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| Gérard Garouste | |
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Auteur | Message |
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Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
| Sujet: Re: Gérard Garouste Lun 12 Nov 2012 - 12:19 | |
| Gérard Garouste était invité dans une librairie pas loin de chez moi pour évoquer son travail autour du texte de Cervantès. Une ambiance silencieuse où s’entasse un public assis sur des marches, parterre, sur des chaises, sur des sièges improvisés à roulettes régnait dans ce lieu. Beaucoup de monde pour écouter la parole du peintre et découvrir l’artiste qui aime à ponctuer ses interventions centrées sur l’art par des souvenirs personnels. C’est toujours émouvant de l’entendre évoquer sa vie auprès de son oncle bourguignon Severino Cassoti surnommé tendrement « Casso ». Ce personnage atypique très adroit de ses mains - Citation :
- « avait tout peint au minium, cette couleur argentée des tuyaux de poêle. Tout brillait, depuis la cheminée jusqu’à ses sabots. Et si quelqu’un lui demandait pourquoi peindre une cheminée, il répondait : Parce que ça sèche vite.
Il ne fallait pas chercher à le comprendre, il était fragile, inventif et souvent ivre. Il savait à peine lire et usait de peu de mots Mais il était malin et sabotait le mauvais sort. » L’intranquille, p.51-52 Ce qui m’a frappée dans ses paroles est son rapport au texte, aux sources, à la mythologie universelle. JE viens de relire son Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou. Et mon intuition au moment où je l’écoutais ainsi m’a dirigée un instant vers Henry Bauchau. Je ne peux résister à vous mettre la fin de son autoportrait : - Citation :
- « La peinture est mon instrument. Si j’avais été musicien, j’aurais joué du violon pour le grincement du passé, la mélancolie, la symphonie et la danse qu’il transporte en lui. C’est étrange comme souvent les toiles que j’ai tentées et jamais achevées correspondent à des choses belles de ma vie, la tante Eléo, l’oncle Casso sur le chemin du calvaire avec le curé, ce ciel divinement organisé entraperçu un soir de printemps et de délire. Ma peinture n’atteignait pas la beauté de ces personnages et de ces instants, elle était trop pleine de mon envie d’en découdre.
C’est terminé. » On retrouve au centre des passions de ces deux hommes l’art dans sa diversité (la musique, la peinture, la danse) et ce lien avec la folie. Un instant j’ai repensé à Œdipe sur la route quand il évoque dans son livre le tableau peint dans l’urgence lorsque sa femme, à bout, lui dit « peins ou je te quitte. » Je vous mets le passage exact : « - Citation :
- Une seule fois, un matin, je la revois très précisément devant la porte de la cuisine de Bourg-la-Reine, elle partait travailler, elle m’a dit sans forcer la voix : Ecoute, j’ai tout donné, je n’en peux plus. Si tu ne changes pas très rapidement, je vais te quitter.
Si elle lâchait, je lâchais aussi. La peur l’a emporté sur la dépression. Je suis resté debout devant mon chevalet. J’ai peint un homme marchant avec une besace et une canne sur un paysage qui semble calciné. C’est le tableau préféré d’Elisabeth. Une amie m’a dit reconnaître l’image du juif errant. » Une autre parole résonne en moi. Il est toujours surpris et curieux de savoir que ses tableaux ne lui appartiennent plus lorsqu’ils sont exposés. Chacun peut y voir ce qu’il a envie d’y trouver même si c’est à l’opposé de sa démarche. Pourtant il explique qu’aucun de ses tableaux ne sont datés et qu’il a recours à un système de clefs personnelles pour en répertorier les moments. De même qu’il aime glisser d’autres images sous ses toiles. Ainsi, la peinture devient comme un jeu, une énigme (Œdipe?) à résoudre ! - Citation :
- Toujours l’Intranquille p.173-174
« J’ai peint 600 tableaux, ils portent ma signature, mais pas de dates. Rien ne trahit les longs moments passés à ne pas peindre. Sur les toiles terminées, j’écris des lettres et des chiffres, un code secret qui m’amuse et que j’emprunte à un vieux système d’écriture babylonien, ça me permet de les classer et de les situer dans le temps. Ces signes mis bout à bout formeront un jour une phrase de cinquante lettres, que je ne dis pas, elle sonne comme une métaphore de ma vie. Il y a sûrement, derrière ce petit jeu, ce bon vieux fantasme de l’artiste qui veut croire que tout prendra du sens après la mort, qu’il laissera une trace. J’ai d’ailleurs glissé sous certaines toiles, Adhara notamment, bien des repentirs, c’est ainsi qu’on appelle les corrections des peintres, elles apparaissent au fil du temps quand la couleur s’use et laisse voir ses premières couches (…) Les repentirs me font penser au lapsus, à l’acte manqué. J’en ai glissé sous les couleurs, autant qu’il y en a dans la vie. Ils apparaîtront quand je ne serai plus là, ainsi je parlerai encore. » Je reviens plus tard pour d'autres réflexions et d'autres citations. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Gérard Garouste Mar 13 Nov 2012 - 22:37 | |
| Merci Esperluette !
Est-ce que tu as lu le Magazine littéraire du mois dernier ? Une double page était consacrée à Garouste et à son travail sur Don Quichotte. Si ça t"intéresse je peux te scanner ces pages et te les transmettre...
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| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Gérard Garouste Mar 13 Nov 2012 - 22:48 | |
| Merci à un gentil administrateur de bien vouloir modifier le titre du fil en orthographiant correctement Géra rd | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gérard Garouste Mar 13 Nov 2012 - 23:03 | |
| - Marko a écrit:
- Merci à un gentil administrateur de bien vouloir modifier le titre du fil en orthographiant correctement Gérard
C'est fait, tu as raison, c'est mieux sans faute ! | |
| | | Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
| Sujet: Re: Gérard Garouste Sam 17 Nov 2012 - 17:14 | |
| - colimasson a écrit:
- Merci Esperluette !
Est-ce que tu as lu le Magazine littéraire du mois dernier ? Une double page était consacrée à Garouste et à son travail sur Don Quichotte. Si ça t"intéresse je peux te scanner ces pages et te les transmettre...
Oh décidément, je suis à côté de la plaque, en ce moment! Je viens de découvrir cette réponse, Colimasson! Puisses-tu me pardonner, de cette indifférence momentanée! J'ai cru voir effectivement cette information et je veux bien (quand tu as deux minutes, hein!) les pages scannées... C'est gentil à toi! | |
| | | Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
| Sujet: Re: Gérard Garouste Lun 19 Nov 2012 - 20:24 | |
| Garouste a peu parlé de Don Quichotte mais il est certain que la littérature est au cœur de sa peinture, de sa vie. D’ailleurs si, il a évoqué la figure de Janus reproduite sur le coffret de la belle mais coûteuse édition Diane de Tellier, en rappelant qu’il s’agit du dieu des portes. Ce Dieu est représenté avec deux visages, l’un est tourné vers le passé et l’autre vers le futur. D’ailleurs, cela me permet de citer un autre passage de L’Intranquille dans lequel il rappelle (p.102) que : - Citation :
- L’étude m’a sauvé. Mes toiles n’affirment rien, elles sont une invitation à relire. J’ai défait lentement les nœuds en moi. « Je suis », ça n’existe pas en hébreu. On dit « je », « j’étais » ou « je serai ». D’un signe devant le mot, « j’étais » peut devenir « je serai » et inversement. Quand vous êtes du futur, vous êtes du passé. Les deux extrémités des temps peuvent se rejoindre, comme la première et la dernière lettre de la Torah, beth et lamed, comme Picasso s’inspirant de Rembrandt boucla la boucle où je me suis installé. »
La pièce de la maison dans laquelle il aime se réfugier se situe - Citation :
- « au rez-de-chaussée de la maison. Ce n’est qu’un bureau mais c’est là que je dessine, là que se prennent les décisions, là que je stocke les livres les plus importants, ceux qui m’ont éclairé et fait peindre, Dante, la Torah et ses traductions, le Talmud, mon dictionnaire d’hébreu, Cervantès et son Don Quichotte où j’ai entendu l’écho de mes questions. Ce chevalier errant, fous de romans de chevalerie totalement démodés, se fiche d’être de son temps, il joue avec son époque, le passé, le présent, le déjà-vu qui pourtant étonné, j’y ai reconnu mon défi à la peinture. Il fuit les archers de l’Inquisition, combat les chimères, les moulins à vent, et aussi son double, faux Don Quichotte qui m’a rappelé mon faux vendeur de meuble. Il cache des vérités profondes derrière la déraison et l’humour, il voit sa Dulcinée là où personne d’autre ne la voit, c’est la puissance du fou, car l’amour est folie. Il est devenu mon allié, il m’a procuré une profonde jouissance. Et lorsque au fil de mes lectures et des séminaires, on me fit entendre parmi les détails et les personnages une voix de marrane, un Juif niché entre les lignes de Cervantès, je jubilais. Ce chef-d’œuvre de la littérature, par tous commenté et célébré, cachait un autre monde.
Tout cela devait finir en peinture. Je l’ai laissé cheminer en moi et un jour, je m’y suis mis. Je me souviens avoir dit à mon analyste que j’en avais marre de l’élégance et de la bonne peinture, que j’adorerais faire quelque chose de mauvais goût, pas très académique. Faites de la peinture laide, m’a-t-il dit. J’avais besoin de nouveaux risques parce qu’il était passé entre d’illustres mains depuis Daumier jusqu’à Picasso, et parce que j’aimais tant ses personnages, son chevalier à la triste figure, que j’avais envie de les peindre au ras des pâquerettes, en insistant sur leurs expressions, comme le fait la place du Tertre à Montmartre, avec son clown triste. Face à ce totem de la littérature, je n’ai cherché ni la prouesse ni la séduction, mais le dérapage esthétique, l’ironie, le dérangement. Car la peinture n’a rien à voir avec la représentation, elle est là pour autre chose. » Lorsqu’il parlait de Don Quichotte, il évoquait ces deux figures, donc celle de Sancho Panza cet autre lui-même, et a rappelé la belle trouvaille de Rimbaud je est un autre. Grâce aux informations lues dans Le Magazine Littéraire (merci @Colimasson) je peux rappeler que Gérard Garouste se sent proche de Don Quichotte car il se sent, lui en tant que peintre, seul face aux avant-gardes. | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gérard Garouste Dim 10 Fév 2013 - 17:49 | |
| Petit article sur Garouste, à lire ici. - Citation :
- Garouste : délires et dépressions du peintre "fou"
Depuis 40 ans, le peintre, diagnostiqué bipolaire, a appris à dompter ses troubles, et sa femme, Elizabeth, à jouer les garde-fous. Regards croisés.
[...]
Plus tard, les mots ont changé. De fou, Garouste est diagnostiqué "maniaco-dépressif", puis bipolaire. Il cachera longtemps ses tempêtes : "C'était honteux. Un fou. Difficile à assumer, surtout dans ma famille, alors que pour mon père, les apparences, c'était tout."
[...] Aujourd'hui, c'est avec sérénité que le couple parle "des délires" du peintre, et de ses plongées dépressives. Dans la famille, on rit même de ses épisodes maniaques, ils font partie de la légende de ce père picaresque : il y a la fois où Garouste, invité à l'Elysée, demande à Chirac de s'allonger par terre, pour mieux regarder les sculptures, ou encore, celle où, attendu par une journaliste qu'il doit récupérer à la gare de Dreux, le peintre n'arrivera jamais : il est parti à Chartres, se fait pourchasser par les policiers pour avoir troublé un mariage, brûle ses papiers d'identité... [...] Elizabeth se souvient pourtant de l'angoisse. Du délire mystique qui a saisi son mari après la naissance de leur premier enfant, Guillaume. "Il était dans une obsession de pureté. Il voulait que je ne l'habille qu'en blanc. Il avait tout vidé à la maison. Dessiné un grand cercle par terre." [..] Lui : «Cela m'agace toujours un peu qu'on lie la folie à l'art. Moi, ma maladie m'a empêché de créer autant que j'aurais voulu. Et ce que j'ai peint pendant mes périodes de délire, je l'ai souvent détruit après, car je n'en étais pas satisfait. Heureusement, avec les nouveaux traitements, la psychiatrie, j'ai pu avoir de longs intervalles stables pour travailler. Je suis sûr que si Van Gogh avait eu cette chance, son oeuvre serait encore plus riche... [...]
Elizabeth est mon garde-fou au sens propre du terme. Elle repère les signaux d'alarme, l'excitation qui monte, la volubilité. Là, il faut me faire redescendre. C'est ingrat, car moi, je me sens tellement bien ! Mais même si je suis nostalgique de cet état de transe, le jeu n'en vaut pas la chandelle. La descente n'en est que pire." »
[...]
Le peintre, lui, s'est apaisé. Il ne peut plus prendre ce lithium qui lui a rongé les reins et ingurgite à la place un "médicament qu'on prescrit aux nourrissons pour les crises d'épilepsie". Ça marche bien. Il évite aussi "les lectures trop exaltantes", qui pourraient le faire basculer dans une "euphorie dangereuse ". Evite Paris, pour se ressourcer au calme, à Marcilly-sur-Eure, où il est installé depuis trente ans. Se force à dormir.
Et se méfie des chiffres : "En général, quand je pars en délire, je me mets à compter, les carreaux, les brins d'herbe, les étoiles. Je vois des correspondances mystiques partout. Je peux suivre une plaque minéralogique en voiture pendant des kilomètres et y voir un signe secret..." | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Gérard Garouste Sam 11 Jan 2014 - 7:53 | |
| - Citation :
- Trois ans après sa dernière exposition, Gérard Garouste revient à la Galerie Templon avec Contes ineffables. Cette exposition met en scène l'univers des mythes et des contes, privilégié par l'artiste pour évoquer des questions universelles telles que le rapport au temps, aux autres et à la connaissance.
Après s'être plongé dans le Faust de Goethe en 2011, Gérard Garouste choisit cette fois de ne pas se limiter à un seul sujet : tableaux, gouaches et sculptures sont structurés comme un rêve ; leur logique dérive de flux imprévisibles créant un effet de flottement qui forme le thème principal de cette exposition. L'artiste suggère ainsi que la connaissance s'enrichit d'une double lecture, l'une passant par l'entendement et l'autre par l'œil, exigeant de se laisser guider par l'imagination. Dans ces « images subliminales » faites de réminiscences et d'associations d'idées, on retrouve pêle-mêle Tintin et Milou de la bande dessinée d'Hergé, le Talmud, les fables de La Fontaine, les contes de la tradition ashkénaze, Don Quichotte, Faust et des références à l'histoire de l'art, Grünewald, Millet, les paysages romantiques,… source site de la Galerie | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Gérard Garouste Lun 10 Fév 2014 - 9:58 | |
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| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
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| Sujet: Re: Gérard Garouste | |
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| | | | Gérard Garouste | |
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