Dennis Lehane

Pour moi il ne faisait pas semblant pendant toute l'aventure (il découvre la vérité en même temps que nous effectivement) mais quand il comprend l'enjeu de cette mise en scène qu'on lui explique il donne d'abord l'illusion d'être revenu a la réalité pour échapper a la sentence de mort mais le faux complice se rend compte qu'il croit toujours au complot malheureusement. Il ne faisait que semblant d' avoir compris et donc reste incurable. Il sera exécute alors que les psys avaient tout tente pour le sauver. La difficulté pour moi est que le livre (lu au moment de sa sortie) et le film se mélangent mais il me semble que c'est la même chose. Je trouve cette fin explicite et réaliste mais plutôt belle dans sa tristesse. J'avais même pense qu'il pouvait faire semblant de rester dans son délire pour en finir (comme une sorte de suicide). Mais ça n'est pas dit.

Le seul problème dans cette optique réaliste est qu'un tel délire aussi complexe et élabore ne peut exister que dans l'imagination d'un écrivain et non dans celui d'un schizophrène. C'est la seule limite de cette belle mécanique narrative.

finalement que cette fin prête tellement à discussion et même à interprétations diverses, est-ce une maladresse du récit, ou au contraire le suprême art de Lehanne qui laisse le lecteur choisir sa propre histoire?

topocl a écrit:

finalement que cette fin prête tellement à discussion et même à interprétations diverses, est-ce une maladresse du récit, ou au contraire le suprême art de Lehanne qui laisse le lecteur choisir sa propre histoire?

Oui! Même s'il est assez explicite finalement.

Citation :

J'avais même pense qu'il pouvait faire semblant de rester dans son délire pour en finir (comme une sorte de suicide). Mais ça n'est pas dit.

C'est ce qui est suggéré dans le film. Mais je ne me souviens pas que ça l'était dans le bouquin. Arrrg, j'ai pas le livre pour pouvoir vérifier. Ca me frustre.

odrey a écrit:

Citation :

J'avais même pense qu'il pouvait faire semblant de rester dans son délire pour en finir (comme une sorte de suicide). Mais ça n'est pas dit.

C'est ce qui est suggéré dans le film. Mais je ne me souviens pas que ça l'était dans le bouquin. Arrrg, j'ai pas le livre pour pouvoir vérifier. Ca me frustre.

Je n'en trouve pas trace dans le bouquin. Pour moi, il ne peut pas assumer ses actes et le lendemain de sa prise de conscience, il régresse à nouveau.
Comme il l'avait déjà fait il y a 9 mois :

Citation :

-Voilà ce que je crains, Andrew. Nous sommes déjà passés par là. Nous en sommes arrivés exactement au même point il y a neuf mois. Mais vous avez régressé. Très vite.

Stef a vu le film et n'a pas lu le livre mais il me dit aussi qu'il avait pensé qu'il pouvait faire semblant de rester dans son délire pour en finir, il semblerait donc que cette éventualité soit bien suggérée dans le film mais cela est nettement moins explicite dans le roman

C'est probablement ce que Scorsese a estime le plus intéressant. L'idée que vouloir aider cet homme a recouvrer la raison consistait en même temps a le confronter a la réalité de ses actes. Le délire lui permettait de construire une autre réalité paranoïaque mais plus supportable. Il comprend et choisit de mourir. Dans le roman la fin m'avait paru plus ambiguë. En tout cas l'expérience échoue qu'il régresse a nouveau ou qu'il choisisse de mourir.

Oh my god mais c'est bien sur ! J'ai relu pour la xième fois les deux dernières pages et je me rends compte que Scorsese n'a rien inventé !
Cet homme fait effectivement semblant de régresser et choisit de mourir en toute connaissance de cause.

Explications :

Je trouvais les dernières phrases sibyllines au possible :

Citation :

-Je ne sais pas, Chuck. Vous croyez qu'ils nous ont démasqués ?
- Nan. [...]On est bien trop malins.
- Mouais. Rudement malins, pas vrai ?

Bref, nous voilà bien avancés...

Mais il y a quelque chose qui me turlupinait, à savoir qu'il ne s'était jamais aussi bien senti depuis longtemps :

Citation :

Sa vision était aussi nette que lorsqu'il était tout gosse, ses idées plus claires que jamais.

Il éprouve même du plaisir à contempler les hanches de Kerry Marino se balancer, c'est dire s'il se sent bien
En tout cas, c'est la première fois que nous avons le sentiment que le personnage est apaisé.

Et pourquoi se sent-il si bien ? Parce qu'il a pris une décision en pleine connaissance de cause, à savoir en finir en bonne fois pour toute avec son passé trop lourd à assumer.

Et comment peut-on le savoir ? Alors là, c'est tout le talent de Dennis Lehane ! Et dire que j'étais totalement passée à côté...
Car il nous donne un indice très important qui pourtant nous semble totalement anodin au premier abord : lorsque le personnage se réveille, il recherche du regard les barreaux de la fenêtre de sa chambre. Or il n'y en a pas et il se rappelle à ce moment là qu'il est allongé sur la couchette "en tant que marshall" dans la chambre qu'il avait partagé avec son coéquipier Chuck. Si les docteurs l'ont laissé dans cette chambre et non sa chambre, c'est bien évidemment pour le tester à son réveil. Mais si en se réveillant il a recherché les barreaux de sa chambre, par réflexe dirons-nous, c'est qu'il sait très bien qu'il est pensionnaire de l'établissement, il sait très bien que sa chambre de pensionnaire dispose de barreaux de protection, il sait donc très bien qui il est réellement. Il dissimule donc la régression et choisit donc en homme libre de faire table rase du passé irrémédiablement.

Alors là, je dis bravo Dennis Lehane pour la subtilité mais aussi le message délivré, plutôt original
Et merci aux parf pour avoir distiller le doute, sans quoi je n'aurais jamais compris cette chute là. Je suis maintenant très curieuse de voir le film

C'était la fin la plus subtile envisageable.

Effectivement, cette fin là est bien la plus subtile, aussi triste soit-elle...
Quoi qu'il en soit, ces deux dernières pages sont essentielles à la compréhension complète du récit, et dire que je les avais gentiment zappées

Spoiler – Spoiler – Spoiler - Spoiler – Spoiler - Spoiler – Spoiler

Ca y est, j’ai enfin vu le film et la fin me conforte totalement dans mon ultime interprétation du roman qui va dans le sens d’une certaine forme de suicide consciente et consentie. A ce niveau, le film est beaucoup plus explicite que le roman (où tout se joue dans le dernier chapitre de deux pages que j’ai dû lire quatre ou cinq fois avant de comprendre où se situait la clé de voute de toute l’énigme) alors que dans le film, cela coule plutôt de source tant sa dernière phrase veut tout dire : « Qu’est-ce qui est le plus important pour vous ? Vivre en monstre ou mourir en homme de bien ? ». Pour info, cette phrase explicite n'apparait jamais dans le roman, l'auteur Dennis Lehane étant un petit filou et demandant au lecteur de se transformer en fin limier pour saisir toutes les subtilités du récit.

Le médecin qui jouait le rôle de coéquipier comprend tout de suite les conséquences et les implications d’un tel aveu, il essaye d’ailleurs d’éviter ce suicide en l’interpellant par son véritable nom (Laeddis et non le Marshall Daniels) mais finit par respecter son choix en le laissant rejoindre ses médecins qui le lobotomiseront prochainement, le croyant toujours malade.

Mais bon, tout cela est si subtil que les interprétations multiples ne manqueront pas, c’est certain !

sentinelle a écrit:

Spoiler – Spoiler – Spoiler - Spoiler – Spoiler - Spoiler – Spoiler

Ca y est, j’ai enfin vu le film et la fin me conforte totalement dans mon ultime interprétation du roman qui va dans le sens d’une certaine forme de suicide consciente et consentie.

C'est bien là que j'en étais resté. Et c'est la fin qui me semble la plus émouvante mais le fait qu'il laisse un brouillard autour de tout ça laisse une marge d'interprétation qui enrichit le roman au lieu de le réduire.

Cette fin est vraiment la plus émouvante et la plus inventive qui soit

sentinelle a écrit:

Cette fin est vraiment la plus émouvante et la plus inventive qui soit

Et bravo pour le décryptage lumineux !

M'avait cassé la tête c't'affaire

merci sentinelle pour ce bel acharnement. Cette phrase qui se trouve dans le film mais pas dans le livre est en effet la clef de l'énigme et en même temps cette clef ouvre sur de nouvelles obscurités, c'est pour quoi le film m'avait tant plu. Tu me donnes encore plus envie de découvrir le livre puisque la fin est différente (en tout cas plus subtile).