André Téchiné

Marie a écrit:

Mais qu'est-ce qui lui a pris à Téchiné??

Traversay disait que c'était une commande... Ca me rappelle que Angelina Jolie avait tourné une daube (que je n'ai pas vue, je parle par ouï-dire) à Venise. A des journalistes qui lui demandaient pourquoi elle avait accepté de tourner là-dedans, elle avait répondu, en gros, qu'elle n'avait pas pu refuser d'être payée pour prendre des vacances à Venise.

L'affaire Leroux/Agnelet version André Téchiné.

Ce film me laisse une sensation très mitigée. Un début calamiteux, mélange de téléfilm mal joué et d'épisode de "Faites entrer l'accusé". Puis l'intrigue devient plus prenante avec quelques passages un peu plus troublants sur la passion amoureuse à sens unique entre la très sensuelle et fragile Agnès Leroux (géniale Adèle Haenel) et le magnétique et manipulateur Maurice Agnelet (Guillaume Canet très bon). On sent que Téchiné s'intéresse essentiellement à ce vertige qui conduit cette jeune femme à sa perte. Il dirige Adèle Haenel formidablement en exploitant à la fois sa beauté, son animalité, ce mélange de douceur et de folie dans son regard. Elle est vraiment en train de devenir une de nos meilleurs actrices.



Deneuve fait du Deneuve, parfois très fausse, parfois étonnement émouvante (notamment vers la fin, vieillie et brisée par 20 ans de lutte pour la justice). Il y a trop de fausses larmes, de maquillages pour vieillir les personnages, de mouvements de caméra inutiles et des moments vieillots qui contrastent avec quelques envolées plus inspirées. Téchiné ne prend pas vraiment partie et laisse une part d'ambiguité à chaque personnage. Que le propre fils d'Agnelet ait dénoncé son père sur le tard est un revirement assez saisissant mais pas franchement étonnant. On a vraiment du mal à croire en son innocence potentielle. A noter que l'acteur qui fait le mafieux est excellent.

Bref c'est plutôt distrayant comme un téléfilm du dimanche soir mais pas du tout marquant. On peut y aller pour Adèle Haenel.

L'homme qu'on aimait trop

J'ai regretté la dernière partie en forme de chronique judiciaire, qui s'achève forcément dans l'impasse du fait divers (et je ne supporte toujours pas ces maquillages outranciers au service d'un vieillissement artificiel). Ce choix de scénario transforme Agnès Le Roux en une image, un symbole, un vide alors qu'elle était auparavant un bloc de sensations. L'interprétation d'Adèle Haenel (presque trop dans l'excès) est en effet déterminante pour creuser la violence des émotions, des colères accumulées et l'illusion de la recherche d'une reconnaissance. Face à elle, Guillaume Canet est un mur de souffrance contenue et ne se laisse pas envahir par le mystère de son personnage.

J'ai eu l'impression que Téchiné ne savait que faire de son intrigue et les enjeux financiers sont expédiés avec beaucoup de maladresse. Il échoue à donner à Catherine Deneuve une direction cohérente et elle ne reste que l'instrument du rapprochement destructeur entre Agnès Le Roux et le prédateur affectif Maurice Agnelet. Leur passion s'est nourrie de l'échec et du rejet sans la moindre promesse d'un équilibre. La flamme du tempérament d'Agnès ne peut que se consumer jusqu'à affronter un silence sans réponse.

Des acteurs assez chouettes (Sandrine Kiberlain en premier même si sa scène d'hystérie au cimetière m'a fait rire!!!) mais ce film est complètement artificiel du début à la fin. Je n'ai cru à rien et tout sonne faux. Téchiné a fumé la moquette (et certains critiques aussi du coup!)    Ou plutôt il s'est fait plaisir en fantasmant sur ces adolescents de façon plus que romanesque. Pas grave c'était pas forcément désagréable.

Quand on a 17 ans

Je partage ton avis, Marko, avec également un peu de surprise face à un enthousiasme critique. Téchiné tente de saisir une fièvre, une urgence, une intensité et le thème du film (la découverte et l'appropriation douloureuse d'une intimité physique par deux adolescents) ne peut que rappeler Les roseaux sauvages. La collaboration de Céline Sciamma au scénario marque aussi un renouvellement dans la recherche d'une tension constante. Quand on a 17 ans est cependant fragilisé dès les premières minutes par une surcharge de symboles : l'opposition des milieux sociaux, la confrontation enfant légitime/enfant adopté, l'ambivalence des figures maternelle et paternelle respectives....les scènes manquent alors de spontanéité et les conflits prévisibles prêtent malheureusement à sourire.

L'épilogue du film, dans son optimisme presque idéalisé, est aussi peu cohérent avec un récit qui accentue sans cesse une charge dramatique, jusqu'à l'artificialité par la répétition lassante des sous-entendus homoérotiques. Les intrigues secondaires ont également du mal à trouver leur place dans cette structure rigide, avec la sensation de suivre un propos sans fil conducteur.

Les acteurs sont malgré tout convaincants, et Sandrine Kiberlain s'en sort très bien en assumant complètement les excès de son rôle. Elle apporte même une certaine légèreté par la spontanéité et la sincérité de ses mouvements d'humeur. Les jeunes acteurs révèlent aussi une personnalité, notamment Kacey Mottet Klein dans l'expression d'un malaise et d'une frustration. Quand on a 17 ans reste donc un film intéressant à suivre, mais ses incohérences et maladresses représentent autant d'occasions manquées.