Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]

on ne prononce pas le z. 

et ça a marché ton prosélytisme ?

Disons que ça a marché parce que ladite personne a noté sur un post-it. Mais je la vois deux fois par an, à chaque fois elle me demande scrupuleusement des conseils, parait emballée,  et à chaque fois elle n' a pas lu les conseils de l'année d'avant...Ca rend modeste  ! Mais peut-être sais-tu que le renoncement n’est pas ma caractéristique première!

héhé, et puis y a-t-il de bonnes raisons de renoncer dans ce genre d'entreprise ?  

animal a écrit:

tu mets le doigt à la fois sur la manque perçu de la grande peur et sur une des bases de Ramuz qui est le lien entre la communauté (et pas une communauté) et le monde ou la nature par l'intermédiaire souvent d'une croyance (donc le mélange d'habitude, de rite quotidien et de croyance proprement dite). Base sur laquelle il ajoute ou injecte l'individu et son pouvoir, à moins que ce ne soit une extraction ? Il me semble que c'est un des sens de sa modernité.
la grand peur on ne peut malheureusement la lire qu'en la cherchant effrayante alors que l'inquiétude, la grande inquiétude est peut-être ailleurs... il parvient souvent à dégager la plus belle grandeur de apparemment dérisoire ou banal (ou commun pour ne pas trop trahir le propos) en le traitant avec le plus grand respect et le plus grand sérieux.

J'ai lu la grande peur dans la montagnes il y a quelque années (3 ou 4 peut être). Ce que j'avais pris sur le coup comme un livre bien sympas, au final, il en resté quelquechose de plus fort. Le livre revient en échoe parfois, comme cet été, en vacances dans les alpes, y'a vraiment des moments, lorsque la grisaille frotte et cache les parois sombre du granite, que le silence se fait et que le froid nous mord, ou que l’eau se fracasse dans sa chute sur des rocher qu’on n’aperçoit même pas, mais d’où le son gronde en bas. La grande peur dans la montagne peut ouvrir les yeux sur une façon de  percevoir la montagne. (autre que tectonique des plaques et convexion du manteau sous la croute terrestre, téléphérique, WingSweeteur et alpiniste dans leur aire de jeux/d'épreuves)

J'aime bien la phrase d’Animal, sur une croyance comme lien entre une communauté (ou un être) et le monde.   En fait c’est ce qui m’a plus il me semble dans ce livre maintenant que je le vois exprimé. Le fait d’observer un bout de monde par l’intermédiaire des croyances des gens qui l’occupent,  et cela de l’intérieur et non pas de l’extérieur (dans le sens ou l’auteur par son écriture nous propulse dans ce monde de façon immersive). C’est un thème qui m’intéresse, et je venais lire un peu le fil de Ramuz car je suis en passe de peut être me plonger plus en avant dans son œuvre. J’hésite en ce moment entre lui et Bernanos. (j’irai voir celui de Bernanos tiens)

En tout cas la grande peur m’a fait l’impression d’être un  livre pouvant faire partie de l’œuvre plus totale d’un de ces écrivains qui nous donne a vivre un endroit par la fiction, cette limite que j’adore entre imaginaire et réelle, et qui me fait douter de la toute puissante exactitude de nos certitudes dans notre approche de la réalité.

L’ensemble des romans de Ramuz sont-ils "Fortement" connectés ? (je pense a une  oeuvre comme celle de Faulkner par exemple, ou chaque roman déploie une « aventure » prenant place dans un monde plus large : « Yopkanapatapha » (écrit au pif) où  une inertie se créer a chaque volume lu)

Je viens de commencer « La beauté sur terre »! Mais j'en suis au debut. Je n’ai pas encore lu tout le fil de Ramuz. je le ferai quand j'aurai fini le livre.

bonne lecture pia !

les romans sont-ils fortement connectés... en termes de personnages non. en termes de types de personnages (des plutôt innocents, des marginaux, ...) et parfois de lieux (rien qu'entre la montagne et le lac c'est vaste tout de même) plutôt oui mais sans que ce soit gênant. je crois que ce sont des éléments indépendants d'une œuvre cohérente et très définie mais pas non plus sans nuances ou évolutions.

j'imagine que si tu as apprécié La grande peur il y a de bonnes chances pour que tu te régales avec le reste.

avec la croyance comme lien va aussi la croyance en l'œuvre littéraire (sorte d'espace alternatif avec une capacité de réalité).


je prends autant mon temps à y revenir que je crève d'envie de le faire...

La grande peur dans la montagne

Une première rencontre avec RAMUZ pour moi aussi !
Tout d'abord , j'ai vite compris qu'il fallait que je" me décrispe" si je voulais partir là-haut , tout là haut et comprendre de quoi il retournait ! Car Ramuz fait fi de la syntaxe et des lois grammairiennes : il opte pour cette langue parlée issue du Pays Vaudois à une certaine époque , une "langue" usitée uniquement par ces gens du cru qu'il met en scène ; après "décrispation" , le charme agit !

Le charme de "ses contes et légendes d'autrefois" , racontées au coin du feu .....avec ses procédés narratifs redondants pour créer une athmosphère , retranscrire une ambiance .......et je me suis amusée à en lire quelques passages à haute voix et là j'ai senti que la clé résidait !

RAMUZ a écrit:

"Il faisait rose .Il faisait rose dans le ciel du côté du couchant .Quant on était au pied de l'église , on voyait que sa croix était noire dans ce rose .
En haut du grand clocher , il  avait le croix de fer ; d'abord elle a été noire dans le rose , ce qui faisait qu'on le voyait très bien , puis elle s'est mise à descendre .
On voyait la croix descendre , à mesure qu'on montait ; on l'a vue venir contre les rochers , le longs desquels elle glissait de haut en bas , elle est venue , ensuite , se mettre devant les forêts noires comme elle , et elle n'a plus été vue ".

Ce court passage en lecture silencieuse me parait hermétique , car l'écriture ne s'adapte pas à celle_ci : Dès lors que la musicalité des mots apparait , le sens du texte se réveille !
Et comme il s'en passe des choses dans cette montagne ......Les hommes n'y font pas loi :

RAMUZ a écrit:

"C'est que la montagne  a ses idées à elle , c'est que la montagne a ses volontés"

  

Dans un milieu aussi fermé et une nature aussi hostile , la conscience collective prend une dimension essentielle ! Alors dès lors que le danger guette l'équilibre fragile de ces "micro-sociétés" , c'est l'imaginaire qui prend le dessus lorsque la connaissance scientifique est absente !
C'est la naissance des superstitions , celles qui font briller les yeux des petits enfants lorsqu'ils écoutent ces histoires du temps passés dans nos campagnes , dans nos montagnes ....celles-là même qui terrorisaient les gens de terroir car témoignant toujours de malheur , famine et catastrophe !


Aujourd'hui encore , "cette grande peur dans la montagne" continue à exister .....autrement ....

Car les alpages existent toujours , les pierriers et glaciers aussi toujours aussi imprévisibles , les orages  qui pourraient faire croire à la colère d'un dieu....
et les maladies qui déciment un troupeau en quelques jours aussi !!!! (et dans le contexte Alpin , lorsque vous devez marcher plusieurs heures dans cette montagne aussi diabolique qu'enchanteresse pour retrouver la civilisation , c'est aussi tragique et angoissant ! ).....

Ce texte m'a parlé car je cotoie au quotidien ces rudes montagnards peu éloignés de ceux que nous décrit Ramuz ; quant à la trame romanesque : je l'ai vécue comme un prétexte pour parler de "ces gens de là-haut" et de leur enfermement dans cette montagne qui peut passer du rose .....au noir ..en quelques secondes , ne laissant aucune chance à celui qui n'a pas anticipé ou  aurait enfreint ses lois immuables .... je ne m'y suis pas attachée !
En revanche , j'ai eu un immense plaisir à me saisir de certains passages descriptifs  leur donnant vie avec la voix : c'était magique , j'entendais presque l'écho derrière ..........

Je pense continuer avec cet écrivain lentement mais sûrement  , adoptant le pas du montagnard ....et je suis sûre que la musique sera encore là ..... 

Beau commentaire Eglantine! Heureuse que, comme moi, tu aies aimé le livre! Je t'envie que tout cela soit si "proche" pour toi... j'adore la montagne!

églantine a écrit:

RAMUZ a écrit:

"Il faisait rose .Il faisait rose dans le ciel du côté du couchant .Quant on était au pied de l'église , on voyait que sa croix était noire dans ce rose .
En haut du grand clocher , il  avait le croix de fer ; d'abord elle a été noire dans le rose , ce qui faisait qu'on le voyait très bien , puis elle s'est mise à descendre .
On voyait la croix descendre , à mesure qu'on montait ; on l'a vue venir contre les rochers , le longs desquels elle glissait de haut en bas , elle est venue , ensuite , se mettre devant les forêts noires comme elle , et elle n'a plus été vue ".

Merci pour ton commentaire si personnel et évocateur Eglantine.

Si tu persistes dans le Ramuz, tu verras qu'il a une étonnante prédilection pour le rose. J'exagère à peine, mais rares sont les pages où il ne parvient pas à caser cet adjectif, à propos du paysage, d'un bâtiment, du ciel, d'un vêtement...Cette couleur délicate contraste assez avec un univers pour le reste parfois rude.

Il a peut-être été inspiré par sa propre maison aux murs roses et volets verts?

A moins que...  

Spoiler:

huhuhu.   

c'est vrai que ça revient souvent. quoique trouver des couleurs qui peuvent être vives et ou plus atténuées et jouer de contrastes avec une couleur différentes des plus élémentaires de la nature (bleu, vert, marron, noir, ... ?) ?

toujours est-il que des lecteurs contents, enchantés ? ça fait encore et toujours plaisir.   

Je vais faire un petit commentaire sur « La beauté de la terre ». églantine a déjà très bien dit ce que je voulais dire sur le monde de Ramuz. Je n’ai pas beaucoup à rajouter.

En effet comme tu dis églantine, Il faut se décrisper. Passer sur sa façon d’écrire tres particulière et qui doit ressembler au Vaudois d’autrefois (Je ne connais pas assez le pays Vaudois pour pouvoir le confirmer, je te fais confiance). Dans « La beauté de la terre » le monde de ses hommes repliés sur eux-mêmes, se suffisant à eux-mêmes se trouve chamboulé par une belle venant d’une contrée lointaine. Contrée dont il n’avait jamais entendu parler avant de la trouver sur une carte. Cette belle va en détruire quelques uns. Finalement après la gêne on se laisse prendre et on est ému par ces hommes, qui faisant face à une situation dont ils n’ont absolument pas l’expérience font des maladresses destructrices malgré leur bonne volonté rude et généreuse.

nezumi a écrit:

églantine a écrit:

RAMUZ a écrit:

"Il faisait rose .Il faisait rose dans le ciel du côté du couchant .Quant on était au pied de l'église , on voyait que sa croix était noire dans ce rose .
En haut du grand clocher , il  avait le croix de fer ; d'abord elle a été noire dans le rose , ce qui faisait qu'on le voyait très bien , puis elle s'est mise à descendre .
On voyait la croix descendre , à mesure qu'on montait ; on l'a vue venir contre les rochers , le longs desquels elle glissait de haut en bas , elle est venue , ensuite , se mettre devant les forêts noires comme elle , et elle n'a plus été vue ".

Merci pour ton commentaire si personnel et évocateur Eglantine.

Si tu persistes dans le Ramuz, tu verras qu'il a une étonnante prédilection pour le rose. J'exagère à peine, mais rares sont les pages où il ne parvient pas à caser cet adjectif, à propos du paysage, d'un bâtiment, du ciel, d'un vêtement...Cette couleur délicate contraste assez avec un univers pour le reste parfois rude.

Il a peut-être été inspiré par sa propre maison aux murs roses et volets verts?

A moins que...  

Spoiler:

animal a écrit:

huhuhu.   

c'est vrai que ça revient souvent. quoique trouver des couleurs qui peuvent être vives et ou plus atténuées et jouer de contrastes avec une couleur différentes des plus élémentaires de la nature (bleu, vert, marron, noir, ... ?) ?

toujours est-il que des lecteurs contents, enchantés ? ça fait encore et toujours plaisir.   

Oui lecture surprenante mais enrichissante Animal !  

Hi hi Nezumi , c'est peut-être pour sa prédilection pour le rose que j'ai trouvé écho ?   
Plus sérieusement , je pense qu'il décrit très bien ce monde montagnard : j'ai une amie qui vit cette transhumance avec son troupeau de chèvres dans des conditions  presque aussi rigoureuses que celles d'antan et je crois que Ramuz va atterrir dans sa LAL assez rapidement   (période de "repos" pour les éleveurs durant la gestation .....!); je ne pense pas qu'elle soit bien surprise et il ya fort à parier qu'elle sera en terrain connu !  

pia a écrit:

Je vais faire un petit commentaire sur « La beauté de la terre ». églantine a déjà  très bien dit ce que je voulais dire sur le monde de Ramuz. Je n’ai pas beaucoup à rajouter.  

En effet comme tu dis églantine, Il faut se décrisper. Passer sur sa façon d’écrire tres particulière et qui doit ressembler au Vaudois d’autrefois (Je ne connais pas assez  le pays Vaudois pour pouvoir le confirmer, je te fais confiance). Dans « La beauté de la terre » le monde de ses hommes repliés sur eux-mêmes, se suffisant à eux-mêmes se trouve chamboulé par une belle venant d’une contrée lointaine. Contrée dont il n’avait jamais entendu parler avant de la trouver sur une carte. Cette belle va en détruire quelques uns. Finalement après la gêne on se laisse prendre et on est ému par ces hommes, qui faisant face à une situation dont ils n’ont absolument pas l’expérience font des maladresses destructrices malgré leur bonne volonté rude et généreuse.

Merci Pia......ce sera peut-être mon prochain .....ton résumé est bien alléchant ..      ....(avec un peu d'amour ....pour aller avec le rose !  tout un programme !)

Mon Ramuz préféré c' est, pour l' instant, Derborence...Et je pense aussi relire La beauté sur la terre.

Je pense que je vais lire un autre Ramuz un de ces jours. Au début Derborence ne m’évoquait rien, puis j’ai regardé, C’est une région en Suisse non ?