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| Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages | |
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+7Cachemire Madame B. kenavo Marko Aimiliona coline sousmarin 11 participants | |
Auteur | Message |
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Madame B. Zen littéraire
Messages : 5352 Inscription le : 17/07/2008 Age : 51
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Jeu 18 Fév 2010 - 22:12 | |
| Citation: | J'avais adoré l'expo Soulages mais j'avais eu la chance de bénéficier d'une visite guider pour mieux aborder son oeuvre sinon on retse au niveau du j'aime/ j'aime pas, il y a de belles rayures, c'est très noir. |
Lara a écrit: Presque ... c'est pour ça que j'aurais besoin d'explications. Citation: | Comme le dit Ragon, il faut savoir que pour Soulages, la peinture n'est pas un langage, elle n'a pas de signification. Il le rapporche des Nouveaux Romanciers comme Butor, Robbe-Grillet (tous ces gens là c'est la même époque) qui ont voulu en finir avec le roman traditionnel (celui qui raconte une histoire avec un début et une fin, à la Balzac) déjà mis à mal avec Gide fin XIXème, Kafka, Joyce et Woolf début XXème. Ainsi, le roman et l'art moderne ne chechent pas à dire quelque chose mais sont les lieux d'une recherche, d'une expériementation de la forme et de la matière. D'ailleurs, Soulages a toujours refusé de donner des titres à ses oeuvres. |
J'ai du mal à rapprocher la peinture moderne, du nouveau roman. Par exemple le fait que Soulage ne nomme pas ses toiles m'a décontenancée. Je te dis mon impression, je ne suis en rien catégorique parce que je n'y connais rien, et donc je m'abstiens de jugement absolu et figé. Il se trouve que par exemple l'anonymat de ces toiles rapproche sa création de la production en série, de par la froideur et le peu d'attachement que l'on peut y voir. J'ai eu l'impression d'une création à la chaîne. D'une création dont l'idée est intéressante, mais avec laquelle il n'y a pas matière à créer une oeuvre complète. Je trouve, que cette peinture là, ressemble à un genre de design. Je m'explique. Quand on regarde ces toiles on les imagine dans un salon, moderne sur une grande surface blanche, avec un canapé stylé, etc. On a du mal à concevoir la toile ailleurs qu'inscrit dans un espace. Elle ne se suffit pas à elle même. J'ai essayé de comprendre le jeux de lumière, ce noir qui en effet n'est pas qu'un noir, qui est une multitude noir différencié par des jeux de réflexion et de réfraction. Mais cela suffit-il? Oui, il se crée un espace supplémentaire entre l'observateur et l'observé en raison de la position de l'observateur. Oui, l'idée, du goudron, du verre et d'autres matériaux est ingénieux. Le système de raclage pour faire naître des couleurs uniques nées des différentes couches de peintures superposés, oui. Mais au delà? Une pierre striée trouvée à terre m'en dit tout aussi long. La feuille et ses rainures me racontent aussi une histoire de lumières et de couleurs? Je demande plus à la peinture. Sûrement ai-je raté quelque chose. J'aimerai réellement comprendre, ou du moins sentir, toute chose ne se comprend pas. Citation: | Si cela t'intéresse d'en savoir plus je me ferais un plaisir de continuer un peu demain en espérant ne pas avoir été trop obscure (le comble pour Soulages). | L'outre-noir même! J'avoue que ces mots pour expliquer sa peinture m'a plus touchée que la peinture en elle-même, ce qui est assez ennuyeux. Quand tu auras le temps dis en moi plus. Bonne soirée | |
| | | Madame B. Zen littéraire
Messages : 5352 Inscription le : 17/07/2008 Age : 51
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Jeu 18 Fév 2010 - 22:14 | |
| Lara, tu as finalement très bien saisi l'esprit de Soulages quand tu écris: </SPAN> Citation: | Une pierre striée trouvée à terre m'en dit tout aussi long. La feuille et ses rainures me racontent aussi une histoire de lumières et de couleurs? |
Tu demandes plus à la peinture (comme tu le dis) alors que Soulages vaut nous ramener aux choses simples et finalement profondes. Citation: | Quand on regarde ces toiles on les imagine dans un salon, moderne sur une grande surface blanche, avec un canapé stylé, etc |
Toi tu as trop lu Art.Pourtant, ses oeuvres sortent du "salon" comme avec les vitraux de Conques. D'ailleurs, Georges Duby rapproche l'art de Soulages à l'art cistércien qui se fonde sur un triple renoncement: celui de la couleur (qui représente la sensualité, celui du trait (la sensibilité), la figuration (qui cache la vraie vérité). J'ai bien conscience que c'est un peu complexe et qu'expliquer cela par écrit est difficile. Si tu veux je peux t'envoyer le livre de Ragon. Et puis si tu ne ressens rien, ce n'est pas grave. | |
| | | Cachemire Sage de la littérature
Messages : 1998 Inscription le : 11/02/2008 Localisation : Francfort
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Sam 20 Fév 2010 - 14:23 | |
| - Madame B. a écrit:
- D'ailleurs, Georges Duby rapproche l'art de Soulages à l'art cistércien qui se fonde sur un triple renoncement: celui de la couleur (qui représente la sensualité, celui du trait (la sensibilité), la
figuration (qui cache la vraie vérité).
Je suis tout à fait d'accord avec cette vision des choses... la peinture "dépouillée" de Soulages me touche vraiment ! L'artiste dit que cette façon de peintre est chez lui une quête de "silence" et de "spiritualité" (dans les commentaires qu'il a fait pour son exposition parisienne). Cette expo m'a beaucoup plu parce qu'elle permet de voir et comprendre l'évolution du peintre dans la durée. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Lun 1 Mar 2010 - 13:01 | |
| J'ai vu cette incroyable exposition et je n'ai pas trop envie d'entrer dans votre débat sur le fait de savoir si cette peinture peut générer de l'émotion ou non. Elle est pour moi simplement magique, puissante, fascinante à regarder et à ressentir. Ce qui m'importe au premier chef, c'est la réalité de la toile peinte: la couleur, la forme, la matière, d'où naissent la lumière et l'espace, et le rêve qu'elle porte Pierre Soulages, 1970 Tout est dit de la recherche de ce peintre abstrait dont on voit dans cette exposition une sélection d' oeuvres aux différentes périodes charnières de son travail. On parle souvent de ses noirs qui ne font que refléter la lumière... Mais c'est bien plus encore qui se passe sur ses toiles aussi rayonnantes, magnétiques, hiératiques et intenses que les monolithes de 2001 l'Odysée de l'espace. On nous dit en introduction que Soulages est resté fidèle à sa passion d'enfant qui voulait " peindre la neige" avec son encre noire sur le papier blanc. Noir couleur et noir matériau que l'on peut aussi sculpter, éclairer de l'intérieur par des sous-bassements de couleurs qui transparaissent à travers la peinture en donnant des reflets bleutés ou ocres à la surface suivant les cas... strier pour que la lumière de l'extérieur y pénètre et dialogue avec sa surface. Dans les années 50/70, le noir se détache sur un fond coloré qui en modifie la tonalité ou se dispute la toile avec des zones plus claires qui créent un effet de clair-obscur abstrait, géométrique. Puis apparait le "raclage" de la surface faisant réapparaitre les couleurs enfouies sous le noir. Il revient ensuite dans les années 70/80 à ses contrastes de noir et de blanc plus marqués, plus conflictuels. Et à partir de là il en vient à ce fameux " Outrenoir" qui donne droit à une salle simplement magique, presque mystique (salle 5 de l'expo) où les 3 toiles entièrement noires et striées sont exposées suspendues à quelques centimètres du sol, comme un triptyque en lévitation, dans une pièce dont les parois sont également noires en dehors du mur qui leur fait face et dont la blancheur provoque un dialogue en se reflétant sur la surface. Il parle d'"Outrenoir" parce que la lumière reflétée est comme "transmutée" par le noir. Un " noir qui cesse de l'être, devient émetteur de clarté, de lumière secrète. Outrenoir: un autre champ mental que celui du simple noir". Depuis, il crée des polyptyques, il trace de profonds sillons dans la toile, il explore encore d'autres moyens de faire entrer le "temps" dans ses toiles par les variations de la lumière extérieure sur la surface qui elles-mêmes sont modulées en fonction de l'endroit d'où l'observateur regarde la peinture. Ce qui fait d'ailleurs qu'aucune reproduction ou aucune photographie ne peut restituer l'expérience du regard face à ces toiles, en direct. Il y a une instantanéité de la vision pour chaque point de vue. ous une lumière naturelle, la clarté venant du noir évolue avec elle, marquant dans l'immobilité l'écoulement du temps.Les détracteurs n'y verront que des constructions intellectuelles stériles pour justifier toutes ces modulations autour de tableaux qui seraient finalement juste et banalement noirs, considérés comme "froids", sans émotion. Au contraire, l'exposition me parait bien montrer à quel point il se passe de choses sur ces toiles où le noir, les couleurs, la lumière et le regard de celui qui reçoit entrent en interaction pour créer des oeuvres incroyablement belles et vibrantes, essentielles et uniques. Soulages est un artiste génial qui à 90 ans passés peint encore des oeuvres qui resteront pour l'avenir. Allez voir cette expo! Il n'y en pas tous les jours d'aussi fortes. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Lun 1 Mar 2010 - 17:46 | |
| Extrait d'interview: - Citation :
- Vous êtes souvent considéré comme le peintre de mono-chromes noirs. A vous écouter, il s'agit d'un malentendu.
Absolument ! Il faut voir avec ses yeux, et pas avec ce qu'on a dans la tête. En réalité, mon travail est monopigmentaire mais à l'opposé du monochrome. Une salle à mi-parcours de l'exposition dissipera, j'espère, ce malentendu. Mes toiles seront accrochées dans cet espace où sol, murs, plafond seront également noirs. Grâce à ce dispositif, on verra que, dans mes peintures, il s'agit d'une lumière réfléchie, transformée et transmutée par le noir. Ce qui m'intéresse, c'est d'explorer les variations possibles des états de surface du noir. Et, avec une grande économie de moyens, de jouer des intensités de moments différents. Lorsqu'on y réfléchit, le noir est fondamental dans l'histoire de la peinture. Il y a trois cent quarante siècles, des hommes sont descendus peindre dans l'obscurité totale des grottes et peindre avec du noir. N'est-ce pas troublant ?
Vous faites sans cesse référence à la lumière qui émane de vos tableaux. Vos recherches s'apparentent-elles à une quête métaphysique ? Pour moi, non. Mais on peut dire que le noir est la couleur de notre origine. Avant de naître, nous sommes dans l'obscurité. Puis nous voyons le jour et nous allons vers la lumière. C'est ce que pensaient les Rose-Croix. Pour des raisons métaphysiques, Robert Fludd, un rosicrucien, a fait le premier carré noir, en 1617. Ce n'est pas Malevitch, en 1915, comme on le croit souvent.
Si ce n'est par sa dimension métaphysique, comment définir une oeuvre d'art ?
Un jour, au Louvre, j'ai été bouleversé par une sculpture mésopotamienne. Je me suis demandé ce que j'avais à voir avec l'homme qui a fait cela, il y a des siècles : je ne connais pas ses idées, nous ne partageons ni la même culture, ni la même religion. J'ai alors compris que mon intérêt n'était pas tourné vers ce que représentait l'oeuvre elle-même mais tenait à la forte présence qui s'en dégageait, liée aux qualités physionomiques de ses formes et non à une tentative "illusionniste" de restituer les apparences. Un art sans présence, c'est de la décoration. Je suis toujours allé dans ce sens.
Qu'en est-il de la dimension, elle, bien matérielle, de vos oeuvres ? Vous privilégiez, de longue date, les grands formats.
J'ai privilégié aussi - je l'analyse a posteriori - la verticalité. Très tôt, j'ai délaissé le chevalet pour peindre à même le sol, mais j'ai toujours pensé et vu mes toiles debout. J'ai abandonné les châssis standards du commerce et préféré décider moi-même des dimensions et des proportions de mes toiles. En général, j'ai choisi des rapports de dimensions irrationnels, plus dynamisants. Par exemple, celui qu'il y a entre la diagonale et le côté du carré. Je trouve cela plus agréable à l'oeil. | |
| | | domreader Zen littéraire
Messages : 3409 Inscription le : 19/06/2007 Localisation : Ile de France
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Lun 1 Mar 2010 - 21:31 | |
| - Marko a écrit:
- J'ai vu cette incroyable exposition et je n'ai pas trop envie d'entrer dans votre débat sur le fait de savoir si cette peinture peut générer de l'émotion ou non. Elle est pour moi simplement magique, puissante, fascinante à regarder et à ressentir.
Je ne saurais mieux dire Marko, je suis revenue de l'expo très heureuse, j'ai eu les mêmes impressions que toi, quelle énergie, quelle force se dégagent de ces tableaux ! L'expo est vraiment très bien conçue, car on suit la démarche de Soulages, sa recherche, jusqu'aux oeuvres très récentes du peintre. Il y a un travail extraordinaire au niveau de l'accrochage des toiles : premier choc dans le cabinet noir avec les trois toiles noires striées, puis plus loin avec ces peintures qui se répondent, se reflètent, s'entrecroisent - parfois suspendues dans les airs avec une oeuvre au recto et une au verso - elles appellent le spectateur à en faire plusieurs fois le tour, à se tourner et à se retourner encore. C'est ce qu'on appelle la scénographie (je crois) dans une expo, et bien celle-là était particulièrement réussie. Un moment magnifique ! Ce sont les derniers jours, ne la manquez pas ceux qui peuvent encore le faire. | |
| | | Madame B. Zen littéraire
Messages : 5352 Inscription le : 17/07/2008 Age : 51
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Lun 1 Mar 2010 - 21:45 | |
| Je suis ravie de voir que vous avez aimé l'expo. Domreader a écrit: - Citation :
- L'expo est vraiment très bien conçue, car on suit la démarche de Soulages
c'est d'ailleurs Soulages qui l'a conçue lui-même. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Lun 1 Mar 2010 - 23:20 | |
| - Madame B. a écrit:
-
Domreader a écrit: - Citation :
- L'expo est vraiment très bien conçue, car on suit la démarche de Soulages
c'est d'ailleurs Soulages qui l'a conçue lui-même. Effectivement ces "suspensions" et les échos entre les monolithes rajoutent un peu de dramatisation qui hypnotise. On ne sait plus où donner de la tête! | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Dim 7 Mar 2010 - 10:38 | |
| J'ai l'impression d'avoir raté quelque chose de fabuleux en vous entendant tous parler. Et bien je ne vous suis sur aucun point... Il me semble que l'explication qu'il donne de sa peinture est plus touchante que sa peinture en elle-même. Il aurait mieux fait d'écrire... Je trouve même assez drôle le décalage entre l'interprétation de ses oeuvres et les oeuvres elles-mêmes. Chacun y voit ce qui le touche, et vu qu'il n'y a pas grand-chose... la liberté d'imagination est encore plus grande... Je préfère les lignes d'une feuille arrachée à un arbre par un soir d'automne, je préfère les stries laissées sur une pierre par une rivière glacée, je préfère les rainures du bois qui racontent les siècles, plutôt que ces traits de l'esprit qui sont créer de force et admirer en masse. Pas besoin d'aller dans un musée pour prendre le temps de regarder le monde sous toutes ses lumières. Mais bon cela ne se discute pas le sentiment. |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Dim 7 Mar 2010 - 20:41 | |
| - Lara a écrit:
- J'ai l'impression d'avoir raté quelque chose de fabuleux en vous entendant tous parler.
Et bien je ne vous suis sur aucun point...
Il me semble que l'explication qu'il donne de sa peinture est plus touchante que sa peinture en elle-même. Il aurait mieux fait d'écrire... Je trouve même assez drôle le décalage entre l'interprétation de ses oeuvres et les oeuvres elles-mêmes. Chacun y voit ce qui le touche, et vu qu'il n'y a pas grand-chose... la liberté d'imagination est encore plus grande... Je préfère les lignes d'une feuille arrachée à un arbre par un soir d'automne, je préfère les stries laissées sur une pierre par une rivière glacée, je préfère les rainures du bois qui racontent les siècles, plutôt que ces traits de l'esprit qui sont créer de force et admirer en masse. Pas besoin d'aller dans un musée pour prendre le temps de regarder le monde sous toutes ses lumières. Mais bon cela ne se discute pas le sentiment. Oui, l'adhésion ou non à ce genre d'art, c'est comme la politique ou la religion, ça relève plus des goûts (et presque de la croyance personnelle) qu'autre chose. J'aurais peut-être dû aller voir l'exposition en vrai, mais ce genre de toiles se veulent profondes par le discours, et par la "potentialité", la part qu'y met le spectateur... comme si le peintre n'avait pas assez de force et de matière pour remplir sa toile de ce que lui veut dire... (mais bon, au moins, il peint, Soulages, il ne se contente pas de tas de sables, tas de vêtements, résidus de repas... le tout accompagné d'exégèses tellement puissantes...) Je suis peut-être handicapé, il doit me manquer ce qui fait que Marko, Domreader ou Madame B., Coline, Cachemire notamment arrivent à percevoir. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Lun 8 Mar 2010 - 0:49 | |
| - Lara a écrit:
- Je préfère les lignes d'une feuille arrachée à un arbre par un soir d'automne, je préfère les stries laissées sur une pierre par une rivière glacée, je préfère les rainures du bois qui racontent les siècles, plutôt que ces traits de l'esprit qui sont créer de force et admirer en masse. Pas besoin d'aller dans un musée pour prendre le temps de regarder le monde sous toutes ses lumières.
Mais bon cela ne se discute pas le sentiment. Ta réflexion me suggère 2 choses: Si la nature que tu décris, et à laquelle tu es sensible esthétiquement, "raconte les siècles" de l'histoire de notre planète, elle ne raconte rien de la condition humaine et de ses questionnements. Elle existait avant nous et elle existera probablement après malgré les menaces qu'on lui fait courir. Rien dans sa contemplation ne témoigne de notre empreinte en dehors de ce que nous lui faisons subir en modifiant et en altérant l'environnement. L'art a pour fonction d'utiliser cette nature, les éléments qui la composent et les matériaux qu'elle nous offre, pour témoigner de notre passage, de nos peurs, de nos interrogations, de nos émotions. Il vise tantôt une quête esthétique, tantôt une réfexion, une provocation ou un expérimentation, parfois tout à la fois... Il se différencie des autres productions humaines à visée utilitaire ou de survie, par son caractère a priori non indispensable (beaucoup de gens n'en n'ont pas besoin pour vivre) et par sa finalité purement intellectuelle ou affective. Un extra-terrestre débarquant sur terre aura peut-être davantage d'informations sur l'être humain en regardant une toile noire de Soulages qu'en regardant une rivière ou une chaîne de montagnes. Que l'homme ait besoin de témoigner de son passage ne me parait pas inutile. C'est probablement même vital pour supporter l'effroi du mystère et de l'absurdité de la vie, en tout cas pour exprimer des interrogations. La religion est l'autre invention humaine qui a tenté de donner du sens à ce qui n'en n'avait pas mais elle ne se suffisait pas à elle-même. Je pourrais te dire aussi que la musique de Bach ne me parait pas sans intérêt au regard du bruit du vent ou de la marée... Car l'art nous aide aussi à vivre quand la nature est un peu trop "indifférente" (pas toujours heureusement). Tu opposes dans ton post les "stries d'une rivière glacée" ou les "rainures du bois" aux stries des tableaux de Soulages qui ne seraient que des "traits de l'esprit", artificiels, et ne visant qu'à provoquer l'admiration béate. Et bien en partie oui! Ces stries sont intentionnelles, elles obéissent à des règles artisanales que Soulages a inventées, et elles tendent à créer un impact sur celui qui les regarde, éventuellement à provoquer de l'admiration. Elles répondent aussi à un besoin de cet artiste de nous raconter quelque chose, de dialoguer avec nous, d'exprimer des émotions et d'expérimenter un travail à partir de certains matériaux de base. Il ne se contente pas de badigeonner une surface de peinture noire, il sculpte sa matière, il invente une couleur qui est bien plus que du noir à partir d'un palimpseste de couleurs sous-jacentes, il dispose ses toiles dans un espace "théâtral", et il tente avec un langage minimaliste (l'opposition primordiale entre la lumière et les ténèbres) de créer de multiples combinaisons qui génèrent des sensations et des réflexions (comme Bach a décliné à l'infini ses fameuses fugues pour chercher une sorte d'harmonie universelle). On peut y être indifférent et s'en détourner, on peut aussi s'interroger sur ce qu'il veut nous suggérer (comme on peut percevoir la tristesse d'un Schubert ou la joie et les facéties d'un Mozart), on peut surtout ressentir la force indéfinissable, presque magnétique, de ces toiles qui tient à cette combinaison d'artifices intentionnels qui témoignent d'un travail complexe et original. L'art abstrait n' est finalement rien d'autre qu'une autre forme d' art "figuratif" qui ne tenterai pas directement de reproduire le réel mais chercherait à expérimenter des formes et à donner corps à des idées, des sensations, sans passer par le langage. Un monde de métaphores et de vibrations. Mais j'ai conscience que ce que je raconte ne te permettra pas pour autant de regarder une toile de Soulages autrement. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Mar 9 Mar 2010 - 18:37 | |
| - Citation :
- Si la nature que tu décris, et à laquelle tu es sensible esthétiquement, "raconte les siècles" de l'histoire de notre planète,
elle ne raconte rien de la condition humaine et de ses questionnements. Elle existait avant nous et elle existera probablement après malgré les menaces qu'on lui fait courir. Rien dans sa contemplation ne témoigne de notre empreinte en dehors de ce que nous lui faisons subir en modifiant et en altérant l'environnement .Je ne suis pas d’accord. Je pars du principe que l'homme a sa condition chevillée au corps. Quel que soit le regard qu'il porte sur le monde, son regard est humain, son regard relève de la pure interprétation. Il n’y a pas une nature, il y a autant de natures qu’il y a d’hommes. Il interprète la nature avec ses sens, avec son vécu, avec son affect. Il ne voit jamais réellement la nature. Quand l'homme à travers ses yeux d'homme voit la nature, il y voit nécessairement une part de lui, la nature n’est qu’un miroir. Tout est humain jusqu'à la poésie qu'il lui prête. On ne peut pas dissocier la nature de l’homme parce que la seule perception de la nature que nous ayons est humaine ! - Citation :
Un extra-terrestre débarquant sur terre aura peut-être davantage d'informations sur l'être humain en regardant une toile noire de Soulages qu'en regardant une rivière ou une chaîne de montagnes. L’extra-terrestre ne sera pas plus avancé avec une toile de Soulage qu’avec une rivière ou une chaîne de montages… C’est bien ce que je reproche à Soulage… Pour moi l’artiste se doit de me faire atteindre des choses que seule je n’aurais jamais atteintes, j’attends de l’artiste une transcendance ! - Citation :
- Je pourrais te dire aussi que la musique de Bach ne me parait pas sans intérêt au regard du bruit du vent ou de la marée...
Je ne comparerai pas Bach à Soulage ! - Citation :
- Et bien en partie oui! Ces stries sont intentionnelles, elles obéissent à des règles artisanales que Soulages a inventées, et elles tendent à créer un impact sur celui qui les regarde, éventuellement à provoquer de l'admiration. Elles répondent aussi à un besoin de cet artiste de nous raconter quelque chose, de dialoguer avec nous, d'exprimer des émotions et d'expérimenter un travail à partir de certains matériaux de base. Il ne se contente pas de badigeonner une surface de peinture noire, il sculpte sa matière, il invente une couleur qui est bien plus que du noir à partir d'un palimpseste de couleurs sous-jacentes, il dispose ses toiles dans un espace "théâtral", et il tente avec un langage minimaliste (l'opposition primordiale entre la lumière et les ténèbres) de créer de multiples combinaisons qui génèrent des sensations et des réflexions (comme Bach a décliné à l'infini ses fameuses fugues pour chercher une sorte d'harmonie universelle). On peut y être indifférent et s'en détourner, on peut aussi s'interroger sur ce qu'il veut nous suggérer (comme on peut percevoir la tristesse d'un Schubert ou la joie et les facéties d'un Mozart), on peut surtout ressentir la force indéfinissable, presque magnétique, de ces toiles qui tient à cette combinaison d'artifices intentionnels qui témoignent d'un travail complexe et original.
Tu compares fréquemment Soulage à de grands noms de la musique. Je ne suis pas émotionnellement d’accord avec ces rapprochements. Le problème quand on parle d’art c’est la subjectivité du mot. L’art pour moi est une transcendance de l’esprit. J’aime ce qui est beau Je sais que le concept aujourd’hui semble dépassé, mais beau n’est pas forcément esthétique, même s’il peut l’être. Il y a la beauté d’un Raisonnement, il y a la beauté de l’Âme, il y la beauté des Sentiments, il y a la beauté du Vrai, il y a de la beauté jusque dans le Mal. J’ai aussi une affection toute particulière pour l’art engagé.Tu dis l’art inutile, oui, je suis d’accord l’art n’est pas utile… il est nécessaire ! Il est nécessaire parce qu’il me fait croire un instant que je peux échapper à ma condition d’homme ou au contraire il me met nez à nez avec elle parfois avec violence et m’apprend ce que je suis. C’est ces deux aspects de l’art qui m’intéressent et quelque part ce sont deux aspects de transcendance. Or avec Soulage je ne me sens transcendée d'aucune façon...
- Citation :
- Mais j'ai conscience que ce que je raconte ne te permettra pas pour autant de regarder une toile de Soulages autrement.
Si c’est toujours intéressant d’écouter les autres. |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Lun 15 Mar 2010 - 22:18 | |
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| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Lun 15 Mar 2010 - 22:20 | |
| ça a lair très drôle. Et il doit quoi sur Soulages? | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Un peintre, un auteur 3 : Pierre Soulages Lun 15 Mar 2010 - 22:28 | |
| - Marko a écrit:
- ça a lair très drôle. Et il doit quoi sur Soulages?
Ben, c'est juste le héros récurrent qui parle avec la Panthère Rose. Et la légende dit : "En train d'expliquer l'oeuvre de Soulages à la Panthère Rose". C'est bébête, mais ça m'a amusé. Je préfère l'autre, où notre héros tend la main vers une oeuvre d'art quelconque, et où la gardienne dit : "S'il vous plaît ! Ne touchez pas à l'oeuvre d'art", à quoi notre héros lui répond : "Mais elle ne me touche pas !" | |
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