John Huston

Bellonzo a écrit:

Content que tu aies aimé.Je ne me lasse pas de ce film.

La Havane vu par Huston



Les insurgés de John Huston(1949) est massacré par Tavernier et Coursodon dans leur bible Trente ans (puis cinquante ans de cinéma américain).J'ai rencontré deux fois le grand Bertrand et on sait qu'il aime bien avoir raison.C'est vrai que Les insurgés(We were strangers) n'est pas un film passionnant, certaines séquences sont assez plates et la thématique hustonienne de l'échec,célèbre,n'est pas bien illustrée par le simili happy end.Je n'avais jamais vu ce film peu diffusé.Si vous n'avez qu'une dizaine de Huston à voir, manifestement oubliez-le. Mais je sauverai de cette oeuvre moyenne quelques éléments.

Bizarrement, c'est un film que j'aime bien malgré sa "naïveté" et notamment pour son interprétation.

Etape 1 : reprise du post de Marko depuis le fil Mc Cullers :

Marko a écrit:

Reflets dans un oeil d'or

Ses yeux d'une couleur curieuse où se mélangeaient l'ambre et le brun, exprimaient la placidité muette que l'on voit dans les yeux des animaux.

Une fois de plus j'ai lu le roman de Carson Mc Cullers juste avant de voir le film de John Huston qui était programmé sur une chaîne du cable il y a quelques jours. Et je dois avouer que le film est d'une fidélité absolue et apporte un climat onirique (avec ces filtres dorés) et érotique qui lui donne une dimension supplémentaire particulièrement inspirée. Je le recommande très vivement.



Expie a très justement suggéré la parenté avec l'univers de Tennessee Williams qui est évidente ici puisque l'action met en scène dans une sorte de Huis Clos (la base militaire) toutes les névroses qui génèrent une tension sexuelle dont l'issue ne peut qu'être explosive.

Il y a le commandant Langdon qui incarne l'hétérosexuel macho et homophobe, incapable de comprendre la féminité du jeune Anacleto qui est son contraire radical et qui aime sans mesure, d'un amour filial et platonique, l'épouse de Langdon frigide et asexuée depuis la mort de son enfant. Le capitaine Penderton (Marlon Brandon dans le film) est un obsessionnel probablement bisexuel, impuissant avec sa femme Léonore ( Elisabeth Taylor) qui est au contraire d'une féminité et d'une sensualité exacerbée, magnifiquement hystérique, et qu'il est devenu incapable de désirer.

Au milieu de ce petit monde surgit le soldat Williams qui de part sa beauté énigmatique, animale et en même temps immatérielle (il ne pourrait être qu'un fantasme dans le film qui au contraire du livre ne nous donne aucun élément biographique pour l'éclairer) catalyse tous les désirs ou les peurs puisqu'il incarne à la fois la sexualité (il est associé au cheval qui en est le symbole puis le substitut quand Penderton le cravache violemement) et la mort (l'épouse de Langdon le voit comme une menace autant mortifère que sexuelle). On retrouve encore le personnage évoqué dans Mort à Venise ou dans le Roi Roger.

Au regard doré du cheval/soldat Williams répond l'oeil d'or de l'oiseau de feu qu'évoque Anacleto. Carson Mc Cullers semble vouloir donner une dimension presque mythologique, symbolique à son drame érotique puisque le Phoenix évoque le thème de l'immortalité, de la résurrection et donc du Christ qui serait symboliquement incarné par le soldat Williams qui apparait comme une sorte de révélateur de toutes les vérités enfouies (idem dans Théorème de Pasolini)

Texte ambitieux et peut-être un peu trop symbolique justement mais il a le mérite de créer un climat étrange et des personnages captivants et opaques qui deviennent bien plus que de simples incarnations de concepts psychanalytiques.

J'ai trouvé le style assez sobre mais subtil et beaucoup plus profond qu'il n'y parait d'un premier abord.

Pour une fois je conseillerais presque plus le film que le livre mais pour 128 pages offrez vous les 2!!

Étape 2, impressions à chaud : TITANESQUE !

couleurs dorées ... comme les qualités de la couleur et du noir et blanc. Dès le début c'est foutu pour le misérable spectateur parce que ça ouvre beau avec une vue du fort où se déroule le drame à mordiller la moquette.

Ensuite le casting assure bien avec en tête Elizabeth Taylor et Marlon Brando qui en font des tonnes... mais ce n'est pas si simple et je pense bien qu'il y a beaucoup de choses dans leur jeu. Et Robert Forster dans le rôle de l'énigmatique et fascinant soldat Williams performe à bloc. et Julie Harris qui joue Alison Langdon est elle aussi au top.

La capture du spectateur se fait naturellement (parce que le réalisateur il est mieux que doué) par toute la tension et le trouble de cette histoire à l'érotisme un peu provoquant et moteur de profondes frustrations. Et puis petit à petit on se dit que c'est une excellente adaptation, quelques traits forcés peut être mais tout se met en place et met en valeur les blocages dangereux qui s'imposent aux protagonistes. Une société d'apparences fortes qui finalement se maltraite elle-même (l'homosexualité est présente mais le propos n'y est pas limité). Plus explicite que le livre sans doute mais pas sans ses finesses et son côté enfiévré, les égarements et les pulsions. A la fois touchant et pervers, on effleure comme rarement en images cette sensation particulière à la lecture de Tennessee Williams et Carson Mc Cullers d'existence broyées une imparable obligation de normalité et de paraître qui dépasse les volontés.

Absolument prodigieux.

quelques images (je suis un sale panda !) :



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(Marlon en lutte avec sa virilité !)*

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* : plus sérieusement les portraits d'hommes cassés sont particulièrement et réussis dans ce film.

Homme d'une très grande culture qui portera a l'écran des œuvres littéraires considérées comme des chefs d'œuvre (Moby Dick, Au dessous du volcan, Le malin, Gens de Dublin, La nuit de l'iguane)
On parle souvent de lui comme d'un cinéaste de l'échec, c'est un peu réducteur, ses films ont souvent une dimension tragique, mais il ne sont pas tous aussi pessimistes et désespérés qu'on pourrait le croire, son cinéma est avant tout une exaltation de l'aventure (Le trésor de la sierra madre), et de la ténacité même si le projet doit finalement échouer. Une autre tendance de son œuvre qui me semble négligée est celle qu'il a a montrer des personnages toujours plus ou moins en révolte contre Dieu ou contre l'institution religieuse: Moby Dick, La nuit de l'iguane, Le malin etc...

Ses plus grands films pour moi:
Moby Dick
Gens de Dublin
La nuit de l'iguane
Le malin
Au dessous du volcan
Promenade avec l'amour et la mort

J'ajoute à ta liste au moins Reflets dans un œil d'or (surtout dans sa version colorée) et The Misfits. Voilà l'exemple d'un cinéaste qui a su transposer des œuvres littéraires (et non des moindres) avec talent.

Chouette! ça me permet de trouver le post d'Animal sur Reflets dans un œil d'or avec toutes ces petites vignettes. On passe souvent à côté des fils si on ne les regarde pas tout de suite dans les Nouveaux post (depuis la dernière visite).

(tiens j'en remets une couche : clic ! )

Let there be light (1946)
A la fin de la seconde guerre mondiale, Huston installe ses caméras dans un hôpital de l'armée américaine dédié aux traumatismes et névroses des soldats. Hypnose, psychothérapie de groupe ..., ce documentaire d'une heure est définitivement impressionnant. Sur le plan cinématographique, le talent du réalisateur éclate à chaque plan. Une oeuvre à part dans sa filmographie, passionnante et éclairante.

je viens de regarder Quand la ville dort (Asphalt Jungle)...

mais il est immense ce film !

(j'y reviens bientôt...)

animal a écrit:

je viens de regarder Quand la ville dort (Asphalt Jungle)...

mais il est immense ce film !

(j'y reviens bientôt...)

Un acteur immense aussi (il a trop peu joué) : Sterling Hayden !

Quand la ville dort

Patrouille de police dans ville déserte... grand type mais petit truand, ambiance dure et poisseuse, un policier qui se fait engueuler par son supérieur pour manque de résultats... et l'arrivée d'un petit bonhomme pas tout jeune avec un accent allemand. Il sort de prison et avec une idée qui peut rapporter beaucoup. Une association chapeautée par un avocat véreux et au bord de la faillite. Tout ce qu'il faut pour que ça tourne mal !

Noir et blanc sublime avec de nombreuses images merveilleusement construites, des caractères très définis mais qui se creusent avec le temps... On travaille tous pour nos vices. Boisson, courses, jeunes femmes...

Pas de débauche de violence autour de ce superbe casse de bijouterie de nuit (un écho avec Le cercle rouge ?) mais un film qui tourne lentement autour de ses protagonistes hommes et femmes qui tentent avec plus ou moins de malchance de tourner leur destin. Casting démesurément bon (petit rôle de Marilyn), film prenant sans faux artifices de suspens. Chef d'œuvre parce que tout vient et tout tient, image et personnages avec un peu d'une mélancolie épuisée.

(et de belles images de ville un peu délabrée).

Un film admirable, emblématique d'un genre. Sans doute pas mon préféré de John Huston (peut-être à cause de la limpidité du scénario, qui emprisonne les protagonistes dans un étau), mais la mise en scène et l'interprétation sont formidables...et le final, tragique et désabusé, est extraordinaire.

traversay a écrit:

Let there be light (1946)
A la fin de la seconde guerre mondiale, Huston installe ses caméras dans un hôpital de l'armée américaine dédié aux traumatismes et névroses des soldats. Hypnose, psychothérapie de groupe ..., ce documentaire d'une heure est définitivement impressionnant. Sur le plan cinématographique, le talent du réalisateur éclate à chaque plan. Une oeuvre à part dans sa filmographie, passionnante et éclairante.

Il m'intéresse celui-ci.
C'est noté.

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The Night of the Iguana / La Nuit de l'iguane

Citation :

Synopsis
Shannon, pasteur défroqué et tourmenté, lutte avec ses scrupules religieux, ses problèmes d'alcool et un désir de trouver le respect de lui-même. Il officie comme guide touristique pour un groupe de vieilles dames. Celles-ci sont accompagnées par une jeune nymphomane qui poursuit Shannon de ses assiduités. Le groupe débarque dans l'hôtel d'une veuve vieillissante...

Bon, faut dire que j'aime plus d'un des films de John Huston. Mais puisque j'adore tellement les pièces de Tennessee Williams, il est fort probable que ce film est mon favori de ce réalisateur.
Depuis deux ans, moment de mon déménagement, je regrette plus d'un film que je conservais sur cassette vidéo. Mais puisque le déménagement se faisait en laissant derrière moi ma télé, j'ai aussi liquidé toutes les cassettes. Depuis je suis en train de me refaire une "vidéo"thèque en achetant des films dispo sur DVD.
Celui-ci me vient d'Amérique parce que je ne pouvais le trouver nulle part en VO.

J'ai hâte de retrouver ce soir Shannon et ses problèmes
Je crois que j'ai vu ce film au moins 3 à 4 fois.. mais lorsque le moyen de le revoir manque, on a l'impression qu'on ne peut pas se rappeler d'une seule scène.. mais tout me revient déjà et je suis curieuse de le voir en VO, n'ayant eu qu'une version allemande sur cassette