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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Sujet: Re: Michel Houellebecq Dim 29 Mar 2015 - 19:51
pia a écrit:
Merci! Tu aimes bien Houellebecq? Tu en as déjà lu? J'espère en tout cas que tu aimeras!
Déjà lu les particules élémentaires il y a longtemps et j'avais aimé .... Jamais replongé dedans car à l'époque cela faisait "genre" de le lire ...
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Michel Houellebecq Dim 29 Mar 2015 - 20:03
Je suis contente de voir que tu as apprécié au-delà des petites pointes provocatrices qui sont sa marque et sa personnalité mêmes... c'est vrai que c'est peut-être plus difficile de le lire quand on est soi-même parent ? je ne sais pas... je n'y avais pas pensé.
pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
Sujet: Re: Michel Houellebecq Jeu 2 Avr 2015 - 15:10
e
GrandGousierGuerin a écrit:
Jamais replongé dedans car à l'époque cela faisait "genre" de le lire ...
Oh d'accord!
colimasson a écrit:
c'est vrai que c'est peut-être plus difficile de le lire quand on est soi-même parent ? je ne sais pas... je n'y avais pas pensé.
Parents...Femme de mon âge....
Enfin il y a certains passages qui réconcilient.
ArturoBandini Sage de la littérature
Messages : 2748 Inscription le : 05/03/2015 Age : 38 Localisation : Aix-en-Provence
Sujet: Re: Michel Houellebecq Jeu 2 Avr 2015 - 19:35
Beau commentaire Pia, je te conseille également la lecture de La possibilité d'une île Grand Gousier Guerin!!
Deux petits extraits retrouvés:
MichelHouellebecq, La possibilité d’une île.
« Augmenter les désirs jusqu’à l’insoutenable tout en rendant leur réalisation de plus en plus inaccessible, tel était le principe unique sur lequel reposait la société occidentale. »
« Ce n’est pas la lassitude qui met fin à l’amour, ou plutôt cette lassitude naît de l’impatience, de l’impatience des corps qui se savent condamnés et voudraient vivre, qui voudraient, dans le laps de temps qui leur est imparti, ne laisser passer aucune chance, ne laisser échapper aucune possibilité, qui voudraient utiliser au maximum ce temps de vie limité, déclinant, médiocre qui est le leur, et qui partant ne peuvent aimer qui que ce soit car tous les autres leur paraissent limités, déclinants, médiocres. »
pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
Sujet: Re: Michel Houellebecq Sam 4 Avr 2015 - 6:30
Merci Arturo pour les extraits représentatifs et pour le p'tit compliment qui motive!
topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
Sujet: Re: Michel Houellebecq Dim 26 Avr 2015 - 17:05
Extension du domaine de la lutte
Citation :
Le désir lui-même disparaît ; il ne reste que l'amertume, la jalousie et la peur. Surtout, il reste l'amertume ; une immense, une inconcevable amertume. Aucune civilisation, aucune époque n'ont été capables de développer chez leurs sujets une telle quantité d'amertume. De ce point de vue-là, nous vivons des moments sans précédent. S'il fallait résumer l'état mental contemporain par un mot, c'est sans aucun doute celui que je choisirais : l'amertume.
Livre après lequel on n'a presque plus qu'à aller se pendre (rassurez-vous, je vais résister!). C'est l'histoire de la la décomposition d'un homme face à une société qu'il n'arrive pas à pénétrer, une société qui ignore la générosité et ne connaît que l'exigence, du fait de son arrogance, de sa pensée unique et de ses buts inutiles, apparence et sexe.
Dans la première partie, Hoeullebecq trompe son monde. On se croit parti dans un énième roman sur le monde du travail,où le sens de la formule compense un style d'une fadeur décidée.
Puis le roman dérive doucement vers l'étrangeté de son héros, son inadaptation fondamentale. Son cynisme tourne peu à peu à l'amertume puis au désespoir. Incapable de s'approprier un monde qui rejette les individus ne se suppliant pas à sa norme, n'arrivant plus à se contenter d'observer et de souffrir, il ne relève pas non plus le défi d'un acte fondamentalement absurde et définitif, le seul choix qui lui reste est l'effacement.
Citation :
Il ne reste plus que l'amertume et le dégoût, la maladie et l'attente de la mort.
Comme souvent dans mon expérience de Houellebecq, il y a une alternance de facilités, de provocation et de profondeur. Ce roman impitoyable se promène nonchalamment entre cynisme et cri de détresse, entre brio et platitude. Je dirais que j'ai pris plus de plaisir à la réflexion sur laquelle il m'a menée qu'à ma lecture.
Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
Sujet: Re: Michel Houellebecq Lun 27 Avr 2015 - 0:07
mitigé, mais qu'importe où tu trouves le plaisir !
pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
Sujet: Re: Michel Houellebecq Mer 29 Avr 2015 - 6:10
Tiens!La possibilité d'une île était un peu construit sur le même modèle. Beaucoup de provocations pendant la première moitié. Ce qui a le don d'irriter! Et puis cela change, le personnage montre ses failles et provoque plus de compassion, de compréhension.
topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
Sujet: Re: Michel Houellebecq Mer 29 Avr 2015 - 8:08
C'est un peu sa recette, j'ai l'impression. Mais peut-être que je me trompe, je n'en ai lu que trois.
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Michel Houellebecq Mer 29 Avr 2015 - 21:15
J'ai la même impression que vous. Et cette lutte intestinale qui se lit DANS le roman est troublante, pour ma part j'ai du mal à y résister et je suis toujours chamboulée par ses livres. Il y a une volonté de prendre la pose, qui se fait aussi jeter à terre par l'authenticité d'une mélancolie (le monde ne me mérite pas).
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Michel Houellebecq Lun 8 Juin 2015 - 22:32
- La Possibilité d'une île (2005). J'ai Lu. 447 pages. Prix Interallié.
Le livre est constitué de l'autobiographie d'un homme nommé Daniel, en alternance avec la lecture et le commentaire qu'en font ses lointains clones (ce sont des néo-humains). Le Daniel de notre époque est Daniel1 ; les Daniel du futur sont Daniel24, Daniel25... Chaque Daniel qui meurt est remplacé. Comment cette société de clones solitaires a-t-elle été créé ? Nous l'apprendrons au fil du roman. Les clones de Daniel ne connaissent plus ni le rire ni les pleurs. Ainsi, les néo-humains lisent les autobiographies de leurs prédécesseurs non sans une certaine incompréhension. Ici, c'est Daniel24 qui parle :
Citation :
"Certains de mes prédécesseurs, comme Daniel13, manifestent dans leur commentaire une étrange nostalgie de cette double perte ; puis cette nostalgie disparaît pour laisser place à une curiosité de plus en plus épisodique ; on peut aujourd’hui, tous mes contacts sur le réseau en témoignent, la considérer comme pratiquement éteinte." (page 61).
Mais venons-en au commencement, et à Daniel1. Notre héros est humoriste de profession.
Citation :
"Après mon baccalauréat, je m’inscrivis à un cours d’acteurs ; s’ensuivirent des années peu glorieuses pendant lesquelles je devins de plus en plus méchant, et par conséquent de plus en plus caustique ; le succès, dans ces conditions, finit par arriver – d’une ampleur, même, qui me surprit. J’avais commencé par des petits sketches sur les familles recomposées, les journalistes du Monde, la médiocrité des classes moyennes en général – je réussissais très bien les tentations incestueuses des intellectuels en milieu de carrière face à leurs filles ou belles-filles, le nombril à l’air et le string dépassant du pantalon. [...] Je ne veux pas dire que mes sketches n’étaient pas drôles ; drôles, ils l’étaient. J’étais, en effet, un observateur acéré de la réalité contemporaine ; il me semblait simplement que c’était si élémentaire, qu’il restait si peu de choses à observer dans la réalité contemporaine : nous avions tant simplifié, tant élagué, tant brisé de barrières, de tabous, d’espérances erronées, d’aspirations fausses ; il restait si peu, vraiment." (page 25).
Daniel est cynique :
Citation :
"Finalement, le plus grand bénéfice du métier d’humoriste, et plus généralement de l’attitude humoristique dans la vie, c’est de pouvoir se comporter comme un salaud en toute impunité, et même de pouvoir grassement rentabiliser son abjection, en succès sexuels comme en numéraire, le tout avec l’approbation générale. Mon humanisme supposé reposait en réalité sur des bases bien minces : une vague saillie sur les buralistes, une allusion aux cadavres des clandestins nègres rejetés sur les côtes espagnoles avaient suffi à me valoir une réputation d’homme de gauche et de défenseur des droits de l’homme. Homme de gauche, moi ? J’avais occasionnellement pu introduire dans mes sketches quelques altermondialistes, vaguement jeunes, sans leur donner de rôle immédiatement antipathique ; j’avais occasionnellement pu céder à une certaine démagogie : j’étais, je le répète, un bon professionnel. Par ailleurs j’avais une tête d’Arabe, ce qui facilite ; le seul contenu résiduel de la gauche en ces années c’était l’antiracisme, ou plus exactement le racisme antiblancs." (pages 26-27)
Daniel rencontre Isabelle, rédactrice en chef de la revue Lolita. Ecoutons-la :
Citation :
"Tu connais le journal où je travaille : ce que nous essayons de créer c’est une humanité factice, frivole, qui ne sera plus jamais accessible au sérieux ni à l’humour, qui vivra jusqu’à sa mort dans une quête de plus en plus désespérée du fun et du sexe ; une génération de kids définitifs. Nous allons y parvenir, bien sûr ; et, dans ce monde-là, tu n’auras plus ta place. Mais je suppose que ce n’est pas trop grave, tu as dû avoir le temps de mettre de l’argent de côté." (page 38).
Tout cela est amusant, et en même temps il y a un fond de vérité un peu désespérant là-dedans...
Il y a aussi des passages qu'on lit forcément différemment depuis les attentats de janvier 2015. A un moment, Daniel a un succès de scandale avec ses spectacles, notamment "On préfère les partouzeuses palestiniennes." :
Citation :
"Je quittai brièvement les pages « Spectacles » des quotidiens pour entrer dans les pages « Justice – Société ». Il y eut des plaintes d’associations musulmanes, des menaces d’attentat à la bombe, enfin un peu d’action. Je prenais un risque, c’est vrai, mais un risque calculé ; les intégristes islamistes, apparus au début des années 2000, avaient connu à peu près le même destin que les punks. D’abord ils avaient été ringardisés par l’apparition de musulmans polis, gentils, pieux, issus de la mouvance tabligh : un peu l’équivalent de la new wave, pour prolonger le parallèle [...] l’espace d’une ou deux saisons, je m’étais retrouvé dans la peau d’un héros de la liberté d’expression. La liberté, à titre personnel, j’étais plutôt contre ; il est amusant de constater que ce sont toujours les adversaires de la liberté qui se trouvent, à un moment ou à un autre, en avoir le plus besoin." (pages 46-47).
Houellebecq (enfin, Daniel) parle très bien de son chien, ainsi que des voitures en général, un sujet qui pourtant ne me passionne pas :
Citation :
"j’évoquai ma Bentley Continental GT, que je venais de troquer pour une Mercedes 600 SL – ce qui, j’en étais conscient, pouvait apparaître comme un embourgeoisement. S’il n’y avait pas de voitures, on se demande vraiment de quoi les hommes pourraient parler." (pages 123-124).
Les choses ont évolué depuis 2005 et l'écriture du roman. Maintenant, en plus des voitures, les hommes parlent de leur smartphone (mon écran est plus grand que le tien), du nouveau forfait téléphonique auquel ils ont souscrit. Et puis encore et toujours de sport, bien sûr, avec quelques considérations météorologiquesà la clef (ne pas oublier de dire "pourvu qu'il ne pleuve pas pour Roland-Garros" avec une certaine émotion dans la voix).
Dernière édition par eXPie le Lun 8 Juin 2015 - 22:32, édité 1 fois
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Michel Houellebecq Lun 8 Juin 2015 - 22:32
Il y a aussi des considérations vraiment pas inintéressantes :
Citation :
"Avant Duchamp, l’artiste avait pour but ultime de proposer une vision du monde à la fois personnelle et exacte, c’est-à-dire émouvante ; c’était déjà une ambition énorme. Depuis Duchamp, l’artiste ne se contente plus de proposer une vision du monde, il cherche à créer son propre monde ; il est très exactement le rival de Dieu." (page 147).
Puis, un jour, Daniel fait une rencontre qui va changer sa vie, ou plutôt ses vies : "Le couple était élohimite, c’est-à-dire qu’ils appartenaient à une secte qui vénérait les Élohim, créatures extraterrestres responsables de la création de l’humanité, et qu’ils attendaient leur retour. Je n’avais jamais entendu parler de ces conneries, aussi écoutai-je, au cours du dîner, avec un peu d’attention." (page 105).
Le roman bascule alors dans la description du fonctionnement d'une secte, avec ses problèmes (les relations extérieures ; la récolte de l'argent) et ses avancées scientifiques qui doivent aboutir à vaincre la mort. Ça tombe bien : Daniel vieillit.
Citation :
"Dans le monde moderne on pouvait être échangiste, bi, trans, zoophile, SM, mais il était interdit d’être vieux. [...] Eh bien oui j’étais un homme vieillissant, j’avais cette disgrâce – pour reprendre le terme employé par Coetzee, il me paraissait parfait, je n’en voyais aucun autre ; cette liberté de mœurs si charmante, si fraîche et si séduisante chez les adolescents ne pouvait devenir chez moi que l’insistance répugnante d’un vieux cochon qui refuse de passer la main." (page 198)
La Possibilité d'une île est un roman très sombre, cynique, provocateur et souvent très drôle. Il critique bien sûr la société contemporaine, sa bêtise (ce n'est pas difficile, mais même ainsi Houellebecq le fait très bien), mais il y a bien plus dans ce roman. C'est très bon, même si les passages situés dans le futur, surtout au début du livre, ne sont pas toujours aussi intéressants que le reste. Heureusement, ils sont courts. Ecoutons l'auteur parler de son roman bien mieux que moi :
Par contre, le film réalisé par MichelHouellebecq lui-même (2008 ; Benoît Magimel interprète Daniel), est assez raté. Bizarrement, il est languissant, mou. Il y a beaucoup de silences, alors que le livre est plutôt bavard (mais dans le bon sens). Houellebecq a voulu tenter quelque chose de plus que la simple adaptation son livre, ce qui est bien ; mais il s'est malheureusement planté : il a fait d'un livre drôle, un film souvent ennuyeux.
pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
Sujet: Re: Michel Houellebecq Jeu 11 Juin 2015 - 16:21
Et bien je me contenterai du bouquin que j'ai aimé comme toi.
tina Sage de la littérature
Messages : 2058 Inscription le : 12/11/2011 Localisation : Au milieu du volcan
Sujet: Re: Michel Houellebecq Sam 20 Juin 2015 - 22:27
PLATEFORME
Je l'ai presque fini. C'était un des seuls livres de l'auteur que je n'avais pas lu. Mais il était près de mon lit. Quel symbole !
Bien entendu, je reconnais la facture de ce maître désabusé et très drôle en même temps qu'est Houellebecq.
Aurais-je l'opportunité de le rencontrer avant de mourir ?
J'aurais des trucs à lui dire, il me subjugue littéralement.
Quant à sa façon de démonter la société "de loisirs" dans laquelle nous évoluons tous, où même la "culture" n'est rien d'autre qu'un pompe à fric, j'adhère.
Que dis-je !
J'en croise tous les jours des gugusses qui croient savoir, pouvoir, décider et sont...putrescibles.
Je reviendrai quand j'aurai fini.
Entre Shakespeare qui nous assène à quel point tout est théâtre (donc illusion) et Houellebecq qui scrute les dessous d'une l'économie attrape-nigauds, il ne nous reste plus grand chose d'authentique.
Vis-je ou rêvé-je?
ArturoBandini Sage de la littérature
Messages : 2748 Inscription le : 05/03/2015 Age : 38 Localisation : Aix-en-Provence
Sujet: Re: Michel Houellebecq Dim 21 Juin 2015 - 8:15
Je les ai tous lus, celui-ci fait partie de mes préférés.
Par contre je suis pas sûr que je voudrais le rencontrer, il fait un peu peur physiquement