Marc Dugain

coline a écrit:

traversay a écrit:

Avenue des Géants
Le roman ne décortique pas les crimes successifs de son personnage, il les réunit dans les explications postérieures de Kenner, dans l'analyse effroyablement lucide qu'il en tire, des fantasmes à la jouissance du passage à l'acte. Certaines pages sont terrifiantes, non dans ce qui est montré, mais dans ce qui est suggéré. L'humour morbide, qui persiste jusqu'aux dernière lignes, rend le roman encore plus pervers et, il faut bien le dire, efficace. Une sorte de chef d'oeuvre du genre, aussi complexe et troublant que la personnalité de son héros. Ames sensibles, s'abstenir.

Merci du conseil...Je pense que je m'abstiendrai...

Très tentant par contre en ce qui me concerne

En attendant, je commence L'insomnie des étoiles. Cela faisait longtemps que je n'avais plus lu cet auteur, je suis contente d'y revenir.

sentinelle a écrit:

En attendant, je commence L'insomnie des étoiles. Cela faisait longtemps que je n'avais plus lu cet auteur, je suis contente d'y revenir.

Et tu as bien raison. Ce personnage de tueur lucide quant à ses pulsions va me hanter longtemps. D'autant que je me suis bien gardé d'en dire trop. J'ai juste oublié de dire que je l'ai lu en deux traites (oui) avec de grosses difficultés pour m'en échapper.

Beau commentaire Traversay ! Ca me donne bien envie d'y plonger à mon tour. Encore jamais rien lu de Marc Dugain.

J'avais relevé ces deux passages dans l'extrait de Lire :

Citation :

Il lui promet d’essayer, cela ne coûte rien et tout le monde sera content. Il aime bien faire des compromis. Cela peut paraître un peu stupide à dire mais il ressent un vrai plaisir aux compromis. Si chacun acceptait de faire la moitié du chemin, il est convaincu qu’on éviterait les conflits.

Citation :

Il dit tout ça, sans élever la voix. Il est rare qu’il élève la voix. Ses colères s’épanouissent dans un caisson étanche. Quand il est en colère, il est le seul à le savoir.

Je découvre Marc Dugain avec "L'insomnie des étoiles".
Le titre est magnifique, il exprime bien ce qui, disparu parfois depuis une éternité, continue de nous observer avec ses yeux lumineux.
J'ai parcouru les nombreux commentaires du fil où tout à été dit et bien dit.
Ce qui m'a fasciné c'est la manière dont l'auteur avec une économie de moyens remarquable arrive à faire monter le sentiment d'angoisse. Une véritable gageure pour un livre publié en 2010, c'est à dire après une multitude d'ouvrages dénonçant les crimes nazi.
Fascinant aussi sa manière de nous parler de l'âme humaine qui trop souvent se contente de petits arrangements, de petits profits pensant s'insérer dans un grand dessin.
Un livre touchant qui va me rester en mémoire et me donner l'envie de poursuivre avec M. Dugain.

Igor tu en parles très bien, sobrement et tout est dit,

La chambre des officiers

Citation :

« Car moi, le mutilé de la face, je ne vieillirai pas. La guerre m’a fait vieillir à vingt-quatre ans. Je n’ai pas eu le courage de me suicider. J’ai eu le courage de ne pas me suicider. La rancœur, l’aigreur menacent. Je fais face à l’ennemi intérieur. »

Dans ce premier roman, Marc Dugain évoque ici un sujet mal connu, rarement évoqué, et qui tombe dans l’oubli avec les années. Il s’inspire largement de sa petite enfance passée au côté d’un grand-père lui-même « gueule cassée », pour nous parler du destin d’Adrien, jeune officier, grièvement blessé dès sa mobilisation lors de la première guerre mondiale.
C’est Adrien qui nous parle des cinq années passées à être soigné, réparé ; cinq années pour renaitre à la vie, cinq années pour redevenir homme, cinq années non pas pour oublier, mais pour se questionner, se souvenir, mais reconstruire avant tout ; et ce avec les difficultés que le retour à la vie civile impliquent.
Ce texte court m’a beaucoup touchée autant par son réalisme, que par la volonté de ne pas trop en montrer. Le destin de cet homme au mental fort et gai, au caractère pudique et confiant en la vie est mis en lumière avec sensibilité, une simplicité émouvante. Et dans cette noirceur, dans ce malheur, l’humour n’est pas absent.
Marc Dugain, évoque également en filigrane le destin, lui aussi oublié de ces femmes de l’ombre qui ont mis toute leur âme dans l’accompagnement des soldats, souvent au prix de lourds sacrifices.

Avenue des géants

Géant, Al Kenner ? Par la taille certes : 2m20, 140 kilos. Par son QI aussi « supérieur à celui d’Einstein » nous serine-t-il tout au long du livre. Mais quel type paumé : plus paumé que tous les hippies en perdition qu'il croise, que tous les hallucinés de retour du Vietnam. Un paumé que vous ne sauriez imaginer…
Né d'une famille de dingues, honni d'une mère déjantée, sa seule chance de s'en sortir est de tuer sa grand-mère d'une balle dans le dos, et son grand-père aussi - pour qu’il ne souffre pas trop…

Citation :

Ne demandez pas l'impossible bordel de Dieu, ne demandez pas à un type qu’on conduit à la folie de ne pas se défendre.

Puis de partir sur les routes, traînant son mal de vivre et ses explications bâtardes qui l’autorisent à regarder de haut les auto-stoppeuse qu'il ramasse. Sans un projet, sans rien qui accroche, sans empathie pour personnes, un pauvre type ne sait si sa solitude est une gloire ou un gouffre, et croit qu’on peut jeter tout ce qui vous dérange…
A tout cela, on peut encore faire semblant d’y croire, on peut essayer d’y traquer l’humain, jusqu'au dernier chapitre, où le délire trash atteint l’ inimaginable. On comprend que Dugain se soit inspiré d'un fait divers, il aurait eu du mal à l'inventer.

Voilà un roman fort bien écrit, plutôt intelligemment, avec plusieurs astuces narratives qui séduisent, une réflexion intéressante sur l'opposition entre le crime individuel et le crime d'État qu’est la guerre, le bien et le mal, une description plutôt riche de cette génération sans repères des années 60-70, mais j'y suis restée assez extérieure : comme son héros, ce livre d’une grande intelligence n’ a déclenché en moi aucune empathie. Intéressant à suivre, mais me laissant plutôt désemparée devant cette folie dévastatrice, cette logique déraisonnable, cette distance pleine d'orgueil.

Citation :

La société a normalement un représentant dans le cerveau de chaque être humain qui donne les limites de ce qui est admissible. Son représentant n’a pas fait son boulot dans le tien. Tu ne fais pas la différence entre le bien et le mal, parce que certainement personne ne t’a fait assez de bien ni ne te l'a enseigné. Du coup la frontière entre les deux est poreuse. (...). Ta raison a été altérée par l'entreprise de destruction de l'affectif qu’est ta famille. La raison et l’affectif marchent ensemble, si l'un des deux se déconnecte, les ennuis commencent. C'est ce qui t’es arrivé.

Citation :

Nous étions les enfants de l'après-guerre. Le père en avait vu de belles dans le Pacifique et en Europe, et les non-dits à l'intérieur des familles se dissimulaient derrière la prospérité. La famille traditionnelle s'était souvent transformée en cauchemar, on voyait pour la première fois à la télévision des images de massacres en Indochine, l'aiguille de la boussole tournait affolée pour bien des jeunes qui ne savaient plus comment exister. Certains n'ont rien trouvé d'autre que de tuer, et en masse, comme si tuer une seule personne ne suffisait plus..

Citation :

Le pourcentage de tueurs-nés est infime. Tous les autres ne font que rendre à la société tout le mal qui leur a été fait. Et quand je dis la société, c'est surtout la famille. De même que la plupart des crimes ont lieu dans le cadre familial, la famille est le principal terrain de fermentation de la criminalité. Au lieu de vous parler de son fils comme un garçon parfaitement normal, la mère de McMullan aurait mieux fait de vous parler de ce qui n'allait pas avec lui, de ce qui l’avait conduit à développer des pulsions homosexuelles, violemment réprimées dans son milieu familial, si bien qu'il a eu besoin de déverser cette violence sur de pauvres filles dont il a ouvert le ventre comme si c'était celui de sa propre mère. Sur une centaine d'hommes souffrant des mêmes troubles psychologiques, soixante cinq s’en accommodent en buvant ou en prenant de la dope. Trente huit se suicident. Les deux derniers basculent dans le meurtre en série. Ce n'est pas plus compliqué que cela.

L'insomnie des étoiles

La poésie du titre, les avis ici ou là faisaient que j'attendais un livre qui me "parle au cœur" .... Et j'ai été déçue car ce roman ne m'a pas profondément émue, touchée ... je suis restée à l'extérieur ...
C'est dommage pour moi ...

L'écriture de Marc Dugain est belle, parfois poétique, abordable malgré tout et touchante. C'est indéniable mais elle ne m'a pas apporté ce petit plus au niveau de l'enthousiasme, de l'émotion. Je suis restée spectatrice ....

Pourtant le principe de l'histoire avait tout pour me plaire, un peu de mystère, une jeune fille qui se dévoile petit à petit, une "ambiance", le regard "différent" sur une époque donnée, des individus atypiques, des relations bien évoquées ....

Côté protagonistes, les personnages principaux sont attachants mais il leur manque un petit quelque chose, ils auraient gagné à être plus "creusés"... ainsi que les rapports qu'ils ont avec les autres ....

Je l'ai lu vite (surtout la seconde partie, la première contient quelques longueurs ...), signe que je voulais "savoir" ... mais il me semble que, peut-être, pour moi, tout cela est resté un peu superficiel ....

Rester spectateur du livre que l'on lit c'est très frustrant, dommage

Avenue des géants

Al Kenner est un colosse de 2,20 mètres, de 130 kg et à l’intelligence très supérieure à la moyenne. Il est le narrateur et nous conte sa vie en commençant par ce jour de 1963 où Kennedy a été assassiné et où sa propre vie a pris un brusque tournant.
Nous sommes en Californie et Al vit chez ses grands parents maternels. Sa mère qui ne l’a jamais aimé ne veut plus de lui. Et comme sa taille démesurée, sa force supposée et son regard fixe font peur à la nouvelle femme de son père celui-ci s’est également débarrassé de son géant de fils. Les aïeux ne semblent pas plus à même de témoigner de l’amour à cet adolescent de 15 ans, rejeté et auquel sa mère ne cesse de dire qu’il porte le mal en lui. Al va mal, très mal. Et pour tenter de s’en sortir, décide brusquement de tuer sa grand-mère : un coup de fusil dans le dos. Pour lui éviter les souffrances du veuvage, et par compassion parce qu’il l’apprécie sincèrement, il tue également son grand-père dans la foulée.
Il se sent aussitôt un peu mieux. Il est également convaincu que son acte est un acte de générosité en faveur de son père auquel il est certain d’avoir rendu service. Même si son père n’en a pas immédiatement conscience, un jour, il le remerciera. Aucun doute pour lui.
Malgré ses certitudes, il prend la fuite. Plus par besoin de s’éloigner de ce lieu qu’il exècre, de faire de la route et de trouver la paix que pour échapper à la police. Mais Al est incapable de s’intéresser longtemps à une même chose : au bout de 2 jours rouler ne l’intéresse plus et il choisit de se rendre. Il est déclaré irresponsable (ce qu’il conteste) et est écroué cinq années en hôpital psychiatrique. Une commission le remet ensuite en liberté en lui interdisant de ne jamais revoir sa mère que les médecins juge responsable des trouble de son fils.
Al tente de reprendre une vie normale. Mais la colère continue de le ronger. Seule la boisson l’apaise (un peu et pour un temps). Alors que l’Amérique vit désormais à l’heure de la guerre du Vietnam et du mouvement hippie, de leurs communautés, de leurs chemises à fleurs, de leurs barbes, de leurs longs cheveux crasseux et de l’amour libre, Al se décide à rentrer dans la police. Malgré sa taille, rédhibitoire, et son lourd casier judiciaire.
Mais le lecteur sait que l’histoire finira mal. Car en marge de la narration de ses souvenirs datant des années 60 et du tout début de la décennie suivante, l’auteur a intercalé de façon régulière des chapitres mettant en scène un Al sexagénaire écroué depuis 40 ans et pour le restant de ses jours en hôpital psychiatrique. Dès le début, le lecteur sait que le colosse va récidiver et lit ses confessions avec une épée de Damoclès au-dessus du crâne, s’attendant au pire à chaque nouvelle page. Peu à peu, on voit Al jouer avec un feu chaque jour plus dangereux, s’enfoncer un peu plus inexorablement. On assiste à ses efforts désespérés pour s’en sortir – malgré tout. Si le lecteur ne connaissait pas déjà la fin, il aurait pu espérer davantage de réussite. Mais ses projets, Al ne les fait que pour ressembler aux autres et se donner l’illusion d’une vie « normale ». Personne n’y croit réellement. Et certainement pas lui-même. On assiste à l’analyse lucide qu’Al porte sur sa vie. Et sur celle des autres. On assiste effaré à la jouissance du passage à l’acte.
Un récit grave, terrifiant, mais atrocement efficace, inspiré de faits réels – la vie d’Ed Kemper. Marc Dugain décrit l’enfer de cet homme traumatisé par une mère alcoolique qui l’a rejeté, haï et humilié dès sa naissance. Le lecteur éprouve malgré tout une certaine sympathie pour ce monstre. La sobriété du texte qui jamais ne juge celui-ci m’a plusieurs fois conduit à éprouver une certaine forme de pitié et de commisération. Bourreau, mais aussi victime. Et peut-être victime avant d’être lui-même bourreau. Car Marc Dugain accorde à l’homme un certain crédit : une explication quant à l’origine de sa folie plus que de réelles circonstances atténuantes.
Un livre fort sur un thème d’une noirceur infinie : une plongée dans la tête d’un tueur en série. Une réussite !

Autant le résumé me plait, et ce qu'en dit Harelde et Traversay, autant ce que dit topocl et les extraits me font douter sur la forme...
Je ne sais pas quoi en faire.

Les extraits ne sont que des extraits.
Et je ne les trouve pas particulièrement significatifs du livre. Car si ce livre est assez narratif, il y a aussi beaucoup de rythme avec pas mal de dialogues.

La seule solution pour toi est de tenter. Et de voir.

Harelde a écrit:

Les extraits ne sont que des extraits.
Et je ne les trouve pas particulièrement significatifs du livre. Car si ce livre est assez narratif, il y a aussi beaucoup de rythme avec pas mal de dialogues.

La seule solution pour toi est de tenter. Et de voir.

Et de me mettre d'autres extraits, non ? (Steuplééé)

Merci pour ton commentaire Harelde !
Pour ma part je n'hésite pas : je sais que je lirai ce livre. Reste à savoir quand je trouverai l'occasion...

Avenue des géants
Je ne sais que penser de ce livre sinon qu'il est super bien écrit. Difficile à lâcher une fois ouvert.
Et pourtant, pourquoi s'intéresser à ce type qui se pense républicain, honni la contre culture est plus intelligent que les autres et tue à cause de ou par la faute de... Pas la sienne en tous cas! Mère castratrice, père absent, comme d'hab quoi.
Bref il m'emmerde!

Mais que M. Dugain est fort dans son art.
Allez, vivement son prochain avec j'espère un sujet plus stimulant.