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| Stéphane Audeguy | |
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+12kenavo Arabella Sahkti swallow Chimère coline Fantaisie héroïque Le Bibliomane Chatperlipopette Marie Aeriale bertrand-môgendre 16 participants | |
Auteur | Message |
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bertrand-môgendre Sage de la littérature
Messages : 1299 Inscription le : 03/02/2007 Age : 69 Localisation : ici et là
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Dim 12 Aoû 2007 - 12:05 | |
| coline dubitative : - Citation :
Que m’a-t-il manqué pour l’apprécier tout à fait ?
La réflexion qu'il a succité en toi, prouve que cet ouvrage ne peut pas laisser indifférent. Ton analyse, te conduit à apprécier le travail de l'auteur. En cela, j'aime, de mon côté, ces artistes qui dépassent le nombrilisme ennuyeux de la majorité des écrivains contemporains, pour nour servir une oeuvre conséquente. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Dim 12 Aoû 2007 - 12:15 | |
| - bertrand-môgendre a écrit:
- coline dubitative :
- Citation :
Que m’a-t-il manqué pour l’apprécier tout à fait ?
La réflexion qu'il a succité en toi, prouve que cet ouvrage ne peut pas laisser indifférent. Ton analyse, te conduit à apprécier le travail de l'auteur. En cela, j'aime, de mon côté, ces artistes qui dépassent le nombrilisme ennuyeux de la majorité des écrivains contemporains, pour nour servir une oeuvre conséquente. Je suis tout à fait d'accord avec toi Bertrand...ce livre ne peut laisser indifférent...Il a même de grandes qualités, j'espère que je les ai suffisamment soulignées... Mais il me manque peut-être une touche que je recherche toujours, la... "chose qui me prend aux tripes"... Bref...je suis une grande sentimentale...Soupir... | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Ven 17 Aoû 2007 - 3:30 | |
| J'ai donc lu La théorie des nuages. J'ai mis un petit bout de temps, car Stéphane Audeguy parle de tellement de choses, que j'allais en permanence vérifier sur mon ami Google s'il inventait, ou si c'était vrai. En fait, c'est les deux, il s'en explique ici
J'ai beaucoup aimé ce livre...Parce qu'il sort, c'est le cas de le dire, de l'atmosphère plutôt confinée qui règne souvent dans la littérature française. Parce qu'il est brillant et intelligent. Parce qu'on ne comprend qu'à la fin pourquoi ce couturier est à ce point fasciné par les nuages. Le personnage de la bibliothécaire m'a un peu gênée au départ, mais j'aime bien ce que Stéphane Audéguy dit de ce personnage dans l'entretien ci-dessus. Coline, Le Bibliomane et Chatperlipopette ont déjà abondamment- et brillamment- parlé de ce livre, je vais juste recopier quelques lignes.
En Europe, les puissants du monde cherchent à savoir quand viendront les tempêtes. Bien sûr, il y a toujours eu des tempêtes en Europe occidentale, et des paysans pour s'en soucier. Mais jamais auparavant ces tempêtes n'ont eu autant d'usines à souffler, de toitures de maisons à emporter, de bétail et d'hommes à noyer. Jamais auparavant les puissants du monde n'ont eu autant à perdre. Le 14 novembre 1854, pendant la guerre de Crimée, des navires de guerre et de commerce, au total trente-huit bâtiments battant pavillon français, coulent au large de Balaklava, dans la mer Noire. Il y aussi, accessoirement, quatre cents morts. Napoléon III convoque le ministre de la Guerre pour savoir comment il a perdu quatre cents hommes et une flotte entière, dont le plus puissant de ses trois-mâts de guerre, le Henri IV.Le ministre de la Guerre convoque le directeur de l'Observatoire de Paris, pour se donner une contenance. Le directeur de l'Observatoire se nomme Urbain Le Verrier. Il n'a aucun mal à démontrer à son interlocuteur que la tempête en question se trouvait ,la veille, au-dessus de la Méditerranée; et que deux jours auparavant elle faisait trembler les habitants du nord-est de l'Europe: il aurait suffi d'une simple communication télégraphique pour éviter la catastrophe. Le Verrier obtient aussitôt une audience auprès de l'Empereur, qui veut savoir comment accomplir de tels prodiges. Urbain Le Verrier a tout simplement écrit à tous les astronomes et météorologues amateurs qu'il a pu recenser dans toute l'Europe; choses des plus aisées, en un temps où les savants passent leur temps à s'écrire pour se communiquer informations et découvertes. Sa requête est simple: il a prié ses honorés confrères de lui faire prt de leurs observations sur le temps qu'il faisait chez eux , entre le 12 et le 16 novembre. Le Français reçoit deux cent cinquante réponses, qu'il reporte sur une carte d'Europe. Il dispose de la trajectoire de la tempête. Naturellement, le système possède un ennemi juré: la chronologie. a quoi bon prédire le temps de la veille? Urbain Le Verrier obtient donc l'argent nécessaire à la création de stations météorologiques sur tout le territoire français. Ainsi s'achève le temps des hommes, ainsi commence celui des réseaux. Bientôt d'autres pays- la Hollande, l'Angleterre, la Suède, la Russie- vont s'inspirer de l'exemple français.... | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Sam 18 Aoû 2007 - 2:39 | |
| Encore un petit bout, car j'adore ces descriptions du monde colonial anglais!
Dans les deux premières semaines d'avril 1890, Richard Abercrombie a quasiment pris pension au consulat britannique du royaume de Sarawak. Le consul Jones est un admirable professionnel: trente ans de carrière diplomatique en Extrème-Orient, jamais un impair vis-à -vis d'un prince local , jamais un faux pas dans un plan de table, pas la plus petite erreur protocolaire. C'est un petit homme rond, élégant et vain comme un bibelot, et qui, armé d'une batterie de cinquante citations littéraires bien choisies, adaptées à toutes les circonstances de la vie consulaire, a roulé de sinécure en sinécure, en évitant soigneusement les postes trop délicats. Pour le reste, le consul Jones a toujours veillé à l'essentiel: on dîne parfaitement à sa table; on fume dans son salon des cigares admirablement protégés des excès de l'humidité ambiante. Le consul Jones guigne depuis douze ans un poste à Bali; il mourra l'année suivante , d'un arrêt du coeur, pendant son sommeil, sans avoir jamais été effleuré par l'évidence de son propre néant. Sa femme lui en voudra longtemps de cette mort intempestive et, de plus, vulgaire...
.... Le dîner où se rend Abercrombie, le soir-même, est particulièrement représentatif de la vie des colonies: tous les pantins et tous les ratés du monde occidental se sont donnés rendez-vous à la table du consul Jones. Les colonies sont les égouts de leurs métropoles. Contre toute attente, Richard Abercrombie passe une excellente soirée; la lie des colonies ne lui est pas plus ou pas moins sympathique que les aborigènes australiens qui l'honoraient n lui récitant la liste interminable de leurs ancêtres et collatéraux; pas plus et pas moins que les paysans mongols qui lui servaient du lait tourné et une sorte de ragoût déconcertant, mais véritablement délicieux. La tablée comprend naturellement les amateurs de chasse qui complètent la faune consulaire dans toutes les régions tropicales du monde.... | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Ven 26 Oct 2007 - 16:38 | |
| Petit éloge de la douceur
Critique du Journal Le Monde: "Stéphane Audeguy, auteur de deux remarquables et récents romans (1), fait observer une chose fondatrice: "La douceur n'est pas un pouvoir" (mais elle peut être détournée et devenir une stratégie, un instrument, un subterfuge) ; il ajoute : "Si jamais la douceur parvenait un jour à occuper une situation dominante dans notre société, il faudrait aussi l'abandonner, comme on quitte une position, comme on déserte." En conséquence, si "la douceur suppose toujours une affirmation, une joie", elle "commande une sorte de guérilla, avec ses caches d'armes, ses décrochages, ses pièges et ses alliances".
Car la douceur, quoi qu'en disent ses détracteurs - qui parlent fort, grossièrement, et détestent par-dessus tout les nuances et la mesure... - n'est pas l'équivalent de la mièvrerie. Doux ne veut pas dire doucereux. Malgré ce que suggèrent les malencontreuses sucreries qui ornent la couverture du livre.
Puisqu'elle est, en même temps qu'un art de vivre, une affirmation, un choix éthique aussi bien qu'esthétique, la douceur, la vraie, est toujours obstinée et véhémente. Militante. Car les doux sont de dangereux conjurés, des activistes sans repos. Ils sont d'ailleurs combattus et moqués comme tels. La référence aux Béatitudes du Christ étant, en la matière, une circonstance aggravante...
Après ces préceptes qui introduisent à la "vie douce" comme le doux saint François de Sales introduisait à la "vie dévote", Audeguy parle de "l'assujettissement". Dans un monde de concurrence acharnée et de lutte à mort pour la prééminence, l'injonction essentielle est la suivante : "A chaque instant soyez vous-même."
A l'individu qui veut devenir quelqu'un, il est fortement recommandé de prendre la tête d'une "sorte de petite dictature de la République du Moi, une et indivisible, étrangère à toute idée de fraternité, d'égalité et de liberté". Celui qui déteste la douceur est également dur pour lui-même...
LE CHAMP DES PLAISIRS
Mais cette disposition d'esprit et d'âme est parfois onéreuse. Elle conduit même, en certaines circonstances (qu'il ne faudrait pas banaliser), au martyre... "S'il est une douceur affreuse, c'est celle des victimes", écrit l'auteur. Il explique : "Comme si la dernière forme de protestation de la victime est de renoncer elle-même à toute violence, y compris à celle qui est nécessaire à la survie de tout être..."
Mais avant d'en arriver à ces extrémités, la douceur offre un champ varié et inépuisable de plaisirs accessibles, et même de jouissances. Audeguy, dans l'ordre alphabétique, propose ainsi plusieurs applications, modes et régimes de ces agréments. En architecture (Gaudi et Jean Nouvel) ; en musique, le jazz surtout ; dans la haute couture (Issey Miyake) ; et même au football, en certains instants de grâce (Diego Maradona, marquant un but, "avec une facilité presque étrange, alentie" le 22 juin 1986, contre l'Angleterre)... Notons enfin d'intéressants développements sur l'érotisme.
Il va sans dire que Stéphane Audeguy n'épuise pas son sujet. Emporté, il divague parfois un peu loin... mais toujours en douceur. Et s'il cite Marc Aurèle - "la douceur est invincible" | |
| | | Chimère Agilité postale
Messages : 995 Inscription le : 24/02/2007 Age : 52 Localisation : Bordeaux
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Dim 28 Oct 2007 - 21:22 | |
| LA THEORIE DES NUAGES de Stéphane AUDEGUY Ed Folio/320p Virginie Latour, bibliothécaire est engagée par Akira Kumo célèbre couturier pour l’aider à classer sa collection d’ouvrages sur l’étude des nuages et les débuts de la météorologie. Il entreprend alors de lui raconter des histoires de chasseurs de nuages…
Entre Luke Howard qui inventa leurs noms, Richard Abercrombie qui fit le tour du monde pour voir s’ils étaient partout identiques, Carmichael un peintre qui passa des années à les peindre jusqu’au délire, les nuages deviennent un sujet passionnant. C’est étonnant comme cet élément de la nature peut devenir un beau thème pour une histoire. A ces personnages parfois excentriques, s’entremêle les existences de la bibliothécaire et de son étrange patron. Le récit oscillant sans cesse d’un personnage à un autre, d’une époque à l’autre sans heurt. Quel vrai régal que cette histoire un peu folle mais qui a tellement de charme. A lire, en plein air en levant les yeux vers les nuages au dessus de soi.
« Il faut être un peu bête dit Akira Kumo à Virginie Latour et l’être avec une sorte d’obstination irraisonnée pour s’intéresser aux nuages. Pour la plupart des personnes de bon sens, les nuages sont là et puis c’est tout. Que dire d’autre ? Ils font partie du décor. Il n’y a pas de raison de les considérer avec davantage d’attention. Pour la plupart des gens, il n’y a rien d’étonnant dans les nuages, il n’y a rien à en attendre ; sinon de l’eau sous différentes formes. » (extrait) | |
| | | swallow Sage de la littérature
Messages : 1366 Inscription le : 06/02/2007 Localisation : Tolède. Espagne.
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Ven 9 Nov 2007 - 10:00 | |
| Coline, il me semble que tu as lu aussi "Petite éloge de la douceur" ( amusant, mais sans plus, idéal pour un court trajet en avion). Il y a un mot que je ne comprends toujours pas bien, c´est le mot " LOSENGIER" ( p. 21. "Aubes"). Dans l´avion ce mot avait un petit goût britannique. Rentrée chez moi, j´ai consulté le dictionnaire, et je n´ai pas toujours pas trouvé le sens exact? Viendrait-il du Roman de la Rose? (Google m´oriente dans cette direction). Merci. Voilà la phrase, afin que tous les Grains puissent me donner leur point de vue: "Un ami fidèle guette les malveillants, les losengiers, les félons qui pourraient venir les surprende" Oui, même ceux qui n´ont pas lu le livre auront deviné qu´il s´agit de l´AUBE des amants proscrits, tandis qu´un ami fait le guet afin de proteger le secret de leurs amours. Merci à tous. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Ven 9 Nov 2007 - 10:13 | |
| - swallow a écrit:
- Coline, il me semble que tu as lu aussi "Petite éloge de la douceur" ( amusant, mais sans plus, idéal pour un court trajet en avion).
Il y a un mot que je ne comprends toujours pas bien, c´est le mot " LOSENGIER" ( p. 21. "Aubes"). Dans l´avion ce mot avait un petit goût britannique. Rentrée chez moi, j´ai consulté le dictionnaire, et je n´ai pas toujours pas trouvé le sens exact? Viendrait-il du Roman de la Rose? (Google m´oriente dans cette direction). Merci. Voilà la phrase, afin que tous les Grains puissent me donner leur point de vue: "Un ami fidèle guette les malveillants, les losengiers, les félons qui pourraient venir les surprende" Oui, même ceux qui n´ont pas lu le livre auront deviné qu´il s´agit de l´AUBE des amants proscrits, tandis qu´un ami fait le guet afin de proteger le secret de leurs amours. Merci à tous. Je te reconnais bien là Swallow, la perfectionniste... :) J'étais passée allègrement sur ce mot qui m'était, à moi aussi, inconnu...mais sans me demander ce qu'il pouvait bien vouloir dire... Je viens de faire une recherche...vaine...dans mon dictionnaire encyclopédique Larousse en 16 volumes...Il n'y a pas ce mot "losengier"! Mais je ne peux pas laisser mon amie Swallow dans un tel embarras... Or donc, je lance un concours sur Parfum afin de voir qui peut en apprendre davantage... Le gagnant (ou la gagnante) recevra "Petit éloge de la douceur" de Stéphane Audéguy...Je m'y engage... PS : Merci de répondre sur le fil du concours siouplé... ICI | |
| | | swallow Sage de la littérature
Messages : 1366 Inscription le : 06/02/2007 Localisation : Tolède. Espagne.
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Ven 9 Nov 2007 - 18:22 | |
| Tu plaisantes, Coline: - Citation :
- Je te reconnais bien là Swallow, la perfectionniste...
La vérité c´est que mon bilinguisme me joue bien des tours, et je surveille les mots de près, sinon je suis perdue, car de temps en temps une langue se superpose à l´autre et un mot-intrus prend place, à mon insu. J´en rougis, des fois... Mais ton idée de concours est géniale. Tu sais, sur mon Littré, j´ai copié une phrase que j´adore de Quignard : " Un dictionnaire pour nous plonger la tête dans l´abreuvoir" ( Petits Traités I). Alors, j´imagine tous les Parfums à la basse-cour ce week-end J´espère qu´il n´en ressortiront pas bredouilles, comme nous! | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| | | | Sahkti Envolée postale
Messages : 260 Inscription le : 21/11/2007 Age : 50 Localisation : Belgo-Suisse
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Jeu 22 Nov 2007 - 20:11 | |
| La théorie des nuages
Collectionneur de nuages... c'est un beau métier ça, non? Il faut être un peu fou pour cela, bigrement passionné. C'est ce qui caractérise Akira Kumo, japonais épris des nuages et de tout ce qui les concerne, notamment raconter des histoires sur ceux qui ont voulu les cataloguer. Est-ce que le fait d'être né à Hiroshima peut jouer dans cette obsession des nuages? On dirait bien que oui, c'est à parcourir au fil des pages, ça explique bien des choses.
Stéphane Audeguy propose ici une belle exploration du poids du souvenir, du comment survivre au pire. En oubliant, tout simplement. En tentant de le faire en tout cas, mais cela ne fait qu'augmenter le danger que représente la mémoire le jour où elle se réveille. Audeguy traduit bien cet état d'esprit, cette pression permanente et cette terreur de voir le passé soigneusement enfoui jaillir comme un diable de sa boîte, prêt à tout pulvériser sur son passage. A travers de très beaux passages et des lignes poétiques, Stéphane Audeguy explore l'insondable et les méandres de l'esprit. J'ai trouvé qu'il effectuait cette démarche de manière intelligente et subtile, en accordant la juste place au poids de l'Histoire et aux erreurs irréversibles du passé.
C'est un roman agréable, passionné et doté de cette langueur que j'apprécie, car elle raconte les êtres et les éléments avec beaucoup de sensibilité. Et puis il y a toute cette érudition sur les nuages et ça, j'apprécie! | |
| | | Sahkti Envolée postale
Messages : 260 Inscription le : 21/11/2007 Age : 50 Localisation : Belgo-Suisse
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Jeu 22 Nov 2007 - 20:12 | |
| Fils unique
"(...)mon frère tourna si mal qu'il s'enfuit et disparut tout à fait. Quelque temps après on sut qu'il était en Allemagne. Il n'écrivit pas une seule fois. On n'a plus eu de ses nouvelles depuis ce temps-là, et voilà comment je suis demeuré fils unique."
Les deux derniers mots de cet extrait des Confessions de Jean-Jacques Rousseau donnent naissance à un titre, un roman, un long texte de Stéphane Audeguy qui décide de rendre vie et hommage à ce frère, François Rousseau, méconnu et oublié de tous, en lui inventant toute une existence. Prétexte pour l'auteur à de longues digressions sur la condition sociale au 18e siècle, notamment celle de la femme, et sur des balbutiements démocratiques encore trop souvent frères de la torture et de la censure.
On sait très peu de choses de François Rousseau, si ce n'est qu'il vît le jour le 15 mars 1705, fréquente les maison de correction à 13 ans avant de devenir apprenti horloger et de disparaître un beau jour. La dernière lettre envoyée par François à sa famille l'est de Fribourg en 1739. C'est peu et beaucoup à la fois pour créer un roman autour de ce personnage. Peu parce que la parcimonie des informations disponibles oblige l'auteur à chercher; beaucoup parce que justement, ces recherches pour créer offrent de multiples pistes à Stéphane Audeguy.
Si l'idée est intéressante, je reste frileuse face au traitement qui lui a été appliqué. Trop de détails alourdissent le texte et les nombreux passages relatifs à l'érotisme et au libertinage de François Rousseau finissent par lasser et ne plus ressembler qu'à des accroches pour capter l'attention du lecteur. Pas efficace en ce qui me concerne, l'excès nuit en tout. J'aurais préféré un texte plus court, moins chargé, avec une langue plus vivante, davantage de dialogues et de spontanéité dans le personnage de François Rousseau, un être présenté comme libre et atypique.
L'écriture est certes élégante, le vocabulaire travaillé mais il demeure une impression de texte figé et parfois peu crédible, par exemple lorsque l'auteur prête une maturité, tant sexuelle que psychologique, qui dépasse toute espérance, à un enfant âgé de sept ans, dont les servantes de sa mère contentent une libido exacerbée. Décalage entre l'âge du protagoniste et les propos tenus; il en va de même à la fin lorsque arrivé au crépuscule de sa vie, âgé de 91 ans (ce qui est remarquable pour l'époque!), François Rousseau contemple la vie avec une certaine naïveté empreinte d'un cynisme qui ne correspond pas vraiment à l'idée que je pouvais me faire d'un homme ayant tant vécu.
Heureusement, il existe une toile de fond intéressante et documentée sur la république de Genève, sur la révolution française, sur la Terreur et une certaine idée des droits de l'homme. Pas assez pour donner au roman le label "roman historique", mais suffisamment pour planter un décor de manière rigoureuse et bienvenue.
Un livre intéressant mais qui ne m'a pas emballée plus que cela, je lui reconnais certaines qualités et aussi pas mal de défauts. Un bon point tout de même: j'ai apprécié la manière avec laquelle Stéphane Audeguy, à travers le personnage de François, démythifie Jean-Jacques Rousseau. C'est cynique et souvent bien vu. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Mer 19 Déc 2007 - 21:15 | |
| Fils unique Si vous avez lu Les confessions de Jean-Jacques Rousseau, vous vous souvenez peut-être qu'il avait un frère, très vite disparu, à peine plus qu'un souvenir fugace, une ombre qui se dissipe vite en fumée. Et bien Stéphane Audeguy imagine ce qu'aurait pu être la vie de ce frère du grand philosophe des Lumières, ses expériences et pensées. Il nous dépeint par la même ce prodigieux XVIIIem siècle, son effervescece intellectuelle, ses grandeurs et ses violences, du point de vue d'un homme autodidacte mais d'une certaine culture, travaillant de ses mains, mais aimant les choses de l'esprit, libertin de corps et de pensée, sans préjugés mais non sans idéaux. Nous rencontrons quelques célébres personnages de l'époque, comme le marquis de Sade, nous participons à des événements essentiels comme la prise de la Bastille. Tout cela dans un langage, un style, un vocabulaire, qui sont ceux du moment où se passent les évenements et qui maintenant ont le charme désuet des choses passées mais non point mortes. C'est un plaisir constant que de suivre la vie de ce François Rousseau imaginé par Stéphane Audeguy, qui certes n'a rien de historique, mais les personnes évoquées par Jean-Jacques dans ses Confessions ne sont-ils pas d'une certaine façon également transformées par son imaginaires et bien loin des personnes réelles? C'est un exercice de style brillant, aussi sprirituel que les salons de l'époque, et qui d'une certaine façon prend par moments le contre-pied du sentimentalisme de Jean-Jacques. Ici, il faut que je confesse que je n'ai que peu de goût pour son oeuvre, et encore moins pour l'homme tel que le montrent Les confessions, complaisant vis à vis de lui-même, par moment haineux vis-à-vis des autres, au point de developper par moments une véritable paranoïa, persuadé d'être un grand musicien, et se permettant d'attaquer le grand Rameau. Mais le sujet du livre de Stéphane Audeguy c'est François, et c'est un très bon choix, l'auteur de La Théorie des nuages parvient encore à nous surprendre dans un livre très différent de son premier roman, et qui me donne envie de guetter ses prochaines parutions. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Jeu 20 Déc 2007 - 10:49 | |
| - arabella a écrit:
- [Mais le sujet du livre de Stéphane Audeguy c'est François, et c'est un très bon choix, l'auteur de La Théorie des nuages parvient encore à nous surprendre dans un livre très différent de son premier roman, et qui me donne envie de guetter ses prochaines parutions.
Oui, tout à fait. J'ai aussi découvert Stéphane Audeguy avec La Théorie des nuages et quand un auteur me fascine à un tel point - je le suit aussi dans ses prochains livres - et j'ai retrouvé le plaisir de lire l'écriture de cet auteur dans un thème tout à fait différent du premier.. (et en plus il est super-sympa - rencontre au festival à Saint-Malo où il était très ouvert envers les gens qui voulaient parler avec lui) | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Stéphane Audeguy Jeu 20 Déc 2007 - 22:03 | |
| Je suis en train de lire (au petit coin) "Eloge de la douceur" (folio 2€) c'est pas mal mais je ne suis pas transportée non plus. | |
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| | | | Stéphane Audeguy | |
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