Francis Ford Coppola

eXPie a écrit:

[...]
Ah, et dans un genre très différent, You're a Big Boy Now (1966), est vraiment original, une sorte de teen-movie déjanté.

[...]

Ah, tiens, je vais noter dans un coin celui-là !

Jardins de pierre à mon avis en dit presque autant sur le Vietnam qu'Apocalypse ou Platoon ou Full metal .Un peu moins cependant que Voyage au bout de l'enfer,titre français peu inspiré pour Le chasseur de daims.

Tetro

Citation :

Tetro est un homme sans passé. Il y a dix ans, il a rompu tout lien avec sa famille pour s'exiler en Argentine.
A l'aube de ses 18 ans, Bennie, son frère cadet, part le retrouver à Buenos Aires.
Entre les deux frères, l'ombre d'un père despotique, illustre chef d'orchestre, continue de planer et de les opposer.
Mais, Bennie veut comprendre. A tout prix. Quitte à rouvrir certaines blessures et à faire remonter à la surface des secrets de famille jusqu'ici bien enfouis.

Trop arty, trop artificiel ? Tetro, c'est vraiment trop ! Très classe, le noir et blanc du film de Coppola, mais pourquoi faire, au juste ? Est-ce une tragédie grecque déguisée en tango ou bien l'inverse ? Dans un Buenos Aires très stylisé, le dernier Coppola raconte une histoire de famille fort personnelle, sans doute douloureuse, mais qui a tendance à laisser le spectateur béotien sur le quai, admiratif de la manière du maître, certes, qui a plus que de beaux restes, mais passablement circonspect devant un récit au faux rythme languissant qui s'emballe dans un final pompier. A se demander si le réalisateur de la trilogie du Parrain ne se fiche pas du monde. Autre hypothèse : ce film est une oeuvre testamentaire volontairement mystérieuse et baroque, ultime pied de nez de cet immense cinéaste qui aura marqué de son empreinte le "nouvel" Hollywood, sans jamais se plier véritablement à ses contraintes.

en image (et une part d'atmosphère ?) ça ressemble à Rusty James ou pas ?

animal a écrit:

en image (et une part d'atmosphère ?) ça ressemble à Rusty James ou pas ?

Oui, sur le plan formel avec ce noir et blanc très (trop ?) stylisé. Dans l'atmosphère, moins. J'ai lu quelque part une comparaison avec les derniers scénarios d'Almodovar. Incongru mais pas faux, en fin de compte, sauf que le traitement est radicalement différent.
Conclusion : comme avec le Jarmusch, on adhère ou pas à cet univers. Je conçois que l'on puisse être en pâmoison devant ce Coppola là (?) mais personnellement, j'ai du mal en m'en satisfaire.

Je n'irai pas par 4 chemins. Tetro est pour moi un chef-d'oeuvre (je n'utilise pas souvent le mot), un mélodrame sublime qui se situerait quelque part au point de rencontre des univers de James Gray et de Pedro Almodovar (on y pense souvent) avec quelques pincées de Fellini (pour la Dolce Vita) et de Lynch (cette atmosphère planante, ces lumières éblouissantes, ces scènes de cabaret ou de théâtre bricolé qui sont des mises en abîme de l'histoire). Mais c'est d'abord du pur Coppola, en tout cas celui que j'aimais à l'époque de Rusty James et d'Outsiders.

Un Coppola moins clinquant que bien trop souvent ces dernières années, moins tape à l'oeil même s'il aime la (très) belle image et les angles de vue tarabiscotés. Un Coppola qui ose tout dans un noir et blanc magnifique (ces paysages minéraux incroyables de Patagonie!), alternant des séquences pudiques (un jeune homme qui pleure sans fausses larmes, une belle scène d'intimité entre Vincent Gallo et la superbe Maribel Verdu...), d'autres burlesques, d'autres opératiques avec une montée émotionnelle qui culmine dans un final déchirant. J'ai été (très) ému presque constamment probablement en partie à cause de certains échos que cette histoire a fait résonner en moi. Il y a une bande son parfaite qui alterne des morceaux du compositeur contemporain Osvaldo Golijov (dont j'avais parlé quelque part), du tango, du jazz, de l'opéra...

Une histoire de famille (et je crois en partie autobiographique) qui réserve ses surprises, et qui atteint des moments de grande émotion notamment grace à ce jeune acteur prodigieux, Alden Ehrenreich (sorte de mélange entre Di Caprio et Marlon Brando jeunes) qui donne la réplique à un Vincent Gallo écorché vif.



J'ai été ébloui dès les premières images (au propre comme au figuré d'ailleurs!) et si j'ai pu croire parfois que Coppola était surestimé je m'en repens.

Citation :

et je crois en partie autobiographique

Je l'ai entendu en parler sur Eclectic ( bonne émission, Eclectic..), et oui, il ne le niait nullement. Son frère vient de mourir.

Marie a écrit:

Citation :

et je crois en partie autobiographique

Je l'ai entendu en parler sur Eclectic ( bone émission, Eclectic..), et oui, il ne le niait nullement. Son frère vient de mourir.

Je me disais qu'il y avait une vérité et une authenticité inhabituelles. Evidemment l'aboutissement de cette histoire est certainement totalement fictif mais beau!

Je ne vais pas m'en remettre!

traversay a écrit:

un récit au faux rythme languissant qui s'emballe dans un final pompier.

Génialement pompier quand même! J'aime ces ruptures de rythme, d'atmosphère, d'esthétique... Et si au lieu de grincher sur ce brio esthétique on reconnaissait que ce coup-ci c'est la grande classe??

Et tu dis ça en étant admiratif du dernier Eastwood! Midinette sort de ce corps et rends nous le vrai traversay

La bande annonce ne m'a pas du tout du tout attirée.

Puis vlà que Marko cite Lynch, Almodovar, Gray, Outsiders... Tu m'énerves!

Queenie a écrit:

La bande annonce ne m'a pas du tout du tout attirée.

Puis vlà que Marko cite Lynch, Almodovar, Gray, Outsiders... Tu m'énerves!

Alors là franchement faut y aller!

Marko a écrit:

traversay a écrit:

un récit au faux rythme languissant qui s'emballe dans un final pompier.

Génialement pompier quand même! J'aime ces ruptures de rythme, d'atmosphère, d'esthétique... Et si au lieu de grincher sur ce brio esthétique on reconnaissait que ce coup-ci c'est la grande classe??

Et tu dis ça en étant admiratif du dernier Eastwood! Midinette sort de ce corps et rends nous le vrai traversay

Marko, désolé mais je ne suis pas d'accord et pourtant en règle générale je préfère Coppola à Eastwood.

traversay a écrit:

Marko, désolé mais je ne suis pas d'accord et pourtant en règle générale je préfère Coppola à Eastwood.

Tu n'es pas le seul et la critique est très divisée bien que globalement très enthousiaste. Mais si ça n'est pas du grand cinéma alors je ne sais pas ce qui peut l'être (en tout cas pas "Le concert"). Subjectif évidemment. Je dois être sensible à cet esthétisme "arty". Mais j'ai surtout été très ému.

Les clair-obscurs de Tetro:

Le solaire Benjamin exposé à la lumière et le ténébreux Angelo (alias Tetro) dans l'obscurité:



Et d'un point de vue psychanalytique, la répétition du trauma et la castration symbolique (la jambe dans le plâtre de Tetro puis de Benjamin). Arriveront-ils à remarcher tous les 2, c'est à dire à créer dans l'ombre d'un père grand chef-d'orchestre despotique dont il faut s'affranchir. Avec la mise en parallèle de la transmission indirecte de la baguette de chef-d'orchestre entre père et oncle. La manière dont Coppola boucle la boucle potentiellement libératrice est magnifique.



L'image lynchienne récurrente des ampoules électriques qui saturent d'intensité renvoie aussi bien à leur antagonisme, au traumatisme et à l'éblouissement responsable de l'accident de voiture où est morte la mère de Tetro, qu'aux feux de la rampe qui ont rendu le père abject. Coppola nous dit en substance que la notoriété et la gloire ne sont rien et venant de lui c'est un constat très réjouissant. Un petit côté Mulholland Drive avec en plus l'équivalent du "Silencio" dans ces images de ballets et de films dans le film.

Tout ça pour dire que comme dans "Le Ruban Blanc", l'esthétisme n'est pas gratuit et participe de la signification et de l'émotion de cette histoire d'une manière plus souterraine, inconsciente, et abstraite en ajoutant une strate complémentaire, un relief. J'adore ça.