Glanages dans La Quinzaine Littéraire

shanidar a écrit:: ravie d'apprendre que Judith Hermann nous gratifie d'une nouvelle traduction (Alice est paru en 2009 en Allemagne !), peut-être prendras-tu le temps de nous en dire plus, bix...

Bien sur, Shanidar, c' est fait pour ça !

- Judith Hermann : Alice. - A. Michel/Les Grandes traductions

L' Allemande J. Hermann raconte l' histoire d' une femme confrontée à la mort de cinq hommes avec lesquels elle entretenait une relation, parfois lointaine. Réflexion mélancolique sur le temps qui passe, efface les etres et leurs valeurs, Alice évoque une société où l' engagement ne signifie plus rien.

L' absence de communication traverse ce 3e livre de J. Hermann qui, à 41 ans, porte haut les couleurs d' une nouvelle génération d' écrivains allemands, délestée du poids de l' histoire et de la culpabilité. Le revers de la médaille est ce sentiment de vide qu' éprouvent Alice et les autres personnages.

La focalisation d' Alice sur les faits et gestes finit par dressser le portrait d' une femme que le destin laisse indifférente. Elle voit disparaitre un monde sans jamais s' en émouvoir, comme s' il était vain de s' insurger, comme si elle était déjà trop fatiguée de combattre, lassitude qu' on trouve aussi chez d' autres allemands comme Katharina Hacker ou Christoph Hein.
Ce n' est pas la 1ère fois que J. Hermann raconte la mélancolie des femmes. Dans Rien que des fantomes, elles étaient meme sept... J. Hermann partage avec Reinhardt Jirgl, l' inquiétude de voir émerger une société déshumanisée, prise entre une frénésie de reconstruction et une lente déconstruction d' un langage réduit au rang de slogan.

"Des hotels à congrès, des hotels à touristes, des lofts, des usines et, derrière leurs fenetres panoramiques, des gens sur des escalators, tetes levées, uniformément tournées vers les écrans où les images se succédaient à toute allure. Panneaux publicitaires. Smoke fish. Play your heroes. Ubu Roi. Bang bang night is over.

Extraits de l' art de William Irigoyen.

Abeille bibliophile Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010

merci bix, j'apprécie le choix de J. Hermann de ne pas écrire de roman et j'aime la manière dont elle décrit le monde, la relation entre les hommes et les femmes, si en plus elle y ajoute la Mort, il y a de quoi, sans doute, y trouver son compte.
Je note également les autres auteurs allemands cités dans l'extrait (en particulier Jirgl...).

Cesare DE MARCHI. - La Vocation. - Actes Sud

En dépit de nombreuses recherches médicales et psychanalytiques, la folie reste une énigme. Nait-on fou ? Sinon comment passe-t-on de la normalité à la folie ? Quand peut-on dire qu' un sujet a perdu la raison ? La mécanique sociale a-t-elle une part de responsabilité dans ce genre de dérive ? Autant de questions qui sous tendent le roman de Cesare De Marchi.

Car il s' agit bien d' un roman et non d' un traité de psychiatrie. Tout se passe de nos jours, à Milan, et met en scène des personnages apparemment ordinaires, pris comme tout le monde, dabs la banalité du quotidien...

Le roman, commencé sur un rythme relativement lent, s' emballe au fil des pages, s' intensifie, et se charge de questions essentielles, de constats désespérants : comment la vie peut-elle écraser deux individus de valeur, Luigi et Giuseppe. L' un est pauvre, l' autre est malade ; tous deux refusent de se couler dans le moule de la normalité.
Enfin, comment une passion respectable, celle de l' histoire en l' occurence, peut etre destructrice, et conduit meme à la folie. Mais en fin de compte, qui est fou et qui ne l' est pas ?
Selon De Marchi, la folie est beaucoup plus répandue qu' on ne le croit... mais elle n' est pas toujours négative.

Un grand roman, exigeant, bien écrit et admirablement servi par la traduction de Marguerite Pozzoli.

Article de Monique Baccelli.

Tu connais un peu cet écrivain Bix ?

colimasson a écrit:: Tu connais un peu cet écrivain Bix ?

Pas encore, Coli ! Mais je peux t' affimer que je le connaitrai ! Glanages dans La Quinzaine Littéraire - Page 14 881974

Valentin JAMEREY-DUVAL : Mémoires. Enfance et éducation d' un paysan au XVIIIe siècle. - Minerve

Parmi ceux pour lesquels l' ascenseur social a fonctionné admirablement au cours du siècle des Lumières, il y a eu un petit paysan qui s' appelait Valentin, et qui s' enfuit de la maison maternelle pour échapper à un paratre malveillant, "tigre des plus cruels". Dans son "chétif village", appauvri par les imppts, où l' on tire le dable par la queue, en ne voyant de pain blanc que chez le curé, le garçon n' a pour ainsi dire rien appris.

"Mon éducation ne s' étendit guère au delà de ma nourriture ; on m' éleva à peu près comme on cultive les pla ntes, c' est à dire d' une manière tout à fait végétative."

Plus tard, comme dans les contes de fées, un prince predra Valentin sous son aile. Léopold duc de Lorraine repère le jeune autodidacte, et non sans difficulté à cause de l' entourage du duc, il finira par l' envoyer étudier à l' université jésuite de Pont à Mousson. Il finit par etre bibliothécaire à un très haut niveau social.

Ses mémoires, dont Rousseau eut certainment connaissance, sont un témoignage exceptionnel dans tous les sens du terme sur la paysannerie de son temps et dans l' invention du genre autobiographique.

Extraits de l' art. de Catriona Seth, La Quinzaine, n0 1 052

J' ai lu ce livre il y a quelques années et je vous le recommande personnellement. C' est effectivement un document exceptionnel et une vraie découverte.

bix229 a écrit:

colimasson a écrit:: Tu connais un peu cet écrivain Bix ?

Pas encore, Coli ! Mais je peux t' affimer que je le connaitrai ! Glanages dans La Quinzaine Littéraire - Page 14 881974

Bonne nouvelle ! Tu me tiendras au courant Wink

Sujet: Re: Glanages dans La Quinzaine Littéraire Lun 16 Jan 2012 - 15:09

Dans la Quinzaine, n° 1 053

- Antonio MUNOZ MOLINA : Dans la grande nuit des temps. - Seuil

- Don DE LILLO : Great Jones Street. - Actes Sud

- Patrick PECHEROT : L' Homme à la carabine. - Gallimard

- YI CHO'ONGJUN : Dialogue avec un arbre géant. - Actes Sud

- Nathalie LEGER : Supplément à la vie de Barbara Loden. - POL

- Jacues JOUET : La Seule fois de l' amour. - POL

- Edgar MORIN : Mes philosophes. - Germina

Sujet: Re: Glanages dans La Quinzaine Littéraire Mar 17 Jan 2012 - 18:56

YI CH'ONGJUN : Dialogues avec un vieil arbre. - Actes Sud

Disparu en juillet 2 008, le Sud Coréen a laissé une oeuvre dense, très estimée dans son pays. Peut etre avant tout connu pour ses nouvelles, une trentaine en 3 décennies.

Patrick Maurus, dont le role de passeur est incontesté, rappelle que l' écrivain est originaire d' une province ostracisée par le pouvoir politique... Cela explique sasn doute le sentiment de dureté qui se dégage de ce recueil de nouvelles écrites entre les années 60 et 80. Les personnages donnent l' impression de rejeter "ceux qui les rejettent, y compris dans le domaine économique".

Extrait de l' article de William Irigoyen, La Quinzaine, n° 1 053

Sujet: Re: Glanages dans La Quinzaine Littéraire Mer 18 Jan 2012 - 19:18

Nathalie LEGER : Supplémént à la vie de Barbara Loden. - POL

On entre dans le livre de N. Léger comme autrefois dans une salle obscure. Le film a déjà commencé et une "miniature diaphane" se déplace à travers décombres et éboulis. On est en Pennsylvanie, dans la région des mines. La femme se prénomme Wanda. Wanda est aussi le seul film réalisé par Barbara Loden, morte à 48 ans d' un cancer.

Introduction à l' article de N. Czarny, La Quinzaine, n° 1 053

Sujet: Re: Glanages dans La Quinzaine Littéraire Lun 30 Jan 2012 - 19:45

N° 1 O54, au sommaire :

- Christian Gailly : La Roue et autres nouvelles. - Minuir

- Jean Michel Maubert : Idiome. - M. Nadeau

- Dominique Eddé : Kamal Jann. - A. Michel

- Charif Majdalani : Nos si brèves années de gloire. -Seuil

- Mario Cuenca Sandoval : Le Voleur de morphine. - Passage du Nord Ouest

- Juan Marsé : Calligraphie des reves. - C. Bourgois

- Marcel Theroux : Jeu de pistes. - Plon/Feux croisés

- Edna O' Brien : Saints et pecheurs. - S. Wespieser

- Flann O'Brien : The best of Myles. - Les Belles Lettres

- Kazimierz Mokzarski : Entretiens avec le bourreau. - Folio

Comme d' habitude, si l' un de ces titres vous interesse, j' en parlerai en premier. Je le ferai de toute façon pour ce document extraordinaire qui vient d' etre réédité (Entretiens avec le bourreau). Je l' avais lu à l' époque. Il s' agit d' un livre qui est le fruit d' une rencontre très improbable entre deux codamnés à mort, dans une prison de Varsovie en 1949.

Le premier condamné est le général SS, Jurgen Stroop, qui dirigea les opérations de destruction du ghetto de Varsovie en avril-mai 43... le second est un patriote polonais, un officier de l' armée de l' intérieur (AK). Accusé de trahison par les communistes, il fut condamné à mort puis gracié et passera 11 années en prison.
La force du texte tient moins aux révélations historiques qu' au face à face.
Adam Michnik, figure majeure de l' opposition démocratique en Pologne, souligne dans sa préface à quel point ces "entretiens" délimitent une frontière infranchissable entre deux mondes, meme si les deux hommes sont persécutés par les memes policiers. Michnik voit en Moczarski un représentant de cette génération tragique, qui après avoir lutté contre le nazisme et avoir subi les tortures de la Gestapo, s' est retrouvée dans les mains du NKVD. "C' est un miracle dit il, que ces gens n'aient pas été submergés par la haine."

Juan Marsé : Calligraphie des reves. Bourgois

Un roman qui, plongeant une fois de plus dans la Barcelone de l' après guerre civile, rassemble des enjeux initimes et mémoriels tout en affirmant très haut une certaine conception de la fiction et de ses débordements salutaires.

La grande aventure de la vie demeure minuscule, immédiate, conformée par les petits riens infimes qui se déroulent en dehors de soi, "ce qui a étédépouillé de sens et de beauté et d' avenir," cette sorte de ballet agité d' "etres accablés aux pauvres élans sans importance, ne méritant aucune attention".

Extraits de l' article d' Hugo Pradelle.

Christian Gailly : La Roue et autres nouvelles. - Minuit

Un faux air de rien

Et revoilà Christian Gailly avec La Roue et autres nouvelles, en tout huit, guère plus de 10 pages chacune, ciselées.

En revanche quand il s' agit de gloser sur ce petit recueil, la tache est d' autant plus délicate, parce que son secret, à lui Gailly, c' est l' "atmosphère". On peut toutefois s' y risquer. Par exemple à partir d' une petite phrase :

"L' homme du film, un comique de la catégorie des grands perpelexes, pour fixer les idées quelqu' un du niveau de Stan Laurel."

Le film c' est Broken flowers, Jim Jarmush, 2005. L' homme, c' est Bill Murray, à ceci près que le narrateur de Gailly n' a pas allumé la télévision et qu' il regarde un écran vide qui lui renvoie sa propre image. Les narrateurs des huit nouvelles s' expriment à la première personne comme autant de doubles de l' auteur et tous ont mal à leur etre. Or ce mal , pour un jazzman, ça s' appelle le blues...

Ce n' est pas uniquement parce qu' il lui plait de nous raconter des histoires d' amour qui tournent mal, ou de se produire au beau milieu d' objets de mauvaise volonté que le charme de Gailly opère à ce point. Le jazz ça s' écoute, ça vous emporte dans le rythme, ça se murmure. On s' y abandone et on ne s' en lasse plus.

Extraits de l' article d' Agnès Vaquin.

J' ajoute que certaines critiques sont excellentes et vous motivent, quoi qu' on en dise... La preuve, j' avais envie de recopier tout l' article par pur enthousiasme !

Dominique Eddé : Kamal Jann. - A. Michel

Charif Majdalani. - Nos si brèves années de gloire. - Seuil

"Le Liban est inexplicable, (...) il est réfractaire à toute logique et en avance sur l' avenir." Dominique Eddé et Charif Majdalani en font une fois de plus la démonstration. Pourtant, chacun à leur manière, ces deux auteurs d' origine libanaise éclairent cette réalité inextricable et entreprennent, au travers de leurs fresques théatrales et des personnages singuliers qui les composent, de démeler l' histoire et le présent de ces pays qui ne cessent de se transformer au rythme des saisons.

Introduction à l' article de Benoit Laureau.

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