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| Giuseppe Ungaretti | |
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Auteur | Message |
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Cliniou Sage de la littérature
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| Sujet: Giuseppe Ungaretti Jeu 8 Avr 2010 - 12:16 | |
| Giuseppe UNGARETTI (1888-1970) - Citation :
(Biographie proposée sur Wikipédia)
De parents italiens, il naquit à Alexandrie où sa famille avait émigré, le père travaillant à la construction du canal de Suez. Il étudia pendant deux ans à la Sorbonne à Paris et collabora avec Giovanni Papini et Ardengo Soffici à la revue Lacerba. En 1914 il revint en Italie, et au début de la Première Guerre mondiale s'engagea volontaire pour partager le destin de ses contemporains. Il combattit au Carso (province de Trieste), puis en France. En 1916 il publia en italien le recueil de poésie Il porto sepolto où se reflètent son expérience de la guerre qui lui avait fait côtoyer la couche la plus pauvre de l'humanité, celle de la douleur quotidienne ; en 1919 il publia un deuxième recueil intitulé Allegria di naufragi où apparaît une nouvelle poésie, dégagée de la rhétorique et du baroque de Gabriele D'Annunzio. En 1933 parut Sentimento del tempo.
Bien que d'origine juive, il se rapprocha du catholicisme, jusqu'à se convertir, mais sans pour autant abandonner ses anciens coreligionnaires pendant la domination nazie.
Durant son séjour à Paris, Ungaretti fréquenta le philosophe Henri Bergson.
Après-guerre, il collabora assidûment à des revues et travailla dans un ministère comme professeur de langues. Il n'obtint de poste fixe que lorsque, du fait de sa renommée de poète, on le nomma en 1942 professeur à l'Université de Rome, un poste où il resta jusqu'en 1958. Avant cela, entre 1936 et 1942, il avait été professeur d'italien à l'Université de São Paulo (Brésil) ; c'est à cette période qu'il eut eut la douleur de perdre son fils, alors âgé de neuf ans.
Entre 1942 et 1961 il publia une suite de poésies intitulée Vita Di Un Uomo, qui l'assura aux côtés d'Eugenio Montale et de Salvatore Quasimodo comme l'un des fondateurs et membre éminent de l'école hermétique italienne.
L'évolution artistique de Ungaretti suit un itinéraire qui va du paysage à l'humanité, à la révélation religieuse, à l'impact du contact avec la puissance de la nature brésilienne, à la douleur de la mort de son fils et à son retour à Rome en début de seconde Guerre mondiale. Ces deux derniers événements sont à l'origine de son livre Il Dolore, publié en 1947. À travers le désespoir, le poète découvre la responsabilité humaine et la fragilité de ses ambitions. Ungaretti, au milieu du pessimisme avec lequel il considère le tragique de la condition humaine, décèle cependant, pour l'humanité, un message d'espoir.
Les vingt-cinq dernières années de sa vie représentent un examen critique du passé et laissent transparaître une grande soif de renouveau. Il mourut à Milan le 2 juin 1970.
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| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Jeu 8 Avr 2010 - 12:22 | |
| Bravo Cliniou ! J' avais pensé moi meme un fil sur Ungaretti, un des grans poètes italiens avec Montale et Saba. Je vais chercher quelques poèmes en français... | |
| | | Cliniou Sage de la littérature
Messages : 1116 Inscription le : 15/06/2009 Age : 54 Localisation : entre ici et ailleurs
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Jeu 8 Avr 2010 - 12:44 | |
| Merci Bix. Alors que j'étais occupée à présenter Le Port ensevelie, mon ordinateur est entré transe.....crise de délirium sans doute....bref, j'ai tout perdu. Mais j'y reviendrai | |
| | | Cliniou Sage de la littérature
Messages : 1116 Inscription le : 15/06/2009 Age : 54 Localisation : entre ici et ailleurs
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Jeu 8 Avr 2010 - 13:43 | |
| - Citation :
- Il y a eu d'abord, au commencement de la vie d'Ungaretti (né à Alexandrie d'Egypte), au commencement de sa poésie, le désert; le désert qui est le rien, le vide, l'éternité vide où toute vie semble à la longue s'ensevelie; qui est aussi l'espace où l'on s'élance, où l'on se risque, où l'on respire; il y a eu la nuit qui est une autre espèce de rien, une autre espèce d'étendue (effrayante comme la cécité, l'opacité); et la lumière même, quelquefois, au désert, est si violente qu'elle devient noire, qu'elle aussi absorbe, anéantit toute existence. [...]
L'allégresse, le premier livre d'Ungaretti, s'est d'abord intitulé l'Allégresse des naufrages: jamais l'exaltation ne va sans péril. De même qu'au vent et à la lumière aveuglante du désert ne résistent que l'os et le roc, de même qu'à l'épreuve de la guerre (celle de 14-18, vécue par Ungaretti dans le Carso) ne survit qu'un homme réduit à ses fibres élémentaires (l'"homme de peine", effrayé, endurant, meurtri, fraternel), de même, la poésie de L'allégresse semble le produit d'une calcination ou d'une érosion: nue, brève et rude; elle aussi une apparition sur l'étendue de la page, une venue et une fuite, le précieux tremblement du temps à peine saisi que libéré dans la durée. Ces poèmes eux-mêmes sont pareils à des tentes, haltes précaires: un moment de révolte, un moment de désespoir, un moment de trêve, d'attente, d'abandon, à peine le temps d'une réflexion, d'une sentence, et c'est déjà le silence. Un mot n'y est pas plus (mais pas moins) qu'une feuille qui tremble dans la nuit. P.Jaccottet L'allégresseIci, des traductions de Jean Lescure. FIN DU PREMIER TEMPS (Milan 191461915)TOUJOURS
D'une fleur cueillie à l'autre offerte l'inexprimable rien
ENNUI
Cette nuit elle aussi passera
Cette solitude tout autour ombre titubante des fils de tramways sur l'asphalte humide
Je regarde les têtes des cochers qui dans le demi-sommeil vacillent
LEVANT
La ligne vaporeuse s'efface au cerceau lointain du ciel
Claques des pieds claques des mains et la clarinette stridule ses arabesques et la mer est de cendre qui tremble douce inquiète comme un pigeon
Des émigrants syriens dansent à la poupe
A la proue un jeune type tout seul
Le samedi soir à cette heure les Juifs là-bas trimbalent leurs morts dans le trou d'escargot chancellement de ruelles de lueurs
Eau confuse comme le bruit de la poupe que j'entends dans l'ombre du sommeil
TAPIS
Chaque couleur s'étend à son aise et s'installe au milieu des autres couleurs
Pour être si vous la regardez plus seul
IL NAIT PEUT-ETRE
C'est la brume qui nous efface
Il naît peut-être un fleuve ici en haut
J'écoute le chat des sirènes du lac où se trouvait la ville
AGONIE
Mourir comme les alouettes altérées sur le mirage
Ou comme la caille passée la mer dans les premiers buissons parce qu'elle n'a plus désir de voler
Mais non pas vivre de plaintes comme un chardonneret aveuglé
SOUVENIR D'AFRIQUE
Le soleil enlève la ville
On ne se voit plus
Même les tombes lui résistent à peine
MA MAISON
Après tant de temps surprise d'amour
Je croyais l'avoir éparpillé aux quatre coins du monde
NUIT DE MAI
A la pointe des minarets le ciel pose des guirlandes de veilleuses
DANS LA GALLERIA
Un oeil d'étoile nous prie de la mare là-haut et filtre sa bénédiction glacée sur cet aquarium d'ennui somnambulique
CLAIR-OBSCUR
Même les tombes sont effacées
Espace noir infini descendu de ce bacon au cimetière
Il est venu me retrouver Mon camarade arabe qui s'est tué l'autre soir
Voici le jour encore
Les tombes reviennent tapies dans le vert sombre des dernières obscurités dans le vert trouble de la première clarté
PEUPLE
S'en est allé le troupeau solitaires des palmes et la lune infinie sur l'aridité des nuits
La nuit plus refermée tortue lugubre brasse ses écheveaux
Une couleur ne dure pas
La perle saoule du doute agite déjà l'aurore et à ses pieds momentanés la braise
Grouillen déjà les cris d'un vent neuf
Des ruches naissent dans lamontagne de fanfares égarées
Redevenez d'anciens miroirs lambeaux dissimulés de l'eau
Et tandis qu'à présent tranchantes les pousses des hautes neiges bordent
la vue familière à mes vieux dans la clarté calme s'alignent les voiles.
O ma Patrie chacun de tes jours s'est allumé dans mon sang
Tranquille tu t'avances et chantes sur une mer famélique | |
| | | Cliniou Sage de la littérature
Messages : 1116 Inscription le : 15/06/2009 Age : 54 Localisation : entre ici et ailleurs
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Ven 30 Avr 2010 - 11:11 | |
| Le Port Enseveli
IN MEMORIUM
Son nom c'était Mohammed Scheab
Descendait des émirs nomades s'est suicidé parce qu'avait plus de Patrie
Aimait la France changea de nom
Il fut Marcel mais pas Français savait plus vivre sous la tente des siens où l'on écoute la cantilène du Coran en buvant du café
Et ne savait pas délivrer la chanson de son abandon
Je l'ai suivi avec la patronne de l'hôtel où nous vivions à Paris au numéro 5 de la Rues des Carmes une ruelle en pente les murs fanés
Il repose au cimetière d'Ivry un faubourg qui semble éternellement dans une journée où s'en va la foire
Et peut-être suis-je seul à savoir encore qu'il a vécu.
LE PORT ENSEVELI
Y pénètre le poète et retourne à la lumière avec ses chants
et les disperse
De cette poésie il ne reste qu'un rien d'inépuisable secret
LINDOR DE DESERT
Balancement d'ailes de fumée tranche le silence des yeux
Avec le vent s'égrène le corail d'une soif de baisers
Je blêmis de stupeur c'est l'aube
La vie se transvase en moi dans un enchevêtrement de nostalgies
Je reflète à présent les coins du monde que j'avais pour compagnons et flairant l'étendue je m'oriente
Jusqu'à la mort à la merci du voyage
Nous avons les haltes du sommeil
Le soleil essuie les larmes
Je me couvre du manteau tiède de lin d'or
De cette terrasse de désolation je me penche dans les bras du beau temps
VEILLEE
Une nuit entière jeté à côté d'un camarade massacré sa bouche grinçante tournée à la pleine lune ses mains congestionnées entrées dans mon silence j'ai écrit des lettres pleines d'amour
Je n'ai jamais été plus attaché à la vie
AU REPOS
Qui m'accompagnera par les champs
Le soleil s'essaime en diamants de gouttes d'eau sur l'herbe souple
Je reste docile à l'inclination de l'univers serein
Les montagnes se dilatent en gorgées d'ombre lilas et vaguent avec le ciel
Là-haut à la voûte légère l'enchantement s'est brisé
Et je tombe en moi
Et je m'enténèbre dans mon coin.
PHASE D'ORIENT
Dans la mollesse mouvante d'un sourire nous nous sentons noués par un tourbillon de bourgeons de désir
Le soleil nous vendange
Nous fermons les yeux pour voir nager sur un lac des promesses infinies
Nous en revenons marquer la terre avec ce corps qui à présent pèse si fort
COUCHER DE SOLEIL
La peau du ciel éveille des oasis au nomade d'amour | |
| | | Cliniou Sage de la littérature
Messages : 1116 Inscription le : 15/06/2009 Age : 54 Localisation : entre ici et ailleurs
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Ven 30 Avr 2010 - 11:12 | |
| Ce qui précède n'est que le début du Port enseveli, je posterai la suite plus tard. | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Dim 2 Mai 2010 - 20:44 | |
| Merci pour ce fil sur Ungaretti qui m'était méconnu, et qui pourtant me semble si familier ... ... je le suivrai attentivement dans l'attente de l'acquisition de l'oeuvre de ce poète (lorsque mon banquier daignera élargir mon autorisation de découvert ) Je suis allée fouiner sur le Net, et j'ai découvert cette merveille : Balancement d’ailes de fumée tranche le silence des yeux Avec le vent s’égrène le corail d’une soif de baisers Je blêmis de stupeur c’est l’aube La vie se transvase en moi dans un enchevêtrement de nostalgies Cima Quattro, 22 décembre 1915 | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Dim 2 Mai 2010 - 21:06 | |
| J' ai lu les textes en prose d' Ungaretti, Innocence et mémoire et A partir du désert, il y a trop longtemps pour en parler. Lisez aussi Umberto Saba et Eugenio Montale autres grands poètes italiens à peu près de la meme génération. Ensuite, il y en a eu d' autres comme Zanzotto et Sandro Penna et bien d' autres... | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Dim 2 Mai 2010 - 21:13 | |
| Je connais Saba et Montale, aussi je ne comprends pas pourquoi j'ai laissé Ungaretti m'échapper. | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Lun 3 Mai 2010 - 8:46 | |
| merci pour ces extraits, j'ai apprécié. | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Mer 23 Mar 2011 - 10:33 | |
| J'ai tout perdu
J'ai tout perdu de l'enfance, Jamais plus je ne pourrai Perdre mémoire à crier.
L'enfance, je l'ai enfouie Au fond des nuits. A présent, lame invisible, Elle me coupe de tout.
Je me souviens comment J'exultais de t'aimer, A présent je suis perdu Dans l'illimité des nuits.
Désespoir incessant, croissant, La vie ne m'est plus rien, En travers de la gorge, Qu'un roc de cris.
(1937)
(Extrait de La douleur (Trad. Philippe Jaccottet), in Vie d'un Homme (1914-1970)/NRF Poésie/Gallimard) | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Mar 19 Avr 2011 - 17:05 | |
| Mon frère, si
Si, vivant, tu revenais à ma rencontre, La main tendue, Je pourrais de nouveau, Dans un élan d'oubli, serrer, Frère une main.
Mais rien de toi, de toi plus ne m'entoure Que rêves, que lueurs, Les feux sans feu du passé.
La mémoire ne déploie rien que des images, Et moi déjà Je ne suis plus pour moi Que le néant annihilant de la pensée.
(Extrait de la douleur, in Vie d'un homme, Poésie 1914-1970 / NRF / Poésie / Editions de Minuit-Gallimard) | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Ven 6 Mai 2011 - 10:06 | |
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Chant cinquième
Tu as fermé les yeux.
Et naît une nuit vague Pleine d'irréels creux, De sons morts, comme bruit de liège, De filets descendus dans l'eau.
Tes mains se transforment en souffle D'inviolables lointains Imprenables comme les images.
Et l'équivoque de la lune Et le balancement, très doux, Si tu me poses tes mains Sur les yeux, atteignent l'âme.
Tu es la femme qui passe Comme une feuille Et qui laisse aux arbres un feu d'automne.
(Extrait de "La mort méditée", traduction Pierre Jean Jouve, in "Vie d'un homme, Poésie 1914-1970 / Ed. Minuit Gallimard)
Illustration : "Les yeux clos" (1890), d'Odilon Redon | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
| Sujet: Re: Giuseppe Ungaretti Jeu 26 Mai 2011 - 10:33 | |
| Variations sur le rien
Ce rien de sable qui s'écoule Du sablier en silence et se pose, Et, fugaces, les traces en l'incarnat, En l'incarnat s'éteignant d'un nuage ...
Puis si la main renverse la clepsydre, Le mouvement recommencé du sable, L'argentement tacite du nuage Aux premières lividités brèves de l'aube ...
La main a retourné le sablier dans l'ombre Et de sable, silencieusement, le rien Qui s'écoule, est la seule chose qu'on entende Et, entendue, qui ne sombre dans le noir.
(Extrait de "La terre promise", trad. Ph. Jaccottet, in Vie d'un homme /Poésie 1914-1970/ NRF Poésie Gallimard)
Illustration : Orphée (1975) de Gustave Courtois | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
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| | | | Giuseppe Ungaretti | |
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