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| Au fil de nos lectures | |
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Auteur | Message |
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kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Jeu 11 Nov 2010 - 17:55 | |
| - shanidar a écrit:
- Question : Kenavo a-t-elle eu recours à une telle pratique pour fabriquer ses nains ?
non, pas tout à fait mes nains on été un cadeau de Bix ici | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| | | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Dim 28 Nov 2010 - 15:15 | |
| Le vent ne s' arretera pas. Des rafales de sable tourbillonnent devant moi et cinglent mon visage. Mais il y a encore trop à voir, trop de quoi s' émerveiller, le monde si plein de vie dans la lumière et le vent exultant de fièvre printanière, de délice matinal. Tandis que je continue à marcher, il me semble que l' étrangeté et la merveille de l' existence sont accentuées ici, dans le désert, par la dispersion de la flore et de la faune : la vie non pas accumulée sur la vie comme ailleurs, mais projetée au loin dans l' éparpillement et la simplicité, avec un don généreux d' espace pour chaque herbe, chaque buisson, chaque arbre, chaque tige, de sorte que l' organisme vivant se dresse hardi et courageux et alerte sur le sable sans vie et le rocher nu. L' extreme clarté de la lumière du désert n' a d' égale que l' extreme individualisation des formes de vie dans le désert. C' est à découvert et dans la liberté que l' amour fleurit le mieux. Edward ABBEY. - Désert solitaire, p. 50 | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Lun 6 Déc 2010 - 21:25 | |
| ... Contrairement à ce que l' on nous serine, la part claire et lumineuse de l' enfance n' est jamais perdue corps et biens. L' a-t-on oubliée quelque part, il faut aller la rechercher comme un bagage perdu. L' enfance, plus qu' un age est un état d' esprit. C' est une attention fébrile aux etres et aux choses, une impatience d' absorption qui permet, pour de brefs instants, de saisir le monde dans sa polyphonie -il est toujours polyphonique- et de ne pas se contenter d' une lecture monodique, ce que nous faisons trop souvent par lassitude, résignation, ou par ce qu' Antonin Artauds appelait, avec une justesse cruelle, "insuffisance centrale de l' ame". Or cet état d' éveil peut se maintenir à nimport quel age, au prix bien entendu, d' une vigilance continuelle. S' il réussit, on se trouve vieillir plus heureux, et plus important encore, plus léger, la légèreté étant, chacun le sait, le meilluer apprentissage de la mort. C' est un pari difficile, mais en aucune façon impossible. Nicolas Bouvier, Souvenirs souvenirs, dans La guerre à huit ans. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 7 Déc 2010 - 11:00 | |
| - bix229 a écrit:
Or cet état d' éveil peut se maintenir à nimport quel age, au prix bien entendu, d' une vigilance continuelle. Ce n'est pas un peu contradictoire ? | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Lun 20 Déc 2010 - 18:47 | |
| Bof, on est pleins de contradictions, non ? Je crois que Bouvier faisait comme tout un chacun... Il esssayait de faire au mieux et faute de faire, il s' efforçait d' y croire... Tu verras Coli, tu comprendras mieux comment on fait des compromis en vieillissant ! | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Lun 20 Déc 2010 - 21:46 | |
| - bix229 a écrit:
- Bof, on est pleins de contradictions, non ?
Je crois que Bouvier faisait comme tout un chacun... Il esssayait de faire au mieux et faute de faire, il s' efforçait d' y croire... Tu verras Coli, tu comprendras mieux comment on fait des compromis en vieillissant ! Merci, j'ai déjà eu l'occasion d'en faire je crois | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Lun 20 Déc 2010 - 22:04 | |
| - Citation :
Ah ! c'est toi, promeneuse ! Je m'en doutais, mais maintenant que tu as dû t'élever un peu et que je vois que tu n'as point de cou, aucun doute ne subsiste dans mon esprit. Merci de cette aimable visite. Je devrais t'offrir quelque chose. Si j'avais un liquide qui s'évapore et t'agrée, je le ferais tout de suite. Mais vois-tu, je n'ai que des pierres, des pommes, des plumes. Les pierres sont des aérolithes (je craindrais de te rendre un cadeau et de t'offenser); les pommes, c'est pour les engloutir ; les plumes, c'est pour graisser mes portes. Te parler alors ? Je le fais, mais pas dans l'espoir d'obtenir une réponse. Tu as l'air d'avoir envie de dire - ta croûte blanche en furie en témoigne - mais tu es pressée, tu montes, la persienne t'entame. Adieu. Ça a été bien court. L'heure devrait sonner. Aux trois horloges : celle de la mairie, celle de l'église, celle du Sénat, les trois légèrement l'une après l'autre. C'est la montre qui est sur la table qui me fait penser cela. (Quelque chose craque dans les profondes charpentes plâtrées, qui doit n'être probablement rien.) J'ai du la remonter alors qu'elle était arrêtée, ce qu'on ne doit jamais faire avant de la porter à son oreille et d'écouter. C'est peut-être l'aube alors cette seconde blancheur. Bientôt le sol frémira : on entendra les concierges trainant sur lers trottoirs les lourdes caisses à ordures. C'est le premier bruit. Ensuite les frémissants camions des Kabyles qui les enlèvent, aidés par les enfants de Saint-Ouen qui croient que les Kabyles sont des dieux. tout petit éclat de la nouvelle Recensement de Charles-Albert Cingria dans Bois sec, bois vert. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 21 Déc 2010 - 21:02 | |
| - Citation :
- Puis on m’a laissé seul avec la splendide Neuvième de Ludwig van. Ah, pour une splendeur c’était une vraie splendité, miamiamiamiamiam. Et quand c’est arrivé au Scherzo je me suis reluché aussi net cavalant et cavalant sur des nogas genre tout ce qu’il y a de léger et de mystérieux, et en même temps je taille tailladais à grands coups de mon britva coupe-chou dans tout le litso du monde, qui critchait. Et il y avait encore à venir le mouvement lent et le ravissant dernier mouvement avec les voix qui chantent. Pour ce qui est d’être guéri, je l’étais.
L'Orange Mécanique d'Anthony Burgess Me fait penser qu'il faut que je lui ouvre un fil à ce gonze-là ! | |
| | | Igor Zen littéraire
Messages : 3524 Inscription le : 24/07/2010 Age : 71
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Mar 21 Déc 2010 - 21:09 | |
| - colimasson a écrit:
- Anthony Burgess
Me fait penser qu'il faut que je lui ouvre un fil à ce gonze-là ! Sûr, il le mérite! Imaginez, le toubib vous déclare en bref sursis et du coup, une nouvelle vie, et d'écrivain en plus. Et pas pour six mois mais 34 ans... | |
| | | la-lune-et-le-miroir Envolée postale
Messages : 287 Inscription le : 24/07/2008 Age : 57 Localisation : Dordogne
| Sujet: La célèbre madeleine .... Mer 22 Déc 2010 - 10:26 | |
| "Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n'était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n'existait plus pour moi, quand un jour d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissant d'une essence précieuse : ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi. J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D'où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D'où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l'appréhender ? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m'apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m'arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n'est pas en lui, mais en moi. Il l'y a éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéter indéfiniment, avec de moins en moins de force, ce même témoignage que je ne sais pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver intact, à ma disposition, tout à l'heure, pour un éclaircissement décisif. Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C'est à lui de trouver la vérité. Mais comment? Grave incertitude, toutes les fois que l'esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher? pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n'est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière. Et je recommence à me demander quel pouvait être cet état inconnu, qui n'apportait aucune preuve logique, mais l'évidence de sa félicité, de sa réalité devant laquelle les autres s'évanouissaient. Je veux essayer de le faire réapparaître. Je rétrograde par la pensée au moment où je pris la première cuillerée de thé. Je retrouve le même état, sans une clarté nouvelle. Je demande à mon esprit un effort de plus, de ramener encore une fois la sensation qui s'enfuit. Et, pour que rien ne brise l'élan dont il va tâcher de la ressaisir, j'écarte tout obstacle, toute idée étrangère, j'abrite mes oreilles et mon attention contre les bruits de la chambre voisine. Mais sentant mon esprit qui se fatigue sans réussir, je le force au contraire à prendre cette distraction que je lui refusais, à penser à autre chose, à se refaire avant une tentative suprême. Puis une deuxième fois, je fais le vide devant lui, je remets en face de lui la saveur encore récente de cette première gorgée et je sens tressaillir en moi quelque chose qui se déplace, voudrait s'élever, quelque chose qu'on aurait désancré, à une grande profondeur; je ne sais ce que c'est, mais cela monte lentement ; j'éprouve la résistance et j'entends la rumeur des distances traversées. Certes, ce qui palpite ainsi au fond de moi, ce doit être l'image, le souvenir visuel, qui, lié à cette saveur, tente de la suivre jusqu'à moi. Mais il se débat trop loin, trop confusément; à peine si je perçois le reflet neutre où se confond l'insaisissable tourbillon des couleurs remuées ; mais je ne peux distinguer la forme, lui demander, comme au seul interprète possible, de me traduire le témoignage de sa contemporaine, de son inséparable compagne, la saveur, lui demander de m'apprendre de quelle circonstance particulière, de quelle époque du passé il s'agit. Arrivera-t-il jusqu'à la surface de ma claire conscience ce souvenir, l'instant ancien que l'attraction d'un instant identique est venue de si loin solliciter, émouvoir, soulever tout au fond de moi ? Je ne sais. Maintenant je ne sens plus rien, il est arrêté, redescendu peut-être ; qui sait s'il remontera jamais de sa nuit? Dix fois il me faut recommencer, me pencher vers lui. Et chaque fois la lâcheté qui nous détourne de toute tâche difficile, de toute oeuvre importante, m'a conseillé de laisser cela, de boire mon thé en pensant simplement à mes ennuis d'aujourd'hui, à mes désirs de demain qui se laissent remâcher sans peine. Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé, les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. Et dès que j'eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s'appliquer au petit pavillon, donnant sur le jardin, qu'on avait construit pour mes parents sur ses derrières (ce pan tronqué que seul j'avais revu jusque là) ; et avec la maison, la ville, depuis le matin jusqu'au soir et par tous les temps, la Place où on m'envoyait avant déjeuner, les rues où j'allais faire des courses, les chemins qu'on prenait si le temps était beau. Et comme dans ce jeu où les Japonais s'amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d'eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s'étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l'église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé"
Il est très connu mais très bon à relire :) | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Jeu 23 Déc 2010 - 12:30 | |
| "A Berlin, c'était autre chose. La ville, jadis, avait eu une attaque d'apoplexie, dont les séquelles se voyaient encore. En passant d'un côté à l'autre, on traversait un étrange rictus, une cicatrice qui ne s'effacerait pas de longtemps. Ici, l'élément diviseur n'était pas l'eau, mais cette forme incomplète de l'histoire qu'on nomme politique, quand la couche de peinture n'est pas encore tout à fait sèche. Il suffisait d'un peu de sensibilité pour éprouver presque physiquement cette fracture." Cees Nooteboom Le jour des Morts | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Jeu 23 Déc 2010 - 12:38 | |
| Conversation entre deux néerlandais expatriés en Allemagne : " Tu imagines un Wagner anglais ? Un Nietzsche hollandais ? De honte, les Hollandais n'auraient pas su où se mettre ! Fais comme tout le monde, on te remarquera déjà bien assez ! - Oui, mais cela vaut aussi pour un Hitler. - Tout juste. Il criait trop fort, et il avait une drôle de petite moustache. Un genre qui ne plait pas aux voisins. Nous, nous avons une reine qui fait du vélo. Chez Hitler, on ne pouvait pas jeter un coup d'oeil par la fenêtre. Nous, nous n'aimons pas ça. Nous voulons savoir si Mme Hitler a déjà passé l'aspirateur. Tu ne croyais pas si bien dire : les Pays-Bas, un pays sans montagnes. Superficiel, hein ? Pas de montagnes, donc pas de cavernes. Rien à cacher. Pas de zones d'ombre dans les âmes. Mondrian. Couleurs primaires, lignes droites. Canaux, digues, routes tracées dans les polders. Pas d'antres, pas de gouffres." Cees Nooteboom, Le jour des Morts | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Ven 31 Déc 2010 - 22:41 | |
| - Citation :
On voit : rue du Rosier. On lit : Restaurant en lettres de mauvais jaune de tristes chameaux se sauvant en arrière. Une étoile est la plus fine de l'éternité. Le passé fond. Ah ce que nous chantions : sicut plantatio rosae in Jericho. Nous étions frais comme l'aurore, frisés comme des papiers de manches à gigot. L'homme coninue : "Je sais bien... Oh, je sais très bien... Vous êtes tous très forts... je vous remercie quand même... Je vous dit merde... L'enseignement c'est l'enseignement... Oui c'est oui..." C'est devant le Temple des Billettes. Tous ceux qui ont été par là savent qu'il y a un banc. C'est là qu'il est assis, et il lance de grands gestes là où il n'y a rien. Une femme et un vieillard traversent la rue. Ils tiennent à peine. Leurs enfants, princiers - le respect de l'ivresse et dès cet instant une initiative, improvisent ce miracle : la tenue -marchent à distance calculée. Ils tiennent des clés qui sonnent et qui brillent. Si les autres s'arrêtent (c'est quelques fois très long), eux aussi s'arrêtent, sans discontinuer de parler de choses à eux qui ne sont nullement du désespoir de leurs parents mais de toute la vie, dans un français alerte et correct. Plus la nuit avance, plus il fait lourd, plus on se sent éteint comme si d'immenses bêtes feutrées voulaient progressivement vous ôter le sang et vous tuer. On veut fuir. On appréhende le moment de le faire. Et puis fuir, c'est abandonner cette chose précieuse et douce et fine plus que tout ce qui est précieux et doux et fin au monde qu'est Paris à ce moment énorme. Cependant mourir, la nuque plantée dans un tesson d'eau minérale tandis que la Vierge aux voiles sorbétiques vous aspire, n'est pas encore ce qu'il faut. Je sais une gare. J'ai l'heure précise d'un train : un but : retirer ma belle bicyclette bleue laissée en consigne en banlieue. Eh oui, tout à coup, l'idée de grands frais qui s'amoncellent m'irrite. Béni soit Adonaï qui a mis dans le cœur de l'homme la colère de ses intérêts qui le fait vivre. Je pars. Je dors un peu. J'arrive. C.-A. Cingria, Le petit labyrinthe harmonique dans Bois sec, bois vert.
Dernière édition par animal le Mar 4 Jan 2011 - 22:21, édité 1 fois | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Au fil de nos lectures Dim 16 Jan 2011 - 22:17 | |
| - Citation :
Je m'étonne moi-même, à vrai dire. J'ignore comment tout cela est arrivé, comment l'homme de l'Est a disparu en moi. Comment je suis devenu un habitant de l'Ouest. C'est certainement le fruit d'un processus rampant, analogue à ces maladies tropicales hautement contagieuses qui mettent des années à se propager dans le corps sans se faire remarquer et finissent par prendre le pouvoir. Les temps nouveaux ont transformé ma rue ; ils m'ont changé, moi aussi. Je n'ai pas eu à me déplacer : c'est l'Ouest qui est venu à moi. Il a fait ma conquête à domicile, dans mon environnement familier. Il m'a facilité le départ dans une nouvelle vie. J'ai une épouse qui vient de France et deux enfants qui ignorent totalement qu'il y a eu un jour un mur à Berlin. J'ai un emploi bien payé dans un journal, et mon souci principal du moment est de savoir si nous devrions poser du parquet ou du carrelage dans notre cuisine. Je n'ai plus besoin de donner le change, je n'ai pas à m'engager, aucun point de vue de classe ne m'est nécessaire. La politique peut-être un sujet de discussion si l'on ne trouve rien de mieux. Ce n'est pas la société, c'est moi qui suis devenu le thème principal de mon existence. Mon bonheur, mon boulot, mes projets. Maxim Leo dans Histoire d'un Allemand de l'Est. | |
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