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| Julio Cortazar [Argentine] | |
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+13shanidar colimasson Queenie Harelde bix229 Marko coline alaska bertrand-môgendre Miss Tics kenavo Arabella gaspard 17 participants | |
Auteur | Message |
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Baklava Espoir postal
Messages : 41 Inscription le : 19/09/2011 Age : 65 Localisation : Bordeaux
| Sujet: Re: Julio Cortazar [Argentine] Lun 28 Nov 2011 - 12:47 | |
| Un grand Merci Shanidar ! Axolotl a été un grand moment de lecteur. Cette histoire m'a terriblement impressionné. Dans mon souvenir (lointain) cette nouvelle était de Borges. Mon erreur venait du fait que Borges a beaucoup écrit sur le thème du double. Mais c'est bien dans les armes secrètes que j'ai trouvé ce bijou. Grâce à toi, je vais le relire, et surement, comme chaque fois qu'on revisite des lectures anciennes, redécouvrir complètement chaque nouvelle. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Julio Cortazar [Argentine] Jeu 9 Fév 2012 - 13:45 | |
| Marelle
(en première page vous trouverez le commentaire éclairé de Marko)
Lire Marelle, c'est passer un pacte avec l'auteur, accepter de lire un texte destructuré et pourtant éminemment romanesque, lire un traité de philosophie, mais une philosophie à hauteur d'homme, sans grands mots, ni plongées insolubles dans des vocables abscons, tout est compréhensible dans Marelle et c'est bien là sa force et son charme profond. Il ne faut surtout pas s'effrayer de la structure dézinguée, ni des passages écrits en langue étrangère (le gliglicien, dont Harelde donne un extrait en page 3), ne pas s'étonner du fait que la littérature sous la plume de Cortazar vole en éclats, devient puissamment subversive, inverse les rapports, questionne inlassablement notre relation au monde, la place que nous voulons prendre seul et parmi les autres.
Oliveira, héros et forme de doppelganger de Cortazar, est donc un sculpteur de bout de ficelle, des ficelles qu'il ramasse dans la rue et dont il se sert pour des constructions éphémères qu'il incendie. Horacio est à Paris, vit avec la Sibylle, fréquente la bohême parisienne et cosmopolite des années 50, écoute du jazz, se saoule à la mauvaise vodka, séduit les femmes, est parfois insultant, grossier, méchant, souvent désespéré. Marelle est un livre qui pose la question de l'existence, pour qui ? pour quoi ? comment être au monde quand on sait que l'on ne sait rien, quand on est étreint par ce savoir du non-savoir bataillien, par cette angoisse de vivre qui précipite dans la boisson, qui conduit sous les ponts, qui amène à la décadence du corps et de l'esprit, à l'indécence des mots, à la vacuité, à l'indifférence totale.
Anti héros par désaffection de lui-même et des autres (désaffection, c'est-à-dire fuite mais aussi dés-affection, refus d'aimer) Horacio passe dans la vie, sa vie, comme un fantôme à lui-même, cherchant le bonheur, l'Eden, le paradis, cherchant l'unité dans la discordance, l'amour dans l'infidélité, être le moyeu de la roue du temps et de l'espace tout en créant à l'intérieur de soi des espaces de respiration.
Le texte est bourré de références fondamentales (l'angoisse, le non-savoir, le supplicié, le troisième oeil rappellent inévitablement les préoccupations de George Bataille, qui est d'ailleurs cité), le jazz (sa structure déstructurée qui est comme un écho au texte lui-même, sa capacité d'improvisation mais aussi de digestion des autres musiques, qui rejoignent les intérêts de Cortazar visant à une oeuvre totale, à la fois musicale et romanesque, philosophique et humoristique, angoissée et vivante), les surréalistes avec des clins d'oeil aux peintres (Ernst, Picasso, Lam...) mais aussi à Bunuel, Artaud et bien d'autres... Sans compter les échappées vers les romantiques allemands, vers... mais pourquoi ne pas tout simplement citer le texte ?
Morelli [autre double de l'écrivain] avait pensé une liste d'acknowledgments qu'il n'eut jamais l'occasion d'incorporer à son oeuvre publiée. Il laissa plusieurs noms : Jelly Roll Morton, Robert Musil, Dasetz Teitaro Suzuki, Raymond Roussel, Kurt Schwitters, Vieira da Silva, Akutagawa, Anton Webern, Greta Garbo, José Lezama Lima, Bunuel, Louis Armstrong, Borges, Michaux, Dino Buzzati, Max Ernst, Pevsner, Gilgamesh (?), Garcilaso, Arcimboldo, rené Clair, Piero di Cosimo, Wallace Stevens, Izak Dinesen. Les noms de Rimbaud, Picasso,Chaplin, Alban Berg et autres avaient été barrés d'un trait très fin comme s'ils étaient trop évident pour être cités. Mais ils devaient être tous trop évidents, finalement, puisque Morelli ne s'était jamais décidé à les joindre à l'un de ses volumes. (p.372 de l'édition Gallimard)
Il me faudrait encore vous parler des références mythologiques du texte, de la Sibylle bien sur, de l'importance de la vue dans ce roman, ou plutôt de la seconde vue, des renvois fréquents à l'alchimie, au tarot, à la cartomancie, à la magie et à toutes les formes de divination. Un peu comme Horacio, le lecteur lit ce roman en tirant des ficelles, en jouant au jeu du cimetière, en cherchant partout ce qui est introuvable : le bonheur, mais qui surgit parfois à l'aune d'une rencontre, d'une phrase, d'une pensée magique. Vous parler des noms des personnages de Traveler qui ne quittera jamais l'Argentine, de Berthe Trépat sorte de Ménade pianistique qui annonce la mort dans l'oeuvre, de Remorino (dont il n'est pas besoin d'expliquer la venue à la toute fin du roman...). Et puis l'humour, les jeux, les éblouissements d'un texte surprenant, manipulateur et phénoménal.
S'il commençait à tirer sur la pelote, il allait venir un brin de laine, laine du latin lana, l'anatomie, l'annapurna, lanaturner, lanatalité, lanationalité, la laine, à en perdre l'haleine, la laine jusqu'à la nausée mais jamais la pelote elle-même. (p.321)
une lecture passionnante, un éclatement de la littérature qui devrait réjouir l'esprit ludique de chacun et en même temps un chant angoissé, vertigineux et fragile ! une grande oeuvre, incontestablement !
Dernière édition par shanidar le Mer 2 Déc 2015 - 10:29, édité 1 fois | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Julio Cortazar [Argentine] Jeu 9 Fév 2012 - 21:56 | |
| Encore un que je vais devoir inscrire sur ma LAL... Ce commentaire me fait très envie en tout cas, merci Shanidar ! | |
| | | Dreep Sage de la littérature
Messages : 1435 Inscription le : 14/03/2014 Age : 32
| Sujet: Re: Julio Cortazar [Argentine] Ven 25 Avr 2014 - 18:10 | |
| Marelle
Roman assez humide, assez nerveux. Beaucoup de maté, de caféine, d'alcool, d'humeurs et d'incertitudes.
Il faut se prêter au jeu. C'est sympathique, parfois fulgurant, parfois drôle et ironique. Désenchanté. Musique, déambulations dans les rues Parisiennes et Argentines, cirque, hôpital psychiatrique et Marelle. Cigarettes, compréhension, incompréhension. Horacio et les autres. La Sybille (Talita ?) Cette philosophie de comptoire, ou bien réflexion sincère. La littérature et la pensée Morellienne.
Un roman d'une grande virtuosité, c'est certain. D'une grande richesse et d'une grande ironie, d'une grande mélancolie. A lire sans à priori, laissez l'effet se faire !
PS : Je n'avais pas pensé à La Maison des Feuilles mais c'est vrai que la comparaison se tient. Mais j'ai été un peu déçu par ce dernier, qui ne va pas au bout des choses. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Julio Cortazar [Argentine] Mer 2 Déc 2015 - 10:33 | |
| Nous l'aimons tant, Glenda et autres récits
Recueil de dix nouvelles dont le commun entrelacement agit sur la peur et démontre une certaine forme de cruauté chez l'auteur.
Cortázar précipite son lecteur dans un imaginaire dangereux, un espace mortel, suicidaire ou meurtrier qui glace les sangs. Alors que Les Armes secrètes bien que toujours mystérieux conservait à la lecture une part de jeu, d'amusement, mettant en question le moment où l'imaginaire commence à déraper et entrer dans des zones plus ténébreuses, cette fois, dans ce recueil, Cortázar franchit la frontière et jette son lecteur dans l'angoisse. Qu'il s'agisse d'une mystérieuse horde d'hommes et de femmes envahissant progressivement le métro de Buenos Aires, de ce groupe de chanteurs qui finit par totalement intégrer la vie du musicien qu'ils chantent (et quel musicien puisqu'il s'agit de Carlo Gesualdo assassin de sa femme et de l'amant de celle-ci), qu'il s'agisse d'une femme aux yeux de chats dont on ne sait si elle voit à travers l'homme ou ce qu'il est 'au fond' ; le lecteur pénètre dans des mondes effrayants, angoissants, sanguinaires, non pas abjectement meurtriers mais parfaitement cruels. Des mondes dans lesquels il faut peser chacune de ses actions, chacune de ses respirations, tant le texte se resserre sur le lecteur, tant les récits frôlent l'abîme.
Un recueil très réussi, dans lequel chaque nouvelle distille une ambiance vampirique, non pas malsaine mais collante comme si les horreurs de la dictature argentine finissaient par rejaillir sur l'imaginaire de l'auteur, comme si les tortures (dont il est aussi ici questions) physiques et mentales vécues par ceux là-bas, contaminaient Cortázar et le poussaient à s'orienter vers des histoires plus dures, plus violentes, plus noires quoique toujours écrites dans une langue admirable, noble et chantante.
Décidément, Cortázar parvient toujours à me séduire...
Dernière édition par shanidar le Jeu 3 Déc 2015 - 9:44, édité 1 fois | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Julio Cortazar [Argentine] Mer 2 Déc 2015 - 21:21 | |
| eh bien j'ai ce livre et il me semblait l'avoir lu, mais pas sure, en tout cas il est dans ma PAL, je le lirai donc ou le relirai ?
(n'y a-t-il pas une chenille sur la couverture ?) | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Julio Cortazar [Argentine] Jeu 3 Déc 2015 - 9:47 | |
| - Bédoulène a écrit:
- eh bien j'ai ce livre et il me semblait l'avoir lu, mais pas sure, en tout cas il est dans ma PAL, je le lirai donc ou le relirai ?
(n'y a-t-il pas une chenille sur la couverture ?) J'ai le livre grand format Gallimard , donc sans image et sur le net le poche met en scène une femme dans un escalier dont la chevelure se déploie sur les marches... (très bizarre, d'ailleurs). La toute première nouvelle, qui donne son nom au recueil est l'histoire de Glenda, une actrice autour de laquelle se forme une secte qui va jusqu'à retoucher les films de leur idole quand ils ne les trouvent pas assez bons... | |
| | | Chamaco Zen littéraire
Messages : 4366 Inscription le : 10/03/2013 Age : 78 Localisation : là haut, vers Aix...
| Sujet: Re: Julio Cortazar [Argentine] Mar 15 Nov 2016 - 17:27 | |
| Sur les conseils de ma bibliothécaire je me suis procuré : "les gagnants" et "les autonautes de la cosmoroute" de Julio Cortazar, je vais les lire dans le cadre du voyage en Amérique du sud... | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Julio Cortazar [Argentine] Mar 15 Nov 2016 - 18:36 | |
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| Sujet: Re: Julio Cortazar [Argentine] | |
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| | | | Julio Cortazar [Argentine] | |
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