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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Dim 6 Avr 2014 - 23:11
Arabella a écrit:
Merci Heyoka, mais je trouve que c'est un livre dont il est tellement difficile de parler.
Oh oui ! J'ai eu ce problème pour Michael K, mais aussi pour Elizabeth Costello (qui est pourtant très différent).
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Lun 7 Avr 2014 - 7:42
Il n'y a en effet aucun commentaire de toi sur le fil.
Heyoka Zen littéraire
Messages : 5026 Inscription le : 16/02/2013 Age : 36 Localisation : Suède
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Lun 7 Avr 2014 - 13:32
Arabella a écrit:
Merci Heyoka, mais je trouve que c'est un livre dont il est tellement difficile de parler. Ce que l'on peut en dire est forcément tellement en deçà du contenu...Pour lui rendre justice, il faudrait avoir des compétences de véritable critique littéraire et pas mal de temps. En même temps ne pas en parler n'est pas non plus satisfaisant, parce que forcément on a envie que d'autres le lisent....Alors j'ai essayé quelques impressions.
Je ne peux que te comprendre, j'avais commencé mon commentaire par : "Je me rends compte que je vais avoir du mal à parler de cette lecture".
Arabella a écrit:
Il n'y a en effet aucun commentaire de toi sur le fil.
C'est inadmissible.
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Lun 14 Avr 2014 - 22:12
Disgrâce (Disgrace, 1999). Traduit de l'anglais en 2001 par Catherine Lauga du Plessis. Points. 273 pages. Booker Prize 1999.
Le personnage principal, David Lurie, est professeur à l'Université.
Citation :
"Il gagne sa vie à l'Université technique du Cap, qui faisait naguère partie du Collège universitaire du Cap, où il avait une chaire de langues modernes. Mais à la suite des mesures de rationalisation et de la fermeture du département de langues classiques et modernes, il se retrouve professeur associé en communications. Comme tous les enseignants touchés par la rationalisation, il lui est permis d'enseigner un cours par an dans sa spécialité, quel que soit le nombre des inscrits, parce qu'on a souci de soutenir le moral du corps enseignant. [...] Bien qu'il consacre chaque jour des heures à sa nouvelle discipline, il trouve que le principe sur lequel elle repose, tel qu'il est exprimé dans la brochure de Communications 101, est ridicule : « La société humaine a créé le langage pour nous permettre de communiquer nos pensées, nos sentiments et nos intentions les uns aux autres. » À son avis, qu'il se garde bien d'exprimer en public, la parole trouve son origine dans le chant, et le chant est né du besoin de remplir de son l'âme humaine, trop vaste et plutôt vide." (page 10).
Il a publié trois livres qui sont passés inaperçus (Boïto et la Légende de Faust : la Genèse de Méphistophélès ; une étude de la vision comme principe érotique ; les rapports de Wordsworth avec l'histoire...).
Ecoutons, de Arrigo Boito (surtout connu comme librettiste pour Verdi ou Ponchielli - ainsi que pour être le frère de Camillo), le finale de Mefistofele, avec Samuel Ramey :
David Lurie est un intellectuel, mais l'enseignement, ça n'est pas son truc. Il a du mal à communiquer avec ses élèves.
Citation :
"Il continue à enseigner parce que cela lui donne de quoi vivre ; et aussi parce que c'est une leçon d'humilité, cela lui fait comprendre la place qui est la sienne dans le monde. Ce qu'il y a là d'ironique ne lui échappe pas : c'est celui qui enseigne qui apprend la plus âpre des leçons, alors que ceux qui sont là pour apprendre quelque chose n'apprennent rien du tout." (page 12).
Il s'est marié deux fois, et a divorcé deux fois. Il a des aventures par ci, par là, sans difficulté. Il présente bien, c'est un séducteur. Il a cinquante-deux ans.
Citation :
"Et puis, un beau jour, tout cela prit fin. Sans le moindre signe avant-coureur, le pouvoir de son charme l'abandonna. Ces regards, qui naguère auraient répondu aux siens, glissaient sur lui, se portaient ailleurs, ne le voyaient plus. Du jour au lendemain, il ne fut plus qu'un fantôme. S'il voulait une femme, il devait apprendre à courir après ; et souvent, d'une manière ou d'une autre, l'acheter." (page 15).
Citation :
"Comme il rentre par le chemin des écoliers un vendredi soir, en passant par les anciens jardins de l'université, il aperçoit l'une de ses étudiantes dans l'allée, un peu devant lui. Elle s'appelle Mélanie Isaacs. Ce n'est pas une fille brillante mais elle n'est pas nulle non plus : pas bête, mais pas motivée." (page 19).
Il la rattrape, l'invite, met de l'ambiance.
Citation :
"Il met un autre disque : les sonates de Scarlatti, un chat qui court sur le clavier" (page 24).
C'est joliment dit.
Dernière édition par eXPie le Mar 15 Avr 2014 - 20:04, édité 2 fois
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Lun 14 Avr 2014 - 22:12
Et il tente sa chance.
Citation :
"« Ne pars pas. Passe la nuit avec moi. » Par-dessus le bord de la tasse elle le regarde fixement. « Pourquoi ? - C'est ce que tu devrais faire. - Et pourquoi est-ce que je devrais faire ça ? - Pourquoi ? Parce que la beauté d'une femme ne lui appartient pas en propre. Cela fait partie de ce qu'elle apporte au monde, comme un don. Elle a le devoir de la partager. »" (page 25).
Comme toujours (enfin, sans vouloir généraliser, c'est le cas dans Michael K, sa vie, son temps et Elizabeth Costello), les personnages de Coetzee ne sont pas immédiatement sympathiques (et, parfois, ne le sont jamais).
C'est le début de la chute pour David. A moins qu'elle ait commencé avant.
Citation :
"Le moulin à ragots, se dit-il ,tourne jour et nuit et broie les réputations. La communauté des justes tient conciliabule dans les coins, au téléphone, derrière les portes closes, échange de rires étouffés. Schadenfreude. D'abord le verdict, ensuite le procès. Dans les couloirs du bâtiment des Communications, il s'applique à garder la tête haute." (page 56)
Sa deuxième ex-femme le lui dit :
Citation :
"N'attends pas la moindre sympathie de ma part, David, ni de personne d'autre d'ailleurs. De nos jours, il ne faut compter sur la sympathie de personne, c'est un âge sans pardon." (page 58)
C'est en quelque sorte la première partie. La force et la portée du livre viennent du changement de décor et de situation, des parallèles ou oppositions que l'on peut effectuer entre les deux parties. À la violence "policée" de la société du Cap, qui n'apparaît d'ailleurs pas forcément comme telle à ceux qui l'exercent, répond la violence physique exercée loin de toute civilisation, de façon plus immédiatement brutale.
Le livre, écrit de façon distanciée, froide, ne comporte que très peu de descriptions des hommes et des femmes, à tel point que l'on doit deviner la couleur de peau des protagonistes. Exceptionnellement (par exemple page 162 : "ils sont les seuls Blancs"), c'est précisé. On a parfois le terme "Africain" pour désigner les Noirs. Je ne sais pas si ce mot est courant en Afrique du Sud : objectivement, il implique que les Blancs d'Afrique du Sud ne sont pas Africains (donc... quoi ? Européens ?). Cette absence de description physique crée un effet étrange.
En plus d'une réflexion sur la violence (et il y a de quoi écrire sur le sujet, les formes de violence sont multiples dans le livre : violence au nom d'une conception, violence pour marquer un territoire, violence pour le plaisir, et même violence pour "rendre service", si l'on peut considérer ainsi les motivations qui poussent à euthanasier des animaux), d'une réflexion sur la façon dont on y réagit, il y a une réflexion sur la vieillesse, et toutes ses conséquences (physique mais aussi, d'un point de vue "élevé", la baisse de l'inspiration). Le sens de tout le livre n'est pas immédiatement clair, il mérite une relecture. C'est le problème des livres par rapport aux tableaux : on a immédiatement une vue d'ensemble pour une toile, ce qui n'est pas le cas des livres.
Un livre riche, pas aimable, mais marquant et souvent dur.
domreader Zen littéraire
Messages : 3409 Inscription le : 19/06/2007 Localisation : Ile de France
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Sam 10 Mai 2014 - 19:52
L’Enfance de Jésus The Childhood of Jesus J.M Coetzee
On ne m’ôtera pas de l’idée que Coetzee est un auteur formidable, un de ceux dont chaque livre laisse une trace sur ses lecteurs. Ici il nous livre un roman étrange, énigmatique qui nous envoûte et nous interroge.
Un homme et un enfant arrivent dans la ville hispanophone de Novilla après être arrivés par bateau d’un camp de Belstar. On leur a donné un nom et aussi estimé leur âge en se basant sur leur apparence. L’homme a été nommé Simon et l’enfant David, on comprend que l’on a effacé leur mémoire de leur passé et de l’endroit d’où ils viennent pour qu’ils entament une nouvelle vie à Novilla. Tous deux n’ont pas de lien de parenté mais Simon a pris en charge l’enfant et se définit comme son gardien, ou encore comme une sorte d’oncle. La mission, la quête de Simon sera de trouver la mère de David ou peut-être une mère pour David.
Ce qu’a fait Coetzee ici c’est de nous situer dans le nulle part et dans une époque indéfinie. On ne sait pas d’où viennent ces deux-là, ni où ils sont maintenant, ils n’ont pas de passé. Le lecteur doit alors se recentrer sur ce qu’ils sont et sur ce que l’auteur veut vraiment nous dire. C’est un procédé diablement efficace qu’il avait déjà utilisé dans ‘En Attendant Les Barbares’.
Avec ce titre : ‘L’Enfance De Jésus’, on s’oriente bien sûr vers des parallèles bibliques, que l’on trouve mais qui nous échappent vite. Cet homme, cet enfant et leur quête nous intriguent d’autant plus qu’ils ont l’air d’évoluer dans un monde dévolu de sentiments comme l’amour ou la haine, et où il ne se produit pas d’évènements majeurs, un monde en ordre, doux comme de la ouate, où rien de grave ou de sérieux ne doit se produire cependant qu'une sorte de menace est toujours présente. Leur quête nous porte jusqu'à la fin même si Coetzee ne donne aucune réponse à nos nombreux questionnements. Comme d'habitude le style de Coetzee est impeccable, à la fois d'une grande sobriété et très évocateur.
topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Dim 7 Juin 2015 - 21:21
Une enfance de Jésus
A vrai dire je n'y ai rien compris . J'y ai vu un roman pseudo philosophique avec un gamin à claquer qui passe tout le livre à demander c'est quoi ? Comment ? Pourquoi ? et son protecteur impassible qui continue à répondre, à expliquer, à raisonner, dans un monde où l'on arrive en faisant table rase de son passé, et où on vous attribue un nouveau nom. C'est long-long-long, pesant, prêchi-précha ... Mais j'ai presque honte. Il y a sans doute un sens et une poésie qui m'ont échappé...
Promis, j'en essayerai un autre, j'ai dû mal tomber . Des conseils? (j'ai déjà lu disgrâce et L'été de la vie)
Hanta Agilité postale
Messages : 723 Inscription le : 04/07/2014 Localisation : Vitrolles
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Dim 7 Juin 2015 - 21:28
Je compte lire "Vers l'âge d'homme" dans pas longtemps.
domreader Zen littéraire
Messages : 3409 Inscription le : 19/06/2007 Localisation : Ile de France
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Ven 21 Aoû 2015 - 16:21
L’Age de Fer Age of Iron J.M. Coetzee
Encore un magnifique roman de Coetzee sur fond de fin d’apartheid dont je vais avoir bien du mal à parler pour lui rendre justice, en voilà le thème :
Une femme d’un certain âge, professeur d’université à la retraite, apprend qu’elle est atteinte d’un cancer généralisé et qu’elle ne tardera pas à mourir. Elle vit seule, sa fille ayant décidé de quitter le pays et de ne jamais y revenir tant que le régime qu’elle abomine serait en place.
La vieille dame doit donc affronter seule sa fin de vie mais elle tient à écrire une longue lettre à sa fille jusqu’à la fin, pour lui dire ce qu’elle pense, ce qu’elle vit et tout ce qu’elle n’a jamais eu l’occasion de lui dire. C’est cette lettre que nous livre ce roman, un écrit du quotidien, mais aussi de la réminiscence, et surtout des évènements terriblement violents qui sont en train de se produire alors que les soulèvements dans les quartiers noirs sont de plus en plus fréquents. La seule personne qui restera à ses côtés sera un SDF alcoolique qui était venu s’installer dans son jardin.
Un superbe roman sur un système en fin de vie, un cancer qui ronge un pays, en même temps qu’il ronge la vieille dame, elle-même rongée par la honte de ce système, la honte devenue cancer. Le SDF est le témoin muet et néanmoins l’ultime acteur qui fait preuve d’humanité dans un pays déliquescent, dont le système répressif ne fait plus que générer de la violence et de la haine. A l’habitude, l’écriture est précise, élégante et incisive et on ressort du livre un peu étouffé par l’ambiance de déchéance accélérée qui y règne. Un livre qui marque, et qu’on a du mal à oublier tant et si bien qu’il est difficile de passer à autre chose.
GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Ven 21 Aoû 2015 - 20:47
Ton commentaire donne envie ... Mission remplie, non ?
domreader Zen littéraire
Messages : 3409 Inscription le : 19/06/2007 Localisation : Ile de France
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Sam 22 Aoû 2015 - 8:58
GrandGousierGuerin a écrit:
Ton commentaire donne envie ... Mission remplie, non ?
Merci GGG !
Hanta Agilité postale
Messages : 723 Inscription le : 04/07/2014 Localisation : Vitrolles
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Lun 7 Sep 2015 - 21:15
Vers l'âge d'homme :
synopsis a écrit:
Dans le droit fil de « Scènes de la vie d’un jeune garçon », cet autoportrait de l’artiste en jeune homme, crispé et méfiant, éclaire la genèse de l’œuvre de J.M.Coetzee par l’évocation de ses vastes lectures, de ses découvertes en musique et en peinture contemporaines.
Célèbre pour sa réticence à se livrer, l’auteur confesse ici avec une impitoyable lucidité ses rêves d’amour fou, ses solutions farfelues aux crises d’un monde en proie à l’apartheid, à la Guerre froide ou au conflit du Vietnam.
Analysant les souffrances du jeune Coetzee, il a le cran de nous laisser sourire, et même rire, de ses interrogations et de ses mécomptes. Mais au-delà de l’échec du poète féru de Pound, d’Eliot, de Neruda et de Brodsky, se profile le romancier qui écrira Michaël K, sa vie, son temps et Disgrâce.
L’Afrique du sud, blessure qui n’en finit pas de faire mal.
Ce livre m'a scotché ! J'ignorais qu'il faisait partie d'une trilogie autobiographique et je ne l'ai du coup pas lu dans le juste ordre ni en le pensant autobiographique. L'auteur nous emporte dans les méandres d'une pensée compliquée, désespérée, le propos d'un poète frustré par son manque de créativité, frustré par le manque d'émotions avec les femmes qu'il rencontre, la peur qu'elles lui volent son inspiration, et ces racines si complexes à intellectualiser. On retrouve du Kierkegaard, celui de "La reprise" où le jeune (Kierkegaard réfléchissant à sa rupture avec Régine Olsen) pris sous l'aile du philosophe danois (comprenant qu'il s'est trompé en rompant) oscille entre choisir sa vie amoureuse et sa vie artistique. J'y ai retrouvé du Hrabal aussi dans ses considérations sur l'importance de la littérature au sein de la société, au sein de cultures oubliées et soumises à la violence. Le style emporte par sa simplicité à exposer des questionnements pourtant complexes. Il y a beaucoup de pudeur et pourtant tellement de sentiments dans cette oeuvre. Magistral.
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud] Lun 7 Sep 2015 - 21:58
L'ordre chronologique n'est pas nécessairement essentiel car Coetzee ne cherche pas à établir de continuité apparente. Le troisième volume, L'été de la vie, crée même un double fictif pour mieux saisir des frustrations, des contradictions, et contribuer à détruire une image de lui-même. Ces ouvrages sont en tout cas parmi les plus marquants de l'auteur.