Je n'ai pas aimé ce film.
Je n'ai pas aimé le principe des séquences mises bout à bout pour tenter de former un tout. J'ai trouvé cette pratique inconfortable et pas vraiment bien exploitée (en comparaison du Short cuts d'Altman ou du Magnolia d' Anderson ; dans lesquels on retrouve Julianne Moore ce qui ne doit pas être un hasard).
Je suis restée complètement sur la touche. Pas du tout embarquée par l'émotion dont vous parlez (topocl en particulier) et que je n'ai pas ressentie, pas vue, pas même effleurée.
En revanche j'aime toujours la manière dont
Cronenberg renouvelle, réinvente, redit, sa fascination pour le double, la gémellité, la répétition du même ; les échos qui d'un film à l'autre s'abouchent et donnent une certaine idée du monstrueux (ici l'inceste), cette trace malade qui précipite dans la folie, la mutilation, la dépression, la honte. On voit ici encore à l'œuvre la destruction d'êtres mis à mal par un système, une hérédité, et on rejoint la grande idée racinienne de la tragédie familiale à laquelle on ne peut se soustraire, reproduisant à l'infini le même traumatisme, un traumatisme impossible à dépasser (qu'il soit hollywoodien ou grec ou personnel).
Voilà. Au-delà du cliché d'avoir eu l'impression de participer à la lecture sordide d'un magazine people, ces papier-gâché dont parle colimasson à propos des magazines féminins en une très juste et sympathique expression, j'ai eu le sentiment, quelque peu pervers, en tout cas inconfortable, d'assister à une thérapie malheureuse, douloureuse, d'entrer dans une intimité gardée, close, que j'ai regretté d'aborder par le biais de l'outrance ; une sorte d'impudeur totale (et je ne parle pas des scènes de Q qui font corps avec le propos de montrer le côté un brin sordide de la vie des uns et des autres, leur petitesse si je puis dire…) mais bien des scènes de psychothérapie ou d'effondrement psychique dans un bain alors qu'un fils lit à côté, des scènes que j'ai trouvé extrêmement difficile à supporter. J'imagine volontiers que ma réaction (pudibonde ?) est volontairement attendue par
Cronenberg et qu'elle est orchestrée par lui mais j'ai tout de même eu bien du mal à me concentrer sur l'ensemble d'un film qui, s'il ne manque pas de force m'a paru relativement ennuyeux et/ou sur-joué .
Peut-être n'aurais-je pas dû accepter le cocktail
Reflets des îles avant d'aller au cinéma. Peut-être faudra-t-il que je revois ce film en étant préparée à l'outrance du jeu d'acteurs et au pingpong émotionnel proposé par le réalisateur…
N.B. : lu avec intérêt un article paru dans
Positif et qui rejoint les propos de Queenie sur l'aspect destructeur, pessimiste, annihilateur du film. En prenant l'image (je dirais même le symptôme) de l'inceste pour base de l'univers hollywoodien,
Cronenberg décrit un monde qui ne peut que courir à sa perte, n'être que la reproduction inlassable du même, stérile, usé, flaccide, un monde qui renonce à la construction et se précipite tête basse vers sa propre autodestruction.