Peter Handke [Autriche]

kenavo a écrit:

Arabella a écrit:

L'écriture de Handke, précise, au scalpel, au millimètre près, fait de ce récit un texte magnifique, d'un lyrisme qui vient paradoxalement d'une écriture qui semble descriptive et peu émotive au premeir abord. Le ressenti du narrateur se déroule devant nous comme les paysages américains à travers la vitre d'un bus, aride parfois, répétitif, ne prenant pas forcement sens à première vue. Un beau voyage que j'aurais envie de prolonger par la lecture d'autres textes de l'auteur.

on se rejoint à nouveau sur l'impression d'un livre
Et ceci me rappelle aussi que j'ai encore sont tout nouveau livre à la maison.. hm.. pour l'instant je n'ai vraiment plus l'habitude de lire en allemand.. mais je vais m'y mettre.. en espérant qu'on va le traduire bientôt pour vous en parler
aussi bien qu'il parle le français - il pourrait le faire lui-même

Ma découverte de cet écrivain à travers "la femme gauchère" m'a transportée dans une autre dimension : j'avais l'impression de regarder un tableau en essayant d'en percer le sens ..... un texte qui peut sembler hermétique de prime abord et qui ne révèle sa saveur que lorsque le lecteur accepte de se laisser porter par cette écriture froide et distanciée et qui paradoxalement nous touche au plus profond de nous ....... lire au delà des mots peut-être ......
Destabilisée au départ , je me suis vite laissée emporter dans cette histoire d'un contenu émotionnel dense porté par une écriture glacée et c'est ce paradoxe qui fait que la magie opère ........
Et je vais continuer ma découverte de cet auteur si différent et qui aiguise mon insatiable curiosité par "la courte lettre pour un long adieu " !

églantine a écrit:

Ma découverte de cet écrivain à travers "la femme gauchère" m'a transportée dans une autre dimension : j'avais l'impression de regarder un tableau en essayant d'en percer le sens ..... un texte qui peut sembler hermétique de prime abord et qui ne révèle sa saveur que lorsque le lecteur accepte de se laisser porter par cette écriture froide et distanciée et qui paradoxalement nous touche au plus profond de nous ....... lire au delà des mots peut-être ......
Destabilisée au départ , je me suis vite laissée emporter dans cette histoire d'un contenu émotionnel dense porté par une écriture glacée et c'est ce paradoxe qui fait que la magie opère ........

Des mots qui pourraient s'appliquer à Par une nuit obscure je sortis de ma maison tranquille.

Par une nuit obscure je sortis de ma maison tranquille
Trad. de l'allemand (Autriche) par Georges-Arthur Goldschmidt

Il faut sans doute avoir la tête bien rêveuse pour se laisser emporter par un tel  roman, et un détachement facile de ce qui est le plus concret et efficace dans une histoire.
Il faut accepter de franchir allègrement les bornes, des lieux, mais aussi du temps. Ainsi que les imperceptibles frontières entre les êtres, entre l’onirisme et la réalité, et ne pas craindre d’approcher celles la mort.
Car ainsi a voyagé  le personnage principal, l’étrange pharmacien de Taxham, une localité dépourvue de tout intérêt aux portes de Salzbourg.
D’une femme à une autre. C’est ce que rapporte le narrateur. Mais ce n'était pas le but du voyage.
Et c’est entre les deux extrémités qu'il trouve son intérêt car il est d’ordre initiatique.

Je ne sais pas très bien où m’a emmenée ce voyage aux côtés du « pharmacien de Taxham ». Il n’a pas d’autre nom. Ceux qu’ils rencontrent n’en ont pas non plus, même ceux avec lesquels ils partagent un temps son aventure. Le poète, l’ancien  champion olympique, la femme.
Il s’agit bien d’une aventure ! Presque une épopée inspirée par les récits de chevalerie du Moyen Age qu’affecte le pharmacien.
Je ne sais pas bien comment, mais c’est sûr j’ai voyagé !
En poésie j’ai voyagé !
De Salzbourg à l’Andalousie, et retour !

Il n’y a rien de tangible, de certain, de possible dans cette histoire. Même pas le personnage principal. «Qui ou quoi était-il donc?».
Qu’est-ce qui l’a mis un jour en route ? Quand ? Pourquoi cette rupture? Pourquoi soudain sa mutité ?
Une tumeur opérée au front dont il attend le résultat ?
Une vie sans amour-sans haine-sans rien  auprès de sa femme ?
Le regret d’une absence dans sa vie : celle de son fils qu’il a chassé avec violence après l’avoir étreint au sortir d’un commissariat ?
Mais on n’en saura rien! Les sentiments du pharmacien jamais ne sont exprimés.
Le pouvoir de ses sens, oui par contre. Notamment le goût et l’odorat qui, plus encore que des champignons dont il est amateur et spécialiste, lui donnent la perception aiguë du monde qui l’entoure, même et surtout de ce qui ne se voit pas, ne s’espère pas.

Il y a tant de questions et jamais de réponses. Seul le doute habite le pharmacien, et donc le lecteur. Mais au moins les questions sont-elles posées ! Et c’est pour cela qu’ensemble personnage et lecteur avancent, effleurés par des réminiscences. Le dernier sait bien que ces questions, il se les est posées aussi parfois.
« C'est quoi? ça signifie quoi?».  « Ca existe ? »

Et pourquoi le pharmacien ressemble-t-il à Gilgamesh ?
Et pourquoi emprunte-t-il pour son récit les mots de Saint Jean de la Croix ?
Je sens bien que ce ne sont pas les seules choses qui m’échappent de ce récit qui, lui, pourtant, ne m’a à aucun moment donné envie de lui échapper.

Le traducteur, Georges-Arthur Goldschmidt, a dit à propos de Peter Handke, écrivain grand marcheur ces phrases qui m’éclairent :
«Quand le marcheur se déplace, il repère l’essentiel. Mais l’horizon est toujours sans limite. Il y a toujours un ailleurs. […]Dans ses descriptions, chaque paysage s’ouvre sur un autre paysage. Il y a chez lui la nostalgie de l’impossible. La marche permet de laisser derrière soi ce que l’on ne peut plus atteindre, et d’aller vers de nouveaux horizons, tout aussi hors d’atteinte. »

Etrange ce roman…Je ne saurais le conseiller à personne mais pourtant, oui, ce qu’il raconte, « ça existe  » !

Génial ton commentaire ! Tu ne le conseilles à personne mais ce que tu en dis donne très envie.

Marko a écrit:

Génial ton commentaire !

C'est dit, et je souscris.

tom léo a écrit:

Marko a écrit:

Génial ton commentaire !

C'est dit, et je souscris.

Je fais écho  

Marko a écrit:

Génial ton commentaire ! Tu ne le conseilles à personne mais ce que tu en dis donne très envie.

Merci Marko (je suis certaine que tu y décèlerais beaucoup plus que moi évidemment)...merci aussi Tom Léo, tu pourras peut-être apporter quelques lumières puisque tu l'as lu aussi... merci GGG toujours attentif... 

J'ai l'impression que mon commentaire est  aussi mystérieux, énigmatique, que le roman. Je ne vois cependant pas comment il pourrait être autrement...

Et ton commentaire Coline me donne envie de continuer ma découverte de cet écrivain "atypique" : ma lecture de "La femme gauchère " est encore très présente en moi ......

églantine a écrit:

Et ton commentaire Coline me donne envie de continuer ma découverte de cet écrivain "atypique" : ma lecture de "La femme gauchère " est encore très présente en moi ......

Cela ne m'étonne pas...Je pense que celui-ci va me marquer aussi...

J'ai lu également Par les villages ces derniers temps. C'est un texte de théâtre avec de très longs monologues comme j'aime.
Il a été monté par Stanislas Nordey et a  été présenté à Avignon cette année dans la Cour d'Honneur. Je ne l'ai pas vu, hélas mais j'espère me rattraper dans l'année.
Beaucoup plus concret que Par une nuit obscure...

coline a écrit:

églantine a écrit:

Et ton commentaire Coline me donne envie de continuer ma découverte de cet écrivain "atypique" : ma lecture de "La femme gauchère " est encore très présente en moi ......

Je vais po
Cela ne m'étonne pas...Je pense que celui-ci va me marquer aussi...

J'ai lu également Par les villages ces derniers temps. C'est un texte de théâtre avec de très longs monologues comme j'aime.
Il a été monté par Stanislas Nordey et a  été présenté à Avignon cette année dans la Cour d'Honneur. Je ne l'ai pas vu, hélas mais j'espère me ratraper dans l'année.
Beaucoup plus concret que Par une nuit obscure...

Je vais pouvoir profiter du spectacle à Reims cette saison   Ils ont d'ailleurs une super programmation avec Martin Crimp et Maeterlinck entre autres.

coline a écrit:

églantine a écrit:

Et ton commentaire Coline me donne envie de continuer ma découverte de cet écrivain "atypique" : ma lecture de "La femme gauchère " est encore très présente en moi ......

Je vais po
Cela ne m'étonne pas...Je pense que celui-ci va me marquer aussi...

J'ai lu également Par les villages ces derniers temps. C'est un texte de théâtre avec de très longs monologues comme j'aime.
Il a été monté par Stanislas Nordey et a  été présenté à Avignon cette année dans la Cour d'Honneur. Je ne l'ai pas vu, hélas mais j'espère me ratraper dans l'année.
Beaucoup plus concret que Par une nuit obscure...

Je vais pouvoir profiter du spectacle à Reims cette saison   Ils ont d'ailleurs une super programmation avec Martin Crimp et Maeterlinck entre autres.

Marko a écrit:

coline a écrit:

églantine a écrit:

Et ton commentaire Coline me donne envie de continuer ma découverte de cet écrivain "atypique" : ma lecture de "La femme gauchère " est encore très présente en moi ......

Je vais po
Cela ne m'étonne pas...Je pense que celui-ci va me marquer aussi...

J'ai lu également Par les villages ces derniers temps. C'est un texte de théâtre avec de très longs monologues comme j'aime.
Il a été monté par Stanislas Nordey et a  été présenté à Avignon cette année dans la Cour d'Honneur. Je ne l'ai pas vu, hélas mais j'espère me ratraper dans l'année.
Beaucoup plus concret que Par une nuit obscure...

Je vais pouvoir profiter du spectacle à Reims cette saison   Ils ont d'ailleurs une super programmation avec Martin Crimp et Maeterlinck entre autres.

Je crois que j'irai le voir à Bourges.
Beau programme pour Reims!

A voir de plus près, on discerne bien dans l'oeuvre de Handke une grande recherche spirituelle. Elle se nourrit, dans toutes oppositions encore possible, finalement et certainement aussi et souvent dans une spiritualité chrétienne, sans par le dire, vouloir le récupérer! Le titre alors fait référence au poème central de Saint Jean de la Croix, un des plus grands mystiques et poètes chrétiens. Poème si beau que j'ose le citer ici en partie:

"Par une nuit obscure, ardent d'un amour plein d'angoisse, Par une heureuse fortune, je sortis sans être vu, Ma maison étant désormais dans la paix. Au sein de la nuit bénie, en secret, Car nul ne me voyait, ni moi je ne voyais rien, Sans autre lueur ni guide hors celle qui brûlait en mon cœur. Et celle-ci me guidait, plus sûre que la lumière de midi Où Celui-là m'attendait que je connaissais déjà. O nuit, toi qui m'as guidé. O nuit plus belle que l'aurore, O nuit, toi qui as uni l'Aimé avec son aimé, L'aimé en son Aimé transformé."

tom léo a écrit:

A voir de plus près, on discerne bien dans l'oeuvre de Handke une grande recherche spirituelle. Elle se nourrit, dans toutes oppositions encore possible, finalement et certainement aussi et souvent dans une spiritualité chrétienne, sans par le dire, vouloir le récupérer! Le titre alors fait référence au poème central de Saint Jean de la Croix, un des plus grands mystiques et poètes chrétiens. Poème si beau que j'ose le citer ici en partie:

"Par une nuit obscure, ardent d'un amour plein d'angoisse, Par une heureuse fortune, je sortis sans être vu, Ma maison étant désormais dans la paix. Au sein de la nuit bénie, en secret, Car nul ne me voyait, ni moi je ne voyais rien, Sans autre lueur ni guide hors celle qui brûlait en mon cœur. Et celle-ci me guidait, plus sûre que la lumière de midi Où Celui-là m'attendait que je connaissais déjà. O nuit, toi qui m'as guidé. O nuit plus belle que l'aurore, O nuit, toi qui as uni l'Aimé avec son aimé, L'aimé en son Aimé transformé."

Voilà ce que je cherchais...Merci Tom Léo. C'est magnifique en effet!

interview lors de la parution de deux nouveaux livres en français de lui:

"Donner le Nobel à des écrivains est une farce grotesque"

Citation :

Je ne suis pas vraiment un romancier, mes intrigues m'échappent. Elles s'enfuient ou s'enfouissent. Je suis plutôt un prosateur lyrique. Avec des moments dramatiques. La littérature, à mes yeux, c'est l'aventure du langage, du langage qui s'incarne dans le sacré de la vie. Je ne recherche pas la pensée, mais la sensation. Disons que je suis un penseur de l'instantané. J'essaie de retrouver cette sorte d'allégresse propre aux récits fabuleux du Moyen Age, où à chaque page se dévoilait une surprise, dans l'imprévisible désordre des heures tournées et du chemin parcouru. J'y suis sans doute encouragé par le fait qu'en vieillissant je ne coupe plus mes textes, j'ajoute toujours, et ça finit par devenir épique. Un peu comme le "Peer Gynt" d'Ibsen.

Citation :

Les Nobel scientifiques, je veux bien. Mais il faudrait abolir celui qu'on donne aux écrivains, c'est une farce grotesque ! Tenez, je propose qu'on l'attribue au poète Adonis, pour qu'il s'achète à Courbevoie l'appartement de ses rêves. Et on s'arrêterait là-dessus: ça ferait deux grands services rendus à la littérature !

source et suite

une petite piqûre de rappel !! je renote cet auteur ! merci kena !