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| Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] | |
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animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Dim 13 Juin 2010 - 22:15 | |
| Aline - quatrième de couverture a écrit:
- L'amour qui se plaît à unir les contraires, jette l'un vers l'attire Aline, la sage jeune fille, et julien Damon, le coq du village. Mais chez Julien l'amour passe vite tandis que chez Aline, il grandit jusqu'à la passion, jusqu'au drame...
Grâce à la vigoureuse magie d'une langue simple, d'un style abrupt mais d'une étrange puissance d'évocation, Ramuz s'affirme, dès ce roman de jeunesse, le peintre magistral des plus humbles registres du cœur. Précédé d'une lettre à l'éditeur à l'occasion de la réédition, toute en modestie et en humour (qui fausserai un peu la modestie, juste ce qu'il faut ?). Ramuz avant l'hallucination collective, il ne resterait que le drame individuel. C'est qu'on peut essayer d'imaginer avec nos petits moyens en prenant l'œuvre à rebours. Est-il possible de suivre une histoire si simple ? Où peut-aller une aussi simple histoire de simple amour ? Pour le savoir il faut se sentir "déplacé" ( ?) par le récit si simple, si épuré, d'un si grand sentiment. En écartant tout, en s'en tenant à une si entière nudité du sentiment il nourrit ce qui est le sentiment conducteur de ce petit livre. Un mouvement du cœur loin de toute mièvrerie, qui prend son temps mais ne se révèle pas moins dans le tragique. ça tourne mal, puis pire. Mais le sentiment reste, non plus l'amour qu'Aline pourrait porter à Julien, mais le sentiment existe par lui même. Ce n'est même pas une hallucination individuelle. Et puis Ramuz est aussi un critique sévère de ces réactions de village, et si les choses, les hommes, les femmes, la vie était autrement, plus simple... ne peut-on s'empêcher de penser. Le pire se déroule, inévitablement, dans une langue minutieuse, une grande attention à ne rien gâcher de plus. Une écriture qui manifeste une puissance tranquille, une lente contemplation hantée de cet inévitable. Seulement le malheur, et quel malheur, la critique ne sont pas la finalité de ces mots patients. Plus loin et tout autour il y a ce grand mouvement qui est offert, comme le seul refuge qu'on puisse donner, modestement, aux peines, aux personnes, à Aline, à sa mère si dure... et à tous les autres peut-être. LE grand mouvement de Ramuz, un grand mouvement de temps et de lumière, le grand mouvement dans lequel votre âme se pose le temps de la lecture et ne vous quitte plus vraiment ensuite. Comme si Ramuz avant d'avoir développé toutes ses formes savaient déjà, un grand retour déjà effectué, pour donner et rendre, en mettant soigneusement de côté le superflu. Si peu de choses pour un tel ébranlement. Et quel force, quels sentiments restent en vous avec pareille lecture... | |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Lun 14 Juin 2010 - 11:40 | |
| J'aime beaucoup ce petit livre qui nous serre le coeur proche d'une réalité qui mêle à la fois le bohneur d'un amour naissant et puis l'injustice, la méchanceté,le rejet, la solitude, l'égoisme. extrait du journal. - Citation :
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Journal, «11 août 1904» : «Je travaille chaque jour huit heures. J’ai terminé la première rédaction d’Aline ; je la reprends ; je récris presque tout. J’avance sans plaisir ; je ne suis satisfait de rien.
Journal,«13 septembre 1904» : «Terminé Aline ; soupir de soulagement, mais mélancolique : le sort de toute espèce d’œuvre commence du moment où elle existe pour elle-même, étant achevée et par là douée de vie ; je crains que cette vie ne soit bien frêle et de surface ; je doute de moi-même plus que jamais ; je m’estime moins que rien. Voilà pourquoi je considère mon papier avec tant de tristesse ; et quand j’eus écrit le mot fin, j’avais envie de pleurer comme une petite fille qui a fait une tache sur sa page d’écriture. Si j’étais parfaitement indépendant, j’enfermerais Aline dans un fond de tiroir ; je ne le peux pas ; les circonstances sont quelquefois cruelles : je dois chercher à affronter le public avec ce petit livre, heureusement qu’il n’y aura presque personne pour le lire.
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| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Lun 14 Juin 2010 - 11:54 | |
| Animal j'ai une petite question au sujet des dialogues entre les personnages, est-ce que ça te dérange quand Ramuz fait parler quelqu'un et qu'à la fin de la phrase il écrit - il dit - et ensuite quand la personne répond Ramuz écrit - il répondit - Parce que on sait bien qui sait qui parle pas besoin de le préciser, des fois ça m'énerve parce que je me concentre sur ce détail inutile. Et toi tu fais attention à ça ou tu n'y pense pas. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Lun 14 Juin 2010 - 13:25 | |
| j'ai remarqué un changement d'espèce d'arbre sur la fin (un effet de version remaniée ?) dans Aline mais je n'ai pas non plus tiqué sur cette manière. je dois prendre ça dans le rythme du texte et l'organisation mouvante entre l'idividuel et le collectif avec en plus des "on" qui naviguent entre les deux. Une forme d'insistance sur une sorte d'isolement ? | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Lun 14 Juin 2010 - 13:51 | |
| Je vous lis attentivement et j'ai bien envie de vous rejoindre dans ces lectures. Je suis très tenté par le sujet de Joie dans le ciel. Vous l'avez lu? Je n'ai pa su le trouver sur le fil... - Citation :
- Les habitants d'un village vaudois ressuscitent et regagnent leurs maisons, remises à neuf. Adèle, retrouve, son bâtard, qu'elle avait, dans une autre vie, noyé dans la rivière ; l'aveugle voit ; l'amputé marche. L'oppression, l'argent n'existent plus. Ramuz chante un monde rustique, idéal et transparent, d'où le temps s'est absenté... Mais comme il n'y plus de passé, plus d'avenir, il n'y a plus de souvenirs, plus de projets. Bientôt, l'ennui mord les âmes. Il faudra que l'infernale cohorte des punis, restés dans leur tombeaux et qui veulent s'en évader, revienne menacer le village pour que ses habitants mesurent enfin leur félicité. Le message de l'auteur est clair comme ses mots, violent comme ses images : pas de bonheur, pas d'éternité sans souvenir du mal.
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| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Lun 14 Juin 2010 - 16:45 | |
| - animal a écrit:
- j'ai remarqué un changement d'espèce d'arbre sur la fin (un effet de version remaniée ?) dans Aline mais je n'ai pas non plus tiqué sur cette manière. je dois prendre ça dans le rythme du texte et l'organisation mouvante entre l'idividuel et le collectif avec en plus des "on" qui naviguent entre les deux. Une forme d'insistance sur une sorte d'isolement ?
Comme tu dis il faut passer dessus sans y faire trop attention, pourtant c'est le seul reproche que je fais à Ramuz parce que des fois je fais une fixation juste sur ce détail et il m'est arrivé que ça m'agasse, enfin comme je les ai tous lu maintenant y plus de problème, je voulais juste avoir ton avis Quand à l'emploi du -on- moi j'aime bien vu que même dans mes conversations il m'arrive d'employé souvent le on à la place du je. C'est un des trucs qui fait le plus débat et qui est le plus commenté cet emploi du on pour qui découvre Ramuz A mon grand étonnement. | |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Lun 14 Juin 2010 - 17:01 | |
| - Marko a écrit:
- Je vous lis attentivement et j'ai bien envie de vous rejoindre dans ces lectures. Je suis très tenté par le sujet de Joie dans le ciel. Vous l'avez lu? Je n'ai pa su le trouver sur le fil...
- Citation :
- Les habitants d'un village vaudois ressuscitent et regagnent leurs maisons, remises à neuf. Adèle, retrouve, son bâtard, qu'elle avait, dans une autre vie, noyé dans la rivière ; l'aveugle voit ; l'amputé marche. L'oppression, l'argent n'existent plus. Ramuz chante un monde rustique, idéal et transparent, d'où le temps s'est absenté... Mais comme il n'y plus de passé, plus d'avenir, il n'y a plus de souvenirs, plus de projets. Bientôt, l'ennui mord les âmes. Il faudra que l'infernale cohorte des punis, restés dans leur tombeaux et qui veulent s'en évader, revienne menacer le village pour que ses habitants mesurent enfin leur félicité. Le message de l'auteur est clair comme ses mots, violent comme ses images : pas de bonheur, pas d'éternité sans souvenir du mal.
Ah c'est un des Ramuz les plus border line si j'ose m'exprimer ainsi, c'est pas le plus facile à lire on est en pleine métaphysique, il fait partie des romans comme Présence de la mort ou Ramuz décrit la société (les individus) avec ses contradictions, les peurs sans les affronter, le bien et le mal, et il montre la capacité d'adaptation de l'homme dans son environnement Ce n'est pas une lecture facile, mais par curiosité tu peux essayer. Je laisse Ramuz expliquer février 1925» : «Quant au sens du livre puisqu’il ne semble pas qu’on l’ait distingué, il faudrait faire une petite préface où on dirait que c’est un simple traité de théologie appliquée […], avec l’idée d’en dessous qu’il est impossible à l’homme de sortir de son relativisme, d’où la nécessité de rétablir le mal en présence du bien, même sur le plan absolu – et l’idée de plus dessous (qui est la mienne), que notre <relatif> est parallèle à l’absolu, qu’il en est la fidèle image.Mais surtout ne rien expliquer, et quand j’ai récrit ce livre et que je me suis trouvé en présence de deux solutions : expliquer davantage ou expliquer moins encore, c’est la seconde que j’ai choisie d’instinct, bien entendu. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Lun 14 Juin 2010 - 21:12 | |
| - rivela a écrit:
- Quand à l'emploi du -on- moi j'aime bien vu que même dans mes conversations il m'arrive d'employé souvent le on à la place du je.
C'est un des trucs qui fait le plus débat et qui est le plus commenté cet emploi du on pour qui découvre Ramuz A mon grand étonnement. oui c'est des choses qui arrivent l'emploi du on, c'est assez amusant parce que c'est le sujet d'un article du bulletin n°30 de l'association des amis de Ramuz (le seul que j'ai lu pour le moment, d'ailleurs j'avais dit que j'y reviendrai), autour d'une petite nouvelle La foire. C'est amusant car ça glisse tout naturellement à la lecture et il est vrai que ce n'est pas toujours définitif à interpréter et que ça participe beaucoup à son univers. | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Jeu 8 Juil 2010 - 11:48 | |
| A la demande d'animal, je laisse une trace de ma lecture de Ramuz sur son fil Derborence Antoine est parti avec Séraphin sur les alpages de Derborence pour la longue saison estivale. Il se languit de Thérèse, sa jeune épouse, la jeune fille qu'il a pu épouser grâce au plaidoyer de Séraphin. Thérèse, si belle, qu'il lui tarde de retrouver. D'ailleurs, Séraphin lui a permis d'aller la retrouver, le temps d'une escapade de quelques jours, bientôt, très bientôt. La montagne est impressionnante tant par son étrange silence nocturne qui magnifie le pétillement et les craquements du feu que par son immensité grandiose, géant endormi ou diable attendant son heure. Derborence, son nom sonne comme un espoir ténu ou une tristesse subtile; Derborence, combe au pied d'un glacier, celui des Diablerets, qui résonne, de temps à autre, de roulements sourds, comme si les diablotins de ses entrailles jouaient au palet, histoire de faire frémir et frissonner les pâtres des estives. Le ciel nocture, d'une intense pureté, poudroie de son lent ballet d'étoiles, petites veilleuses au coeur d'une nuit aux bruits cristallins venant danser contre les parois de la montagne, enchantements qui fascinent et engendrent la sensation d'être tellement insignifiant que cela en devient angoissant.Antoine s'endort, après le chant du feu, ses pensées volant auprès de sa Thérèse que bientôt il étreindra....le sommeil étouffe le roulement d'un palet perdu par ces diablotins moqueurs, le grondement s'amplifie, la montagne tremble pour doucement, ironiquement, se détacher pour sombrer sur les estives endormies: la combe se remplit de rocs, de roches, de moraines disloquées,devenant un implacable linceul minéral. En bas, on a cru à un orage sec, on s'est réveillé puis recouché, l'esprit préoccupé, la peur au ventre: comment cela se passe-t-il pour ceux de là-haut? Le lendemain, un silence envahit le village, des hommes, les rares valides restés en bas, montent vers Derborence, aux nouvelles: ils croisent un jeune garçon courant comme s'il avait le diable à ses trousses, l'inquiétude monte d'un cran tandis que l'espoir lentement se lézarde lorsqu'un groupuscule de rescapés descend, chargé d'une civière. Au bout du chemin menant à Derborence, un chaos minéral accueille les éclaireurs: ceux de là-haut sont ensevelis sous des tonnes de blocs montagneux, ceux de là-haut ne sont plus que des âmes errantes, ceux de là-haut ne rentreront jamais, fantômes blancs hantant une montagne qui n'est plus. Sept semaines plus tard, alors que Thérèse découvre qu'elle est enceinte, une silhouette perturbe le deuil du village, rallumant l'inquiétude de tous. Cette silhouette s'avère être celle, amaigrie, pâle, d'Antoine, survivant inespéré du chaos minéral, rescapé grâce à un miracle, du pain et des fromages, pauvre hère à la rage de vivre qui rampa sous l'amas de rocs jusqu'à l'air libre, une évasion lente et pugnace...comme la vie, comme l'appel de la liberté. Commence alors le lent retour à la vie et à la douceur de l'amour d'un Antoine qui ne peut accepter que Séraphin n'ait pas eu la même chance que lui. Il part vers le lieu du drame pour chercher Séraphin, suivi d'une Thérèse espérant le ramener à elle, à l'enfant qu'elle porte, à la vie.Cette chronique villageoise est un vrai délice à lire, à déguster lentement, au rythme de la marche en montagne, au rythme du règne minéral dans lequel l'homme ou l'animal ne sont qu'un point anecdotique, des virgules que l'on peut, très vite, oublier. Ramuz raconte les montagnards, leurs croyances, leurs coutumes, tantôt avec drôlerie, où une pointe de burlesque apparaît (la "chasse" au fantôme avec une pétoire antédiluvienne est vraiment comique), tantôt avec gravité lorsque la catastrophe apporte désespérance due au drame qui s'est abattu sur le village. Le tragique côtoie le cocasse, deux aspects de la vie rude d'un monde rural, fermé sur lui-même, entouré d'une verticalité, celle des montagnes, inquiétante, oppressante comme peut l'être la sensation d'une présence maléfique: la montagne est, certes; majestueuse, sublime, généreuse, mais aussi inquiétante, sournoise, inhospitalière et dangereuse. Cette montagne, personnage centrale de "Derborence", personnage muet mais actif, silencieux mais cependant bruyant par le fracas des moraines qui s'écroulent et deviennent linceul, personnage ambivalent offrant des pâturages riches aux bêtes et une subsistance aux hommes, apportant mort et superstition alimentant contes, légendes et peurs. Ces aspects antagonistes sont d'autant plus forts que le style de Ramuz est simple, même si ses descriptions sont longues, riches d'adjectifs et d'adverbes alourdissant la prose (à l'image d'une minéralité dense et étouffante), se calquant sur la langue quotidienne des montagnards (la syntaxe est souvent malmenée...pour notre plus grand plaisir). Au gré des descriptions, des courts dialogues, Ramuz tricote une histoire (inspirée d'un fait réel, l'éboulement de 1714 qui ravagea Derborence) où la tension monte au fil des pages, essoufflant le lecteur d'appréhension, organisant son récit en utilisant l'imprévisibilité de la montagne comme moteur d'une narration qui happe ce dernier dans un tourbillon de sensations et d'émotions...brutes, sauvages et d'une grande beauté, replaçant l'homme à une juste place: celle d'un être minuscule devant la grandeur d'une nature verticale, déroutante, indomptable et imprévisible."Derborence" est aussi une très belle histoire d'amour, un étrange requiem pour la vie, celle qui fait battre le coeur, celle qui grandit dans un ventre maternel, celle qui, au final, est toujours en lice dans la grande course des cycles de la nature. "C'est un homme avec une femme./ Les cinq qui étaient là avaient en face d'eux la montagne avec ses murailles et ses tours; et elle est méchante, elle est toute-puissante, mais voilà qu'une faible femme s'est levée contre elle et qu'elle l'a vaincue, parce qu'elle aimait, parce qu'elle a osé.Elle aura trouvé les mots qu'il fallait dire, elle sera venue avec son secret; ayant la vie en elle, elle a été là où il n'y avait plus la vie; elle ramène ce qui est vivant du milieu de ce qui est mort." (p 228) | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Jeu 8 Juil 2010 - 11:51 | |
| Morceaux choisis "Derborence"
"Ce fut tout ; il s'était tu. Et, à ce moment-là, Séraphin s'étant tu également, on avait senti grandir autour de soi une chose tout à fait inhumaine et à la longue insupportable : le silence. Le silence de la haute montagne, le silence de ces déserts d'hommes, où l'homme n'apparaît que temporairement : alors, pour peu que par hasard il soit silencieux lui-même, on a beau prêter l'oreille, on entend seulement qu'on n'entend rien. C'était comme si aucune chose n'existait plus nulle part, de nous à l'autre bout du monde, de nous jusqu'au fond du ciel. Rien, le néant, le vide, la perfection du vide ; une cessation totale de l'être, comme si le monde n'était pas créé encore, ou ne l'était plus, comme si on était avant le commencement du monde ou bien après la fin du monde. Et l'angoisse se loge dans votre poitrine où il y a comme une main qui se referme autour du cœur." (p 17)
"Heureusement que le feu recommence à pétiller ou c'est une goutte d'eau qui tombe, ou c'est un peu de vent qui traîne sur le toit. Et le moindre petit bruit est comme un immense bruit. La goutte tombe en retentissant. La branche mordue par la flamme claque comme un coup de fusil ; le frottement du vent remplit à lui seul la capacité de l'espace. Toute espèce de petits bruits qui sont grands, et ils reviennent ; on redevient vivant soi-même parce qu'eux-mêmes sont vivants." ( p17 et 18)
"Derborence, le mot chante triste et doux dans la tête pendant qu'on se penche sur le vide, où il n'y a plus rien, et où on voit qu'il n'y a plus rien.
C'est l'hiver au-dessous de vous, c'est la morte-saison tout au long de l'année. Et si loin que le regard porte, il n'y a plus que des pierres et des pierres et toujours des pierres. Depuis deux cents ans à peu près. Seul, quelquefois, un troupeau de mouton se montre dans ces solitudes, à cause d'un peu d'herbe qui y pousse, là où la roche lui laisse la place de percer; il y erre longuement comme l'ombre d'un nuage. Il fait un bruit comme celui d'une grosse averse quand il se déplace. Il fait, quand il broute, un bruit comme celui des toutes petites vagues qui viennent, les soirs de beau temps, à coups rapides et rapprochés, heurter la rive. la mousse, d'un pinceau lent et minutieux, a peint en jaune vif, en gris sur gris, en toute sorte de verts, les plus gros des quartiers de roc; ils nourrissent dans leurs fissures plusieurs espèces de plantes et de buissons, airelle, myrtille, épine-vinette, aux feuilles dures, aux fruits ligneux, qui tintent dans le vent doucement comme des clochettes." (p 230 et 231) | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Mer 28 Juil 2010 - 22:37 | |
| Le village dans le montagne
préf. de Christian Morzewski, édition Les Amis de Ramuz (<- c'est trop beau !)
Très intéressante et engageante préface qui outre quelques éclairages sur l'écriture et les thématiques chères à l'auteur expose la conception du livre. Il s'agit d'un ouvrage de commande pour l'éditeur Payot, un livre d'art sur le Valais, la vie des montagnards. Ramuz travaille avec le peintre Edmond Bille. L'ouvrage répondra au cahier des charges mais sera aussi la vision ramuzienne d'une découverte de ce pays et de ces habitants. Le livre est présenté comme l'apparition des fondations des œuvres qui suivront.
Une année du printemps à l'hiver de la vie d'une petite communauté villageoise pauvre et besogneuse sur les pentes de la grande montagne. Un suivi chronologique des saisons qui balayent les activités de ses paysans, les coutumes du terroir et... Ramuz s'acquitte des contraintes de la commande pour peindre son univers ou l'univers tel qu'il s'impose de le traduire... on glisse donc très facilement vers la description habitée d'un paysage qui naturalise ou justifie l'humanité de ces gens qui l'occupe. Et les spécificités de village deviennent celles de chacun. Avec beaucoup d'attention et de tendresse pour ces gens rudes, austères, courageux et pétris de croyances. Admiration aussi certainement sans pour autant cacher leurs travers, leur sévérité.
Cette optique donnerai déjà une lecture très riche, instructive (on apprend une foule de chose sur les travaux et pratiques ; irrigation, enterrement, élevage, vie en communauté, ... ) et très belle, avec une légère retenue la plus puissance tellurique de Ramuz est bel et bien là. Mais la thématique particulière et l'étude à une époque charnière (parution en 1908) posent aussi l'auteur à un carrefour significatif et indissociable (ptet ben) de son style entre la tradition et la modernité. Toute cette vie qui se coule, comme un fleuve, dans le moule des montagnes et des saisons, vie changeante individuelle et collective est exprimée par une écriture qui derrière sa territorialité et ses attachements revendiqués pourrait bien être d'une très troublante modernité, la modernité débarrassée de ses artifices. L'écriture cinématographique pour l'émotion quelle suscité plutôt que pour l'effet cinématographique, l'incessante rémanence ramuzienne : le rester là quand les autres vont et être avec eux quand même. Le regard presque amoureux de l'auteur.
La traduction magnifique d'une vision complète, le choix concret de la présence, l'actualité pénétrante de l'ensemble et la grande beauté derrière les mots simples...
Le commentaire est léger mais la lecture est très grande, elle n'a pas d'autre temps que le sien propre. Et ce Village dans la montagne est une autre porte sur cette écriture particulière et réalisée (pas de cinéma mais une vraie écriture qui se réalise comme seule possibilité de son objet).
Avec en plus le contact du livre fait par les éditions du Lérot c'est un bonheur rare (les adeptes de beaux livres, vous pouvez vraiment faire l'effort). Et la lecture de Ramuz malgré de réelles inquiétudes c'est un immense apaisement.
Je serai curieux de voir une édition illustrée avec les 170 illustrations en couleur (dit www.fondation-ramuz.ch
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| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Jeu 29 Juil 2010 - 10:20 | |
| Je ne connais pas, juste une fois lu 2 pages en vitesse et j'ai pensé pas intéressant ce livre c'est juste une description de la vie de villageois dans leur quotidien (exercice des pompiers par ex.) donc un livre ou il n'y a pas d'histoires, pas d'intrigues, pas de drames, pas de début et de fin. Je me trompe ? ou c'est plus que ça. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Jeu 29 Juil 2010 - 10:28 | |
| - animal a écrit:
- Le village dans le montagne
La traduction magnifique d'une vision complète, le choix concret de la présence, l'actualité pénétrante de l'ensemble et la grande beauté derrière les mots simples...
Le commentaire est léger mais la lecture est très grande, elle n'a pas d'autre temps que le sien propre. Et ce Village dans la montagne est une autre porte sur cette écriture particulière et réalisée (pas de cinéma mais une vraie écriture qui se réalise comme seule possibilité de son objet).
Avec en plus le contact du livre fait par les éditions du Lérot c'est un bonheur rare (les adeptes de beaux livres, vous pouvez vraiment faire l'effort). Et la lecture de Ramuz malgré de réelles inquiétudes c'est un immense apaisement. Un livre pour s'apaiser et pour le plaisir du bel objet ... Comment résister? Animal le tentateur! | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Jeu 29 Juil 2010 - 13:37 | |
| - rivela a écrit:
- Je ne connais pas, juste une fois lu 2 pages en vitesse et j'ai pensé pas intéressant ce livre c'est juste une description de la vie de villageois dans leur quotidien (exercice des pompiers par ex.) donc un livre ou il n'y a pas d'histoires, pas d'intrigues, pas de drames, pas de début et de fin.
Je me trompe ? ou c'est plus que ça. c'est ça aussi mais il y a une très forte cohérence de l'ensemble et des personnages qui reviennent par moments comme Sidonie la jeune femme toujours pas mariée et c'est très vivant. Et la vie au rythme des saisons et des travaux des uns et des autres permet de dépasser l'effet succession de vignettes sans problème. (et qu'est ce que c'est pas moche). je ne sais pas trop à quelle fréquence peuvent spontanément se croiser ces éditions... retirages sur quelques centaines d'exemplaires). | |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Jeu 29 Juil 2010 - 16:15 | |
| Merci ça me rassure ton commentaire, j'y penserai sérieusement lors de ma prochaine visite à la librairie. | |
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| Sujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] | |
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| | | | Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] | |
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