La séparation des racesJe m'y mets alors que me reste un tiers à lire.
Je suis arrivée au Carnaval.
J'ai lu tout à l'heure les 30 pages de ce fil, en diagonale, apparemment une seule lectrice de ce titre.
Excusez moi j'ai plus son nom, c'etait vers les pages 18/20.
Le style est singulier, oui, Topocl dit en gros, j'interprète un peu, dans un commentaire plus haut qu'il semble raconter, en marchant, son baton à la main.
C'est à ça que j'ai pensé, sur la syntaxe, qui peut être parfois comme maniériste : en fait ça ressemble plutôt à la vraie parole. Orale. Quand on découpe la syntaxe. Dans le monde rural.
(Evidemment je connais des personnes très soigneusement éduquées sur la langue, à qui ces écarts sont inconnus. Moi j'en vis plein. Et en entends beaucoup depuis que je vis en zone rurale.)
Contrairement à chez Giono dans sa periode "ecrit rural pantéiste", ici le langage ne se désarticule pas pour poétiser.
C'est juste qu'on est dans un naturalisme du processus de langage. pas pour faire couleur ocale, plutôt pour croquer d'où se tient le personnage. c'est une syntaxe reliée au mouvement, Animal a parlé de tellurisme chez Ramuz, bon c'est par là que ça se passe. Ya du réactif vocal autant que saisonnier.
Une fille de l'autre côté de la montagne (allemande je crois, en tous cas d'une autre langue maternelle) est convoitée , puis kidnappée.
Ce fait violent est inscrit par son auteur dans le champ d'un revanche à prendre sur une indelicatesse passée de ses voisins.
On suit la trouble pulsion, jugulée qu'à moitié : le ravisseur l'aura raptée, oui, mais ne lui fera subir aucun outrage ensuite (dumoins jusqu'au carnaval où je me tiens, anxieuse de voir du difficile , annoncé )
Au passage on assiste aux dommages co-lateraux, terribles (je ne spoilerai pas) , que la jeune femme ignorera sans doute le temps de sa détention.
Nous, par contre, ne risquons guère d'oublier la grande violence que cet état de fait a nécessité et provoqué. Nous continuons pourtant
l'hiver
avec les habitants
de ce village
dans lequel une chambre abrite une femme
raptée.
Les commentaires sur le net évoquent un amour balbutiant ou en tous cas pas exclu : je n'en vois goutte et pense à une erreur d'interpretation majeure.
Je serai ravie qu'un(e) parfumé(e) croise un de ces 4 sa lecture à la mienne, sur ce point.
Non, point d'amour, même chez le rapteur, qui est bien plutôt prit dans la béance du tragique. Voyeur effaré de sa pulsion.
"voilà que tout s'arrange" ne cesse t il de dire, parce qu'elle a bougé enfin, parcequ'elle a mangé enfin, parce qu'elle s'est levée enfin, parce qu'elle apprend leur langue enfin, parce qu'elle lui sourit enfin.
¢e roman est très dur,
ça va pas s'arranger, on est un peu prévenu, entre le Manu (archétypé c'est vrai) qui traine autour, Firmin qui fait pénitence en versant dans l'aveuglement, et la seule conscience bien posée, une bonne fois, de la folie de cette situation, on risque pas de croire à une bleuette. Non non.
Le tableau d'un village qui sait l'erreur fatale et qui se le dit juste en silence, en croisant ses regards. Ce suspens de réaction qui n'arrive jamais autant que lorsque c'est , justement, bien trop grâve.
La force du quant à soi rural, donc. La force des destins sombres prévisibles.
Le cortège funèbre des mauvaises nouvelles.
Un seul extrait :
(c'est peut être celui là qui fait croire sur le web qu'il y a la possibilité d'un amour ? pour moi c'est , enclos là , tout ce que pose le livre : on doit faire avec, alors on fait avec, nous serons ensemble tout l'hiver, le temps que les neiges fondent. Mais je n'oublie jamais que tu es le Loup moi l'agneau. Pour l'hiver, pour l'hiver seulement.E tu sais que je serai ton Loup)
- Citation :
- Et puis il s'est aperçu qu'il manquait encore quelque chose, il est descendu de nouveau. C'est un miroir; le sien.
Il dit tout haut :" Il faut que vous m'excusiez, je n'y avais pas pensé." Il dit encore tout haut : "excusez-moi de n'avoir pas mieux à vous offrir pour le moment, mais c'est en attendant..."
Lui présentant un tout petit miroir à tain trouble et au vieux cadre fendu après lequel pendit un bout de ficelle, comme ceux dont les garçons se servent, n'ayant guère le temps de s'y regarder, sauf quand ils se rasent, mais, moi, je porte la barbe, alors je ne l'ai guère usé jusqu'à présent, ce n'est pas moi qui l'ai usé, c'est le temps...
Elle tenait le miroir devant elle, elle lui tournait le dos.
C'est à présnt dans le miroir qu'il la voyait. Il ne voyait qu'un tout petit coin de sa figure et encore tout de travers. Il en voyait pourtant assez.
Parce que ce fut comme si elle ne savait pas qu'elle était vue.
Elle regardait dans le miroir, tournant le dos à Firmin, et tournant le dos à Firmin, c'est Firmin qu'elle regardait."