John Huston

ah ça donnerait des idées, même si j'en garde le souvenir d'un film qui accentuait un poil trop sur la comédie à mon goût. ce pourrait être une bonne raison de plus pour le revoir remarquez !

Il faut que je regarde à nouveau Gens de Dublin qui m'avait beaucoup marqué et dont parlait très bien Bellonzo un peu plus haut. Adaptation somptueuse de la nouvelle de Joyce "Les morts".



Quelques reflets sur les carreaux le firent se tourner vers la fenêtre. De nouveau il neigeait. Les yeux lourds, il regarda tomber les flocons, argentés et sombres, contre le réverbère. Le moment était venu pour lui de commencer son voyage vers l’ouest. Oui, les journaux avaient raison : l’Irlande entière était recouverte de neige. Elle tombait en tous points de la sombre plaine centrale, sur les collines sans arbres, doucement sur le marais d’Allen et, plus à l’ouest, doucement sur les vagues sombres et rebelles de Shannon. Elle tombait, de même, en tous points du cimetière solitaire sur la colline où reposait Michael Furey. Elle reposait en couches épaisses sur les croix déformées et les pierres tombales, sur les piques de la petite barrière et sur les épines stériles. Son âme lentement s’évanouit comme il entendait la neige tomber délicatement sur l’univers et délicatement tomber, comme au jour du Jugement dernier, sur tous les vivants et les morts.

animal a écrit:

ah ça donnerait des idées, même si j'en garde le souvenir d'un film qui accentuait un poil trop sur la comédie à mon goût. ce pourrait être une bonne raison de plus pour le revoir remarquez !

ah non, pas de comédie.. en tout cas pas pour moi
certes, ici et là un clin d'oeil, mais jamais trop, jamais cela perd l'équilibre..
Il s'agit d'un thème important à Huston, comment les êtres humains passent des moments durs dans leur vie: en compagnie avec d'autres qui leur sont chers

Un vrai bonus du DVD: un petit documentaire sur le tournage du film et l'information que Huston avait invité Tennessee Williams d'être présent lors du tournage.. il y a même une scène qu'il a écrit après discussion avec Huston et qui est en plus une des scènes-clé du film
(celle avec Shannon et Charlotte où il laisse tomber son verre et marche par la suite sur les éclats de verre)

et en parlant de Charlotte, j'ai recherché sur elle ce qu'elle est devenue..
Sue Lyon, c'est elle qui a joué à l'âge de 14 ans la Lolita dans le film de Kubrick

domage qu'elle a été engagé dans ce film pour jouer à peu près cela encore une fois..

Mais c'est surtout Ava Gardner qui rayonne dans ce film.. ah quelle femme.. quelle beauté.. quelle actrice

Fat City (1972)

A Stockton Billy Tully est un ex-boxeur, alcoolique et en voie de clochardisation. Avec la tentation d'un retour. L'intro avec Keach allongé sur son lit et cherchant des allumettes est d'une simplicité et d'une véracité qui vous pose d'entrée de jeu ce que c'est que ce film. Il croise en voulant reprendre l'entrainement un jeune, Ernie Munger (Jeff Bridges), avec lequel il 'spar' un petit peu avant de lui conseiller d'aller voir le manager de ses bons jours. Deux vies distantes et parallèles qui vont faussement en sens inverse, quelques vieux de la vieille, et une femme alcoolique et hystérique qui vivra quelques temps avec Tully. Demi film de boxe donc, deux-tiers de film sur l'alcoolisme... et un film qui pourrait être résumé par la chanson de Kris Kristofferson : Help me through the night. Ce qui ressort du film, des portraits abimés et des bars d'habitués, des lieux passés qui ressortent dans les couleurs riches des films d'alors, qui apparaissent nus sans aucun glamour mais imprégnés d'humanité, c'est le doute, la faiblesse, le manque, la peur. Jusqu'à l'artifice des boxeurs avec ce sublime combat de retour de Tully contre un boxeur malade qui ressortira pourtant droit comme un i quand les lumières s'éteignent. Aucun excès dans ce très beau film, d'une beauté crue.

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(et comme quoi Stacy Keach il peut le faire très correctement).

Et n'oublions pas, presque 40 ans avec "Gens de Dublin" le merveilleux "Trésor de la Sierra Madre" avec Humphrey Boggart et le père de John Huston, Walter, en fantastique acteur.

Bien que daté et souvent surjoué, on se laisse totalement prendre par le récit.

Tampico, les pesos et les centavos, les barbiers, les cireurs de chaussures, les fusillades... On marche, on court. Et bien sur le lourd destin va torturer tout ce petit monde.

Promenade avec l'amour et la mort (1969)

En pleine Guerre de Cent Ans, un étudiant pauvre quitte Paris pour marcher jusqu'à la mer. En chemin, il ne rencontre que misère, cruauté et mensonge. Il fait la connaissance de Claudia, une jeune noble. Après l'assassinat de sa famille, elle s'enfuie avec lui. Malgré eux, ils vont être mêlés à l'horreur de la guerre...

Dans un moyen-âge de décors naturels et de superbes chiens et de costumes par Leonor Fini, une étrange fable, violente, parfois baroque, ça rappelle la même crainte que dans La Chair et le sang (dans un genre différent). A contre courant cette histoire d'amour entre l'étudiant qui a abandonné l'étude ? et la noble qui abandonne, ou se libère ?, sa condition. Une histoire d'amour sans chevalier mais très chevaleresque, très spirituelle. C'est aussi simple et pourtant un peu plus compliqué. Le décor historique revisite la place et les rôles du pouvoir pour laisser à la violence une place envahissante : les chevaliers sont des ordures et des brutes, les paysans devenus des sauvages, l'église se range du côté des puissants et ses tentations individuelles dégénèrent... Nos tourtereaux, égarés, et zigzaguant dans ce monde cruel, avançant vers la mer avant de revenir en arrière traversent quelques phases qui diffèrent du mythe. L'amour charnel prend sa place sans rien pervertit, la violence, les violences sont concrétisées et dépassées.

Il ne reste plus que l'élan qui est aussi celui du film, celui d'un choix positif et affirmé de valeurs morales et de liberté. Plus qu'une grandeur visuelle dans ce film qui reste humble (mais travaillé avec des lieux et des décors choisis et quelques très belles images au naturel) c'est cette volonté explicite et très lisible qui marque et qui fait une très forte impression. La fable moyenâgeuse prend une dimension intemporelle et sa modernité de propos n'est pas celle d'un courant mais une très droite et très puissante expression individuelle.

Le couple égaré est très attachant en plus, qui comme le souligne un cousin Robert n'inspire pas la jalousie mais la joie partagée.

Décidément un réalisateur à la forte personnalité, je passe de l'intérêt à un semblant de fascination !

animal a écrit:

Promenade avec l'amour et la mort (1969)
[...]
Décidément un réalisateur à la forte personnalité, je passe de l'intérêt à un semblant de fascination !

Tiens, un Huston que je n'ai jamais vu.

Oui, c'est vraiment un réalisateur intéressant, un des plus grands, en fait. Que de chefs-d'oeuvres dans sa filmographie !
Et on ne peut pas vraiment dire qu'il brosse le spectateur dans le sens du poil, fasciné qu'il est par l'échec... (ne pas oublier de parler de "la thématique hustonienne de l'échec", c'est toujours très chic).

J'aime beaucoup Promenade avec l'amour et la mort, avec ce contraste souvent saisissant entre la violence d'un contexte et la limpidité de la relation amoureuse. On ressent la sensation d'une plénitude même si elle ne peut être qu'éphémère, et l'approche historique est de bout en bout passionnante.
La carrière de John Huston offre une richesse impressionnante : je ne suis pas sensible à tout (La faucon maltais et Key Largo m'ont déçu, parmi d'autres), mais que de réussites audacieuses...avec la capacité de s'emparer de matériaux et de styles d'apparence disparates pour bâtir une oeuvre cohérente.

Je ne savais pas que Leonor Fini avait collaboré avec John Huston sur ce film. C'est d'autant plus intriguant.

Soirée ciné hier soir, et j'ai enfin revu la Promenade avec l'Amour et la Mort (Merci Animal).
La mémoire n'est pas très fiable, en tous cas la mienne, déjà vu il y a une bonne trentaine d'année, je ne me souvenais avec précision que des dernières images.
Images magnifiques où les deux protagonistes vont s'aimer jusqu'à l'arrivée de la sauvagerie et de l'obscurantisme qui va les précipiter dans le néant...
A mon avis, un très beau film qui porte les valeurs de la culture et du plaisir contre celles des castes, du fanatisme avec son cortège de violence et de malheurs.
Un film sorti en 1969, sans doute l'époque y est pour beaucoup de cette réfection épicurienne. Un film à petit budget et familial mais qui reste d'une beauté et d'un rythme sans concessions.
A voir et à revoir!

L'Homme qui voulut être roi / The Man Who Would Be King (1975)

D'après une nouvelle de Rudyard Kipling, deux fieffés filous (et franc-maçons), anciens de l'armée aux indes se lancent dans une folle aventure dont le but est de devenir les rois d'un coin barbare (imaginaire Kafiristan) et d'en repartir avec le maximum de trésors. Leur témoin est Kipling qui travaille au Northern Star, papier local.

Décors en grand, grandes gueules de Michael Caine et Sean Connery qui en font des caisses avec pas mal de bonheur, histoire limpide, mélange de carton pâte et de massif, pas de chichis, presque trop massif et simple (ce qui peut revenir dans d'autres Huston ?)... Les caractères et l'histoire, la fable, et sa duplicité intrinsèque répercutée embarquent néanmoins rapidement l'attention et l'imagination direction le dépaysement sauvage, un exotisme comme on en fera plus et de grands dilemmes le tout doublé d'un redoutable naturel du détail. Amour de la gouaille, d'un chiqué choisi, la langue, la posture et l'ombre d'une gravité. Quand même. C'est bon. Plus que ça ne le devrait ? C'est peut-être pour ça que c'est si bon...

(ressemblance de principe assez forte dans la comédie avec Plus fort que le diable dont j'ai vu un morceau l'autre jour qui parle beaucoup et qui blague à tous les étages sans oublier d'assurer).

Après avoir ouvert le fil pour Gilles Foden qui parle des événements réels sur le lac Tanganyika pendant la 1ère guerre mondiale, j’ai voulu revoir aussi le film qui a été tiré du livre de C.S.Forester qui s’était inspiré de ces manœuvres sur le lac.


The African Queen

Vu pour la première fois une éternité, mais tout de suite retrouvé le plaisir qu’il y a de voir ce film


Ces deux sont tout à fait époustouflant dans ce film et à mon goût ils auraient pu laisser de côté tous les effets spéciaux (qui sont un peu démodés et pas toujours très réussis), l’histoire se fait bien avec les deux et leurs dialogues, qu’on doit pour la plupart à James Agee qui a écrit ensemble avec John Huston le scénario. Extra


Tout cela n’a rien à voir avec les faits réels, mais concernant cinéma, c’est un très bon moment qu’on passe en compagnie d’une Katherine Hepburn sublime et un Humphrey Bogart exquis !!

L’avantage avec les DVD : bonus. Celui de ce DVD est très bien, un reportage concernant le tournage de ce film,.. et cela est autant fascinant que le film !

Tournage qui a d’ailleurs aussi produit entre autre un livre Chasseur blanc cœur noir, de Peter Viertel dont Clint Eastwood a lui fait un film des années après.


Je l’ai commandé en même temps que The African Queen et je l’ai vu il a aussi quelques années déjà mais cela va me faire encore plus de plaisir de le revoir maintenant, si tôt après le visionnage du « vrai » film

Intéressant détail mentionné dans le petit film autour du tournage : Peter Viertel a donné son livre avant publication à John Huston pour lui demander ce qu’il en pensait et qu’il serait d’accord de tout retirer ce qu’il n’accepterait pas. Après la lecture celui-ci lui a dit qu’il a montré le réalisateur encore trop inoffensif, il pourrait sans problème le décrire encore plus venimeux

J'ai vu le film African Queen il n'y a pas si longtemps... c'est sans doute un classique. J'avais auparavant vu Chasseur blanc coeur noir donc oui, j'avais relevé le parallèle que Clint Eastwood avait fait avec la première oeuvre. Le génie du cinéma se distingue par rapport à d'autres formes d'art. Une des forces d' African Queen, c'est de savoir trouver l'équilibre entre le dialogue, l'humour et la succession des plans. Comme disait kenavo, ce n'est pas les effets spéciaux qui remportent la palme. Toutefois, même avec des effets spéciaux minimalistes, il est possible de tirer une force dans l'ensemble de l'oeuvre. Je n'ai peut-être pas l'expression exacte, mais en tous les cas le montage d'un film se révèle crucial pour tirer la chimie qui colle les morceaux d'un film exquis.

En plus, le tournage peut nous servir de leçon. Katharine Hepburn, comme à peu près tout le monde sur le tournage, avait été malade.
Tous... sauf John Huston et Humphrey Bogart, qui tournaient au scotch toute la journée, même pour se brosser les dents. Et ce n'est pas tout ! Le "deuxième effet kiss cool" : il paraît que quand des mouches piquaient John ou Humphrey, elles tombaient, raides mortes.
Prenons-en de la graine, lorsque nous irons dans ces pays chauds !

Moulin rouge (1952)

La vie parisienne de Toulouse-Lautrec avec mondanités, cognac, déceptions et création, et quelques femmes. Au début on ce demande comment ça va prendre la pesanteur de John Huston avec l'ambiance échevelée et festive. Et assez vite on comprend la densité derrière la reconstitution de ce qu'il fallait de frivole, un poids, un désespoir. A partir de là il n'y a plus qu'à suivre les portraits déçus du peintre et de son entourage et à se laisser porter par la vision précise de la création en rupture, en échappatoire, toujours consciente.

Un très beau film, assez dur en fin de compte, assez triste aussi. Mais très beau

Accessoirement, n'étant pas à l'origine un très curieux de Toulouse-Lautrec, je dois reconnaitre que le film est assez stimulant pour donner envie de regarder de plus près, avec plus d'attention.

Suzanne Flon est juste parfaite.




la tv de temps en temps ça vaut le coup, même un 31 Décembre ?