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Auteur | Message |
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kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mer 14 Jan 2009 - 22:56 | |
| - Nezumi a écrit:
- bix229 a écrit:
- Plein de gouts, de parfum et d'odeurs, de couleurs ce livre...
Une vraie madeleine, pour l'auteur et pour moi : je me souviens ! Pareil. C'est un livre délicieux, drôle et ensoleillé que je redécouvre avec beaucoup de plaisir. et moi je note | |
| | | Antisthene_Ocyrhoe Posteur en quête
Messages : 89 Inscription le : 30/12/2008 Age : 38
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Jeu 15 Jan 2009 - 23:51 | |
| Quelques phrases qui m'ont beaucoup amusées (chrétiens convaincus, s'abstenir) :
" Le Dieu des chrétiens est un père qui fait grand cas de ses pommes, et fort peu de ses enfants "
" Égaré dans une forêt immense pendant la nuit, je n'ai qu'une petite lumière pour me conduire. Survient un inconnu qui me dit : Mon ami, souffle ta bougie pour mieux trouver ton chemin. Cet inconnu est un théologien. "
Denis Diderot, Addition aux Pensées philosophiques. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Ven 16 Jan 2009 - 0:02 | |
| - Antisthene_Ocyrhoe a écrit:
- Quelques phrases qui m'ont beaucoup amusées (chrétiens convaincus, s'abstenir) :
" Le Dieu des chrétiens est un père qui fait grand cas de ses pommes, et fort peu de ses enfants "
" Égaré dans une forêt immense pendant la nuit, je n'ai qu'une petite lumière pour me conduire. Survient un inconnu qui me dit : Mon ami, souffle ta bougie pour mieux trouver ton chemin. Cet inconnu est un théologien. "
Denis Diderot, Addition aux Pensées philosophiques. Très drôle! C'est bien lui qui prônait la religion "naturelle"? | |
| | | Antisthene_Ocyrhoe Posteur en quête
Messages : 89 Inscription le : 30/12/2008 Age : 38
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Ven 16 Jan 2009 - 0:20 | |
| - Marko a écrit:
- Antisthene_Ocyrhoe a écrit:
- Quelques phrases qui m'ont beaucoup amusées (chrétiens convaincus, s'abstenir) :
" Le Dieu des chrétiens est un père qui fait grand cas de ses pommes, et fort peu de ses enfants "
" Égaré dans une forêt immense pendant la nuit, je n'ai qu'une petite lumière pour me conduire. Survient un inconnu qui me dit : Mon ami, souffle ta bougie pour mieux trouver ton chemin. Cet inconnu est un théologien. "
Denis Diderot, Addition aux Pensées philosophiques. Très drôle! C'est bien lui qui prônait la religion "naturelle"? Ça dépend à quel moment de sa vie. (Attention ce qui va suivre n'est pas follement amusant !)Avant de répondre, je vais définir ce que j'entends par "religion naturelle" pour éviter d'éventuels malentendus sur ma réponse (cette notion étant très floue) : j'entends par religion naturelle la croyance qu'ont eu certains philosophes, aux XVIIe et XVIIIe siècles essentiellement, en la possibilité de mettre fin au relativisme des croyances et des dogmes par le recours à l'intellect, capable selon eux de fonder une morale universelle et rationnelle. Maintenant, je peux répondre : Diderot prône cette religion au moment où il publie les Pensées Philosophiques (en 1745 je crois), mais ne la prône plus quand il ajoute l' Addition d'où sont extraites mes citations (1770). Entre temps il a développé un athéisme profond* (exprimé dès la Lettre sur les aveugles de 1749). Et nombre de ses écrits mettent franchement à mal la toute puissance de la Raison, ainsi que toute prétention à l'universel. (Je pense au Neveu de Rameau par exemple.) * Ce qui, pour un certain nombre de raisons, n'est pas compatible avec la religion naturelle, qui est une forme de déisme. | |
| | | monilet Sage de la littérature
Messages : 2658 Inscription le : 11/02/2007 Age : 75 Localisation : Essonne- France
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Lun 19 Jan 2009 - 11:44 | |
| Une vieille chanson rom a pour refrain que nous partageons avec les autres des bouts de notre coeur, et plus nous avanço,s, moins il en reste en nous. Le moment vient où il n'y en a plus assez pour tout le monde, et cela s'appelle voyager, et cela s'appelle aussi la mort. Il n'y a rien e plus banal puisque ça nous arrive à tous.
Colum Mc Cann Zoli (p.234) | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Au fil de nos lectures Mer 28 Jan 2009 - 21:25 | |
| J' apprécie encore beaucoup de regarder discrètement l' intérieur des maisons à travers leurs fenètres illuminées de cette couleur orange, lorsque je me promène dans la rue ou lorsque je suis à ma fenètre. Parfois j'y vois une femme seule, assise devant une table, lisant son destin dans les cartes qu' elle retourne, dans la meme pose que ma mère qui jouait à la patience, en fumant pendant des heures et des heures durant les longues soirées d' hiver où mon père ne rentrait pas. Parfois, en voyant à l' intérieur d' un modeste appartement de rez-de-chaussée, également éclairé par une lumière orangée, une famille en train de diner et de discuter ensemble, je décide naivement, en me fiant à cette apparence, qu'ils sont heureux. Orhan PAMUK - Istanbul. P. 332 | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Jeu 29 Jan 2009 - 18:21 | |
| "(...) A la fin de la rencontre du dimanche, à sa tombée de lumière, il te fait connaître un thé qui s'élance, nouveau sur tes papilles, fait son chemin à travers leurs mémoires, aiguise ton goût, ton esprit, mine de rien. Le proverbe, c'est pour la sagesse floue des débuts du monde, au-delà du progrès - le progrès s'arrête où cesse l'harmonie. Le thé, c'est pour l'art de la conversation, pour apprendre la vie, ses nuances, ses arômes, devenir pour soi un ami. Il y a plus de mille ans, Lu Yu, ce fou de thé qui en étudiait les vertus, disait que l'art du thé n'est qu'un chemin pour mieux se connaître. Il y a un thé pour chaque temps. Les noirs: le Yunnan, le grondement de la montagne d'ambre; le Keemun, une fleur qui chante dans l'été naissant; le Lapsang Souchong, compagnon d'un feu de bois; le Pu Ehr, qui crible d'enfance tous les déserts de l'âme; le Zhuang Cha, un passage étroit au-dessus même du vide; Le Tuo Cha, pour cette indécision, cette fraîcheur à conserver envers les choses; le Sichuan, la force tranquille. Les Oolongs: le Ti Kuan Yin, le thé de la déesse en fer de la miséricorde; le Fenchuang Dancong, pour lire entre les lignes; le Shui Hsien, le merveilleux, l'esprit de l'eau. Les verts: le Pi Lo Chun, fol comme un veau du printemps; le Lung Ching, un dragon qui dort dans son puits de terre; le Hangshan mao feng, la sérénité, l'humidité à garder à travers la tempête. Les blancs, les jaunes: le Yin Zhen, une brise de juin sur une joue rasée de frais; le Jun Shan Yin Zhen, des flaveurs qui prêtent vie; le Pai Mu Tan, à l'aube d'une promesse. Et puis, les préférés de ton maître, les Pouchongs, ces ors fermentés dans la douceur de Taïwan, son pays, Formose la belle: ses plages, ses jupes de soie grège qui coulent dans la mer. Mais, par-dessus tout, son préféré, celui-là, tout simple, dont les valeurs boisées l'inspirent: un ciel d'avril qui danse dans la forêt, le Tung Ting. Le maître jette l'eau souriante sur une brique de thé. Sous le jet d'eau bouillante, le dragon se déploie. Il verse la part de la terre qu'il fait tomber sur le sol. (...)"
(p 41 et 42) in "La route des petits matins" de Gilles Jobidon | |
| | | Antisthene_Ocyrhoe Posteur en quête
Messages : 89 Inscription le : 30/12/2008 Age : 38
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Jeu 29 Jan 2009 - 21:20 | |
| Une petite anecdote amusante : - Citation :
Un jour, au XVIIIe siècle, des savants avaient observé un certain mouvement des rivages de la Baltique. Aussitôt les théologiens de Stockholm représentèrent au gouvernement que "cette" remarque des savants suédois, n'étant pas conforme à la Genèse, il fallait la condamner. On leur répondit que Dieu avait fait la Baltique aussi bien que la Genèse et que, s'il y avait contradiction entre les deux ouvrages, l'erreur était plutôt dans les copies que nous avons de ce livre que dans la mer Baltique dont nous avons l'original.
Louis Ducros, Les Encyclopédistes, Paris, Honoré Champion, 1900. | |
| | | Lafreizh Envolée postale
Messages : 110 Inscription le : 26/08/2008 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Ven 13 Fév 2009 - 18:59 | |
| "Quand en été les lotus commencent à fleurir, les corolles se ferment le soir pour se rouvrir à l'aurore. Yun avait coutume d'enfermer une pincée de thé dans un sachet de gaze qu'elle plaçait à la tombée de la nuit au coeur de la fleur. Elle le reprenait le lendemain matin, et le thé ainsi préparé, à l'aide d'eau de pluie réservée à cet usage, avait un parfum d'une exquise délicatesse."
Shen Fu, Récits d'une vie d'errance | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Au fil de nos lectures Mer 25 Fév 2009 - 19:55 | |
| Le premier coup d' oeil sur une icone s' arrete ordinairement à la surface de la planche. Votre vue reconnait l'image du saint (parfois, vous lisez le titre pour comprendre qui il est), ensuite elle erre dans les replis des vetements, parmi les détails du fond, se concentre sur l' expression du visage ou sur une position de la main. Parfois, elle s'arrete sur les couleurs, surtout si leur répartition est inhabituelle, par exemple la combinaison peu commune du rose et du bleu marine sur les icones du village de Iéssino dans le Zaoniégé, comme un effet framboise du soleil sur le miroir bleu du lac Oniégo dans les nuits blanches. Un oeil expérimenté distingue aussi la forme de la planche et la façon dont elle a été travaillée, au forgeage des clous, il peut préciser l' age du tableau et au syle du dessin et à la gamme des couleurs, la région et dans bien des cas jusqu' à l'auteur. Toutefois, la véritable contemplation de l' icone ne commence que lorsque vous regardez à travers elle, comme à travers une fenetre, l'espace illimité. Mariusz WILK - La Maison au bord de l' Oniégo. P. 134 | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Sam 28 Fév 2009 - 22:28 | |
| Et là, qu’est ce que j’ai vu ? Je ne sais pas quels mots utiliser. Les mots manquent toujours. Mais entre les mots inutiles, tu vas voir ce que j’ai vu. Plusieurs tas, monceaux, amas, piles de prunes, de prunes bleues, couvertes de givres. Et deux choses, mon amour, m’ont surprise. D’abord, la taille des monceaux – chacun aurait pu remplir un train de marchandises de quarante wagons. Ils n’étaient pas spécialement hauts, mais larges et très longs. La deuxième chose, c’était leur couleur. Malgré le givre blanc, le bleu des prunes était ensoleillé, incandescent. Ne te méprends pas, ce n’était pas le bleu du ciel, c’était le bleu de petites prunes bien mûres. Et ce bleu, je te l’envoie ce soir, dans ta cellule, tandis que j’écris dans le noir.John Bergerde A à Xson fil est IcI | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Dim 1 Mar 2009 - 14:07 | |
| "Il faut apprendre à résister quand on est né au bord de ce gouffre. C'est cette résistance qui frappe le voyageur étranger, d'où qu'il vienne, d'Amérique ou d'Europe. Ces statues debout sur le rivage, qui attendent. Des statues, des hommes, des femmes? Des dieux. Sculptés dans le bois noir des racines de fougère arborescente, debout sur le rivage, ou assemblés en demi-cercle dans une clairière, non loin des villages. Des loas, des esprits. L'effigie des défunts, emportés dans leurs grottes, à l'est de l'île, ou sous la mer. Pour revenir un jour, peut-être, qui sait? Des êtres surnaturels, entre l'homme et l'animal, hauts de plus de deux mètres, leurs yeux pareils à des nautiles, profils aigus, nez droits aux narines ouvertes sur les côtés, portant aux commissures des lèvres les spires des dents de cochon, visages creusés dans la veine du bois, ceints d'un liseré qui fait saillir leurs faces, coiffés d'une crête de saurien. Leurs corps sont fendus du haut en bas, par une longue blessure qui montre l'intérieur rouge du tronc, pour laisser échapper leur voix. Slits gongs Coups durs et sourds qui ont résonné pendant des siècles, d'une île à l'autre, accompagnés par le bruit mou des pieds nus sur la terre. Voix sorties de la forêt, de la profondeur de la terre. Tambours souterrains, voix des défunts, voix des anciens, qui reliaient les îles. Ambae, Ambrym, Epi, Efaté, Raga, Tanna, Tongoa, Anatom. Voix qui recousaient la déchirure du temps, et reliaient les îles aux terres lointaines, à l'Australie, aux Célèbes, aux Moluques, à la Malaisie, à Madagascar, à Andaman, à Taïwan, à Amami Oshima. Ces coups sombres qui tissaient la toile du ciel nocturne, qui écartaient les vagues et traçaient les routes sur le fond rouillé de l'océan. Pendant des siècles, ces êtres ont dansé, ont appelé. Maintenant silencieux. En exil dans les musées, quai Branly à Paris, au British Museum à Londres, au musée Léopold-II à Bruxelles, à Rome, à Madrid, à Berlin, à Washington, dans tous les bouts du monde. Ils ne parleront plus. Leur bois noir, au ventre couleur de feu, se consume lentement dans quelques jardins poussiéreux, à Port-Vila, à côté d'une pirogue de haute mer et de masques en fibres. Géants d'Ambrym et de Raga, pareils aux géants de Rapa Nui, comme si de Pentecôte à Pâques il n'y avait plus qu'un seul chant mélancolique. Debout, encore jusqu'à l'effritement, jusqu'à l'achèvement. Chaque nom d'ancêtre crié dans la tempête, comme au temps où les hommes et les femmes avaient pris pied sur ces rivages noirs, pour y recommencer leur vie." (p 96 à 98 )
JMG Le Clézio "Raga Approche du continent invisible" | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Lun 2 Mar 2009 - 22:18 | |
| Au fil de la lecture de la semaine dernière, les première lignes de la nouvellle Le Choucas, du recueil Le Gouffre et autres récits de Leonid Adreiev - Citation :
- Battant lourdement de ses ailes lasses, un choucas volait au dessus d'une plaine sans fin couverte de neige.
En haut se déployait un ciel d'une pâleur verdâtre qui, d'un côté, se confondait avec la terre dans une brume grise ; de l'autre côté, là où le soleil venait juste de disparaître, se mouraient les derniers feux du crépuscule, et le choucas pouvait encore apercevoir le globe mat et pourpre du soleil déclinant, alors qu'en bas, on voyait déjà s'épaissir les ténèbres d'une longue nuit d'hiver. A perte de vue, c'était la plaine grise, figée par un froid glacial, mordant. Le silence immobile de l'air vif était légèrement troublé par les vagues glacées soulevées par les battement d'ailes fatigués qui emportaient le choucas vers une forêt qu'il était seul à voir, et où il avait décidé de passer la nuit. Les étoiles brillaient déjà, et les ténèbres nocturnes enveloppaient d'un froid linceul la terre gelée, quand le choucas atteignit le bois touffu qui formait une vague tache noire sur la blancheur de la plaine. On entendait les arbres craquer de froid en déployant leurs branches chargées d'une neige fine et poudreuse. Des brindilles grinçèrent sous la patte prudente d'une bête des bois partant en chasse. Du lointain obscur montaient les sons plaintifs et terribles d'un hurlement de loup, sans fin, sauvage. Le choucas vira brusquement, changea de cap et, rassemblant ses dernières forces, se dirigea vers l'endroit où, il le devinait, passait une route. | |
| | | Nibelheim Main aguerrie
Messages : 389 Inscription le : 02/09/2007 Age : 36 Localisation : Cambrai
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 3 Mar 2009 - 0:22 | |
| Un passage de Bruges-la-Morte, roman symboliste de Rodenbach. Une Poésie de la grisaille - Citation :
- Mélancolie de ce gris des rues de Bruges où tous les jours ont l'air de la Toussaint ! Ce gris comme fait avec le blanc des coiffes de religieuses et le noir des soutanes de prêtres, d'un passage incessant ici et contagieux. Mystère de ce gris, d'un demi-deuil éternel !
Car partout les façades, au long des rues, se nuancent à l'infini : les unes sont d'un badigeon vert pâle ou de briques fanées rejointoyées de blanc ; mais, tout à côté, d'autres sont noires, fusains sévères, eaux-fortes brûlées dont les encres y remédient, compensent les tons voisins un peu clairs ; et, de l'ensemble, c'est quand même du gris qui émane, flotte, se propage au fil des murs alignés comme des quais.
Le chant des cloches aussi s'imaginerait plutôt noir ; or, ouaté, fondu dans l'espace, il arrive en une rumeur également grise qui traîne, ricoche, ondule sur l'eau des canaux.
Et cette eau elle-même, malgré tant de reflets : coins de ciel bleu, neige des cygnes voguant, verdure des peupliers du bord, s'unifie en chemins de silence incolores.
Il y a par là, par un miracle du climat, une pénétration réciproque, on ne sait quelle chimie de l'atmosphère qui neutralise les couleurs trop vives, les ramène à une unité de songe, à un amalgame de somnolence plutôt grise.
C'est comme si la brume fréquente, la lumière voilée des ciels du Nord, le granit des quais, les pluies incessantes, le passage des cloches eussent influencé par leur alliage, la couleur de l'air - et aussi, en cette ville âgée, la cendre morte du temps, la poussière du sablier des Années accumulant, sur tout, son œuvre silencieuse." | |
| | | Fantaisie héroïque Sage de la littérature
Messages : 2182 Inscription le : 05/06/2007 Age : 37 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 3 Mar 2009 - 11:53 | |
| Le passage me fait penser aux descriptions d'Amsterdam par Jean Lorrain dans Monsieur de Bougrelon; la ressemblance va plus loin que ça ou pas ? Et dans quelle collection peut-on trouver le roman de Rodenbach ? Merci | |
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| Sujet: Re: Au fil de nos lectures | |
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