Troubadours

En parlant de pastourelles....

"Par une matineie en mai
Por moi deduire et soulaicier
A une fontenele alai,
S'oï chanteir en un vergier
Lou rossignol si doucement
Que tous le cuers d'Amors m'esprent.
Et si vis leans consillier
Une dame et un chevalier.
Arrier me trais seleement,
Que ne lor vouloie anoier.

Ainsi com je m'en retornai
Par un estroitelet sentier,
Une damoisele trovai
Seant en l'ombre d'un rosier.
Lou chief ot blond et lou cors de gent,
Uns euils por traire cuers de gent,
Bouche bien faite por baisier.
Dieu, qui la porait enbraissier.
Et tenir nue a son talent
Ja mais de mieus n'auroit mestier.

Cortoisement la saluai,
Car moult me plaist a acointier,
Et li dis: "Belle, je serai
Vostre amis de fin cuer entier.
A vos m'otroi et doins et rent.
Faites vostre commandement
De moi com de vostre amin chier.
Mains jointes merci vos requier;
De vos ma grant honor atent,
Que d'autre avoir ne la quier.

- Certes, sire, de cest present
Vos doi je savoir moult bon grei;
Mais uns autres a moi s'atent
Cui j'ai et cuer et cors donei;
N'autre que lui je n'amerai,
Car si fin et franc le trovai
Et del tout a ma volonté
Que jai nul jor de mon aé
De m'amor ne lou voiserai,
Ains li porterai loiaultei.

- Belle, l'amor que me souprant
Vient de vostre fine biaultei,
Si me fait parleir folement.
Or me soit por Deu pardonei,
Que ja mais ne vos proierai
Ne jai jor ne me recroirai
De vos ameir sans faucetei,
Encor m'aiés vos refuseit;
Et sai que tout cest duel moinrai,
Que j'ai ne m'iert gueredonei."

Quant vis que ne vaudroit noient
Li proiers, si la rent a Dei.
N'eus gueres aleit longuement
Fors qu'un palis ou trespassai
Et vers lou vergier resgairdei
Et vis la tresbelle a cors gai
Que son amin eut acollei,
Et si li fist une bontei,
Davant moy, dont je grans duels ai:
Mais jai par moi n'iert rescontei.



Mais il y a aussi, pour accompagner tout cela, et j'entends que la musique est d'office de mise, les recettes culinaires.
Chez moi l'on organise des soirées médiévales avec plats cuisinés selon le viandier, le liber coquina, le mesnagier, le Chiquart et aussi le Form of Cury, on y boit des vins médiévaux tels que l'hypocras, le clairet ou le vin de sauge..que je fais moi-même.....je ne vous dis pas la chasse aux épices et le balcon empli d'aromates.

Talemoses:

Talemose faicte de fin fromage par morceaulx carrés menus comme fèves, soit destrampés oeufz largement et meslé tout ensemble et la croute destrampée d'oeufz et de beurre.

(je peux joindre la recette aussi....)

Oui, ça sent bon et c' est appétisssant, Cliniou !

Et elle est anonyme cette pastourelle ?

Oui très cher, sans quoi j'aurais cité le nom dudit auteur......les poésies lyriques ont malheureusement souvent perdu leur père de nom.

Citation :

Talemoses:

Talemose faicte de fin fromage par morceaulx carrés menus comme fèves, soit destrampés oeufz largement et meslé tout ensemble et la croute destrampée d'oeufz et de beurre.

(je peux joindre la recette aussi....)

Je ne savais pas qu'on pouvait manger ici! Qu'est-ce donc que le "Talemoses" façon Cliniou?

Les talemoses de 1330 sont devenues les talemouses, entremets à base de fromage.
L'origine du mot vient sans doute de talemelier = boulanger et mose pour museau, forme que doit avoir la préparation.
En fait, c'est une espèce de pâte brisée farcie d'un appareil à base d'oeufs et de parmesan, le tout mis en forme de corne ou de museau.

Merci Cliniou!
Et ta recette, alors?

Haha....en français du XXIème, je suppose.....

Ca donne:
Préparer une boule de pâte brisée(pour 8 tartelettes)

Mettre dans une casserole 20 cl d'eau, 50 gr et une pincée de sel; faire bouillir en remuant.
Retirer du feu et ajouter 70 gr de farine; bien mélanger. Ensuite remettre sur le feu et remuer l'appareil sans cesse pour éviter que ça ne se dessèche et que ça colle!
Lorsque tout est bien amalgamé, retirer du feu et incorporer un premier oeuf; mélanger avec vigueur. Ensuite, ajouter un second oeuf et mélanger avec autant de vigueur.

Couper 75 gr de parmesan en dés. Incorporer la moitié du fromage à la pâte.

Foncer les moules à tartelettes de pâte brisée; l'abaisse doit avoir un diamètre supérieur au moule car il faudra replier les bords sur le dessus.
Garnie de la farce préparée précédemment, ajouter quelques morceaux de parmesan.
Replier les bords en forme de corne ou de museau.
Dorer au jaune d'oeuf et cuire 15 à20 min à four chaud (200°C).

Les talemoses se mangent chaudes ou tièdes (avec un bon hypocras épicé)

Merci encore!
Je salive déjà ... connais pas l'hypocras... mais je ne demande qu'à découvrir! Je vais peut-être faire un détour par chez toi! On a l'air d'être bien accueilli.

Tout à fait dans mon goût cette pastourelle ! Anonyme, oui... Et dur de mettre un nom sur les auteurs à cette époque, parce qu'il faut bien le dire : ils ne se distinguent ni par leur style, ni par l'originalité de leur histoire

Cliniou a écrit:

Mais il y a aussi, pour accompagner tout cela, et j'entends que la musique est d'office de mise, les recettes culinaires.
Chez moi l'on organise des soirées médiévales avec plats cuisinés selon le viandier, le liber coquina, le mesnagier, le Chiquart et aussi le Form of Cury, on y boit des vins médiévaux tels que l'hypocras, le clairet ou le vin de sauge..que je fais moi-même.....je ne vous dis pas la chasse aux épices et le balcon empli d'aromates.

Il suffit de ces noms pour éveiller la curiosité, et donc l'appétit. Ca a l'air joyeux les repas médiévaux

C'est le talent des oeuvres intemporelles : chaque époque peut les réinterpréter à sa façon !

Elle lui baise les yeux et le visage si doucement, les yeux dans les yeux, qu' elle lui enlève du coeur toute douleur , et Amour, dans ce regard, lui donne une telle douceur qu' il ne sent plus de mal nulle part. Et c' est par rasion qu' Amour le fit, car elle délicieuse au coeur, cette douceur que l' oeil amène ; ensemble deux ames, si bien que tout noble coeur et tout sentiment...

Mais chacun se soumet à l' autre ; car cette douceur est si douce qu' il n' est mot de nos jours qui la puisse faire comprendre parfaitement. C' est à grand peine si l' entendement la comprend meiux, lui qui est seul à concevoir bien des choses que l' oreille ne saurait percevoir ni la langue nommer.

Et c' est pour cela que je veux dire et montrer que la douceur qui touche le coeur par les yeux vaut mieux que celle qui passe par la bouche : elle est plus pure et plus parfaite. Remarquez bien, je vous prie, le chemin qu' elle suit !

...Quand deux amants purs et sincères se regardent, les yeux dans les yeux comme deux égaux, ils ressentent à ma connaisssance, selon le véritable amour, que la douceur qui y prend naissance leur ranime et nourrit tout le coeur. Et les yeux, par où passe et repasse cette douceur qui envahit le coeur, sont si loyaux, qu' aucun des deux n' en retient rien à son profit. Tandis que la bouche, elle, ne peut s' empecher, dans un baiser, de garder à son avantage un peu cette douce saveur avant qu' il n' en parvienne quelque chose au coeur.
Et le baiser que prend la bouche est une garantie ppour chacun des amants qu' il ressent la joie sincère que l' amour lui donne.

Il n' est pas utile que je m' étende davantage : car tout homme qui aime de fine amour, et ne prend d' autre plaisir que dans des regards simples et purs - plus doux et plus délectables que je saurais dire ou faire comprendre, meme si j' y devais penser toujours - portera le meme jugement que moi, s' il entend les choses comme je le fais...

Il en est qui ne sauraient jamais oublier la joie d' amour qui pénètre par les yeux, ni dans l' étreinte ni dans le baiser. Car ils ne savent autre chose que ce que Raison, Merci et Conscience leur enseignent : que le baiser est le véritable signe de la Joie que le parfait Amour apporte par les yeux, dont il a fait une porte claire, pure et lumineuse où il se voit et se mire souvent, quand il va et vient, dedans, dehors et pénètre d' un coeur à l' autre. Et il rend ces coeurs si pleins l' un de l' autre, que chacun pense défaillir quand l' autre lui manque s' il ne le voit aussitot dans le miroir où leur désir les fait venir s' embrasser, se baiser, s' étreidre et prendre joie si subtile qu' ils en oublient toute pensée et tout souçi tant que dure leur plaisir. Et il faut croire qu' il n' eut jamais bonne aventure d' amour celui qui doute tant soit peu que nos amants n' éprouvent une telle douceur.

Extraits de Flamenca traduits par Piere Bec.

quel bel extrait Bix !

Bédoulène a écrit:

quel bel extrait Bix !

Content que ça t' ait plu ! Voilà un roman poétique qui résume le "fine amour" des troubadours. Oui, amour est du féminin en occitan, comme la lebre (le lièvre).

Je me disais en le recopiant : sublime ! Ce clerc sait vraiment ce qu' est l' érotisme !!

C'est vrai, c'est très beau !
Et ça emballe. Tu vises juste en parlant d'érotisme !