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| Au fil de nos lectures | |
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Auteur | Message |
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Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 19 Aoû 2008 - 15:13 | |
| Parce que moi aussi j'ai des obsessions et des maniaqueries d'auteur, et parce que j'ai ouvert un Delaume. - Citation :
- J'habite dans la télévision.
Vous baptisez Salon du Livre sans sentir en vos paumes les échardes du manche, alors qu'avide la pelle mordait déjà pleines mottes jusqu'à la fosse. Vous êtes tant obsédés par le rendement de votre temps de cerveau disponible que vous n'avez rien fait aux germes mutation. La terre était bonne, trouviez-vous. Friable et riche après jachère. Vous avez enterré le mot littérature.
Vous ne lisez pas des textes mais vous achetez des livres. Vous êtes à l'épicentre de ce qui vous poursuivra. Mais ce n'est pas le problème. Pour vous ce n'en est pas un et pour moi ça ne l'est plus. ça fait longtemps déjà. Ce n'est pas un problème, d'ailleurs vous êtes partis et ça ne me dérange pas. Le soliloque c'est tout ce qui me reste et je sais que c'est déjà beaucoup. | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Dim 24 Aoû 2008 - 21:11 | |
| Même à la lanterne magique, il ne faut pas se faire de cinéma: la plupart des liens solides se nouent au delà de l'intellect et ne s'expriment que rarement dans les livres, mais dans les tatouages qu'on peut voir à la plage ou à la morgue, dans deux mains qui serrent une épaule sur un quai de gare et garderont- trop longtemps peut-être- cette chaleur et cette élasticité dans les doigts, dans des cartes écrites par des militaires et si mal adressées qu'elles arrivent par erreur chez de vieilles folles auxquelles on n'avait jamais dit des choses si tendres, dans le silence de deux visages qui s'enfoncent au tréfonds de l'oreiller comme s'ils y voulaient disparaitre, dans ce désir si rarement comblé qu'ont les mourants de trouver le bout de l'écheveau et quelque chose à dire, dans la fenêtre qu'on ouvre ensuite, dans la tête d'un enfant qui fond en larmes, perdu dans la rumeur d'une langue étrangère. Courage, on est bien mieux relié qu'on ne le croit, mais on oublie de s'en souvenir.
Chronique japonaise Nicolas Bouvier p113 | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Au fil de nos lectures Lun 25 Aoû 2008 - 23:02 | |
| "Plus rien n'est clair à présent. Il doit y avoir quelque chose qui cloche dans ma façon de voir les choses. Je n'ai aucune notion du juste milieu. Soit je me concentre sur un détail et je le vois grossi à la loupe -une feuille et toute ses veinures, soit le monde s'éloigne et devient flou, artificiel, imprécis, comme une peinture abstraite. Le ciel qui s'assombrit est profondément bleu avec des balafres de rose, des flammes qui se déverseraient du volcan ou de la blessure, ou encore de cette fleur qu'est le soleil couchant. Le vert qui hésite et la mer d'herbes, d'un brillant strident. Des troncs d'arbres noirs et torturés forment une voute au dessus de la rivière."
Margaret LAURENCE - Une divine plaisanterie. P. 109
Dernière édition par bix229 le Mar 2 Sep 2008 - 18:08, édité 1 fois | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 26 Aoû 2008 - 21:45 | |
| .... Trevellec ne détestait pas cette incertitude dans laquelle il reconnaissait l'avant-goût de la vraie liberté car ce n'est qu'en acceptant d'avance l'inattendu que l'homme devient réellement libre, sinon il demeure éternellement esclave de son angoisse et des choses qu'il croit posséder.
Yves Horeau Prunes amères | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 26 Aoû 2008 - 22:06 | |
| "La jouissance de l'instant dilaté". l'exercice consiste à bannir toute réminiscence du passé, toute projection dans l'avenir pour se consacrer avec minutie à l'instant présent. Celui-ci est toujours riche de sensations innombrables, trop souvent négligées dans la vie civile parce que contaminées par la dictature de la pensée. La brûlure violente du soleil, la fraîcheur féminine de l'ombre, les couleurs , les formes, les sons, l'odeur composite des buissons en pleine chaleur, les cailloux qu'on suce indéfiniment pour tromper la soif, on passe bêtement à côté au lieu de s'y attarder en détail ! Sous couvert d'apprendre à n e vivre qu'au présent, cette méthode de l'instant dilaté permet ensuite, sans qu'on y prenne garde, de mieux tirer profit du passé et de préparer plus sereinement l'avenir. Bref, il s'agit de redevenir l'animal que nous ne sommes plus assez....
Yves Horeau "Prunes amères" | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Au fil de nos lectures Mar 26 Aoû 2008 - 23:25 | |
| "Quand j'étais petite, les trains étaient tous à vapeur et l'on entendait le sifflet de très loin, il avait plus de portée dans cette contrée de plaines qu'il n'en aurait eu dans les montagnes. C'est le son avec lequel grandissent tous les gamins de la plaine, la voix du train disant n'arrète pas n'arrète pas n'arrète jamais, va et continue d'aller, peu importe où.
Lamento et air moqueur de cette voix, à l'image du blues. Les seuls autres sons plus solitaires que j'aie jamais entendus étaient ceux des plongeons sur le lac bordé d'épicéas, là haut à Galloping Mountains où nous sommes allés un été quand Stacey et moi étions petites et que mon père pouvait encore prendre son courage à deux mains pour aller quelque part, pas trop loin pour quelque temps. Ces voix d'oiseaux étaient folles, totalement solitaires, elles lançaient des sorts et riaient là-bas, dans les profondeurs noires de l'eau nocturne, là où personne ne peut les atteindre, où on ne le pourra jamais."
Margaret LAURENCE - Une divine plaisanterie. P. 204
Dernière édition par bix229 le Ven 2 Jan 2009 - 15:22, édité 1 fois | |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mer 27 Aoû 2008 - 0:00 | |
| - monilet a écrit:
- "La jouissance de l'instant dilaté".
l'exercice consiste à bannir toute réminiscence du passé, toute projection dans l'avenir pour se consacrer avec minutie à l'instant présent. Celui-ci est toujours riche de sensations innombrables, trop souvent négligées dans la vie civile parce que contaminées par la dictature de la pensée. La brûlure violente du soleil, la fraîcheur féminine de l'ombre, les couleurs , les formes, les sons, l'odeur composite des buissons en pleine chaleur, les cailloux qu'on suce indéfiniment pour tromper la soif, on passe bêtement à côté au lieu de s'y attarder en détail ! Sous couvert d'apprendre à n e vivre qu'au présent, cette méthode de l'instant dilaté permet ensuite, sans qu'on y prenne garde, de mieux tirer profit du passé et de préparer plus sereinement l'avenir. Bref, il s'agit de redevenir l'animal que nous ne sommes plus assez....
Yves Horeau "Prunes amères" J'aime bien ce truc de la "jouissance de l'instant dilaté". Et je trouve que ça te correspond bien Monilet (par rapport à Lena, notamment). La "jouissance de l'instant dilaté"... c'est vraiment superbe. ça se délie bien en bouche et en sens. | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mer 27 Aoû 2008 - 7:04 | |
| Oui, Queenie, c'est un truc qu'on ne devrait pas oublier, jamais. | |
| | | Aeriale Léoparde domestiquée
Messages : 18120 Inscription le : 01/02/2007
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Jeu 28 Aoû 2008 - 17:37 | |
| Recopier, je ne le fais pas souvent, par flemme. Mais là c'est vraiment très beau alors je vous donne un aperçu: - Citation :
Ils étaient hommes des forêts. Et les forêts les avaient faits à leur image. A leur puissance, leur solitude, leur dureté. Dureté puisée dans celle de leur sol commun, ce socle de garnit d'un rose tendre vieux de million s de siècles, bruissant de sources, troué d'étangs, partout saillant d'entre les herbes, les fougères et les ronces. Un même chant les habitait, hommes et les arbres. Un chant depuis toujours confronté au silence, à la roche. Un chant sans mélodie. Un chant brutal, heurté comme les saisons, - des étés écrasants de chaleur, de longs hivers pétrifiés sous la neige. Un chant fait de cris, de clameurs, de résonances et de stridences. Un chant qui scandait autant leurs joies que leurs colères."
Jours de colère- Sylvie Germain - | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Ven 29 Aoû 2008 - 22:55 | |
| manque d'inspiration, en attendant un recyclage ailleurs : - Citation :
- Dans l'art comme dans la vie entière, la magie filtre partout, à l'insu des hommes dupes de l'hypnose "Matière" qui est en réalité un mirage - hommes et femmes perpétuellement ensorcelés tout en se croyant "pratiques", "conscients", "volontaires". Les peintres ne font pas exception au triste état de l'humanité d'aujourd'hui. Ils peignent des tableaux "inconscients", des oeuvres qui parfois transmettent l'état magique mais c'est purement accidentel, et les sorts projetés par ces oeuvres sont aussi distincts de leur volonté que leur confuse sensation de "créer".
Dès le début du mouvement surréaliste, l'artiste a commencé de sentir l'ancienne nostalgie des pouvoirs magiques. Errant sans préparation ni connaissance dans les profondeurs d'où sortent parfois d'étranges "poissons", il s'étonne lui-même de ce que contient son être, et il est trop étourdi pour s'arrêter à savoir ce qu'il fait en réalité. Le vrai devoir de l'artiste est de savoir ce qu'il fait et de transmettre son savoir avec précision. Il doit lever les jupes de Vénus ou de sa soeur jumelle Méduse : s'il n'en est pas capable, qu'il change de métier.
La Vérité est l'étrange, le merveilleux. Tout ce que nous prenons pour la "Réalité" est le petit cauchemar coagulé dans le mental de l'homme qui domine notre espèce : "l'homme bien", l'homme puissant. C'est-à-dire l'homme pétrifié dans son cauchemar quotidien, comme les mouches dans les faux cubes de glace qu'on achète en Amérique pour épouvanter les invités aux cocktails. A présent, on peut se demander : "Comment sortir de ce cube ?" Le conte zen de l'oie donne une réponse très simple. Un homme enferme une oie dans une grade bouteille. Il la nourrit si copieusement que l'oie, devenue très grosse, emplit la bouteille. Comment sortir l'oie sans briser la bouteille, et sans faire mal à l'oie qui doit jouir encore d'une longue vie de goinfrerie ininterrompue? Alors, le Maître hurle "Pffft!" et vous êtes dehors. Trop simple, cela ? non, trop difficile. Parce qu'il faut avoir le courage de casser le cube ordonné des "idées", de se précipiter vers la confusion primordiale, où le lion d'or à l'oeil rond regarde, dans la profondeur du lotus l'unicorne, aux fesses laiteuse, baigné des larmes nourrissantes de la jeune lune, le nouveau-né qui ne fume que des momies royales en forme de longues cigarettes parfumées. Retour à la source des choses. Jusqu'à ce que l'artiste soit redevenu magicien, c'est-à-dire qu'il domine l'art magique, à commencer par lui-même, on peut seulement dire que les sorts dans l'art sont aussi dangereux que confus, que les armes dans les mains des politiciens et chefs d'Etats modernes. Heureusement, l'homme est beaucoup trop insensible en général pour ressentir les influences crachées par ses frères artistes. L'ignorance est aussi une protection. L'homme pareil à un morceau de viande plus ou moins morte n'a rien à craindre. L'homme "sensible" en souffre, sans savoir pourquoi, parfois il en meurt. Cherchons alors la possibilité d'avoir les organes subtils qui nous permettront d'épandre une magie bénéfique ou de la recevoir, tout en cultivant les protections contre les multiples venins du monde invisible. C'est seulement dans l'étrange océan magique que l'être peut trouver la salvation pour lui-même et sa planète malade.
Le Sphinx, les souriants personnages étrusques à la démarche éternelle, la harpe-taureau d'une haute reine d'Ur me viennent spontanément à l'esprit comme exemplaires d'objets délibérément magiques. Parmi les images du questionnaire, d'abord 1, ensuite 7, 6, 5. J'espère que vous trouverez compréhensible mon style prézoologique. (...) Etre clair dans les questions magiques, c'est d'abord être chaotique ; car les deux ne font qu'un à l'origine. Réponse de Leonora Carrington à l'enquête réalisée par André Breton pour son livre L'Art magique. pioché dans : | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Au fil de nos lectures Mar 2 Sep 2008 - 17:43 | |
| "Il y a deux nuits, j'ai revé de Lolita. Comme je prononçais son nom dans mon sommeil, ma langue s'est docilement levée et abaissée en trois sauts magiques, traçant un arc lumineux dans la sombre cavité de ma bouche. Pas seulement ma langue, bien entendu : en me réveillant, au bord du lit, la couverture sur la tete, j'ai senti mon érection diminuer et mon pénis se replier sur lui meme, tout d'abord lentement, puis de plus en plus vite, comme s'évanouissent tous les reves." David Albahari. - Lolita, Lolita, dans le recueil Hitler à Chicago. P. 9 Albahari est un admirateur de Nabokov qu'il a fait connaitre aux lecteurs de l'ex Yougoslavie. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: a dans son journal, que j'imagu Mar 2 Sep 2008 - 17:56 | |
| "Quand elle était petite, Eva aimait attraper des lucioles. Elle les mettait dans un bocal de verre, et la nuit, sa couverture par dessus la tete, elle regardait ces grains de lumière voler à travers leur cosmos limité. Les lucioles heurtaient le verre, glissaient vers le fond du bocal, et Eva sentait ses paupières se fermer doucement. Au dernier moment, avant de plonger dans le sommeil, elle glissait le bocal sous le lit, où il attendait jusqu'au soir suivant. Le lendemain, la plupart des lucioles ne bougaient plus, ... mais Eva avait déjà de nouvelles lucioles, et le cosmos du bocal reprenait vie. La lumière s'émiettait comme du pain sec, volait de tous les cotés. C'est à peu près comme ça, écrivait Eva dans son journal, que j'imagine la création du monde : comme une désagrégation chaotique de la lumière et des ténèbres. Quelques jours plus tard, elle ajoutait au crayon : sans le bocal, bien entendu."
David Albahari. - Lucioles, dans le recueil Hitler à Chicago. P.151
Dernière édition par bix229 le Sam 6 Sep 2008 - 15:33, édité 1 fois | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Ven 5 Sep 2008 - 12:43 | |
| - Citation :
- Certains sont habillés comme des vieillards. Dès que l'automne arrive, les mamans leur mettent un anorak et un bonnet, les baâillonnent avec une écharpe. Voilà pourquoi ils marchent du pas oblique des vieux.
Ils gardent ces vêtements jusqu'à l'été. Ce sont les enfants modernes de la classe moyenne moderne, qui ont perdu le sens des nuances et acquis celui de l'extrême, protégés du monde naturel et bien lancés vers le monde artificiel. Ils racontent des blagues d'une drôlerie incroyable. Dommage que, la nuit, ils aient peur et sucent leur pouce. La classe moyenne (dans L'entretien des sentiments), Antonio Pascale | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Dim 7 Sep 2008 - 13:45 | |
| "Les gens qui lisent ne sont pas trop paresseux pour allumer la télévision; ils préfèrent les livres. Je ne peux pas imaginer projet plus navrant que de se bagarrer pendant des années pour écrire un livre qui essaie de plaire à des gens qui, avant tout, ne lisent pas." (p 31)
"Qui qualifierait de bonne une journée passée à lire? Mais une vie passée à lire - voilà une bonne vie. Une journée qui ressemble comme deux gouttes d'eau à toutes les autres journées des dix ou vingt dernières années ne fait pas l'effet d'être une bonne journée. Mais qui dirait de Pasteur ou Thomas Mann qu'ils n'ont pas eu une bonne vie?" (p 47)
"Tu dispose tes feuilles le long du bord de la table et tu arpentes ton travail. Tu longes les rangées; tu arraches quelques mauvaises herbes, tu déplaces quelques plants, tu creuses à certains endroits, penchée au-dessus des rangées, les mains pleines comme un jardinier. Deux ou trois heures plus tard, tu as fait une marches excessivement lugubre de quinze kilomètres. Tu rentres chez toi et prends un bain de pieds." (p 63)
"Qui m'apprendra à écrire? désirait savoir un lecteur. La page, la page, cette blancheur éternelle, la blancheur de l'éternité que tu couvres lentement, affirmant la griffonnage du temps comme un droit, et ton audace comme une nécessité; la page, que tu couvres opiniâtrement, que tu détruis, mais en affirmant ta liberté et ton pouvoir d'agir, comprenant que tu détruis tout ce que tu touches, mais le touchant néanmoins, parce que agir vaut mieux qu'être là dans l'opacité pure et simple; la page, que tu couvres lentement de l'entrelac tortueux de tes viscères; la page dans la pureté de ses possibilités; la page de ta mort, à laquelle tu opposes toutes les excellences défectueuses que peut réunir ta force vitale: cette page t'apprendra à écrire." (p 78 et 79)
"Pourquoi lisons-nous, sinon dans l'espoir d'une beauté mise à nu, d'une vie plus dense et d'un coup de sonde dans son mystère le plus profond? L'écrivain peut-il isoler et rendre plus vivace tout ce qui dans l'expérience engage le plus profondment notre intellect et notre coeur? L'écrivain peut-il renouveler notre espoir de formes littéraires? Pourquoi lisons-nous, sinon dans l'espoir que l'écrivain rendra nos journées plus vastes et plus intenses, qu'il nous illuminera, nous inspirera sagesse et courage, nous offrira la possibilité d'une plénitude de sens, et qu'il présentera à nos esprits les mystères les plus profonds, pour nous faire sentir de nouveau leur majesté et leur pouvoir? Que connaissons-nous de plus élevé que ce pouvoir qui, de temps à autre, s'empare de notre vie et nous révèle à nos propres yeux éblouis comme des créatures déposées ici-bas dans l'émerveillement? Pourquoi la mort nous prend-elle ainsi par surprise, et pourquoi l'amour? Encore et toujours, nous avons besoin d'éveil. Nous devrions nous rassembler en longues rangées, à demi vêtus, tels les membres d'une tribu, et nous agiter des calebasses au visage, pour nous réveiller; à la place, nous regardons la télévision et ratons le spectacle." (p 95 et 96)
"Un écrivain cherchant un sujet ne s'intéresse pas à ce qu'il aime le plus, mais à ce qu'il est seul à aimer. D'étranges crises s'emparent de nous. Franck Conroy aime ses figures de yo-yo, Emily Dickinson sa lumière rasante; Richard Selzer aime le péritoine luisant, Faulkner le fond de culotte sale d'une fillette, visible quand elle monte dans un poirier." (p 89)
"...plonger une plume dans l'encre, plonger une feuille de papier dans un bain coloré, plonger une pagaie dans la mer et aller Dieu sait où. La ligne verte des photons forme des mots au rivage des ténèbres. Ces mêmes ténèbres se vident derrière l'écran en un cône illimité. Irons-nous encore ramer, nous qui croyons qu'à force de ramer nous risquons pour de bon de passer par-dessus le rebord et de tomber? Prendrons-nous encore le large en ramant vers les cieux?" (p 116)
En vivant, en écrivant Annie Dillard | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Au fil des lectures Ven 12 Sep 2008 - 22:32 | |
| C'est ainsi que naquit Hora, notre village. Par un jour d'octobre de la fin des années 1400 -on ignore la date exacte. Seuls deux réfugiés regagnèrent l'autre colline de l'autre coté de la mer, dans le village qui donne sur le lac couvert de nénuphars : le fils du papas, Jani Tista Damis, qui avait pris part au voyage dans le ventre de sa mère, et le vieux Liveta, l'ancien soldat de Skanderbeg qui voulait mourir sur sa terre. Ils quittèrent Hora pour se rendre à Hora. On perdit leur trace, leur souvenir s'effaça. En revanche, le souvenir du village au bord du lac perdura longtemps. "Hora jone", continuait on de l'appeler. Ce qui signifie notre village. En l'espace de quatre ou cinq générations, les deux villages, celui des ancetres et le nouveau, se fondent, s'entremelent, deviennent une seule et meme chose, avec les memes souvenirs transparents. Bientot, exception faite des descendants du papas Dhimitri Damis, il ne reste plus de la première arrivée qu'une unique image désolante, souvent brouillée et approximative, une sorte de photogramme flou où l'on distingue les individus fuyant leur terre, l'Arberia, envahie par les Turcs. C'est tout. Hora jone et Hora jone sont désormais liés l'un à l'autre comme un homme et son ombre. Carmine ABATE. - La Mosaique de la grande époque. P. 78 | |
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