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Auteur | Message |
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Nibelheim Main aguerrie
Messages : 389 Inscription le : 02/09/2007 Age : 36 Localisation : Cambrai
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 3 Mar 2009 - 13:31 | |
| Bah si Jean Lorrain a fait une œuvre complètement différente, il n'est pas exclu qu'il ait pu s'inspirer du texte de Rodenbach. Le côté personnalisation de la ville, correspondances, le thème de l'illusion ... Et plus généralement au niveau des descriptions d'une ville flamande. Après, on peut pas dire que les ambiances soient si proches que ça : là où Rodenbach nous emmène dans un monde fantomatique, coupé de toute réalité, Lorrain multiplie les anecdotes bizzaroïdes, s'inscrivant un peu plus dans le roman de mœurs contemporaines. En tout cas, ça m'y avait fait penser aussi ... On trouve Bruges-la-Morte en poche chez GF et Actes sud. Pour ma part, j'ai pris l'édition GF illustrée ( Bruges-la-Morte étant un récit photo), je ne sais pas ce qu'il en est pour l'autre édition. En espérant avoir répondu à ta question. ^^ | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Ven 6 Mar 2009 - 22:30 | |
| Les braises de Sándor Márai - Citation :
- Sur les clenches des portes, on sentait le tressaillement d’une main qui, dans un moment de révolte, s’était refusée jadis à achever son geste. Tous les foyers dans lesquels la passion étreint des hommes, de tout sa force, dégagent une pareille ambiance inquiétante.
- Citation :
- En effet, nous vieillissons tout doucement, dit le général. Tout d’abord, c’est notre joie de vivre et de voir nos semblables qui s’émousse. Peu à peu, le sens de la réalité prédomine en nous. Nous pénétrons mieux le sens des choses et nous assistons avec ennui à la succession d’événements qui se répètent. Le noter est déjà un signe de vieillesse.
[…] Puis c’est le corps qui se met à vieillir. Pas non plus brusquement… d’abord, c’est notre vue qui baisse, puis c’est notre estomac ou notre cœur… ou, éventuellement nos jambes commencent à se sentir fatiguées. Oui, la vieillesse avance lentement ; elle s’étend peu à peu à notre âme. Elle est encore pleine de désirs nostalgiques et de souvenirs, elle recherche encore la joie. Quand elle renonce aussi à désirer et à espérer, il ne reste plus que les souvenirs et la vanité de toutes choses. Arrivé à cette étape, on est réellement, irrémédiablement vieux. Un matin, on se frotte les yeux pour chasser le sommeil et l’on ne comprend plus pour quelle raison on s’est réveillé. Même l’inattendu, l’étrange et l’épouvantable ne surprennent plus, parce que l’on connaît toutes les probabilités, on avait tout prévu et l’on n’espère plus rien… ni en bien ni en mal… voilà ce qu’est la vraie vieillesse, vois-tu. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Ven 6 Mar 2009 - 22:31 | |
| Dora Bruder de Patrick Modiano - Citation :
- Beaucoup d’amis que je n’ai pas connus ont disparu en 1945, l’année de ma naissance.
- Citation :
- D’autres, comme lui, juste avant ma naissance, avaient épuisé toutes les peines, pour nous permettre de n’éprouver que de petits chagrins.
- Citation :
- Ce sont des personnes qui laissent peu de traces derrière elles. Presque des anonymes. Elles ne se détachent pas de certaines rues de Paris, de certains paysages de banlieue, où j'ai découvert, par hasard, qu'elles avaient habité. Ce que l'on sait d'elles se résume souvent à une simple adresse. Et cette précision topographique contraste avec ce que l'on ignorera pour toujours de leur vie - ce blanc, ce bloc d'inconnu et de silence.
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| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 17 Mar 2009 - 19:52 | |
| Mon village est situé dans un petit coin sur la pente douce de la montagne Kurohime, dans les profondeurs du pays de Shinano. A peine les neiges ont-elles fondu, que, que l' automne vient avec son givre. Les mandariniers se transforment en orangers sauvages, et tous les arbres et toutes les plantes, apportés des pays riches y dégénèrent : Primevères de neuf fleurs il ne vous reste plus que quatre ou cinq fleurs. Kobayashi ISSA - Mon année de printemps. P. 74 | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: ait Sam 21 Mar 2009 - 20:05 | |
| Elle laissa son regard errer par la fenetre, entre les rideaux quand ils s' écartaient. Elle pouvait voir au loin le contour vague des collines bleutées. Puis les rideaux s' enflaient à nouveau et les masquaient. Il y avait des fleurs sur les rideaux, toutes de couleurs différentes. Ils se gonflaient vers l' extérieur, puis se redressaient à l' intérieur dans la brise. C' était le seul mouvement. La maison semblait totalement silencieuse, comme si c' était dimanche. Elle savait que ce n' était pas un silence de vide. C' était un silence de voix étouffées. C' était un silence plein, un silence de réserve, un silence d' agitations dissimulées, comme dans un courant. Un courant... Il y avait une planche haute au pied du lit. La lumière du soleil clignotait dessus également, une mer minuscule de petits points. Lentement, prudemment, elle étira ses jambes pour toucher la planche. La lumière du soleil clignotait plus rapidement maintenant. Elle ferma les yeux et s' endormit. Iain CRICHTON SMITH - Murdina Scott. P. 117 | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Ven 3 Avr 2009 - 22:02 | |
| A Nimes, dès qu' une lamelle de glace moirait les ruisseaux, nous nous croyions transportés au pole, et là, dans ce pays bizarre, -en Haute Silésie- les liquides disparaissaient pendant des mois. On pissait dans le vide, on laissait une canne; une bassine d' eau jetée à la volée attérissait en galets ronds. Les boissons pouvaient se débiter à la hache; une pierre rouge dans votre quart c' était du vin (vous pouviez l' emporter en courant sans renverser une goutte. Les tonneaux roulaient avec des épaisseurs de cylindre; les vitres en une nuit devenaient des fleurs.
Ainsi tout basculait vers le plus, vers le moins, prenant un poids ou une légèreté et une grace inattentendues. Le lisse devenait croute, la branche un trait étincelant, la dalle du ruisseau miroitait entre des rives blanches. Une féérique transmutation du liquide ou du végétal en minéral s' opérait en un instant. je n' avais pas assez d' eux pour tant de merveilles. Marc BERNARD - Vacances, P. 65. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 7 Avr 2009 - 0:30 | |
| La raison humaine est vraiment superflue. Mais envahissante. Elle détruit toute parole vivante, réduit toute totalité en atomes, puis à partir de ces atomes fabrique des bombes atomiques, pour finalement élever la voix - la voix de la raison - contre ces memes bombes. Il ne faut pas etre grand fou pour le comprendre. Sale jeu ; confusion babylonienne. Les pasychiatres parlent leur langage de psychiatre, les ingénieurs celui des ingénieurs, les fous la langue des fous. On ne peut plus se comprendre avec personne.
Lorsque je me suis réveillé, j' ai jeté un regard par la fenetre. La rue était mouillée par la pluie. J' ai essayé de me rappeler ce que j' avais revé. D' habitude je n' y arrive pas, mais ce matin-là, j' y suis arrivé. Tous les reves que je parviens à me rappeler ont un trait commun : ils sont ordinaires, ininteressants, sans aucune note fantastique. De la mimesis la plus banale. Ils passeraient sans problème la censure soviétique. je ne sais pas si c'est bon ou mauvais. Je dirais plutot mauvais. Le reve était autrefois un lien avec les mondes supérieurs. A présent meme ce lien-là est rompu.
L' endoctrinement s' insinue dans nos reves. Tout est fondu dans l' abetissement. Nous nous rencontrons les uns les autres dans nos reves, nous nous saluons, nous bavardons, nous hochons la tete comme des clowns, échangeons des politesses, désespérement enfermés dans l' isolement de nos MOI endoctrinés.
Svetislav BESARA - Le Miroir felé. P. 33 et 39 | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 7 Avr 2009 - 12:56 | |
| "Je regarde le jardin, où il est tombé quelques centimètres de neige. L'arbre du zakuro en est légèrement couvert. Je me demande si ma mère aussi regarde la neige par la fenêtre de sa chambre. Je ferme les yeux et je vois l'image de mes parents qui dansent, tout vêtus de blanc." p 149 in Zakuro Aki Shimazaki | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 7 Avr 2009 - 12:59 | |
| "Je conçois que Votre Majesté ait besoin d'un passe-temps. Un passe-temps? dit la reine. Les livres sont tout sauf un passe-temps. Ils sont là pour vous parler d'autres vies, d'autres mondes. Loin de vouloir passer le temps, sir Kevin, j'aimerais au contraire en avoir davantage à ma disposition. Si j'avais envie de passer le temps, j'irais en Nouvelle-Zélande." (p 44 et 45) in La reine des lectrices d' Alan Bennett
"Cet attrait pour la lecture, songeait-elle, tenait au caractère altier et presque indifférent de la littérature. Les livres ne se souciaient pas de leurs lecteurs, ni même de savoir s'ils étaient lus. Tout le monde est égal devant eux, y compris elle. La littérature est une communauté, les lettres sont une république. Elle avait déjà entendu cette formule, lors de remise de médailles et de cérémonies diverses, sans savoir au juste ce qu'elle signifiait. A cette époque, elle considérait que la moindre allusion à quelque république que ce soit avait en sa présence quelque chose de déplacé et de vaguement insultant, pour ne pas dire plus. Aujourd'hui seulement elle en comprenait le sens. Les livres ne varient pas. Tous les lecteurs sont égaux (...) La lecture procurait un sentiment du même ordre. Il y avait en elle quelque chose d'anonyme, de partagé, de commun. Ayant mené une existence à part, elle se rendait compte à présent qu'elle désirait ardemment éprouver un tel sentiment: elle pouvait parcourir toutes ces pages, l'espace contenu entre les couvertures de tous ces livres, sans qu'on la reconnaisse." (p 47 et 48 )
in La reine des lectrices d' Alan Bennett | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mer 8 Avr 2009 - 20:52 | |
| Les premiers signes de la décomposition de notre famille étaient déjà visibles. Ma mère tentait en vain d' empecher l' inévitable désastre. Elle avait accroché aux murs de toutes les pièces les portraits de nos ancetres. Des aieules moustachues et des grands-pères raides comme des perroquets me lançaient des regards féroces parce que je refusais de les laisser vivre en moi. Peine perdue. La famille est une affaire de chair et de sang, et la chair et le sang sont périssables, tout commis de commerce le sait. La seule chose qui nous maintenait ensemble c' étaient les déjeuners. Svetislav BASARA - Le Miroir felé. P. 84 | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Ven 10 Avr 2009 - 20:44 | |
| Mémé a bientot passé de vie à trépas.
Nous ne nous en sommes rendu compte qu' au bout de quelques semaines, ce qui explique dans quel état de décompositions se trouvait notre famille, à quel point nous étions plongés dans les profondeurs de nos obsessions égoistes. Ma mère a meme pleuré à l' enterrement, de concert avec Mary Sue, car les mères et les Noirs ne sont pas aussi endurçis que les Européens. Après l' enterrement, je me suis enfermé dans ma chambre et j' ai joué du blues. Svetislav BASARA - Le Miroir félé. P.105 | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Jeu 16 Avr 2009 - 17:28 | |
| Fannie endormie s' amolissait sur moi. J' aurais voulu la garder toute la nuit. J' aurais été heureux toute la vie... On s' engouffrés l' un dans l' autre, abimés, perdus corps et biens. On était délivrés du fatras de la réalité, on n' avait plus besoin de rien, meme plus d' amour, on en avait à jeter. On a fait le vide, et quand le malheur a frappé, et que tu t' es repliée sur lui et sur tes indignités, quand tu m'as expulsé, je suis tombé dedans. Réjean DUCHARME - Va savoir | |
| | | Eve Lyne Sage de la littérature
Messages : 1936 Inscription le : 08/08/2008
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Jeu 16 Avr 2009 - 17:33 | |
| Cette histoire serait des plus belles si elle était seulement le fruit de l'imagination. Elle aurait tout l'air d'emprunter à la merveilleuse allégorie du grain de blé mis en terre, elle dirait l'amour, la mort et la résurrection. Et puis, il y a des fantômes sympathiques à chaque page et des gens si colorés qu'on voudrait les porter sur sa tête.
Mais elle est véridique, d'un bout à l'autre, les personnages, les noms, les dates, les lieux, et par ce fait, elle dit seulement la misère d'un monde qui n'a plus de foi, plus de valeur, qui ne sait plus que s'enorgueillir de ses frasques et de ses profanations.
Harraga, Boualem Sansal. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: a Jeu 23 Avr 2009 - 21:30 | |
| C' est seulement lorsqu' il tombe amoureux que Mario Conde s' offe le luxe d' oublier un instant cette condamnation tangible et qu' il ressent le désir d' écrire, de danser, de faire l' amour pour découvrir que le cumul d' instincts animaux de la pratique sexuelle peut etre aussi un effort heureux pour donner corps et mémoire à de vieux reves, aux promesses oubliées de la vie. Leonardo PADURA - Vents de Careme. P. 161 Le reflet de la lune traversait les vitres de la fenetre et dessinait sur le lit des formes fugitives qui se transformaient en figures grotesques selon la perspective d' où on les découvrait. C' étaient les visages de la solitude. L' oreiller ressemblait maintenant à un chien blotti et presque rond avec la tete coupée.. Le drap tombait par terre, voile abandonné, comme une fiancée tragique. Il alluma et la magie s' évapora : le drap perdit de son tragique et l' oreiller retrouva son identité de simple, vulgaire et inconsolable oreiller. P. 229 Il écrasa sa cigarette au fond de la tasse et revint dans la chambre.. Il ouvrit la fenetre et éteignit la lumière. Il ne pouvait pas lire. Il ne pouvait presque pas vivre. Il ferma les paupières et essaya de se convaincre que le mieux était de dormir, dormir sans meme rever. Il s' endormit plus tot qu' il ne le pensait, avec la sensation de s' enfoncer dans une lagune dont il ne toucherait pas le fond, et il reva qu' il vivait au bord de la mer, dans une maison de bois et de tuiles et qu' il aimait une femme aux cheveux roux, aux petits seins et à la peau bronzée par le soleil. P. 231
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| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 12 Mai 2009 - 22:08 | |
| - Citation :
- Franz Polzer se hâta de rentrer. Il était nerveux et inquiet. Il se préparait là des changements dont on ne pouvait prévoir l'issue. Si le malade devait déménager chez lui, dans quelle chambre Madame Porges l'installerait-elle ? Sans doute pas dans la pièce aux beaux meubles. En fin de compte, il serait obligé, lui, Polzer, de s'installer dans la chambre de la veuve et de dormir tous les jours, lit contre lit, à côté d'elle. Quel coup lui tomberait dessus, alors ? Les pleurs de Dora résonnaient encore à ses oreilles. Si Karl déménageait, elle finirait par faire des choses qui risquaient de semer le désordre et la consternation. En la voyant fixer l'eau du fleuve, il avait eu l'impression qu'elle pensait à la mort. Mardi prochain, il fallait absolument qu'il amène Madame Porges. Aussi pénible que ce fût, c'était peut-être le mieux à faire. Il était vraisemblable que Madame Porges ne serait pas d'accord avec le projet de Karl de déménager chez elle. Peut-être réussirait-elle à convaincre Madame Fanta de prendre un infirmier pour lui. Il était possible que les deux femmes s'entendent bien. A l'occasion, il dirait tout à Madame Porges. La certitude qu'il ne serait pas obligé d'aller seul chez Karl la prochaine fois lui était agréable. En effet, la présence de Madame Porges le protégerait des confessions fiévreuses de Karl et Dora Fanta, qui le laissaient perplexe et désarmé. La veuve maintiendrait le calme, peut-être même pourrait-elle tout arranger.
Le lendemain, Franz ayant dit qu'il passerait prendre ses devoirs, Polzer se leva de bonne heure. Il rédigea les devoirs proprement, sur du papier ministre blanc et sans la moindre rature. En sortant de la banque, il se hâta de rentrer pour ne pas manquer Franz. Il entendit sa voix dans la cuisine. Il alla dans sa chambre et attendit que Franz le rejoigne. Il avait fait exprès du bruit en fermant la porte et s'est raclé la gorge dans le vestibule, pour qu'on entende son arrivée de la cuisine. Il arpenta nerveusement sa chambre pendant un quart d'heure environ avant que Franz n'entrât. Polzer lui remit les devoirs. Franz y jeta un coup d'oeil rapide. - Il n'y a pas de fautes, Polzer ? - Je crois qu'il n'y a pas de fautes. Comment va ton père, Franz ? - Ah, mon Dieu, dit Franz,mon père ! Tu vois, Polzer, je crois que mon père n'ira jamais mieux. - Il faut toujours garder l'espoir, Franz. - Oui, oui... Dis-moi, Polzer, il parîat que je ressemble à ce qu'il était avant. Tu crois qu'un jour je serai aussi malade que lui ? Polzer attira le garçon contre lui. Il pressa sa tête sur sa poitrine. La question de Franz Fata l'avait ému. Sa main s'attarda un instant sur ses cheveux soyeux. Il l'en retira vivement, envahi soudain par une brume de souvenirs où se mêlaient le père du garçon, des devoirs pris dans le Livre d'exercices, des larmes et une lointaine tendresse. - Il nous torture, ma mère et moi, dit Franz. Maman croit que tu pourrais nous aider. Polzer tenait toujours fermement le garçon. Il sentait ses membres sveltes contre son corps. Il sentait la poitrine de Franz Fanta se soulever et s'abaisser au ryhtme de sa respiration. Le garçon regarda Franz Polzer. Polzer évita son regard. Il sentait battre le pouls de Franz. Il avait déjà vu ce visage. Dora avait raison. Polzer était bouleversé, angoissé, par des ressemblances oubliées. - Est-ce que tu m'aimes, Polzer ? dit Franz Fanta. Alors, effrayé, Polzer lâcha le garçon. Les Mutilés, Hermann Ungar | |
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