Friedrich Dürrenmatt [Suisse]

colimasson a écrit:

La promesse de Dürrenmatt est imbriquée ; peut-être parce qu’il n’en a pas lui-même, il nous livre ici celle de l’inspecteur Matthieu.

Euh... tu sais, l'inspecteur Matthieu, c'est Dürrenmatt qui l'a créé. Du coup, la promesse de Matthieu, c'est quand même celle de Dürrenmatt, non ? Je ne comprends pas bien ta phrase.

colimasson a écrit:

Toute enquête policière, tout mystère juridique, poursuit un achèvement symbolique. L’histoire édifiante prend alors la forme d’une maxime. On appréciera d’autant mieux l’histoire que le chemin pour conduire au symbole voire le symbole lui-même seront percutants.

Justement, Dürrenmatt a voulu montrer que ce n'était pas toujours le cas. Et que la fiction policière n'est généralement pas comme la réalité (il n'y a pas forcément d'achèvement symbolique). C'est un "Requiem pour le roman policier" (le sous-titre du livre). De plus, parfois, une fin ouverte est plus forte qu'une fin percutante (une fin percutante, ça marque la limite d'un livre : le livre est fini, plus besoin de revenir dessus ; alors qu'une fin en suspens... on laisse un homme à moitié fou, détruit, sur le bord du chemin...). Enfin, ça dépend du genre de romans (thriller ou autre).

colimasson a écrit:

En nous rappelant sans cesse quelle orientation aurait pris un roman policier classique, et en se persuadant que la Promesse ne correspond pas à ce schéma, tout facteur de surprise disparaît.

A partir du moment où il a en quelque sorte commencé par la fin (puisqu'on a vu le vieil homme, et qu'on nous raconte son histoire), Dürrenmatt ne mise pas sur la surprise. Ce n'est pas le but du livre, puisque justement il y critique le roman policier classique et ses ficelles, ses conventions... roman policier classique qui, lui, comporte généralement une surprise finale (oh ! ça alors, le coupable est celui que je soupçonnais le moins, quelle surprise !).

colimasson a écrit:

Si l’art de l’écrivain doit s’atténuer au profit d’un plus grand réalisme, la Promesse doit alors se constituer en reflet de la platitude même de l’existence quotidienne dont la longueur des attentes, et la monotonie des évènements, nous sont sans cesse rappelées.

C'est en rappelant sans cesse que l'on ressent mieux la monotonie, non ? Ce n'est pas simplement en disant que du temps passe que le lecteur le ressent vraiment. Il veut montrer ce qu'est vraiment une enquête : beaucoup de temps passé, parfois pour rien. On cherche, on cherche... Ce n'est pas 24 Heures chrono, plutôt The Wire.

colimasson a écrit:

Telle était la promesse du livre...

Citation :

« Opter pour la folie en guise de méthode, c’est peut-être assez héroïque et c’est certainement très courageux, je l’admets volontiers, puisque tous les excès ont quelque chose d’impressionnant de nos jours ; mais si jamais cette méthode manque son but, si elle ne vous conduit pas au résultat visé, alors, je le crains fort, il ne vous restera que la folie elle-même ! »

...mais l'impression que Dürrenmatt s'est éclipsé avant de l'accomplir.


photo de Noah Doely

Mais l'homme qui consacre sa vie à son objectif, qui se sacrifie lui-même et est prêt à sacrifier les autres, qui fait un pari presque insensé pour tenir une promesse, eh bien, on peut dire que les ces excès ont quelque chose d'impressionnant, non ? Que peut-on faire de plus que se sacrifier soi-même et les autres et sombre dans une obsession destructrice ?
Il y a une sorte de vertige ironique, à la fin.

pas qu'à la fin.

héhé, je ne savais pas trop comment tourner les choses... mais moi aussi j'ai apprécié La promesse (et les autres)   

eXPie a écrit:

colimasson a écrit:

La promesse de Dürrenmatt est imbriquée ; peut-être parce qu’il n’en a pas lui-même, il nous livre ici celle de l’inspecteur Matthieu.

Euh... tu sais, l'inspecteur Matthieu, c'est Dürrenmatt qui l'a créé. Du coup, la promesse de Matthieu, c'est quand même celle de Dürrenmatt, non ? Je ne comprends pas bien ta phrase.

Mais il n'y a pas d'autre promesse et je trouve cela décevant.

Citation :

Mais l'homme qui consacre sa vie à son objectif, qui se sacrifie lui-même et est prêt à sacrifier les autres, qui fait un pari presque insensé pour tenir une promesse, eh bien, on peut dire que les ces excès ont quelque chose d'impressionnant, non ? Que peut-on faire de plus que se sacrifier soi-même et les autres et sombre dans une obsession destructrice ?
Il y a une sorte de vertige ironique, à la fin.

J'en suis restée loin et ce sacrifice m'a semblé plus abstrait que tragique. Tes répliques à mon avis largement blasé sont justifiées et je les comprendrais parfaitement si je m'étais sentie aspirée par l'histoire -ce qui n'est pas le cas. Pas d'affinité entre ce livre et moi, je fais peut-être preuve d'un peu de mauvaise foi en essayant de lui trouver des défauts alors qu'il y a seulement une rencontre manquée.

colimasson a écrit:

J'en suis restée loin et ce sacrifice m'a semblé plus abstrait que tragique. Tes répliques à mon avis largement blasé sont justifiées et je les comprendrais parfaitement si je m'étais sentie aspirée par l'histoire -ce qui n'est pas le cas. Pas d'affinité entre ce livre et moi, je fais peut-être preuve d'un peu de mauvaise foi en essayant de lui trouver des défauts alors qu'il y a seulement une rencontre manquée.

La mauvaise foi, c'est quelque chose que je pratique de temps en temps...   

L'absence d'affinités avec un auteur ou un livre, ça arrive... (je le vis en ce moment avec Taeko Kono). Et c'est parfois inexplicable.

Tu brilles à déceler la mauvaise foi !
Et pourtant, il me semblait avoir bien aimé la Visite de la vieille dame de Dürrenmatt... quoiqu'en y repensant, je ne m'en souvienne plus du tout.

Mardi prochain je reverrai La Visite de la vieille dame au théâtre. Je suis curieuse de savoir comment les acteurs et le metteur en scène présentent la pièce aujourd'hui.

" Le monde a fait de moi une pute, aujourd'hui je le transforme en maison close."

Maline a écrit:

" Le monde a fait de moi une pute, aujourd'hui je le transforme en maison close."

C'est Dürrenmatt ou c'est tiré de la pièce ?

Ça me ferait une Magnifique Signature !

Queenie a écrit:

Maline a écrit:

" Le monde a fait de moi une pute, aujourd'hui je le transforme en maison close."

C'est Dürrenmatt ou c'est tiré de la pièce ?

Ça me ferait une Magnifique Signature !

C'est une citation de Dürrenmatt et elle est tirée de la pièce.
Claire Zachanassian : „Die Welt machte mich zu einer Hure, nun mache ich sie zu einem Bordell.“ (Verlag der Arche, 1956, page 69) [La traduction est de moi.]

D'acc !

J'aime bien aussi...

Terminé "La mission" : Je dois être un peu ramollo du cerveau en ce moment , je n'ai pas trouvé de cohérence dans ce roman et même si des bribes de réflexions philosophiques très pertinentes m'ont aidée à venir à bout , je dois avouer que ce fut laborieux ....! Cette histoire vaguement  policière ,qui se perd dans des méandres nébuleux , voulant entrainer le lecteur dans un gouffre d'absurdité abyssale a failli avoir raison de ma santé mentale !   
Une LC aurait été intéressante : face à un texte aussi abscons , ça aurait pu m'apporter un peu de lumière et de motivation aussi pour affuter mes neurones , d'autant plus que je dois admettre que j'ai éprouvé à certains moments une sorte de fascination ....
Porté à l'écran pourtant  , ça pourrait être magique et porteur de beaux messages( qui nourrissent cette oeuvre mais mal intégrés dans une intrigue qui passe mal à l'écrit  ! )
Réaction fortement ambivalente de ma part : je vais continuer avec cet auteur qui m'intrigue et il n'est pas impossible que je relise "La mission" , plus armée pour appréhender ce roman déroutant !

(je suis en manque).

tente peut-être un truc comme La Panne ou La Promesse ?

J'ai également découvert Dürrenmatt avec La Mission qui reste un sommet bizarre de la littérature (mais tu as raison églantine d'imaginer le relire dans quelques temps, cela me démange parfois). La Panne est une excellente proposition pour poursuivre avec cet auteur (et une vraie intrigue). Je n'oublie pas de mon côté La Promesse...

shanidar a écrit:

La Mission qui reste un sommet bizarre de la littérature

C'est exactement ça !   
J'ai Justice dans ma PAL je crois  .....donc je continuerai par celui-là !