Un bon début, ça aide...

Il est des reves qu' il nous semble avoir vécu jadis quelque part, comme il
est des choses vécues dont on se demande si ce ne furent pas des reves.
C' est à quoi je songeeais l' autre soir lorsque, fouillant dans mes papiers
pour voir ce que je pouvais encore trouver à bruler - les papiers compliquent tout - je suis tombé sur une lettre qui a réveillé en moi le souvenir d' une aventure insolite, si étrange que si elle ne remontait pas
à plus de sept ans, j' en douterais pleinement, je croirais qu'en fait ce n' était qu 'un reve, ou encore quelque récit lu ou entendu il y a fort
lontemps.

Matei CARAGIALE - Remember

Matei Cargiale est un grand écrivain roumain du début du 20e siècle,
réputé pour son style recherché et poétique.
Voilà un livre que j' ai trouvé en rangeant / dérangeant ma bibliothèque.
Ce début m' a paru Nervalien et donc, je le lirai...

Comment le brave soldat Chveik intervint dans la Grande guerre

" C' est du propre ! m'sieur le patron ", prononça la logeuse de M. Chveik
qui, après avoir été déclaré "complètement idiot" par la commission médicale, avait renoncé au service militaire et vivait maintenant en vendant des chiens batards, monstres immondes, pour lesquels il fabriquait des pedigrees de circonstance.

Dans ses loisirs, il soignait aussi ses rhumatismes, et, au moment où la logeuse l' interpella, il était jutement en train de se frictionner les genoux au baume de d' opodedoch.

" Quoi donc ? fit-il ?

- Eh bien, notre Ferdinand... il n' y en a plus !

- De quel Ferdinand parlez-vous, Madame Muller ? questionna Chveik tout
en continuant à se frictionner.
J' en connais deux moi. Il y a d'abord Ferdinad qui est garçon chez le
droguiste Proucha et qui lui a bu une fois, par erreur, une bouteille de lotion pour les cheveux.
Après, il y a Ferdinand Kokochka, celui qui ramasse les crottes de chien.
Si c' est l' un de ces deux-là, ce n' est pas grand dommage ni pour l' un
ni pour l' autre.

- Mais, m'sieur le patron, c' est l' archiduc Ferdinand, celui de Kanopiste,
le gros calotin, vous savez bien ?

- Jésus-Marie, n'en v'là une de nouvelle ! s' écria Chveik. Et où est-ce que ça lui est arrivé, à l' archiduc, voyons ?

Jaroslav HASEK - Le Brave soldat Chveik.

Chveik, voilà un personnage qui a éclipsé son auteur.

Pourtant quand on connait un peu la vie de Hasek, cet auteur Pragois,
né en 1887, la ressemblance est superficielle.
Contrairement à son auteur, Chveik est plein d' optimisme en toutes circonsconstances, plein de bonne volonté souriante et il a le don de rendre fous furieux tous ceux qui se croient supérieurs à lui...
Et ils sont nombreux !

Qui était Chveik, qui fut emprisonné, mis dans un asile pour avoir parlé à
tort et à travers alors qu'il était éméché ?
Un personnage complexe certainement. Jugé trop négatif d' abord,
certains le considérent comme un idiot malin, un stratège naif...
En tout cas, un etre indestuctible et qui résiste à tout.
Voilà pourquoi on continue à lire Hasek et à interpréter son personnage...

bix229 a écrit:

Il est des reves qu' il nous semble avoir vécu jadis quelque part, comme il
est des choses vécues dont on se demande si ce ne furent pas des reves.
C' est à quoi je songeeais l' autre soir lorsque, fouillant dans mes papiers
pour voir ce que je pouvais encore trouver à bruler - les papiers compliquent tout - je suis tombé sur une lettre qui a réveillé en moi le souvenir d' une aventure insolite, si étrange que si elle ne remontait pas
à plus de sept ans, j' en douterais pleinement, je croirais qu'en fait ce n' était qu 'un reve, ou encore quelque récit lu ou entendu il y a fort
lontemps.

Matei CARAGIALE - Remember

Matei Cargiale est un grand écrivain roumain du début du 20e siècle,
réputé pour son style recherché et poétique.
Voilà un livre que j' ai trouvé en rangeant / dérangeant ma bibliothèque.
Ce début m' a paru Nervalien et donc, je le lirai...

M'intéresse ce livre, si je peux le trouver facilement je l'inclus à ma PAL

Citation :

Il est des rêves qu' il nous semble avoir vécu jadis quelque part,
comme il est des choses vécues dont on se demande si ce ne furent pas des rêves.

A mon sens, lorsque mes parents m' engendrèrent, l' un ou l' autre
aurait du prendre garde à ce qu' il faisait : et pourquoi pas tous les deux
puisque c' était leur commun devoir ?

S' ils avaient à cet instant dument pesé le pour et le contre, s' ils s' étaient avisés que de leurs humeurs et dispositions dominantes allaient
dépendre non seulement la crétaion d' un etre raisonnable mais peut etre
l' heureuse formation de son corps, sa température, son génie, le moule
de son esprit et (si douteux que cela leur parut), jusqu' à la fortune de leur maison - s' ils avaient examiné tout cela, je suis persuadé que
j' aurais fait dans le monde une toute autre figure et serais apparu au
lecteur sous des traits sans doute fort différents de ceux qu' il va voir.

Croyez moi, bonnes gens, la chose n' est pas une bagatelle, comme
beaucoup d' entre vous le pensent.
Vous n' etes pas sans avoir entendu parler des esprits vitaux, de leur transmission de père ne fils, etc. et de bien d' autres merveilles.
Eh bien, je vous donne ma parole que le bon sens ou la folie d' un
homme, ses succès ou ses mésaventures dans le monde dépendent
pour les 9/10 e des mouvements de ces esprits, de leurs activités et des voies où on les engage ; une fois lachés, bien ou mal, l' affaire est
conclue ;les voilà partis pele-mele à tous les diables ; foulant et refoulant
le meme chemin, ils le rendent aussi uni et lisse qu' une allée de jardin ; quand ils y sont une fois accoutumés le Démon lui-meme, ne saurait les
en divertir.

Laurence STERNE - Tristram Shandy

Sterne fit voler en éclat la forme romanesque du roman anglais au 18e siècle, inspirant des écrivains comme Diderot.
Il pensait, et il l'a meme écrit, que le règles ne devaient pas etre suivies,
mais que les écrivains devaient les inventer eux-memes.
D' ailleurs Tristram Shandy est l' histoire d' un personnage qui parle uniquement des évènments qui ont précédé sa naissnce.
Un livre plein d' humour et de digressions - l'histoire n'a aucune importance- c'est l' art meme de la digression.
Ce livre demande de la patience et de l' attention et aussi du temps !

Nel mezzo del cammin di nostra vita

mi ritrovai per una selva oscura,

ché la diritta via era smarrita.


Au milieu du chemin de notre vie

je me retrouvai par une foret obscure

car la voie droite était perdue.

DANTE - La Divine Comédie. L' Enfer. Traduction de Jacqueline Risset.

Si seulement elle pouvait me voir, maintenant, c' est sur qu' elle m' aimerait. Je parie. Je parie tout ce que vous voulez. Comment elle ferait
autrement ?
Regardez-moi. Non, mais regardez-moi. Dans quel état je suis. Si elle pouvait me voir comme ça, à l' attendre des heures à l' avance, bien
avant qu' ells soit censée arriver, à guetter le moindre signe, le moindre son venu d' elle...
Elle verrait comme c' était important pour moi. Elle verrait le désespoir dans mon coeur. Si seulement elle pouvait me voir, de loin, sans que je le sache, sans qu' elle me regarde, elle me découvrirait comme je suis vraiment.
Comment a t-elle pu ne rien ressentir pour moi ? Queque chose... Peut etre pas, non. Peut etre qu' il y a de... la répulsion, dans une situation pareille.
Je ne sais pas comment ça marche, mais peut etre qu'il y a une sorte de ... répugnance devant quelqu' un qui est trop en attente, trop en demande, trop en manque.

Sam SHEPARD - Convulsion, dans le recueil A mi-chemin.

Pour ceux qui ne le savent pas, Sam Shepard n'est pas qu' un excellent
acteur, c' est aussi un écrivain, un auteur de théatre qui a écrit plus de 45 pièces. Réalisateur de cinéma, scénariste.
Dans la nouvelle, il fait dans le court. Va directement à l' essentiel. Les nerfs à vif. la chair à vif jusqu' à l' os.
Jusqu' au vif du sujet.
Une émotion, un battement de coeur.

Des écrivains comme lui, ou Carver ou Brautigan, ils nous surprennent toujours !

bix229 a écrit:

Sam SHEPARD - Convulsion, dans le recueil A mi-chemin.

Pour ceux qui ne le savent pas, Sam Shepard n'est pas qu' un excellent
acteur, c' est aussi un écrivain, un auteur de théatre qui a écrit plus de 45 pièces. Réalisateur de cinéma, scénariste.
Dans la nouvelle, il fait dans le court. Va directement à l' essentiel. Les nerfs à vif. la chair à vif jusqu' à l' os.
Jusqu' au vif du sujet.
Une émotion, un battement de coeur.

oh que oui....

et son fil est ICI

Ropraz, dans Haut-Jorat vaudois, 1903. C'est un pays de loups et d'abandon au début du XXème siècle, mal desservi par les transports publics à deux heures de Lausanne, perché sur une haute côte au dessus de la route de Berne bordée d'opaques forêts de sapins. Habitations souvent disséminées dans des déserts cernés d'arbres sombres, villages étroits aux maisons basses. Les idées ne circulent pas, la tradiion pèse, l'hygiène moderne est inconnue. Avarice, cruauté, superstition, on n'est pas loin de la frontière de Fribourg où foisonne la sorcellerie. On se pend beaucoup ,dans les fermes du Haut-Jorat. A la grange. Aux poutres faîtières. On garde une arme chargée à l'écurie ou à la cave. Sous prétexte de chasse ou de braconne on choie poudre, chevrotine, gros pièges à dents de fer, lames affûtées à la meule à faux. La peur qui rôde. A la nuit on dit les prières de conjuration ou d'exorcisme. On est durement protestant mais on se signe à l'apparition des monstres que dessine le brouillard...


Le vampire de Ropraz
Jacques Chessex

Je pense qu' un livre nait d' une insatisfaction, d' un vide dont les périmètres se révèlent au cours et à la fin du travail.
L' écrire, c' est surement remplir ce vide. Dans le livre que j' ai terminé
hier, tous les personnages finissent par etre des explorateurs de l' abime ou plutot de son contenu.
Ils enquetent sur le néant et n' arrètent que lorqu' ils tombent sur l' un
de ses éventuels contenus, car il leur déplairait sans doute d' etre confondus avec des nihilistes.
Confrontés au monde, ils ont tous choisi de se pencher au-dessus du vide.
et il ne fait aucun doute qu' ils sont liés à une phrase de Kafka :
"
Loin d'ici, voilà mon but."

Enrique VILA-MATAS - Café Kubista, dans le recueil Explorateurs de l' abime. P. 9

J'aime bien Vila-Matas. C'est un écrivain intelligent qui ne manque ni d'humour ni d' auto dérision. Et il a un ton particulier qui fait qu' on le reconnait facilement.
Je crois que c' est le romancier espagnol que je préfère avec Javier Marias, José Carlos Llop et Javier Cercas.

A propos, qu' est-ce qu' il devient Javier Marias ?

bix229 a écrit:

J'aime bien Vila-Matas. C'est un écrivain intelligent qui ne manque ni d'humour ni d' auto dérision. Et il a un ton particulier qui fait qu' on le reconnait facilement.
Je crois que c' est le romancier espagnol que je préfère avec Javier Marias, José Carlos Llop et Javier Cercas.

A propos, qu' est-ce qu' il devient Javier Marias ?

ah oui.. Vila-Matas est aussi un de mes chouchous espagnol

Tandis que Javier Marias.. pas tout à fait ma tasse de thé

Tiens, étonnant Kena !

Tu as lu Un coeur si blanc ou Demain dans la bataille pense à moi ?.
J' avoue que je n' ai pas lu les derniers et que je m' attendais à ce que
quelqu' un en parle ...

bix229 a écrit:

Tu as lu Un coeur si blanc ou Demain dans la bataille pense à moi ?

j'en ai fait 2 essais avec lui.. et à tout les coups je ne trouvait pas une 'entrée' qui m'a donné un plaisir de le lire.. pour moi plutôt ennuyant.. mais je sais qu'il y a tellement de gens qui l'adorent.. il est surtout un des espagnols que presque chacun connait.. tandis que ceux que je trouve beaucoup plus 'lisible' sont totalement inconnus.. mais bon.. pas grave..

Quand je l' ai découvert Marias, il n' était pas très connu. Du moins en France.

Les livres trop connus - je parle des livres récents - ou qui bénéficient d' un battage médiatique ou
critique ou meme amical (!), je m'en méfie !

Je me demande si je lirai un jour Jonathan Littell ! C' est douteux...

bix229 a écrit:

Je me demande si je lirai un jour Jonathan Littell ! C' est douteux...

bix229 a écrit:

Pour ceux qui ne le savent pas, Sam Shepard n'est pas qu' un excellent
acteur, c' est aussi un écrivain, un auteur de théatre qui a écrit plus de 45 pièces. Réalisateur de cinéma, scénariste.
Dans la nouvelle, il fait dans le court. Va directement à l' essentiel. Les nerfs à vif. la chair à vif jusqu' à l' os.
Jusqu' au vif du sujet.
Une émotion, un battement de coeur.

Des écrivains comme lui, ou Carver ou Brautigan, ils nous surprennent toujours !

Je fais partie de ceux qui ne connaissent pas Shepard écrivain et je note ce texte Bix. Je pense que cela devrait me plaire...Surtout si tu cites Carver!