Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Jean Giono

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églantine
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptyLun 24 Mar 2014 - 17:53

Les grands chemins .


Ah.... Giono , si facilement classé parmi les grands romanciers régionalistes , de terroirs  : je m'attendais à quelque lecture où il fleure bon la lavande sauvage , sous la plume délicieusement imprégnée d'une langue chantante d'une époque où les accents s'entendaient même dans dans l'écriture !

Certes "la" mère Férréol et "l'Anita" sont bien au rendez-vous , la nature bruisse avec un lyrisme envoutant et charmeur mais cette ambiance rassurante et et délicieusement pastorale ne fera qu'accentuée l'inquiétude grandissante au sein du lecteur qui suivra avec curiosité au début , circonspection ensuite  le chemin des deux protoganistes ....

Ces deux hommes , compagnons d'un jour , d'une nuit , au hasard des croisées de chemin continuent leur route ensemble dans une "non-complicité " qui pose question :
Le narrateur a opté pour le vagabondage par goût de la liberté , échappant à toutes contraintes sociétales , et jouant ainsi la partition de l'oiseau moqueur ....L'artiste , quant à lui , semble fuir un passé ombrageux et menaçant : il est vrai que gagner sa vie au poker en misant sur la tricherie , ce n'est guère sécurisant ! Et n'est-ce pas là sa principale motivation :
Citation :
Il risque constamment sa mise et sa peau; et la mise ne compte pas puisqu'il triche , qu'il en dispose à son gré , la donne à Pierre ou à Paul , pour npréparer le gros coup .Ce qui compte , c'est sa peau , c'est qu'il risque , le gros coup ne sert qu'à risquer plus .Pas de réserve , sauf ses quatre ou cinq litres litres de sang qui , d'une minute à l'autre peuvent couler dans la sciure.

A leur insu , un lien qui semble presque prédeterminé les attachera l'un à l'autre .....Pas question de sentiments ou de de calculs raisonnables dans cette union qui échappe à l'entendement ....Fascination du narrateur pour celui qu'il nomme l'artiste cet homme qui  aime flirter avec la mort à chaque instant de sa vie pour jouir le plus pleinement de l'instant : d'ailleurs saurait-il vivre autrement , assurément pas , tel un funambule il avance et seul le vide donne un sens à sa vie dans cette quête jamais inassouvie de l'ultime plaisir .
Quant au narrateur , certes il a le verbe haut , l'ironie facile , l'oeil pétillant et le pas sautillant ....mais qu'on ne s'y trompe pas ,malgré l'humour faussement bon enfant , plutôt caustique et  sa bouche en coeur , il observe ses congénères , cette vaste comédie humaine qui se joue autour de lui et ne semble guère participer à l'illusion collective ....désabusé , il ne cherche que le plaisir qu'il rencontre par une volonté personnelle de recréer le monde à sa façon :


Citation :
Quand on est bel et bien en présence du problème qui consiste à faire ce qu'on appelle vivre qui est simplement en définitive passer son temps , on s'aperçoit vite qu'on n'arrive pas à le passer sans détourner les choses de leur sens . Père et mère , femme et enfants , voisins , voisines , si l'on s'en sert comme il se doit , ça mène à peu de choses .Mais , si on s'en sert comme on ne doit ne doit pas , quel miracle ! C'est le cas de le dire : les arbres sont rouges , les truites font leurs nids dans les buissons ; les montagnes obéissant aux moindres mots , se mettent en marche .C'est le seul moyen pour ne jamais être Gros-Jean comme avant  

Au fil du temps qui s'égrène au rythme des saisons , une force sensuelle puissante reliée à la terre nourricière aimantera le narrateur à l'artiste ! Une relation ambigue , presque perverse les lie l'un à l'autre : le narrateur s'impose dans son rôle de sauveur auprès de l'artiste qui l'entraine chaque fois plus loin dans l'attraction de la transgression ....
La scène finale , en apothéose , au bout de leur route commune ,  les unira à jamais , telle l'union charnelle au bout de l'impossible ....

Un roman faussement picaresque , Giono s'amuse avec son lecteur ....mais au delà de cette truculence qu'il lui plait à nous servir avec brio , il nous entraine dans les fanges les plus obscures de l'âme humaine dans une tragédie magnifiée par un lyrisme envoûtant !

J'ai adoré !  joie
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Cachemire
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptyLun 24 Mar 2014 - 18:44

églantine a écrit:
Les grands chemins .

Un roman faussement picaresque , Giono s'amuse avec son lecteur ....mais au delà de cette truculence qu'il lui plait à nous servir avec brio , il nous entraine dans les fanges les plus obscures de l'âme humaine dans une tragédie magnifiée par un lyrisme envoûtant !

J'ai adoré !  joie

Moi aussi  cheers 

Merci de ton commentaire!
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptyMar 25 Mar 2014 - 9:39

Chouette commentaire, églantine, qui dit bien toute l'ambiguïté, non seulement de la relation entre les deux hommes, mais également avec le reste de l'humanité croisée. Et cette langue, qui comme le dit Bédoulène, se garde longtemps en bouche...
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptyVen 28 Mar 2014 - 0:18

merci à vous deux Shanidar et Eglantine pour ces superbes commentaires qui j'ai plaisir à lire.

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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptyVen 28 Mar 2014 - 14:47

Comment un homme qui gagne sa vie honnêtement, sensible aux charmes de la Nature peut-il s’enticher d’un jeune homme qui le répugne ?

« Il lève la tête ; il a un vilain regard. » « Il ne me plait pas » … s’il me dit la vérité, j’ai peur qu’elle ne me dégoûte. »

C’est l’histoire d’une étrange amitié que dévoile l’auteur. La complexité de l’âme humaine,  perméable au mal, prête à se livrer.

« Je me dis qu’ il a trouvé mieux que le jeu : il triche.  Il n’a jamais de sécurité. Ses gains sont toujours contestables. Il risque constamment sa mise et sa peau ; et la mise ne compte pas puisqu’il triche, qu’il en dispose à son gré, le donne à Pierre ou à Paul pour préparer le gros coup. Ce qui compte, c’est sa peau, c’est ce qu’il risque ; le gros coup ne sert qu’à risquer plus. »

« (je le répète : il n’est pas obligé d’être un saint) c’est un bien plus beau joueur que nous. C’est lui joue la vérité. Tricher l’oblige à miser l’essentiel. Il est quelqu’un de plein. »

« On ne pouvait pas voir qu’il trichait, une fois qu’on avait vu qu’il vivait, on avait tout vu : le reste coulait de source. »


Le narrateur exprime son amitié par le partage, l’autre par l’acceptation du don.

Le caractère jusqu’au - boutiste  de l’artiste subjugue le narrateur lequel  devient au fil des pages de plus en plus opaque, accommodant sa morale aux actes, même les plus répréhensibles de son ami.

Alors qu’il est nettement plus âgé que le jeune homme il subit  les soubresauts de l’artiste se réjouissant même de ses critiques, il veut lui faire plaisir .

« Nous parlons de choses et d’autres et, au bout d’une heure, ex abrupto, il me dit très gentiment : « Tu es une vieille noix. » Je suis ravi. Je trouve que le jour est charmant. »

« Chapitre argent c’est terminé. Il me dit : donne. Je ne me dégonfle pas, je lui donne treize mille balles. »

« Il me dit : Si on traverse une  petite ville, paye moi une guitare. » J’y avais déjà pensé. Ces moments- là comptent parmi les plus heureux. »


Quant à l’artiste, lui  joue en permanence sa vie sur du hors - piste,  il est visible. Lorsqu’il n’aura plus la possibilité de continuer  dans cette voie il préfèrera abandonner sa vie aux mains du narrateur qui dans un dernier geste d’amitié ( ? ) la lui prendra.

"C'est beau l'amitié !"

ou bien se donne t-il le droit pour lui avoir donné son amitié et parce que l'autre se livre, de rendre justice  ?

L’homme poursuit son chemin sans en être affecté,  il  croit avoir égalé  l’artiste, il est allé au-delà de ce qu’il pensait être capable d’accomplir. simple fait ou fanfaronnade   :

"J'ai été finalement félicité par les gendarmes"



L’écriture de Giono, parfumée et colorée reste en bouche bien après la lecture. J’éprouve le besoin de revenir sur les mots,  à chaque fois un plaisir différent m’attrape.  Ce récit est jeu de piste où le lecteur se perd parfois,  mais où il peut aussi se poser et être surpris par  les personnages au détour d’un chemin.

Je vais suivre Giono sur un autre chemin.


Dernière édition par Bédoulène le Sam 29 Mar 2014 - 8:43, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptyVen 28 Mar 2014 - 15:12

Bédoulène a écrit:


L’écriture de Giono, parfumée et colorée reste en bouche bien après la lecture. J’éprouve le besoin de revenir sur les mots,  à chaque fois un plaisir différent m’attrape.  Ce récit est jeu de piste où le lecteur se perd parfois,  mais où il peut aussi se poser et être surpris par  les personnages au détour d’un chemin.

 bravo  Exactement Bédou , c'est aussi mon ressenti ! Ravie de ton commentaire . Very Happy
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptySam 29 Mar 2014 - 8:35

Les grands chemins

Je me retrouve assez bien dans ce que tu dis, Bédoulène. Après avoir beaucoup aimé le narrateur au début, j'y ai trouvé une grande ambiguïté qui m'a mise assez mal à l'aise. Je ne l'ai plus compris. Et j'étais au final très désarçonnée, quoique séduite par le style de Giono, une gaieté calme, cette proximité avec la nature, ce plaisir d'être soi-même, cet élément à la fois négligeable et indispensable d'un grand tout.

Je ne sais pas trop pourquoi, il m'est difficile de faire un commentaire plus approfondi, je n'ai pas partagé tout l' enthousiasme d'Eglantine, je n'ai pas ressenti la même complexité que Shanidar Je resterai en interrogation par rapport à ce livre, mais j'en ressors avec l'idée qu'il vaut sans doute la peine d'aller voir un plus loin chez Giono.
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptySam 29 Mar 2014 - 12:44

topocl a écrit:
Les grands chemins

Je ne sais pas trop pourquoi, il m'est difficile de faire un commentaire plus approfondi, je n'ai pas partagé tout l' enthousiasme d'Eglantine, je n'ai pas ressenti la même complexité que Shanidar Je resterai en interrogation par rapport à ce livre, mais j'en ressors avec l'idée qu'il vaut sans doute la peine d'aller voir un plus loin chez Giono.
C'est cette complexité qui m'a enthousiasmée car ce fut une réelle surprise .  Very Happy
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptySam 29 Mar 2014 - 15:10

topocl a écrit:
Les grands chemins

Je me retrouve assez bien dans ce que tu dis, Bédoulène. Après avoir beaucoup aimé le narrateur au début, j'y ai trouvé une grande ambiguïté qui m'a mise assez mal à l'aise. Je ne l'ai plus compris. Et j'étais au final très désarçonnée, quoique séduite par le style de Giono, une gaieté calme, cette proximité avec la nature, ce plaisir d'être soi-même, cet élément à la fois négligeable et indispensable d'un grand tout.

Je ne sais pas trop pourquoi, il m'est difficile de faire un commentaire plus approfondi, je n'ai pas partagé tout l' enthousiasme d'Eglantine, je n'ai pas ressenti la même complexité que Shanidar Je resterai en interrogation par rapport à ce livre, mais j'en ressors avec l'idée qu'il vaut sans doute la peine d'aller voir un plus loin chez Giono.
Je te comprends, Topocl. De Giono, je préfère la 2e manière. A partir de Le hussard sur le toit,
et notamment Un roi sans divertissement, Ennemonde et autres caractères, L' Iris de Suze,
Les récits de la demi brigade, Le Déserteur et autres récits
(il me semble que tu l' a lu et aimé
celui-là).
La plupart de ses nouvelles sont  souvent des merveilles.
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptySam 29 Mar 2014 - 15:12

J'ai lu le déserteur, mais tout seul, et il y a bien longtemps Que ma joie demeure.
Un roi sans divertissement me tente bien (j'ai toujours aimé ce titre)
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptySam 29 Mar 2014 - 16:24

topocl a écrit:
Un roi sans divertissement me tente bien (j'ai toujours aimé ce titre)
Pour une analyse comparée de la scène de battue avec celle des Grands chemins  sourire ?
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptySam 29 Mar 2014 - 16:35

A voir, un de ces jours  content !
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptyDim 30 Mar 2014 - 1:33

Prélude de Pan

 Nouvelle parue dans le recueil assez hétéroclite Solitude de la pitié, les nouvelles y sont courtes ou très courtes (NB: Pour le fil La première guerre mondiale en livres et en images: c'est dans ce recueil-là que se trouve Ivan Ivanovitch Kossiakoff, l'amitié très probablement autobiographique de Giono avec un soldat russe lors de la guerre de 14-18, bien qu'ils ne puissent communiquer par aucune langue commune).

 Elles furent écrites entre 1925 et 1932, publiées séparément dans diverses revues qui retouchèrent plus ou moins titres et textes, de là le malaise, ou le mal-être, que Giono conservera toujours envers les maisons d'éditions et "ceux qui publient" de façon générale.

 Les dix-sept pages de Prélude de Pan furent publiées pour la première fois par Henri Pourrat dans la revue l'Almanach des champs, en novembre 1929. Précision: on peut trouver ce texte aujourd'hui tiré à part dans les fameux Folio - 2€, sans acquérir le recueil Solitude de la pitié.

Le sujet:
 Quelques signes avant-coureurs auxquels on ne prête pas attention précèdent une fête annuelle de petit village montagnard. Alors que la fête débute dans un des deux cafés du village, entre un "étrange étranger" qui intime l'ordre à un bûcheron de cesser de traumatiser un animal (une colombe) qu'il a capturée et désailée...

  Nouvelle que j'ai très souvent relue - je n'ai pas le compte exact de mes relectures. On y trouve sur dix-sept pages tout un condensé de Giono:
D'abord, et le titre l'indique ainsi que l'histoire proprement dite (mais je ne dévoile pas !):
  On le sait épris de culture grecque classique, et même fin connaisseur - Prélude de Pan est un autre de ces renvois, ou clins d'oeil, à la culture grecque antique, et dès lors peut se situer non loin de l'inclassable "Naissance de l'Odyssée" , et pas seulement parce que ces textes se suivent d'assez près dans sa biographie (ils se suivent d'autant plus qu'on sait que Giono travaillait sur plusieurs livres à la fois). Oui c'est bien le Pan dont le nom a donné, en langue française, le mot panique. Et il y a -ne pas en dire plus !- un rendu assez bacchique dans ces pages.

 Condensé de Giono encore parce qu'on est toujours dans le registre rural et montagnard, terrien, mieux: tellurique.
 Ensuite parce qu'on est en plein dans cette veine du réalisme magique dont nous avons parlé sur ce forum à propos de bien d'autres auteurs (Nabokov, Marcel Aymé, Asturias, etc, etc...).
Condensé de Giono par la charge poétique, et par la qualité des suggestions, du non-dit mais laissé deviner, et toujours par l'extrême soin de la mise en relief des situations (le procédé littéraire).
Du pur Giono, aussi, par l'instrument de musique et son rôle, il y a si souvent si ce n'est presque toujours un instrument de musique chez Giono, et c'est rarement juste un objet anodin du décor, mais quelque chose qui déclenche, quelque chose de décisif.
Comme la guitare dans Naissance de l'Odyssée, dans Le chant du monde et dans Les grands chemins, la "monica" dans Un de Baumugnes,  l'accordéon dans Ivan Ivanovitch Kossiakoff et ici dans Prélude de Pan, le piston dans L'iris de Suse, etc j'en oublie très certainement beaucoup !

Extrait:
Citation :
Il pointa lentement son index vers Antoine et il lui dit:
 "Va chercher ton accordéon".
 Comme ça.

 Et c'était, autour, le grand silence de tous, sauf dehors, où la fête continuait à mugir comme une grosse vache. Et, pour moi qui était là, je peux vous dire, c'était exactement comme si j'avais eu la bouche pleine de ciment en train de durcir, et pour les autres ça devait être pareil, et pour Boniface aussi. Personne ne fit un geste, même pas des lèvres. Il y avait sur nous tout le poids de la terre.
 On entendait au-dessus du café le pas d'Antoine qui allait chercher son accordéon dans sa chambre, puis ce fut son pas dans l'escalier, puis le voilà.
 Il était là, avec l'instrument entre les mains. Il était prêt. Il attendait le commandement.
 "Joue", lui dit l'homme.
 Alors il commença à jouer. Alors, ceux qui étaient près de la porte virent arriver les nuages.

 Le gros Boniface laissa retomber lentement son bras. Et en ce même moment il levait la jambe, doucement, dans la cadence et l'harmonie de la musique qui était plus douce qu'un vent de mai. Pourtant ce que l'Antoine était en train de jouer c'était toujours la chose habituelle: le Mio dolce amore et sa salade de chansons qu'il inventait; mais ça avait pris une autre allure...
 Puis, Boniface leva l'autre jambe, et il arrondit ses bras, et il se dandina de la hanche, puis il bougea les épaules, puis sa barbe se mit à flotter dans le mouvement. Il dansait.
 Il dansait là, en face de l'homme qui ne le quittait pas des yeux. Il dansait comme en luttant, contre son gré, à gestes encore gluants. C'était comme la naissance du danser. Puis, petit à petit, toute sa mécanique d'os et de muscles, huilée de musique prit sa vitesse, et il se mit à tressauter en éperdu en soufflant des han, han, profonds. Ses pieds battaient le plancher de bois; il se levait sous ses pieds une poussière qui fumait jusqu'à la hauteur des genoux.

 On était là, comme écrasés, à regarder. Pour moi, je n'étais plus maître ni de mes bras, ni de mes jambes, ni de tout mon corps sauf ma tête. Elle, elle était libre; elle avait tout le loisir de voir monter l'ombre de l'orage, d'entendre siffler le vent du malheur. Pour les autres, je crois, c'était la même chose. Je me souviens. On avait été tous empaquetés ensemble par la même force. Le plus terrible, c'était cette tête toute libre, qui se rendait compte de tout.    
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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptyDim 30 Mar 2014 - 23:34

merci pour ton commentaire qui m'apprends plus sur Giono moi qui le connais si peu .

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MessageSujet: Re: Jean Giono   Jean Giono - Page 6 EmptyLun 31 Mar 2014 - 11:45

Merci pour tous ces éléments sur Giono, c'est toujours un plaisir de retrouver son nom écrit quelque part.

J'ai été très marquée par Colline, par ce sentiment grave qu'il y avait dans les soubassements de la terre quelque chose de profondément grondant qui pouvait peut-être être nommé "résonance de l'âme humaine", mais qui semblait à la fois être l'humain et le dépasser complètement. Je n'ai jamais été une grande adepte des termes "âme" et "humain", mais je n'en ai pas d'autres pour décrire le frisson pesant que j'ai ressenti tout au long de ma lecture.

Sans doute toutefois est-ce L'homme qui plantait des arbres qui s'est le plus imprégné dans mon esprit, par son bleu brumeux et sa régularité qui m'a donné l'impression d'être funambule et fait craindre de m'écrouler, de perdre le fil, à chaque page.



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