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 Edward Hopper [Peintre]

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animal
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyLun 16 Juil 2012 - 20:47

ouaip ce qu'il faudrait c'est mélanger l'expo Jean-Louis Forain de Paris et la Hopper de Lausanne par exemple. C'est surtout l'expo Forain qui m'a marqué et c'est le lien d'influence visuelle et de courant, de moment, de suite (ce qui touche à la modernité et au conservatisme) m'intrigue par rapport à ce qui m'a mis à distance dans l'autre expo. En plus de la lecture imposée version génie novateur.
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Madame B.
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyLun 16 Juil 2012 - 20:51

Reviens nous parler de ce livre Kenavo, cela a l'air passionnant.
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http://labougeotte-impressionsdevoyages.blogspot.com/
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyLun 16 Juil 2012 - 21:05

animal a écrit:
J'avoue une certaine curiosité sur le contexte américain mais aussi européen et les influences de Hopper si c'est évoqué aussi ? ... danse...
comme je l'ai dit, j'ai souligné moitié du livre et c'est rien de plus difficile pour moi que de donner un résumé de cela, mes mots ne suffiront pas, mais je voulais donner des extraits au fur et à mesure dans les prochains jours parce que c'est vraiment très intéressant comment Alain Cueff a procédé pour "raconter" cette.. 'histoire' - qui n'est en quelque sorte rien d'autre que la biographie de Hopper, mais en prenant une à une ses tableaux et les mettre en contexte, soit d'après ses lectures, ses voyages, ses visites de musées, ses études faites près de différents autres peintres, les films vus..


animal a écrit:
En plus de la lecture imposée version génie novateur.
c'est en effet une notion de "trop" si on n'adhère pas autant à son monde, et surtout dans l'art c'est évident que chaqu'un a tendance à mettre son peintre préféré sur un piédestal qui n'est pas évident à voir par d'autres
depuis cette lecture, Hopper reste pour moi par exemple toujours autant un peintre que j'adore et dont les "atmosphères" trasmises restent unique, mais de là à le nommer "génie novateur", non, certainement pas..

dommage que je ne puisse pas t'envoyer mon livre électronique, tu pourrais y jeter un oeil.. mais je vais revenir avec des extraits, promis Very Happy


Madame B. a écrit:
Reviens nous parler de ce livre Kenavo, cela a l'air passionnant.
ce sera fait!! c'est vraiment un bijou ce livre..
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyLun 16 Juil 2012 - 21:08

mârci bôcoup. cat
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyMar 17 Juil 2012 - 13:43

Alain Cueff, Edward Hopper, entractes, extraits:

En dépit des différences d’époque et de lieu, les positions de Thoreau et de Hopper sont identiques: laisser venir à soi les images, se laisser conquérir sans préjuger de la Beauté ou de la banalité du Monde, emmagasiner des impressions que pour l’un se voient retranscrites presque aussitôt dans le Journal, et qui pour l’autre séjournent dans la mémoire avant d’être transposées par le dessin. Si Thoreau exploite son regard de façon presque systématique, Hopper au contraire se livre à des sélections très strictes du matériau visuel et, j’y reviendrai, le recompose selon les termes de son imagination. En dehors de cette différence, l’éthique du regard est la même, ni inquisitrice (policière ou moraliste) ni prédatrice (photographique ou journalistique). Entre le moment de la vision et celui de sa retranscription, une interprétation s’impose d’elle-même qui jamais ne débouche sur un quelconque jugement. Tout sera recomposé ou modifié avec plus ou moins d’ampleur, sans que jamais soit altéré la vérité de la sensation.

[…]

Hopper peint sans relâche les détours du Cap, comme pour faire mentir Thoreau : « Maintenant j’avais le Cap sous moi, un peu comme si je le montais à cru. Ce n’était pas comme sur la carte ou comme depuis la diligence ; mais là je le trouvais en plein air, immense et réel, le Cap Cod ! tel qu’on ne peut le représenter sur aucune carte, coloriée comme vous voulez ; la chose en soi, dont rien d’autre ne se rapproche plus qu’elle-même, et à quoi aucune peinture ou description ne ressemble ; la chose elle-même, qu’on ne peut pas aller voir plus loin. » Par touches successives, sans le moindre empressement, avec la modestie de celui qui se soumet à l’objet de sa vision, Hopper perpétue le sentiment invariable que lui procure la presqu’île.

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3854
Corn Hill, Truro, Cape Cod, 1930

Gardant les yeux fixés sur « la limite, qui semblait sans cesse reculer », comme disait Thoreau, Hopper entendait à la fois dissiper les mirages et restituer l’expérience ordinaire de la vision. Jusqu’à l’après-guerre, le Cap constituait un sanctuaire et un recours. « En s’installant ici, concluait l’écrivain, on met l’Amérique entière derrière soi. » L’Amérique, que les Hopper ont de rares fois traversée, au sud, vers le Mexique, à l’ouest, vers la Californie, est partout égale à elle-même, engagée dans ce processus de répétition et d’uniformisation qui a garanti la pérennité du rêve américain, accessible à tous et en tout lieu. Caractère répétitif qui rend les explorations supplémentaires facultatives : les formes ont assez d’évidence pour démontrer à quel point ce rêve est une fable, l’aliment un peu fruste d’une cohésion démocratique. L’Amérique derrière soi : elle est un monde déjà accompli, un souvenir déjà oublié. Hopper nourrit à son égard des sentiments ambivalents. Il éprouve une certaine nostalgie pour la « bonté vertueuse du passé américain » et, en même temps, il rejette, comme le fera aussi Jackson Pollock, l’idée d’une américanité de l’art, aussi incongrue que celle d’une américanité des mathématiques. « Je n’ai jamais essayé de faire dans l’American Scene, dira-t-il, comme [Thomas Hart] Benton et [John Steuart] Curry ou les peintres du Middle West. À mon avis, les peintres de l’American Scene ont caricaturé l’Amérique. »

[…]

« Montrez-moi vraiment le présent et vous connaîtrez les mondes antiques et futurs », écrivait en 1837 Ralph Waldo Emerson. Dans un de ses rares textes consacré en 1928 à son contemporain Charles Ephraim Burchfield, Hopper fait écho à cette injonction :» La chose a été vue. Le temps arrêté. Et la palpitation, nous la revivons encore. » Le temps arrêté, voilà à quoi est destinée cette confrontation aux choses. Hopper prend son destin à sa juste mesure l’autorité de la chose vue, le saisissement qu’elle provoque. Pour lui comme pour Thoreau, le temps vécu est le substrat de l’œuvre, la dimension essentielle qui accueille la pensée et son éternité.

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3855
Road in Maine, 1914
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyMer 18 Juil 2012 - 15:03

Alain Cueff, Edward Hopper, entractes, extraits:

Hopper a, bien sûr, une conscience très sûre de l’histoire de la peinture et les références à Rembrandt, Degas ou Eakins, parmi tant d’autres, abondent et composent un réseau dans lequel s’inscrit son travail. Elles permettent souvent de comprendre les problèmes auxquels il était confronté et sa façon très personnelle de les traiter. Mais, si importante pour lui, la littérature offre des ressources précieuses pour décrypter certaines de ses intuitions et ambitions. Non pas en termes iconographiques (comme si tel passage d’Ernest Hemingway ou de Sherwood Anderson offrait une source d’inspiration directe), mais en termes d’intelligence de l’expérience humaine. « Dans chaque œuvre géniale, écrivait Emerson, nous retrouvons des pensées que nous avions rejetées ; elles reviennent vers nous avec une certaine majesté distanciée. » Lecteur impuni, le peintre était aussi sensible au génie des lettres et à sa majesté distanciée celui des images.

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3871
Railroad Train, 1908

Dans sa célèbre conférence devant les étudiants de Harvard en 1837, publiée sous le titre Le Savant américain, depuis considérée comme l’acte de naissance de la culture américaine, Ralph Waldo Emerson traçait les contours d’une juste ambition de l’artiste dans un pays neuf. Le ton en est à la fois autoritaire et lyrique, les métaphores souvent emphatiques. Mais il s’agit ni plus ni moins de réveiller le continent de sa torpeur et de démontrer que, maintenant qu’il a terminé son apprentissage, il doit offrir au monde autre chose qu’une capacité mécanique. S’il est vrai que « chaque époque doit écrire ses propres livres », ces écrits doivent inspirer, susciter le désir de penser par soi-même, sinon ils ne sont rien. L’Amérique offre à l’ »homme pensant » une chance rare de jouer un rôle éminent, à la hauteur de celui qui lui assignait Platon dans La République.

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3872
American Landscape, 1903


À la fin de sa vie, Hopper confiait à O’Doherty que Emerson n’était pas d’un grand secours contre les désillusions de l’âge. Mais il lui a offert dans sa jeunesse une inspiration déterminante : l’œuvre d’un artiste est une constante remise en jeu de ses principes. Les leçons du philosophe s’enchaînent les unes aux autres dans une pensée plus organique que logique, d’où l’heureuse impossibilité d’en tirer des axiomes ou d’en déduire des programmes : il n’y a pas d’ »emersonnisme » possible. D’un essai à l’autre, de Nature (1836) et de La Confiance en soi (1841) à La Conduite de la vie (1860), Emerson élabore chaque fragment comme un tout, mais le tout de son œuvre reste délibérément fragmentaire : la philosophie est un perpétuel recommencement. « La vie elle-même est un mélange de poussière et de forme « : il faut « trouver la fin du voyage à chaque pas ».

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3873
Sun in an empty room, 1963


Ce qui était pour Mallarmé source d’émerveillement était pour Emerson le propre de l’art, dont la vertu consiste à faire valoir un objet indépendamment de « toute cette embarrassante variété » du monde. L’artiste est peut-être un magicien aux yeux de l’homme rationnel, il est d’abord un escamoteur. Couper, séparer, dissocier, isoler – recadrer encore aux fins d’inventer la nécessité de l’image.
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyMer 18 Juil 2012 - 21:35

Je regrette un peu plus d'avoir glissé ma lecture de Nature sur le fil Thoreau... surtout qu'un mot que j'ai oublié il me semble est celui d'analogie qui est une des briques importantes pour Emerson. L'esprit humain fonctionne par analogie : la façon de voir (influencée) est naturellement reportée sur d'autres choses. Et c'est vrai que par analogie je vois aussi chez Hopper le conservatisme et quelque chose d'un peu fermé (et qui n'est pas sans lien avec la caricature). Bizarrement mélangé avec une grande dynamique qui subit (ou pas d'ailleurs, il faudrait savoir voir plus clairement) une teinte de modernisme et de décoratif, une image un peu lisse qu'on pourrait croire parente de l'image publicitaire (ce qui ne serait pas impossible). Et encore la perception des images des années 1910-1930.

Et dans les surfaces on retrouve certains de ses camarades contemporains comme Charles Sheeler (façades surtout ) ou Georgia O'Keefe (grandes plages de couleurs).

et une image pour entretenir le fil (influencé par un zigzag sur la page wikipedia consacrée à Hopper) :

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 Edward10
Dawn before Gettysburg, 1934
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyMer 18 Juil 2012 - 21:45

c'est marrant que tu as choisi cette image.. Alain Goeff lui consacre un bien long passage.. je n'ai pas le courage de le recopier maintenant, mais je vais en revenir parce que c'est vraiment intéressant de voir combien une "lecture" d'une image peu varier selon les connaissances
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyMer 18 Juil 2012 - 21:58

En fait je l'ai choisie car le commentaire mentionne deux peintures historiques seulement. d'où curiosité.

L'autre :

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 66703510
Light Battery at Gettysburg, 1940
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyMer 18 Juil 2012 - 22:02

tout à fait, voilà l'autre et Goeff les met en relation.. et c'est vraiment intéressant.. je pense que je vais avoir un moment creux demain au bureau pour recopier cela Cool
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyJeu 19 Juil 2012 - 10:18

Alain Cueff, Edward Hopper, entractes, extraits:


À la fin de l’hiver 1933-1934, l’un des plus rigoureux que la côte est du pays ait connus depuis longtemps, il peint un tableau dont le sujet est éminemment américain, mais situé dans l’une des époques les plus dramatiques de l’histoire du pays. Vraisemblablement inspiré par une photographie de Mathew Brady, Dawn before Gettysburg (À l’aube aux environs de Gettysburg)

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 Andrej10
1934

représente un groupe de soldats de l’Union au repos pendant la célèbre bataille qui eut lieu du 1er au 3 juillet 1863 (7 000 morts, 45 000 blessés), étape importante sur le chemin de la victoire nordiste deux ans plus tard. S’il s’inscrit stylistiquement sans le moindre hiatus dans sa production (sans parler des nombreuses scènes de combats militaires dessinées pour les journaux), ce tableau est inhabituel. Il n’est motivé ni par une quelconque actualité commémorative, ni par le souci de rendre hommage à l’idéal de l’Union. Qu’est-ce qui a bien pu pousser Hopper à peindre des hommes accablés, prostrés, assis les uns contre les autres sur un talus devant une maison blanche, tandis que, à l’écart, un officier observe la route ? L’anachronisme lui-même laisse soupçonner une intention cachée dont la clef ne peut se trouver que dans les caractéristiques de la période au cours de laquelle est peint le tableau.

L’hiver 33-34 est, des points de vue économique et social, l’un des pires depuis que la crise de 1929 a éclaté, mettant à mal l’ »individualisme vigoureux » qu’avait inlassablement promu Herbert Hoover, président élu en 1928. En dépit du train de mesures des « 100 jours », puis du New Deal mis en place par Franklin Delano Roosevelt dès son accession à la présidence en mars 1933, en dépit des aides directes coordonnées par la Civil Work Administration puis par la Work Progress Administration, l’Amérique est littéralement sur les genoux. Tous les indicateurs sont au rouge, selon l’expression consacrée, le taux de chômage est au plus haut, l’indice de production reste faible, le dollar est dévalué de 40% par rapport à l’or en janvier de cette année 1934. Les manifestations et les émeutes se succèdent, les explications (que les historiens ont tant de mal à produire encore aujourd’hui) et les remèdes à l’imbroglio financier tardent. Dans les villes et les campagnes, les ravages sans précédent de la crise s’étendent à de nouveaux segments de la population. De leur propre initiative ou commissionnées par les instances fédérales, des artistes vont témoigner de cette situation parfois tragique. À la demande de la Farm Security Administration, Walker Evans, Dorothea Lange, Jack Delano, Russel Lee ou Arthur Rothstein parmi d’autres parcourront le pays à partir de 1935 et en ramperont des clichés bouleversants. Ben Shahn, à la fois photographe et peintre, livrera lui aussi une vision humaniste d’un pays où les inégalités donnent lieu à une ségrégation d’un genre nouveau. Dans le même temps, le roman social va connaître un succès grandissant avec Erskine Caldwell, John Steinbeck, John Dos Passos, qui publie de 1930 à 1936 sa trilogie USA. Le droit à l’opulence auquel toute la nation croyait comme en un dogme, popularisé à la fin du XIXe par les romans puérils d'Horatio Alger, se voit démythifié par ces témoignages où la violence affleure même dans les visages les plus résignés.

Le tempérament et les penchants politiquement conservateurs de Hopper ne pouvaient l’inciter à revêtir les armures du chevalier blanc. Sa réprobation à l’égard de l’aide consentie aux artistes de la W.P.A : lui interdisait de prendre le chemin de la pauvre Amérique pour produire un travail qui lui aurait trop rappelé ses mauvais souvenirs d’illustrateur, et dont il pouvait avec raison contester la dimension militante finalement convertie en propagande. Peintre et lettré, enfin, il n’était pas homme à porter un quelconque crédit au mode déclaratif qui plie l’art à une cause, si bonne soit-elle. Il précisera d’ailleurs avec bons sens : « Daumier était un grand artiste malgré ses analyses politiques, pas grâce à elles ». Pourtant il lui était impossible de rester indifférent à cet effritement brutal du rêve américain dont il s’est peut-être entretenu avec Dos Passos, son voisin du Cap Cod. Pour que l’allégorie remplisse sa fonction, il faut que son décryptage puisse être immédiat ; quand elle pâtit d’une désaffection certaine, comme c’est le cas au XXe siècle, elle devient un moyen, discret ou secret, de tenir un propos qui ne peut que s’exprimer sur le mode suggestif. D’où les problèmes d’interprétations que suscitent certains opus hoppériens.

Comment comprendre Dawn before Gettysburg? Ces soldats unionistes, pour la plupart enrôlés à la hâte, sommeillant encore au bord de la route près de Gettysburg, peuvent-ils être vus comme les représentants d’un peuple abattu par la première grande crise de l’histoire du capitalisme ? Comme les gardiens d’une union menacée, non plus par l’opposition du Nord et du Sud, mais par les lignes de ruptures économiques ?

Hopper reprend six ans plus tard le thème de la guerre de Sécession avec Light Battery at Gettysburg,


hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 Andrej11
1940

dont le caractère allégorique est plus facile à établir. Devant une semblable maison entourée de barrières, selon un point de vue symétriquement opposé à celui de Dawn…, est massé un escadron de canonniers. Or, du début septembre 1939 à juin 1940 se déroule la « drôle de guerre », au cours de laquelle une France politiquement désorientée voit les armes du IIIe Reich envahir peu à peu l’Europe avant de céder elle-même é l’armée du général Fedor von Bock. Face à cet enchaînement inexorable de défaites naît aux Etats-Unis une polémique sur l’opportunité de soutenir ou non les Alliés. « America First » regroupe un assemblage hétéroclite d’hommes d’affaires, de conservateurs, de pacifistes, de nationalistes, d’anticommunistes qui militent pour la neutralité. Pour d’autres il s’agit au contraire de combattre un ennemi odieux mais aussi de « défendre l’Amérique par l’aide aux alliés » La question ne sera tranchée par défaut que le 7 décembre 1941 avec le bombardement de la base de Pearl Harbor, qui oblige Roosevelt à sortir de sa prudente réserve. Le très francophile Hopper est profondément bouleversé par le destin du pays de sa jeunesse et traite les dramatiques atermoiement de l’Amérique par les armes légères de l’allégorie : la troupe fait halte, en attente d’un signe de la maison blanche pour rejoindre le front.
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyJeu 19 Juil 2012 - 22:35

c'est vrai que c'est intéressant.  bonjour

et question bête, mais que l'extrait aide à formuler. A côté de la part d'amérique à la Emerson & co comment le livre esquisse le rapport à l'amérique moderne, la face moderne du rêve américain (d'où les façades, les machines, la face dynamique) ?

Une autre image avec excuse du contraste (la vraie c'est qu'elle était mentionnée dans les rares excentricités de sujets en action) :

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 Bridle10

Bridle Path, 1939
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyVen 20 Juil 2012 - 10:47

animal a écrit:
et question bête, mais que l'extrait aide à formuler. A côté de la part d'amérique à la Emerson & co comment le livre esquisse le rapport à l'amérique moderne, la face moderne du rêve américain (d'où les façades, les machines, la face dynamique) ?
voilà ce qui est plus difficile pour répondre
comme je l'ai dit, il écrit en quelque sorte une "biographie" à travers les tableaux.. en prennant à droite et gauche des références sur ses lectures, autres peintres/artistes qui l'ont influencé, certainement ses séjours à Paris qui ont joué un rôle.. et du coup le rapport avec l'Amérique/le rêve américain est à trouver ici et là, Alain Cueff en parle, mais pas dans un long extrait que je pourrais recopier..
de toute façon j'avais dit que j'allais relire, quand je vais trouver des réponses à cette question, je vais les noter pour poster ici!


animal a écrit:
Une autre image avec excuse du contraste (la vraie c'est qu'elle était mentionnée dans les rares excentricités de sujets en action) :
ah oui, j'en ai appris des choses sur cette image (que je n'avais pas trop remarqué jusqu'à présent, sujet pas à mon goût):

Alain Cueff, Edward Hopper, entractes, extrait:

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 Bridle10
Bridle Path, 1939

Un autre tableau de 1939, Bridle Path (Chemin équestre), présente un thème et une structure si inhabituels dans l’œuvre de Hopper que les questions sur ses motivations et ses possibles significations affluent. La scène est localisée sur le côté ouest de Central Park, au niveau de la 72e rue, l’immeuble Dakota à l’arrière-plan, les signes d’un jeune printemps portés par les arbres. Trois cavaliers approchent un tunnel : à gauche, une femme blonde, tête nue, a une longueur de retard sur une autre cavalière rousse, presque debout sur les étriers de sa monture qui, à une encolure près, est au même niveau que celle d’un homme. Celui-ci tire sur la bride pour retenir son destrier blanc. Il ne renonce certainement pas à pénétrer dans le tunnel, mais il est vraisemblablement qu’il veut éviter – par courtoisie ? – de précéder la jeune femme blonde. La symbolique équine est trop évidente pour qu’il soit besoin d’insister sur la suggestion d’un désir sexuel impétueux mais différé, suggestion rendue encore plus évidente par l’obscurité de l’entrée du tunnel – analogon de la « petite mort ». Le tunnel (et ses connotations) se retrouve dans Approaching a City

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3884
1946

à propos duquel il disait « J’ai toujours été intéressé par l’approche d’une grande ville en train ; je ne parviens pas à en décrire exactement les sensations. […] Il y a une certaine peur et une angoisse, et un puissant intérêt visuel dans les choses que l’on voit en arrivant dans une ville » Il omet de dire : les sensations des choses que l’on ne voit pas (la peur), de celles qui se dérobent à la vue (l’angoisse), ou ne sont pas encore connues (la possession).

Mais il faut se garder des prétentions d’une telle psychologisation, aussi décevante que conjecturale. Et regarder au titre du tableau lui-même pour envisager autrement l’intelligence de Hopper et son humour. Il se trouve que »Bridle » et »bridal » se prononcent exactement de la même façon : le premier terme (aussi bien substantif, verbe ou adjectif) désigne la bride, le second terme, sous cette forme adjectivale, se traduit par « nuptial « . « Bridal Path » peut ainsi se traduire par « chemin nuptial » ou, avec une inflexion plus duchampienne, « passage de la mariée. Et, si Hopper a élaboré son jeu de mots sur l’homophonie des deux termes, le motif sous-jacent obtenu par le redoublement du premier serait la « bride de la mariée » ou, mieux encore, la « bride nuptiale ». Le détail de sa vie conjugale est inutile pour comprendre la généralité à laquelle il vise avec cette scène si étrange, et pour appréhender le processus d’invention des paraboles qu’il arrive à ce peintre méticuleux et parcimonieux de mettre en place.
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyDim 22 Juil 2012 - 18:12

Une relecture de Alain Cueff va devoir attendre encore un peu, je suis en pleine phase de novelles découvertes Wink
Je viens de terminer celui-ci

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3894
Wieland Schmied, Edward Hopper, Portraits of America

Pour l’instant apparemment seulement à lire en anglais (même qu’il est écrit en allemand, je ne l’ai trouvé nulle part)

Mais j’ai trouvé une sorte de réponse à ta question (qui ne va pas aider puisque c’est un autre livre Laughing )

The question of what is American about Hopper’s art is a thorny one. The American quality is obviously there, yet it is difficult to pin down. The more we try to analyze it, the more elusive it seems to become. One thing is clear, however: the pursuit of specifically American traits was not a conscious artistic strategy on Hopper’s part. I believe he was motivated by something more general – by an interest in the human condition itself. And being a precise observer, he found symptoms of this universal condition in the specific world of his own day and age. Thus the American quality in Hopper’s paintings was unpremeditated, and for that very reason it suffused them so thoroughly that they seem deeply impregnated with it.


Intéressant ici aussi quelques détails : un de ses tableaux les plus connus :

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3895

House by the Railroad, 1913

montre une maison de l’architecture de ce temps.. qui était : européenne…
pour comparer :

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3897

Le Pont Royal, 1909

Par après il montre un bel « dialogue » entre Hopper en Amérique et quelques artistes en Europe, p.ex. :

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3898

Giorgio Morandi, Paseaggio, 1913


hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3899

Road in Maine, 1914

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3900 /  hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3901
Giorgio de Chirico, The Great Tower, 1913 / Yearning for the Infinite, 1913-14

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3902 / hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 A3903
Lighthouse Hill, 1917 (détail) / The Lighthouse at Two Lights, 1929

Hopper may have been the only New York painter of the day not to depict skyscrapers.
Other, comparable motifs he avoided were freeways, factories, machinery, industrial plants. Yet Hopper did make frequent, if oblique, references to the industrial, technological age in which we live. It is only that the renderings of everyday life in America of the period exclude everything that has come to be associated with the American cliché. Nor do the show any temptation on his part to celebrate the affluent society.


Dernière édition par kenavo le Sam 1 Oct 2016 - 7:30, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Edward Hopper [Peintre]   hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 EmptyDim 22 Juil 2012 - 22:30

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Manhattan Bridge Loop, 1928.

Mârci again. je continue de me gratter la tête. Il y a le chemin de fer, et quelques traces de travail ou d'industrie même si le temps mort est plus présent que l'activité débordante et... positive ? Ou alors nous sommes contraints de rester face à l'étrangeté des formes différentes, plus pleines peut-être (si on devait penser à Caillebotte pour les marines plus précisément) ?

je trouve celui là qui n'est pas sur le fil je crois, en fausse anomalie :

hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 Hopper11

Tugboat With Black Smoke Stack. 1908.


hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 Edward11

Freight Cars, Gloucester, 1929


hopper - Edward Hopper [Peintre] - Page 12 Long2510


A moins que ce ne soit une espèce de romantisme dans les symboles conservés dans les temps morts choisis qui ne donne cette impression très US ?  jemetate

(ça me dit bien aussi le parallèle avec Caillebotte).
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