débondée. Ce personnage ressemble au Gabin de la fin de parcours. Pittoresque, ça vachement ! Bourru (de dos on le subodore déjà !) et cradingue (on le renifle depuis la lourde) !
— L’histoire que nous aimerions entendre, Verbois, concerne la dénommée Turpousse Maryse, attaqué-je.
— Allons bon, qu’est-ce qu’elle a encore fait ! s’exclame le vieux forban.
Ça lui est sorti du cœur, et ça contient de l’inquiétude et de la rogne.
--- Je vous le raconterai peut-être quand vous nous aurez narré vos relations avec elle. Attention ! Je veux pas du bâclé, mais du vécu ; de la tranche de vie bien étalée sur la tartine.
Il hausse les épaules.
— Oh ! c’est tout simple, vous savez !
— Bref, la carburation se faisait entre vous deux ?
— Avec des hauts et des bas.
— Ce qui signifie que, quand tout baignait, elle volait vers d’autres braguettes, mais que dans les cas épineux, elle rabattait chez vous pour vous dégoupiller le turlut ?
Il ne répond pas. Ma perspicacité lui en impose. Alors, bon, du moment que j’ai tout pigé, il me laisse l’initiative.
C’est la vie qui passe, quoi. La pauvre vie exténuante et ruineuse, décolorée, boiteuse, qui malodore. Le tas de foutaises habituelles, mesquines, dégradantes à force. On les subit ; on fonce pensant leur échapper, d’autres plus corsées vous attendent un peu plus loin. Il parles d’une couillerie !
Mais le dabuche continue de hocher négativement la tête. Cette bonne femme qui souffle en tempête sur son existence le déconcerte. Ce genre de giries ne sont plus de son âge, Justin. Il ferait bon se préparer à crever gentiment, dans la torpeur de son foutresque entrepôt. Parmi les greffiers du voisinage, en éclusant une gorgée a sa topette de raide, de temps à autre, pour se requinquer les esprits. Il sombre parmi les autres vieilleries, Verbois. S’engloutit dans les commodes sans tiroirs, les pendules sans aiguilles, les tables bancroches et les fauteuils éventrés. Il a suivi son pauvre bonhomme de chemin de pauvre bonhomme en chemin, mettant parfois un pied dans la marge, histoire de se donner le frisson mais, vaille que vaille, gardant le nez au sec.
Le bonheur ? Connaît pas ! Ses joies auront été des joies de misère, des instants d’arrêt au bord de la vie courante. Couper du mou à des chats fous de faim, acheter une saloperie de plus, en vendre une… La môme Maryse a dû constituer sa seule embellie. Il l’a grimpée du temps qu’elle était jeune, donc à peu près belle. Il vit de ce souvenir. Quand elle surgit dans sa grise existence, c’est fête au village. Le retour de la pétasse prodigue ! Il lui lâche »son carbure, la chouchoute, »lui confie les clés de cet appartement qui, bien que modeste, constitue néanmoins un luxe pour ce collectionneur de pouilleries. Et puis elle s’envole, la colombe déplumée ! La vraie fumière. Juste un mot « A bientôt ». Ce qui veut dire : « Salut, vieux con, je reviendrai te plumer quand j’aurai besoin de toi ! »
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptySam 18 Avr 2009 - 21:11

Un fil rien que pour toi Rivela. Wink Wink Je n'ai jamais lu San Antonio, considérant -peut-être à tort- que c'était une lecture qui s'adressait à un lectorat masculin.
Récemment j'ai entendu Carlier (son gendre) le citer et je me suis dit que ce n'était peut-être pas si mal que ça.
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptySam 18 Avr 2009 - 21:15

rivela a écrit:
une autre avec de caune et garcia sur canal plus.

https://www.youtube.com/watch?v=K755NUzkQo8

Ils expliquaient dans un dvd de l'émission que garcia n'était pas au courant que c'était du "vrai alcool" dans la bouteille.... laugh
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptySam 18 Avr 2009 - 23:24

Merci, ça m'a fait plaisir de relire ces pages. J'ai beaucoup aimé San Antonio, disons ...quand j'étais plus jeune. Malheureusement, ce sont des livres qu'on ne garde pas...on les prête, on les oublie dans un train, dans un bus...et ils étaient si mal reliés qu'ils ont bien mal vieilli. Et quand on déménage, ce sont les premiers qu'on abandonne!
Voyons, une valise pleine de San Antonio? Non, on n'ose pas. Et pourtant, que de bons moments!
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptyLun 20 Avr 2009 - 10:35

Eve Lyne a écrit:
Un fil rien que pour toi Rivela. Wink Wink Je n'ai jamais lu San Antonio, considérant -peut-être à tort- que c'était une lecture qui s'adressait à un lectorat masculin.
Récemment j'ai entendu Carlier (son gendre) le citer et je me suis dit que ce n'était peut-être pas si mal que ça.

Masculin peut-être je ne sais pas, c'est un tel méli-mélo ses livres que je pense que certains passages peuvent déplairent. Par ex. le livre que je cite plus haut il y a des passages comme j'ai recopié qui m'intéressent et d'autres plus olé olé que je ne mettrais pas parce que là je pense que c'est plus du remplissage de papiers et que ce n'est pas intéressant.
Sinon il y a l'humour, les tabous et les vices de tout un chacun enfin racontés par un auteur, et toujours cette belle humanité de Frédéric Dard qui réconforte ceux qui se font marcher dessus par la vie et la société.
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MessageSujet: Re: Frédéric Dard ou...San Antonio   Frédéric Dard ou...San Antonio - Page 2 EmptyLun 20 Avr 2009 - 10:50

Dom a écrit:
Merci, ça m'a fait plaisir de relire ces pages. J'ai beaucoup aimé San Antonio, disons ...quand j'étais plus jeune. Malheureusement, ce sont des livres qu'on ne garde pas...on les prête, on les oublie dans un train, dans un bus...et ils étaient si mal reliés qu'ils ont bien mal vieilli. Et quand on déménage, ce sont les premiers qu'on abandonne!
Voyons, une valise pleine de San Antonio? Non, on n'ose pas. Et pourtant, que de bons moments!

Je suis d'accord avec toi, même Frédéric Dard disait qu'il ne faisait pas de la littérature pour durer dans le temps.
J'ai presque tout lu, j'en ai pas gardé, toute façon je ne garde rien j'amène tout chez Emmaüs.
Mais ils sont toujours réédités et quand j'en vois un à la librairie ou aux magasins, j'en prends 1 je le feuillète et je tombe toujours sur des pages que j'adore lire. Et il n'y a pas de honte à lire des San-Antonio, ça parle juste de nous avec vérité, pauvres être humains que nous sommes.
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